Intervention de Françoise Laborde

Réunion du 29 octobre 2009 à 9h00
Assurance vieillesse des fonctions publiques hospitalière et territoriale — Adoption d'une proposition de loi

Photo de Françoise LabordeFrançoise Laborde :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, avant de vous faire part de mon sentiment et de celui du RDSE sur le fond de la proposition de loi portant diverses dispositions relatives au financement des régimes d’assurance vieillesse des fonctions publiques hospitalière et territoriale, je souhaitais exprimer mon étonnement quant aux reproches adressés à la commission des affaires sociales, laquelle n’a pas souhaité amender ce texte avant son passage en séance.

En effet, le texte n’a pas été modifié en commission afin que le débat en séance publique puisse avoir lieu sur la base de la proposition de loi initiale. Il aurait été facile d’écourter l’examen d’une proposition de loi composée de seulement cinq articles ! La commission en a décidé autrement, ce que certains de mes collègues ont estimé contraire à l’esprit de la révision constitutionnelle adoptée le 21 juillet 2008, au regard du rôle des commissions dans la nouvelle procédure législative.

Pour ma part, je considère au contraire que ce choix, empreint de sagesse, est conforme à l’esprit de la Constitution. Certes, je ne siégeais pas encore sur ces travées au moment de son adoption, mais il me semble que la réforme constitutionnelle vise globalement à revaloriser le rôle du Parlement et, plus spécifiquement, à améliorer la place des groupes minoritaires et d’opposition.

En permettant l’examen en séance publique de la proposition de loi de notre collègue Claude Domeizel, la commission a respecté l’initiative parlementaire, une position d’autant plus louable que celle-ci émanait de l’opposition. Cette attitude découle bel et bien de l’esprit de la Constitution révisée. Je tenais à le souligner, mes chers collègues.

La proposition de loi que nous avons donc la chance d’examiner est destinée à préserver l’équilibre financier de la Caisse nationale des agents de retraite des collectivités locales, la CNRACL. Derrière cet objectif simple se cache une équation plus difficile, dont l’enjeu est la survie de ce régime spécial dans un cadre financier de plus en plus contraint.

En effet, comme c’est le cas pour tous les régimes de la sécurité sociale, la dégradation du ratio démographique de la CNRACL, combinée à d’autres facteurs structurels, laisse entrevoir un déficit abyssal, de l’ordre de 11, 3 milliards d’euros, en 2050.

La caisse est certes en équilibre aujourd’hui. Le plan de redressement élaboré en 1992, qui consistait, d’une part, à augmenter le taux de cotisation employeur et, d’autre part, à diminuer la surcompensation, avait permis de rééquilibrer les comptes, ainsi que vous l’avez souligné, monsieur le rapporteur.

Malheureusement, au regard des projections, le retour à l’équilibre, amorcé en 2003 avec un excédent de 320 millions d’euros, ne va pas durer. La CNRACL bénéficie actuellement d’un effet d’aubaine lié à l’essor des effectifs des collectivités locales. Mais les cotisants sont de futurs pensionnés qu’il faudra bien prendre en charge malgré l’existence de dispositifs très pesants pour l’équilibre de la caisse – dispositifs sur lesquels la proposition de loi entend d’ailleurs agir.

Il s’agit tout d’abord de revoir la surcompensation, spécifique aux régimes spéciaux, destinée à compenser les disparités démographiques entre les régimes spéciaux et de résorber les inégalités de capacité contributive entre les assurés de ces régimes.

La surcompensation, mes chers collègues, part d’une bonne intention puisqu’elle participe du mécanisme de solidarité inter-régimes. Cependant, conduite à dose excessive, elle se retourne contre les caisses qui ont la chance d’avoir le meilleur ratio démographique. Le taux de recouvrement de la surcompensation a atteint des sommets pour la CNRACL, atteignant 38 % en 1993 ; depuis, le législateur l’a fort heureusement orienté à la baisse.

La proposition de loi a donc pour objet de mettre fin à ce mécanisme, dans le prolongement de l’article 9 de la loi portant réforme des retraites adoptée en 2003. Je crois qu’il est en effet nécessaire de mettre un terme à un dispositif trop pénalisant pour les comptes de la CNRACL.

Il est par ailleurs souhaitable de se pencher sur la question de la contribution employeur due par les collectivités territoriales pour couvrir les charges de pension des fonctionnaires de l’État détachés dans ces collectivités sans limitation de durée : c’est l’objet de l’article 2 de la proposition de loi. Toutefois, sur ce point, je m’interroge : disposons-nous de projections permettant de trouver le juste équilibre entre ce qui est bon pour la CNRACL et ce qui est bon pour les collectivités locales ?

L’article 3 vise à préciser le champ d’application de l’exonération des cotisations patronales et d’assurance vieillesse sur les rémunérations des aides à domicile employées par les centres communaux et intercommunaux d’action sociale, et à créer une compensation intégrale de cette exonération, versée directement par l’État. Le premier alinéa de cet article, nous l’avons bien compris, est plutôt consensuel, le Gouvernement l’ayant inscrit dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010. Nous aurons donc l’occasion d’y revenir très prochainement.

Je terminerai par un mot sur l’article 4, où est prévue la compensation par l’État des charges liées au transfert des personnels de certains de ses services aux collectivités locales. Il s’agit là de corriger une fâcheuse et récurrente tendance de l’État : profiter de la décentralisation pour se délester de charges financières. Les collectivités locales en savent quelque chose, la CNRACL aussi !

Mes chers collègues, ce régime spécial a connu une période faste. Hélas, ce n’est plus le cas. Puisqu’il rencontre les mêmes difficultés que les autres régimes, il est bien normal de neutraliser les incidences financières de dispositifs qu’il supporte difficilement aujourd’hui. Par conséquent, le RDSE est très favorable à la présente proposition de loi.

Pour conclure, mes chers collègues, je rappellerai que ce débat renvoie à celui, plus large, qui porte sur l’avenir très préoccupant de l’ensemble de notre protection sociale. Le déficit du régime général atteindra 30, 6 milliards d’euros en 2010. Que va nous proposer le Gouvernement ? Un autre grand emprunt ?

À l’occasion de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, les radicaux de gauche veilleront très attentivement à ce que les réponses apportées ne mettent pas en péril le principe fondateur de la sécurité sociale : la solidarité.

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