Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du 8 novembre 2023 à 15h00
Immigration et intégration — Après l'article 7

Gérald Darmanin, ministre :

La seconde consisterait à donner le pouvoir au maire de s'opposer au procureur de la République et de refuser de célébrer le mariage. Cette solution obligerait toutefois à prévoir une forme d'appel administratif ou judiciaire de la décision du maire, un maire pouvant évidemment faire n'importe quoi. Ce n'est pas parce qu'on est maire qu'on détient la vérité ou que l'on a la science infuse.

Je rappelle qu'il est très difficile pour le maire de vérifier qu'une personne est en situation irrégulière sur le territoire national. Quand on marie des gens, on ne leur demande pas leurs papiers à jour. Ce n'est pas exactement ainsi que les choses se passent. Ainsi, il peut arriver qu'une personne dispose d'un titre de séjour au moment du dépôt du dossier de mariage, mais que, pour de multiples raisons, il lui ait été retiré trois mois plus tard.

On ne peut pas rendre le maire responsable de la célébration du mariage d'une personne en situation irrégulière. Il est possible qu'il célèbre une telle union sans le savoir. Et il n'est pas question de confier de nouvelles tâches au maire et d'alourdir sa charge de travail.

Par ailleurs, même si, comme Mme la rapporteure, je trouve ce problème choquant, je me vois mal adopter un amendement dont l'objet est contraire à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. On se ferait plaisir quelques instants, mais on sait à coup sûr que cet amendement serait ensuite censuré par le Conseil constitutionnel.

Je sais que vous souhaiterez maintenir vos amendements, madame, messieurs les sénateurs. Je vous propose toutefois de réfléchir ensemble à une solution, soit ce soir en déposant des sous-amendements à vos amendements, soit au cours de la navette et de la réunion de la commission mixte paritaire, afin de donner de véritables moyens au maire de s'opposer à un mariage au motif qu'il serait gris ou blanc. Il ne doit pas s'y opposer en raison de la situation irrégulière de l'un des futurs époux, un tel dispositif serait évidemment censuré par le Conseil constitutionnel. Telle est la proposition que je peux vous faire.

C'est une philosophie d'action pour les maires de France, qui, à mon avis, ne correspond pas à ces amendements ni aux suivants – je ne les ai pas tous examinés dans le détail –, mais qui nous permettrait d'avancer et de donner au maire un réel pouvoir de s'opposer à un mariage, sur le fondement d'une suspicion de fraude et non pas en raison du statut de l'un des futurs époux.

Par ailleurs, il arrive aux maires – j'en ai vu –, et c'est bien normal, d'intervenir pour aider des personnes en situation irrégulière, pour leur obtenir un titre de séjour, pour leur trouver un logement, pour leur permettre d'accéder à des soins, mais aussi pour inscrire leurs enfants à l'école. Si l'on allait au bout de votre raisonnement, on pourrait en venir à dire que les personnes en situation irrégulière ne peuvent pas inscrire leurs enfants à l'école, alors qu'il s'agit là d'un droit inconditionnel sur lequel personne ne souhaite revenir. Je pense qu'il ne faut pas s'engager dans cette voie, même si on peut comprendre la demande des élus de certains territoires, comme Mayotte, qui connaissent une forte pression migratoire.

Si on aborde le problème sous l'angle du statut, on s'y prend mal. Il vaut mieux vérifier qu'il n'y a pas de fraude.

J'émets donc un avis défavorable sur ces amendements contraires à la Constitution et à notre bloc de constitutionnalité et je vous propose de travailler ensemble très rapidement à une solution dans le cadre de ce texte.

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