Intervention de Philippe Bonnecarrere

Réunion du 9 novembre 2023 à 15h00
Immigration et intégration — Article 9

Photo de Philippe BonnecarrerePhilippe Bonnecarrere, rapporteur :

La commission émet un avis de sagesse.

Il faut y voir, monsieur Retailleau, le témoignage de l'attention que nous portons aux préoccupations que vous venez d'exprimer et à l'importance d'un tel sujet pour nos concitoyens.

Ces derniers ont bien sûr été sidérés par les drames auxquels vous avez fait référence. Ils ont été sidérés de comprendre ou de mesurer les conséquences de ces protections.

Dans son propos introductif, M. le ministre a évoqué le sujet en débat : la levée des protections absolues et relatives.

Il y a deux manières d'aborder la question : soit on lève l'ensemble des protections ; soit on les lève seulement dans une série de situations et l'on mesure ensemble si le champ des possibles répond aux préoccupations de nos concitoyens comme à celles que vous avez exprimées.

La question que vous posez anticipe le débat qui se tiendra au Sénat le 12 décembre prochain, à l'occasion de l'examen de la proposition de loi constitutionnelle relative à la souveraineté de la France, à la nationalité, à l'immigration et à l'asile. Nous en comprenons parfaitement la teneur, et vous en avez fixé, en quelque sorte, le cadre intellectuel.

Mes chers collègues, regardons ensemble, en parallèle, ce que nous pouvons faire dans le cadre constitutionnel actuel. Vous serez étonné par l'ampleur des possibilités, mais aussi de ce que vous avez prévu, les uns et les autres, au travers de vos amendements.

Si l'on cumule les amendements de la commission, celui de M. Karoutchi, celui de Mme Aeschlimann ou encore celui du Gouvernement, le champ des possibles est considérable. Cela répondra de manière satisfaisante, me semble-t-il, aux préoccupations que M. Retailleau a exprimées, non pas à titre personnel, mais au nom de l'ensemble de nos concitoyens.

La réserve que nous éprouvons à l'égard de la suppression sèche des protections n'est pas liée – une fois n'est pas coutume – à des raisons conventionnelles.

Elle est purement constitutionnelle : le Conseil constitutionnel nous impose en effet, dans une décision de 2005, d'assurer « une conciliation équilibrée entre la sauvegarde de l'ordre public, qui est un objectif de valeur constitutionnelle, et le droit de mener une vie familiale normale ».

Le Conseil constitutionnel se fonde ici sur le dixième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, qui, comme vous le savez, a été intégré dans notre bloc de constitutionnalité. Dans ce cadre, le Conseil estime qu'il existe un droit à la vie privée familiale.

Sur ce point, et comme souvent en matière constitutionnelle, une tension s'exerce et une conciliation équilibrée doit être trouvée entre deux principes que vous connaissez bien : la sauvegarde de l'ordre public et la protection de la vie privée familiale.

Le législateur peut très bien, dans cet exercice de placement du curseur, mettre l'accent sur la sauvegarde de l'ordre public. Nous savons en revanche à l'avance que le Conseil constitutionnel censurera des dispositions qui pencheraient à 100 % vers la protection de l'ordre public et à 0 % vers la vie privée familiale. Or cela serait le cas si nous supprimions totalement les protections, qu'elles soient absolues ou relatives.

Regardons à présent ce que nous pouvons faire. Les amendements des rapporteurs prévoient une baisse des seuils pour la levée des protections.

Nous proposons ainsi de passer à cinq ans d'emprisonnement pour les protections absolues et à trois ans pour les protections relatives.

Monsieur Benarroche, il est exact que nous souhaitons abaisser significativement les seuils. Je rappelle qu'une peine de cinq ans correspond à un vol avec une circonstance aggravante et qu'une peine de trois ans correspond à un vol simple.

Nous pensons que nous ne pourrions pas aller en deçà sans nous heurter à la Constitution. Je ne vous le cache pas, en proposant ces dispositions, nous testons nous-mêmes les limites des positions du Conseil constitutionnel.

Le Conseil constitutionnel, je le répète, n'est pas opposé au principe de l'abaissement des seuils. En revanche, je ne saurai vous donner d'éléments sur le niveau minimum.

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