Intervention de Antoinette GUHL

Réunion du 9 novembre 2023 à 11h00
Négociations commerciales dans la grande distribution — Vote sur l'ensemble

Photo de Antoinette GUHLAntoinette GUHL :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, 56 % pour le sucre, 42 % pour le paquet de spaghettis, 34 % pour le pack de lait, 26 % pour le papier-toilette, 24 % pour le fromage râpé : voilà l'explosion des prix durant ces deux dernières années. Ils sont la brutale illustration d'une réalité dangereuse, non pas pour tout le monde, mais pour les 5 millions de personnes qui en France ne réussissent pas à se nourrir.

Vous le savez, avec l'augmentation des prix, c'est la précarité alimentaire qui explose. Il faut agir, et vite. C'est ce que ce projet de loi portant mesures d'urgence pour lutter contre l'inflation des produits de grande consommation aurait dû faire.

Madame la ministre, la rapporteure a indiqué que le doute subsiste toujours quant aux effets de ce texte : seront-ils bénéfiques, au contraire négatifs, ou ce texte n'aura-t-il en réalité aucun effet sur les prix ? Nous nous sommes posé cette question lors des réunions de la commission des affaires économiques et de la commission mixte paritaire, mais nous n'avons pas la réponse.

Il y a un point positif dans ce texte, et un seul : les petites et moyennes entreprises auront quinze jours d'avance dans les négociations par rapport aux grands groupes. Nous pouvons nous en réjouir : grâce à cela, elles gagneront peut-être quelques mètres de linéaire chez les distributeurs.

C'est important pour le groupe écologiste, parce que nous soutenons les petites et moyennes entreprises, notamment celles du secteur bio, mais aussi toutes celles qui fabriquent des produits sous signe de qualité.

Le débat reste donc entier concernant l'encadrement des marges, le prix des produits, ainsi que la protection juste des agriculteurs et des agricultrices.

Les surmarges de la grande distribution persistent, et représentent même plus de la moitié de l'inflation. Elles persistent en particulier sur les fruits et légumes, et encore davantage sur les fruits et légumes biologiques. Je prendrai un exemple concret pour l'illustrer, qui n'a fait que s'amplifier depuis 2019.

Pour 1 kilogramme de pommes non bios, la marge de la grande distribution est de 87 centimes ; pour 1 kilogramme de pomme bios, la marge des distributeurs s'élève à 2, 17 euros. Aucune justification n'est donnée à cet écart ; c'est inadmissible.

J'attends donc avec impatience, madame la ministre, la mission gouvernementale mise en œuvre sur les négociations commerciales, à l'occasion de laquelle, je l'espère, nous aborderons la question de l'encadrement des marges.

Ces surmarges représentent une part importante du prix des produits biologiques, et sont donc pour beaucoup à l'origine du ralentissement de leurs ventes.

Comment protéger nos agriculteurs et nos agricultrices ? Comment aller vers un modèle agricole plus respectueux des sols, du vivant, de la consommation d'eau, mais aussi meilleur pour la santé, si les produits bios sont toujours perçus comme très chers, voire comme trop chers ?

Pourtant, la qualité de notre alimentation est un enjeu capital de santé publique. Maladies cardiovasculaires, obésité, diabète : autant de maladies liées à la consommation de produits transformés ainsi qu'à une alimentation déséquilibrée ; elles augmentent en permanence.

Elles coûtent bien plus cher à l'État in fine que si le problème était réglé en amont. Dès la semaine prochaine, nous allons débattre en séance du budget 2024 de la sécurité sociale. Je le dis : l'absence d'action pour maîtriser les marges et les prix, pour faciliter l'accès à une alimentation saine, nutritive et de qualité pour toutes et tous, coûte très cher à l'État et altère la santé de nos concitoyens.

En conclusion, je vous proposerai, madame la ministre, de changer de paradigme, d'encadrer fermement les marges et les surmarges des distributeurs, de soutenir davantage l'accès à une alimentation saine et nutritive, de protéger nos agriculteurs et nos agricultrices, de lutter contre la précarité alimentaire, et de soutenir les expérimentations de sécurité sociale alimentaire dans nos territoires. Voilà ce qu'aurait dû contenir ce projet de loi, et voilà aussi ce qu'il ne contient pas.

Vous l'aurez compris, notre groupe votera contre ce texte.

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