Intervention de Cathy Apourceau-Poly

Réunion du 9 novembre 2023 à 11h00
Plein emploi — Vote sur l'ensemble

Photo de Cathy Apourceau-PolyCathy Apourceau-Poly :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, sans surprise, le Gouvernement et la droite sénatoriale se sont mis d'accord pour punir les allocataires du revenu de solidarité active.

Après avoir supprimé les instances sociales dans les entreprises, après avoir diminué l'indemnisation du chômage, après avoir relevé de deux ans l'âge légal de départ à la retraite, vous imposez désormais aux allocataires du RSA d'accomplir quinze heures d'activité par semaine pour remplir les obligations de leur contrat d'engagement et conserver un revenu minimal de subsistance de 607 euros par mois, soit un peu plus de 19 euros par jour !

Lorsqu'il s'agit de casser les droits sociaux, Les Républicains et le Gouvernement n'ont pas de difficulté à trouver une majorité !

La majorité sénatoriale, après l'avoir supprimée, a finalement accepté la dénomination « France Travail » ainsi que la création du réseau des acteurs de l'insertion et de l'emploi.

Le ministre du travail, qui s'était opposé en séance publique à l'inscription des quinze heures d'activité dans la loi, a finalement mangé – ou rangé – son chapeau (M. le ministre fait un signe de dénégation.) et accepté d'inscrire dans le texte l'obligation pour les demandeurs d'emploi et les bénéficiaires du RSA d'effectuer « au moins quinze heures » de formation, d'accompagnement et d'appui.

Cette vision libérale des jobs précaires mal payés, plutôt que l'accompagnement des privés d'emploi vers un emploi stable, épanouissant et correspondant à leur niveau de qualification, est un renoncement supplémentaire.

En réalité, par ce texte, vous ne favoriserez pas le plein emploi, mais vous accroîtrez le non-recours au RSA.

En contraignant les jeunes suivis par les missions locales à s'inscrire à France Travail, vous éloignez encore les plus fragiles des services publics et participez au développement de l'économie souterraine.

Le contrat d'engagement à la carte selon les départements marque une rupture avec le principe d'égalité républicaine. Désormais, les départements, libres de décider des critères imposés aux allocataires du RSA, pourront imposer des activités diverses.

Selon le site du ministère du travail, ces activités peuvent être « l'obtention du permis de conduire, des démarches d'accès aux droits, ou encore la participation à des activités dans le secteur associatif ».

Selon notre collègue rapporteure, Pascale Gruny, « ça peut être des stages, aller en entreprise, valider un projet, de la formation, de l'information ».

Selon notre collègue président de la commission des affaires sociales, Philippe Mouiller, « ça peut être de l'accompagnement administratif, du temps donné à une collectivité, à une association ».

En bref, il y aura cinquante nuances de critères pour les allocataires du RSA, qui seront forcés de travailler sans droits, sans statut et sans rémunération.

De manière générale, la tendance dans notre pays est au renforcement des devoirs et des sanctions au détriment des droits.

À l'évidence, c'est une remise en cause de l'accès au filet de sécurité minimal que la collectivité verse aux femmes et aux hommes les plus en difficulté.

Cette recherche constante des économies sur le dos des plus fragiles et des plus précaires est d'autant plus injuste et inacceptable que les plus riches et les plus puissants sont épargnés par de telles mesures de contrôle et de telles sanctions. Ainsi, les entreprises ont bénéficié de 157 milliards d'aides publiques sans aucune condition.

Enfin, le rétablissement de l'article 10 prévoyant de donner aux communes un rôle d'autorités organisatrices du service public de la petite enfance devra se concrétiser par des financements de l'État additionnels aux 6 milliards d'euros accordés à la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf).

Or, cinq ans après l'annonce de l'ouverture de 30 000 places en crèche par le Gouvernement, seules 9 000 ont été créées.

Nous serons donc extrêmement attentifs sur ce point, car les attentes des familles et des travailleurs en la matière sont fortes.

En conclusion, ce projet de loi, financé par la ponction de 2 milliards d'euros sur l'Unédic, favorisera le développement des organismes privés de formation au sein du réseau France Travail tout en généralisant la précarité.

Pour notre part, nous défendons un projet de sécurisation de l'emploi et de la formation dans l'objectif d'éradication du chômage et de la précarité.

Aux antipodes du Gouvernement, nous souhaitons un système qui assure à chacun un emploi ou une formation rémunérée pour revenir en emploi avec une continuité de droits et de revenus sans passage par la case chômage.

Ce projet de loi régressif est une catastrophe sociale et l'ensemble des sénatrices et sénateurs du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky voteront contre.

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