Intervention de Simon Sutour

Réunion du 29 octobre 2009 à 9h00
Portefeuille de négociation — Rejet d'une proposition de résolution européenne

Photo de Simon SutourSimon Sutour, rapporteur pour avis de la commission des affaires européennes :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le rapport de la commission des affaires européennes sera quelque peu différent de celui de la commission des finances.

Le dépôt par les membres du groupe socialiste de cette proposition de résolution européenne permet de mettre en œuvre pour la première fois les nouvelles dispositions du règlement du Sénat relatives aux affaires européennes.

Conformément au nouvel article 73 quinquies de notre règlement, la commission des affaires européennes a effectué un examen préalable, dans le délai d’un mois, de cette proposition de résolution européenne, qui a ensuite été examinée par la commission des finances. Par ailleurs, la commission des affaires européennes, mettant en œuvre, là aussi, les nouvelles dispositions du règlement, a décidé de se saisir pour avis de la proposition de résolution européenne.

Certes, sa compétence est plus généraliste que celle des six autres commissions, mais elle a intérêt à se saisir également de ce type de sujet, dont le caractère technique évident ne doit cependant pas dissimuler – nous venons de le constater – la portée politique.

Sur le fond, la proposition de directive sur laquelle porte la proposition de résolution européenne a été adoptée par la Commission européenne le 13 juillet dernier. Elle vise à modifier les directives de 2006, communément dénommées « directives fonds propres ». Celles-ci mettent en œuvre, au niveau communautaire, l’accord dit de « Bâle II » de 2004, qui constitue un dispositif prudentiel destiné à mieux appréhender les risques bancaires, principalement le risque de crédit ou de contrepartie et les exigences en fonds propres.

Les ajustements permanents opérés par le comité de Bâle sur le contrôle bancaire avaient déjà conduit à une précédente révision des « directives fonds propres ».

Les modifications proposées par la Commission européenne portent sur deux points : renforcer les exigences de fonds propres et inclure les régimes de rémunération des banques et des entreprises d’investissement dans le champ de la surveillance prudentielle.

Ces modifications, qui ont pour objet de corriger des faiblesses ayant contribué à aggraver la crise financière, traduisent des orientations qui avaient été réclamées ou annoncées à plusieurs reprises, que ce soit par le rapport de Jacques de Larosière sur la supervision du système financier, par divers travaux de la Commission, par le Conseil européen ou encore au cours des différents sommets du G 20.

La proposition de directive vise à renforcer les exigences dans quatre domaines : le portefeuille de négociation, la retitrisation, la publicité concernant les risques de titrisation et la surveillance prudentielle des politiques de rémunération. Les États membres devraient transposer ces dispositions en droit interne avant le 31 décembre 2010.

Les auteurs de la proposition de résolution considèrent que les engagements du secteur bancaire en matière de financement de l’économie et d’encadrement et de limitation des rémunérations des opérateurs de marché ne sont pas tenus.

Ils ont donc souhaité saisir l’opportunité de la discussion au Conseil de la proposition de directive modifiant les « directives fonds propres » pour inciter le Sénat à demander au Gouvernement de prendre en compte leurs préoccupations, qui portent sur cinq aspects : les exigences de fonds propres, la gouvernance des entreprises cotées, la rémunération des dirigeants des entreprises cotées, l’encadrement des rémunérations variables des opérateurs financiers et de marchés, la supervision européenne et le système de sanctions.

La commission des affaires européennes a noté que plusieurs mesures avancées par la proposition de résolution européenne visent à mettre en œuvre certaines propositions du groupe de travail commun Assemblée nationale-Sénat, qui a été mis en place le 28 octobre 2008, sur le système financier international.

Ce groupe de travail commun, dont nous fêtions hier l’anniversaire en quelque sorte, a formulé un certain nombre de propositions relatives aux fonds propres et aux politiques de rémunération qui sont reprises par la proposition de résolution européenne : le relèvement par les banques de 5 % à 10 %, puis à 25 %, du taux de rétention dans le bilan des actifs titrisés ; l’établissement par les entreprises du secteur financier et bancaire d’un rapport annuel rendant compte de leur méthodologie de quantification du risque et de leur niveau d’exposition au risque par classe d’actifs ; le fait que la part variable de la rémunération des opérateurs financiers et de marché – traders, cadres commerciaux, conseils et gérants – ne peut être versée qu’en fonction des gains réels dégagés et qu’au moins une fraction égale aux deux tiers est étalée sur au moins trois ans avec une clause de retenue ou de restitution en cas de résultats négatifs ultérieurs.

La proposition de résolution européenne s’inspire également d’autres mesures avancées par le groupe de travail commun, sans en reprendre toutefois complètement la rédaction.

Tel est le cas de la proposition visant à ce que la part variable de la rémunération des opérateurs financiers et de marché fasse l’objet d’un paiement en titres de l’établissement employeur. C’est aussi le cas de la possibilité pour les autorités de surveillance de réaliser des « tests de résistance » semestriels du système financier et bancaire, les auteurs de la proposition de résolution souhaitant toutefois que leurs résultats soient rendus publics. On comprend pourquoi !

Cependant, sur plusieurs points, la proposition de résolution européenne va au-delà des préconisations du groupe de travail commun.

Ses auteurs ont en effet estimé que, compte tenu de l’ampleur de la crise ainsi que de la nécessité de ne pas succomber à la tentation du business as usual, il convenait d’aller plus loin que la proposition de directive sur plusieurs points. Selon eux, « la France doit proposer et soutenir au Conseil la mise en place de mesures contraignantes au niveau européen ».

Les engagements souscrits par le G 20 sont formulés en termes très généraux et ne revêtent pas de caractère contraignant. En outre, les pays qui composent le G 20 sont très hétérogènes et peuvent connaître des situations économiques fort différentes. Le respect uniforme de ces engagements n’est donc pas assuré. Je rappelle d’ailleurs que les États-Unis, jusqu’à présent, n’appliquent pas les normes « Bâle II » sur les fonds propres alors qu’ils sont signataires des déclarations finales des sommets du G 20, qui comportent l’engagement de les mettre en œuvre. Il y a là un léger paradoxe !

La proposition de résolution européenne retient donc plusieurs mesures qui vont certes plus loin que celles du groupe de travail commun, mais qui peuvent donner l’occasion d’engager un débat sur la manière d’éviter qu’une telle crise financière ne se reproduise et sur les moyens d’améliorer la régulation, la supervision et la moralisation de la sphère financière.

Je rappelle que la Commission européenne avait annoncé son intention de présenter, en principe ce mois-ci, de nouvelles modifications aux « directives fonds propres ». Or le commissaire en charge du marché intérieur, M. Charlie McCreevy, qui est partisan d’une régulation financière a minima – ce que nous regrettons –, vient de renoncer à présenter ces nouvelles mesures, qui ne devraient pas être connues avant le printemps prochain. Si les services de la Commission ont souhaité attendre que le Comité de Bâle conclue son cycle actuel de travaux pour prendre en compte ses recommandations, sans doute la pression du secteur bancaire européen a-t-elle dû également se faire sentir.

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