Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du 7 novembre 2023 à 14h30
Immigration et intégration — Article 1er E

Gérald Darmanin, ministre :

Il s'agit d'une question délicate, mais qui ne concerne – je tiens à le dire ici – que peu de personnes. En effet, les titres de séjour étranger malade délivrés était seulement au nombre de 6 850 en 2016, de 4 227 en 2017, de 4 958 en 2019, et de 3 280 l'an dernier.

La procédure « étranger malade » a déjà été réformée dans le cadre de la loi de 2016, défendue à l'époque par Bernard Cazeneuve. Celle-ci a réduit l'accès à ce titre de séjour, notamment en créant un service médical auprès de l'Ofii dont la mission est d'évaluer si les soins demandés sont justifiés.

À cette époque, il existait donc déjà une volonté du législateur et du gouvernement auquel appartenait M. Cazeneuve de réduire cet accès.

Je rappelle – et M. le rapporteur a eu parfaitement raison d'en parler – qu'il faut éviter de confondre ce dispositif, qui ne pose aucun problème de santé publique puisque l'on délivre des titres de séjour à des étrangers pour qu'ils viennent se faire soigner en France, avec l'AME. Ce dernier dispositif peut, en revanche, poser des problèmes en termes de santé publique puisqu'il concerne des personnes en situation irrégulière et que son objet est de déterminer qui, de l'État ou de la sécurité sociale, permettra à ces étrangers d'être pris en charge.

Je rappelle qu'historiquement les titres de séjour étranger malade avaient été créés pour aider des personnes atteintes du sida, qui ne pouvaient pas bénéficier d'une trithérapie dans leur pays d'origine. Aujourd'hui, ces titres ont quelque peu changé de nature, dans la mesure où les pathologies traitées pour ce motif ont évolué.

Je précise à cet égard que ces titres de séjour concernent parfois des enfants étrangers, ce qui révèle une forme de diplomatie sanitaire mise en place par notre pays.

Le titre de séjour étranger malade n'est pas à balayer d'un revers de main. Mais, je le répète, il ne concerne que très peu de personnes, sans compter qu'il diffère de ce pour quoi il a été créé et qu'il a déjà été réformé. On peut, pour autant, mener une réflexion à ce sujet, notamment à la suite des publications de l'Ofii et des apports de Didier Leschi au débat public.

Je comprends la volonté du législateur, incarnée ici par la commission des lois. Il s'agit en somme de ne pas changer grand-chose, mais de faire simplement en sorte que les soins soient effectifs, si j'ai bien compris la nuance apportée. §

Je ne serais en revanche pas capable de vous dire quelles pourraient être les incidences d'un tel dispositif – cet article renvoie les modalités de son application à un décret en Conseil d'État – en termes de nombre de personnes concernées ou de pathologies...

Cela étant, puisqu'il s'inspire directement du rapport de l'une de mes directions – l'Ofii est certes indépendant, mais relève du ministère de l'intérieur –, je m'en remets à la sagesse de votre Haute Assemblée pour ce qui concerne cet article 1er E, tout en soulevant la question qui est, me semble-t-il, la plus importante, celle que posent les parlementaires du groupe RDPI : la procédure ainsi modifiée est-elle conforme à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme ?

Je précise à votre attention, monsieur le rapporteur, que la France et la Belgique sont les deux seuls États européens à proposer un titre de séjour étranger malade. D'autres pays proposent certes des titres de séjour, mais ils sont quelque peu différents ; d'autres encore autorisent l'entrée d'étrangers malades en vue de leur prise en charge, mais choisissent de ne leur délivrer qu'un visa « classique ».

Je ne peux, à ce stade, que vous faire une réponse d'attente. Dès lors que je ne dispose d'aucune étude d'impact sur le sujet, il ne m'est pas possible de statuer de façon définitive.

Il serait sans doute très utile à la commission des lois de l'Assemblée nationale d'auditionner M. Leschi ; ses membres pourraient ainsi y voir plus clair. La position du Gouvernement, qui est aujourd'hui réservée, ne sera définitivement établie qu'après que la majorité, au sens très large, de l'Assemblée nationale aura défini sa position sur cette question.

Conjointement à mon avis de sagesse sur le dispositif adopté par la commission, je demanderai aux auteurs des différents amendements de suppression de cet article de bien vouloir les retirer, après avoir pris soin de leur indiquer que le Gouvernement s'engage à évaluer précisément les effets d'une telle mesure. À défaut, j'émettrai un avis défavorable sur ces cinq amendements identiques.

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