En de nombreuses occasions, notamment dans la presse, vous avez fait référence à ce texte en l'appelant d'emblée la loi Darmanin. Pourtant, vous feignez soudainement de vous préoccuper de l'équilibre pour éviter d'aborder les sujets difficiles, mais vous ne trompez personne.
Je remercie le président de la commission de sa présentation, ainsi que les services de la séance, qui ont accepté de maintenir l'ordre d'examen annoncé, qui aboutira à ce que l'article 3 devienne l'article 4 bis. Peu importe son numéro, au fond…
La volonté du Gouvernement était de régler deux difficultés auxquelles le pouvoir réglementaire ne permet pas de remédier.
La première difficulté tient au fait que la régularisation d'un travailleur en situation irrégulière ne peut se faire si son employeur ne le souhaite pas. Cela concerne des personnes qui travaillent parfois dans des conditions très différentes – nous l'avons évoqué lors de l'examen des précédents articles.
Je rappelle aussi que les régularisations fondées sur la circulaire Valls relèvent essentiellement du volet famille, puisque leur nombre s'élève à 23 000 par an, contre seulement 7 000 par an pour le volet travail.
Le code du travail conditionne la régularisation d'un travailleur en situation irrégulière à l'obtention d'un formulaire Cerfa signé par l'employeur. Telle est la raison pour laquelle, en dépit de la volonté politique ou préfectorale, certaines régularisations n'ont pas lieu. C'est aussi pour cela que des personnes soutenues par des élus, des syndicats et des associations se massent devant les préfectures. La loi est au-dessus de la volonté préfectorale ou ministérielle.
La première volonté du Gouvernement était de mettre fin à ce servage des temps modernes par lequel l'employeur peut s'opposer à la régularisation d'un employé.
Les employeurs qui s'y opposent le font, non pas évidemment dans un souci de lutte contre l'irrégularité – dans ce cas, ils n'auraient pas embauché un salarié en situation irrégulière ou ils s'en seraient séparés rapidement une fois qu'ils s'en seraient rendu compte –, mais parce qu'ils redoutent que l'on découvre qu'ils emploient d'autres personnes en situation irrégulière et appréhendent les contrôles, notamment de l'inspection du travail, qui en découleraient.
Un article qui a hélas ! été supprimé par la commission des lois – nous y reviendrons dans la suite du débat – prévoyait à ce titre des sanctions administratives très fortes contre toute entreprise employant des personnes en situation irrégulière sans qu'elle ait manifestement été trompée par celles-ci.
Le dispositif gouvernemental prévoit donc de faire sauter ce verrou qui, dans le code du travail, empêche de régulariser un travailleur en situation irrégulière sans l'accord de son employeur.
La seconde difficulté concerne les « ni ni », c'est-à-dire ceux qui ne sont ni expulsables ni régularisables, et qu'il faut régulariser dans certaines conditions.
Ces personnes ne sont pas expulsables, car elles sont établies en France depuis de longues années et que leur vie privée et familiale est ancrée en France – la moitié des personnes concernées vivent sur notre sol depuis plus de dix ans, elles sont donc arrivées bien avant le premier quinquennat d'Emmanuel Macron. Elles ne peuvent toutefois être régularisées, car aucune disposition légale ou réglementaire ne le permet, sauf quelquefois la circulaire Valls.
Ces personnes étant souvent employées dans des métiers dits en tension, on ne peut opposer à leur régularisation l'argument du chômage, auquel le Gouvernement est du reste sensible. L'article 3 prévoit d'ailleurs que les régularisations ne pourront intervenir que pour les salariés exerçant des métiers dits en tension et dans certaines zones géographiques tendues où le taux de chômage est faible. Il faut de plus que les personnes satisfassent à certains critères, notamment qu'elles résident depuis plus de trois ans sur le territoire national.
Le dispositif gouvernemental aurait permis à ces personnes d'obtenir un titre de séjour d'un an n'ouvrant pas droit au regroupement familial – cela est précisé expressis verbis dans le texte.
Nous avions également assorti ce dispositif d'une clause de trois ans qui prévoyait son extinction à la fin de l'année 2026. Il était évident que personne n'aurait pu former le projet de venir en France pour obtenir une régularisation dans ce cadre et que nous évitions donc tout appel d'air. Toujours est-il que, la caricature étant toujours plus facile, j'ai eu du mal à expliquer ce point dans les médias.
Comme je l'ai déjà indiqué, le Gouvernement estime toutefois que l'esprit de compromis doit l'emporter. L'essentiel est que puisse être adoptée une disposition permettant la régularisation de personnes qui travaillent dans notre pays depuis longtemps et dont les employeurs refusent de signer le formulaire Cerfa permettant de les régulariser par peur que l'on découvre le pot aux roses.
J'appelle de mes vœux l'accord qui a été trouvé hier soir par la majorité sénatoriale au travers de l'amendement n° 657, dans l'adoption permettra l'insertion d'un article 4 bis. Cette solution est acceptable pour le Gouvernement, …