Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du 9 novembre 2023 à 11h00
Immigration et intégration — Article 8

Gérald Darmanin  :

Cet amendement vise à rétablir l'article 8 dans les mêmes termes.

Soit la commission l'a supprimé pour des raisons juridiques et techniques, ce qui peut s'entendre dans la mesure où la rédaction du Gouvernement prévoyait deux sanctions cumulatives, alors que notre droit ne permet pas de condamner deux fois une personne pour une même infraction. Le Gouvernement propose ainsi une version modifiée de la rédaction initiale respectant ce principe. Auquel cas, nous pourrons peut-être nous entendre.

Soit la commission l'a supprimé pour des raisons plus idéologiques, afin d'éviter de sanctionner les employeurs ayant recours à des sans-papiers – mais je n'ose imaginer un seul instant que ce soit sa philosophie.

Aujourd'hui, toute entreprise ou tout particulier employant un étranger en situation irrégulière est susceptible d'être sanctionné. Toutefois, le montant de l'amende encourue est relativement faible et les sanctions pénales sont très peu prononcées, en dépit des très nombreuses procédures lancées par l'inspection du travail et par le ministère de l'intérieur au travers des préfets.

On compte ainsi moins de 500 condamnations pour ce fait, alors que les fraudes aux cotisations sociales du fait du travail irrégulier représentent quelque 6, 6 milliards d'euros de manque à gagner pour la sécurité sociale et l'assurance chômage.

Un travail très important est pourtant mené dans le cadre des comités opérationnels départementaux anti-fraude (Codaf) avec les préfets et l'ensemble des services de l'État pour traquer ces entreprises, dont environ la moitié sont dirigées par des étrangers et l'autre moitié par des structures ou des ressortissants français.

À ce titre, l'action de l'Office central de lutte contre le travail illégal (OCLTI) illustre le caractère connexe du travail illégal et de l'immigration irrégulière. Les étrangers en situation irrégulière, par conséquent sans titre, sont en effet très souvent victimes de travail dissimulé, voire de situations encore plus graves d'exploitation par le travail.

Ces délits peuvent être le fait non seulement d'entreprises ou de particuliers, mais aussi d'associations : Vies de Paris, association créée en 2011, qui compte plus de 10 000 adhérents et dont l'objet est de soutenir les personnes en situation irrégulière, a été condamnée par le tribunal correctionnel de Paris pour travail dissimulé, emploi d'étrangers sans titre et traite d'êtres humains aggravée. Quelque quarante-quatre victimes ont été identifiées. Il n'a été possible de condamner cette structure qu'après un énorme travail des services du ministère de l'intérieur.

Nous proposons de doubler les amendes pénales, qui sont aujourd'hui très faibles et peu dissuasives au regard des profits générés par le travail irrégulier, et de renforcer les sanctions administratives. Qui emploie des travailleurs étrangers irréguliers ne peut attendre autre chose de l'État qu'une action forte, à même de couper la filière d'immigration irrégulière.

Il s'agit d'en finir avec un écosystème de travail irrégulier que nous essayons de casser. Nous avons abordé cette question au travers des autoentrepreneurs et maintenant au travers des employeurs. Peut-être l'aborderons-nous aussi aujourd'hui au travers des marchands de sommeil.

Les entreprises ou les particuliers sont parfois au cœur de cet écosystème. Il s'agit de sanctionner non des personnes qui tomberaient dans l'irrégularité du fait de l'action de la préfecture, mais des individus dont nous savons qu'ils emploient sciemment une main-d'œuvre sans-papiers de manière dégradante.

Il me semble donc de bon aloi, pour la dignité des personnes et pour la lutte contre l'immigration irrégulière, d'adopter ces amendements identiques.

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