Intervention de Nicole Bricq

Réunion du 29 octobre 2009 à 9h00
Portefeuille de négociation — Rejet d'une proposition de résolution européenne

Photo de Nicole BricqNicole Bricq, co-auteur de la proposition de résolution :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires européennes, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, la proposition de résolution européenne du groupe socialiste que j’ai l’honneur de présenter et dont nous allons débattre porte sur la proposition de directive du 13 juillet 2009 relative aux exigences de fonds propres pour le portefeuille de négociation, pour les retitrisations et la surveillance prudentielle des politiques de rémunération.

Nous avons déposé ce texte le 24 septembre dernier, avant la réunion du G 20 à Pittsburgh, parce que les sujets qu’elle traite sont au cœur des discussions internationales et européennes pour réguler les marchés financiers.

Nous en débattons après le sommet de Pittsburgh, dont la déclaration finale contient des termes suffisamment vagues pour laisser aux États l’initiative d’agir.

Cette proposition de résolution est destinée aux instances européennes qui élaborent les directives et les règlements que nous aurons à transposer. Elle envoie aussi un message au Gouvernement qui les négociera. Elle concourt à donner de la visibilité aux travaux menés par la commission des finances du Sénat et par le groupe de travail réunissant sénateurs et députés qui ont fait des propositions au Président de la République avant chaque réunion du G 20.

Enfin, elle valide l’idée communément partagée par les parlementaires que la politique doit s’approprier le champ de la régulation financière, champ qu’on a trop souvent délaissé au profit de comités ou d’organismes sans légitimité démocratique.

Or, le sauvetage du système financier n’a été possible que grâce à l’intervention des États, qui, après avoir joué les pompiers, ne peuvent laisser le feu reprendre. Pourtant une bulle financière chasse l’autre. La hausse des bourses, alors que l’économie réelle se traîne, ne laisse pas d’inquiéter et démontre que les mauvaises habitudes persistent.

Le sauvetage du système financier, sans contreparties ni sanctions, n’a pas modifié fondamentalement les mentalités qui nourrissent les bulles spéculatives.

Les banques s’empressent de rembourser les aides publiques afin d’avoir les mains libres pour faire leur marché – la crise favorisant les concentrations – ou pour provisionner la distribution ultérieure de bonus.

Tout ne peut pas recommencer comme avant ! Nous l’avons tous dit.

En conséquence, il faut d’abord combattre l’hypertrophie des marchés financiers, fondée sur la recherche de la rentabilité maximale obtenue en un minimum de temps ; il faut ensuite dénouer le lien entre les prises de risques irresponsables assorties à des rémunérations déraisonnables, non seulement des opérateurs de marché, mais aussi des dirigeants des sociétés cotées, qui ont alimenté la spirale de la bulle financière ; il faut enfin être efficace et promouvoir des pratiques responsables capables de contenir le risque afin qu’il ne retombe pas en dernier ressort sur les contribuables.

M. le rapporteur général, qui est aussi rapporteur au fond de la commission des finances, a pointé les convergences de quelques-unes de nos propositions avec celles de la commission des finances et du groupe de travail des sénateurs et des députés sur la crise financière. Est-ce la promesse que, sur tous les bancs de cet hémicycle, nos collègues accepteront la discussion au fond de nos propositions ? Cela me paraît souhaitable et même nécessaire.

L’objectif de cette proposition de résolution tient en trois mots : sécurité, transparence, responsabilité.

La prévention du risque et la responsabilisation du secteur financier et bancaire doivent passer par l’augmentation des fonds propres, proportionnellement au risque pris. Nous proposons que les banques et les établissements financiers apportent une contrepartie assurancielle aux risques qu’elles prennent, cette taxe pouvant alimenter un fonds de garantie destiné à être appelé en cas de retournement. Cette approche préventive nous paraît la plus efficace pour contenir les dérives.

Nos collègues Jean Arthuis et Philippe Marini veulent assortir cette taxe d’une contrepartie qui allégerait les établissements bancaires de la taxe sur les salaires. Ce disant, ils font droit à une très ancienne et constante revendication du secteur bancaire et lancent ainsi un ballon d’essai qui déplace le débat sur le terrain fiscal. Nous en débattrons lors de l’examen de la loi de finances.

En outre, ils ont habilement développé ce concept pour faire contre-feu à la mesure défendue par nos collègues députés socialistes à l’Assemblée nationale concernant la taxe exceptionnelle à l’impôt sur les sociétés payé par les banques, qui a donné lieu à quelques cafouillages dans les rangs de la majorité.

L’amendement de nos collègues socialistes intervenait ponctuellement et a posteriori. Il n’est absolument pas contradictoire avec notre proposition, qui est pérenne et a priori.

Dans un cas, on exige des banques qu’elles apportent une contrepartie fiscale à l’aide de la nation, dans l’autre, on cherche à les dissuader de prendre des risques excessifs dans un but spéculatif.

Demain, la crise financière passée, la concentration du secteur financier et bancaire en entités encore plus grandes fera planer le risque qu’en cas de nouvelle crise financière nous ne pourrions plus, État et contribuables, disposer des ressources suffisantes pour les secourir.

Il faut nous assurer à l’avance que les fonds reposeront sur un titre de garantie. Si nous proposons ce dispositif au niveau européen, car tel est selon nous l’échelon pertinent, rien n’empêche aujourd’hui de le faire au niveau français, auprès d’une autorité unique qu’on nous promet – Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi l’a dit et répété – pour la fin de l’année.

Si en contrepartie on y ajoute, comme nos collègues Arthuis et Marini le souhaitent, un allégement fiscal au produit identique, la mesure perd tout effet dissuasif.

En matière de gouvernance et d’encadrement des rémunérations des dirigeants de sociétés cotées et des établissements opérant sur les marchés financiers, nous vous proposons – et cela fait débat – de défendre la limitation et l’encadrement des rémunérations des dirigeants des sociétés cotées.

Nous exerçons, en quelques sorte, un droit de suite à la proposition de loi que nous avons défendue ici même le 4 novembre 2008. Il existe un lien consubstantiel entre la prise de risques et le montant des rémunérations, comme il existe un lien pour les dirigeants de sociétés entre rémunération et recherche de rentabilité maximale.

C’est pourquoi nous souhaitons que ces rémunérations soient mises sous le contrôle de toutes les parties prenantes de l’entreprise, les dirigeants de sociétés, les actionnaires, lors des assemblées générales, et les salariés représentés par le comité d’entreprise.

Ce n’est pas parce que le G 20 s’est limité aux bonus des traders qu’il ne faut pas s’attacher à l’ensemble des rémunérations. Ce n’est pas parce que le projet de directive n’en fait pas mention que la France ne saurait promouvoir une telle initiative.

D’ailleurs, dans l’exposé des motifs de la proposition de directive qui nous concerne, il est écrit que le rapport du Forum de stabilité financière préconise un encadrement et un ajustement des rémunérations pour tous les types de risques.

Le 30 avril 2009, la Commission européenne a elle-même émis des recommandations en matière de rémunération des administrateurs, des administrateurs non exécutifs et des membres des conseils de surveillance des sociétés cotées. Elle a proposé le plafonnement des composantes variables de la rémunération des administrateurs, la limitation des parachutes dorés et l’adossement des rémunérations à des objectifs de performance.

Par cette recommandation, la Commission invite les États membres à prendre les mesures nécessaires pour promouvoir leur application.

Qu’en est-il en France ? Jusqu’à ce jour, le Gouvernement s’en est tenu à des rappels à la morale et à l’autorégulation. Or, selon une étude récente de la société de conseil Ernst & Young parue le mercredi 21 octobre, seulement 37 % des entreprises françaises cotées ont une bonne gouvernance.

La majorité des entreprises n’a pas mis en place des comités spécialisés pour les rémunérations, ni nommé d’administrateurs indépendants ni révisé les politiques de rémunération de leurs dirigeants.

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