Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du 9 novembre 2023 à 11h00
Immigration et intégration — Après l'article 7

Gérald Darmanin  :

On peut continuer de débattre de sujets qui ne sont pas en lien direct avec le texte – surtout qu'il reste 286 amendements à examiner et que le Sénat veut terminer son examen vendredi. Vous parliez de cavaliers législatifs, madame de La Gontrie, et c'est bien de cela qu'il s'agit ici.

Le projet de loi que j'avais déposé sur le bureau de la commission des lois du Sénat ne comportait en effet aucune disposition sur les mineurs : d'une part, parce que le sujet des mineurs dits « isolés », qui relèvent de l'ASE, mérite un texte spécifique ; d'autre part, parce que ces mineurs sont de la compétence non pas des services du ministère de l'intérieur, mais de l'autorité judiciaire.

À ce dernier titre, vous débattez sans doute de dispositions qui seront censurées par le Conseil constitutionnel.

J'ajouterai enfin que le débat me semble un peu vif avec M. Ravier ; imaginez ce que ce sera à l'Assemblée nationale. Au fond, peut-être s'agit-il non pas tant de résoudre un problème de fond que d'embêter quelque peu le Gouvernement lors de la discussion à venir…

Cela étant dit, je ne déposerai pas de sous-amendement. Les mineurs dits « isolés » sont de plus en plus nombreux sur le sol européen, singulièrement en France, et il est souvent difficile de distinguer les mineurs des majeurs, à quelques exceptions près.

En outre, j'ai déjà précisé, par une instruction ministérielle de septembre 2020, qu'il convenait d'examiner la régularité du séjour bien en amont du passage des 18 ans.

Mme la rapporteure a raison : dans 93 % des cas, les titres demandés sont validés ; les 7 % de refus correspondent à des fraudes documentaires.

Lorsque vous intervenez auprès du ministre de l'intérieur, vous comme d'autres, monsieur Jadot, sachez que les préfets ont refusé d'accéder aux demandes non pour des raisons politiques – cette attaque contre les préfets de la République me paraît quelque peu déplacée, et ce d'autant plus, monsieur Grosvalet, que les présidents de département peuvent avoir des visions de l'enfance extrêmement différentes et que certains ne mettent pas en place le fichier appui à l'évaluation de la minorité (AEM) réclamé par le Gouvernement –, mais parce qu'il est normal de ne pas régulariser des personnes qui ont triché.

Il peut arriver, malgré cela, que l'on régularise des personnes au nom de la dignité humaine, mais sûrement pas à la demande des patrons. Ces derniers ont bon dos, monsieur Durain. Sans doute pensiez-vous que cet argument suffirait à convaincre la partie droite de cet hémicycle… Nous n'allons pas légaliser la fraude documentaire, ce serait contraire aux intérêts de la République.

Il faut incontestablement réfléchir à un texte dédié à la question des mineurs. Je peux entendre votre proposition, madame Eustache-Brinio, mais elle ne relève pas de ce projet de loi. Je vous le dis très franchement. Cette question concerne l'autorité judiciaire, car il revient aux seuls magistrats, et non aux préfets, de renvoyer les mineurs dans leur pays d'origine.

La question n'est pas de savoir si les mineurs isolés sont accompagnés ou non par les entreprises – ils le sont la plupart du temps dans un souci de bon apprentissage. Le problème est que les services départementaux de l'ASE, engorgés par de jeunes étrangers qui ne sont pas tous mineurs, ne peuvent faire face à l'afflux de vrais mineurs, français ou étrangers, qui mériteraient la protection de la République.

C'était le cas dans mon département, lorsque j'étais conseiller départemental : on n'arrive pas à placer certains enfants dans les structures d'accueil pour cette raison – c'est un fait que personne ne peut contester.

Quelles que soient les réponses à apporter à la question des moyens, du séjour ou de l'âge, elles ne peuvent se trouver dans un texte sur l'immigration qui vise à modifier le Ceseda. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à ces amendements.

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