Intervention de Anne-Catherine Loisier

Réunion du 9 novembre 2023 à 11h00
Négociations commerciales dans la grande distribution — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire sur un projet de loi

Photo de Anne-Catherine LoisierAnne-Catherine Loisier :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes finalement parvenus à un accord avec nos collègues députés en commission mixte paritaire.

Je rappelle que, bien que sceptique, voire inquiète, sur les conséquences de ce projet gouvernemental, notre assemblée avait choisi d'examiner le texte dans le but de l'améliorer, de protéger les petites et moyennes entreprises (PME), les entreprises de taille intermédiaire (ETI) et les emplois de nos territoires.

À l'Assemblée nationale, saisie en première lecture, le principe d'une négociation anticipée pour les plus petites entreprises a été acté. Nous l'avons conforté au Sénat, car il constitue une avancée majeure par rapport au texte gouvernemental, qui obligeait, je le rappelle, les PME à négocier après les grands groupes.

En revanche, à l'issue de la première lecture dans chaque chambre, des désaccords persistaient sur les dates butoirs et les conditions de cette différenciation.

Les dates butoirs finalement retenues par la commission mixte paritaire sont celles qu'a préconisées le Sénat, à savoir le 15 janvier pour les PME et le 31 janvier pour les grandes entreprises.

Elles assurent ainsi un délai plus réaliste de négociations pour l'ensemble des acteurs, fournisseurs et distributeurs, par rapport au texte des députés, qui prévoyait le 31 décembre, ce qui les aurait contraints à négocier pendant la période des fêtes de fin d'année, au moment où, de surcroît, elles réalisent une large part de leur chiffre d'affaires. Dans ces conditions, les négociations auraient été difficiles et les plans d'affaires bâclés.

Les dates retenues au Sénat présentent ainsi l'avantage de permettre aux PME de négocier plus sereinement jusqu'au 15 janvier, avant les grands groupes, qui termineront leurs négociations le 31 janvier.

Pour affirmer le principe de différenciation des PME partagé par les deux assemblées, il nous fallait en plus de ces deux dates fixer un seuil de chiffre d'affaires déterminant le périmètre des entreprises négociant de manière anticipée.

En première lecture, le Sénat comme l'Assemblée nationale avaient fixé un seuil à 350 millions d'euros. Le Sénat a ajouté une précision d'importance, à savoir la référence au chiffre d'affaires consolidé, qui permet d'éviter que des filiales françaises de grands groupes, voire de multinationales, ne s'immiscent dans les négociations anticipées des PME.

Outre ces dates et ce seuil, qui sont, pour nous sénateurs, les deux points essentiels de ce projet de loi, la commission mixte paritaire est parvenue à un accord sur l'exclusion des outre-mer du périmètre du dispositif, disposition là encore votée par le Sénat en séance publique, ainsi que sur la suppression de la mention explicite des pharmacies dans le texte. En effet, compte tenu de l'hétérogénéité du secteur, nous avons fait le choix de ne pas mentionner ces dernières, ni dans le sens d'une inclusion ni dans le sens d'une exclusion, afin de donner à ces acteurs la flexibilité qu'ils appellent de leurs vœux.

Enfin, la commission mixte paritaire a remédié au risque juridique lié à l'incompatibilité des dates. En effet, il nous a fallu repousser les dates initiales d'envoi des conditions générales de vente (CGV), fixées au 15 novembre, la loi risquant de ne pas être promulguée à cette date.

Ces aléas soulignent, madame la ministre, la précipitation dans laquelle ce projet de loi nous a été soumis. Par souci de sécurité juridique, la commission mixte paritaire a donc fixé les dates limites d'envoi des CGV au 21 novembre et au 5 décembre au lieu des 15 et 30 novembre, comme c'était initialement prévu.

Nous sommes face à un projet de loi à l'ambition modeste, comme vous-même, madame la ministre, l'avez reconnu.

Au Sénat, nous soulignons depuis le début de l'examen de ce texte qu'il ne s'attaque pas aux problèmes de fond qui persistent en matière de négociations commerciales, de transparence des marges et de pratiques abusives de centrales d'achat faisant toujours fi de la volonté du législateur, pourtant rappelée dans la loi du 30 mars 2023 tendant à renforcer l'équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs (Égalim 3).

Nous veillerons à ce que ces sujets déterminants pour l'avenir soient pris en compte dans la future refonte du cadre des négociations commerciales que le Gouvernement appelle de ses vœux.

Enfin, en utilisant les négociations commerciales comme outil de lutte contre l'inflation, le Gouvernement vient contrecarrer la logique et la raison d'être des lois Égalim, à savoir la construction du prix en avance, en partant de l'amont agricole. Le Sénat, par ses apports au texte initial, a souhaité éviter que la lutte contre l'inflation ne se fasse au détriment des PME et des ETI de notre filière agroalimentaire.

En ce sens, nous serons attentifs aux évaluations à venir et aux effets collatéraux de ce dispositif sur la rémunération des producteurs.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion