Dans son discours sur la réforme du lycée, il a ainsi déclaré : « Le devoir de l’école est de transmettre à chacun notre patrimoine commun, qui est fondamentalement culturel. […] Dans le lycée de demain, l’art et la culture feront partie de la vie quotidienne des élèves […] » Il a en outre précisé : « La part des enseignements et des activités artistiques ou culturelles au lycée est aujourd'hui, disons-le, scandaleuse. »
Vous-même, monsieur le ministre, avez affirmé ce matin devant notre commission de la culture qu’il s’agissait de l’un des grands enjeux de demain.
Nous avons tous conscience ici du peu de considération accordé à l'enseignement des disciplines artistiques, très souvent relégué en fin de journée et dispensé dans des conditions assez déplorables.
Dans le même discours, Nicolas Sarkozy a également souhaité la désignation, dans chaque lycée, d’un « référent culture », choisi parmi les professeurs, chargé des relations de l’établissement avec le monde culturel environnant.
Monsieur le ministre, si l’on ne peut qu’approuver ces engagements, qu’en est-il de la réalité des moyens qui y sont affectés ? Comment créer de nouvelles responsabilités au sein du lycée si le nombre d’enseignants diminue ? L’éducation nationale annonce, en effet, à chaque rentrée, de nouvelles suppressions de postes et une diminution constante des places offertes au CAPES.
Pour étayer mes craintes, je continuerai de citer le Président de la République, qui a indiqué qu’il demandait à son ministre de l’éducation nationale d’étudier la possibilité de projeter des films dans les lycées professionnels, l’État assumant le financement de ces projections « s’il le faut ».C’est ce « s’il le faut » qui m’inquiète ! On ne peut se contenter d’une telle approximation, d’autant que le projet de loi de finances pour 2010 prévoit une baisse, à hauteur de 50 % dans le premier degré et de 14 % dans le second degré, des moyens de fonctionnement destinés à financer les actions pédagogiques et les partenariats dans les domaines artistique et culturel.
Au final, il est légitime de s’interroger sur la réalité des engagements de l’État pour le développement de l’art et de la culture dans les établissements scolaires. À l’évidence, les paroles sont belles, mais l’air est trop connu et la chanson est bien triste ! Les moyens ne sont pas à la hauteur de l’ambition affichée par le Gouvernement.
Il s’agit pourtant d’une question capitale, car c’est dans le cadre du milieu scolaire que les inégalités sociales en termes d’accès à la culture doivent être corrigées.
La mission commune d’information sénatoriale sur la politique en faveur des jeunes, à laquelle j’ai participé, a fait apparaître, dans son rapport, la nécessité de prendre en compte toutes les compétences de chaque élève « pour mettre un terme aux sorties du système éducatif sans aucun diplôme, certification ou attestation ». Or les aptitudes artistiques font partie de ces compétences susceptibles de révéler des élèves qui ne s’illustrent pas dans les matières traditionnelles. Il faut sortir de la culture linéaire du diplôme et permettre aux élèves les moins « scolaires » d’acquérir d’autres compétences.
« C’est l’éducation culturelle qui apprend à travailler efficacement ensemble dans le respect et la compréhension […] L’éducation artistique donne aux jeunes le courage de franchir les frontières et de développer pleinement leur personnalité, et pas seulement leurs talents intellectuels. L’éducation dans une société démocratique est intrinsèquement liée à ces qualités. » Ce n’est ni un ministre de l'éducation nationale ni un chef d'État qui s’est exprimé ainsi ; c’est une chef d’entreprise autrichienne, Monika Kircher-Kohl.
Dans son rapport du 9 juillet dernier, établi au nom de la commission de la culture, de la science et de l’éducation de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, Christine Muttonen écrit ceci : « Les établissements d’enseignement doivent mettre sur pied des projets internationaux de coopération dans le domaine de l’éducation culturelle […] Les États membres doivent soutenir les établissements d’enseignement dans ces projets par des actions de sensibilisation [ou] l’octroi de financements[…] »
Elle recommande par ailleurs aux responsables du PISA, le programme international pour le suivi des acquis des élèves, mené par l’OCDE, d’inclure « le sens civique » et « les compétences créatives » dans le champ d’évaluation des élèves.
La mission d’éducation culturelle et artistique relevant de la responsabilité de l’État, le rôle de celui-ci en la matière est plus que jamais à l’ordre du jour. L’efficacité de son action sera d’autant mieux garantie qu’il pourra compter sur le relais des collectivités territoriales, dont la proximité est un atout pour démocratiser l’accès à la culture.
Cela a été dit à plusieurs reprises, les collectivités territoriales ont une implication très forte dans le domaine de l’enseignement artistique. Il est, dès lors, incompréhensible que la loi de 2004 se soit contentée d’affirmer le rôle respectif des régions, des départements et des communes, sans préciser la clé de répartition des financements entre ces collectivités.
Le Finistère a choisi de s’investir avec force sur cette question, bien que, je le rappelle, il ne s’agisse pas d’une compétence obligatoire du département. Mais c’est ce dernier qui, par sa connaissance du territoire et sa proximité, est le seul à même d’assurer la cohérence d’une pratique culturelle adaptée et de garantir l’accès de tous à la culture. Telle est bien l’ambition du schéma de développement des enseignements artistiques mis en place dans le Finistère.
Ainsi, un état des lieux des enseignements artistiques a été réalisé en 2007. En concertation avec les acteurs locaux, une définition des différents niveaux d’écoles a été établie, entraînant, bien entendu, des modalités d’attribution financières spécifiques et des primes données au regroupement intercommunal. Les établissements sont ainsi répartis en trois niveaux d’intervention, selon qu’ils ont un rayonnement local, intercommunal ou départemental ; la loi de 2004 impose au département d’introduire un volet « art dramatique et arts du cirque » dans son schéma de développement des enseignements artistiques.
Le Finistère a adopté le sien en janvier dernier, le décret afférent étant enfin paru. Bénéficiant d’une bonne audience, le document commence à remplir ses objectifs : garantir l’accessibilité des enseignements artistiques au plus grand nombre, en améliorant la complémentarité des offres d’enseignements, en dynamisant le secteur et en fédérant l’ensemble des acteurs locaux.
Dans le cadre de ce schéma, le département affiche également son ambition de promouvoir le rôle des pratiques artistiques amateurs dans le développement culturel local, en réaffirmant le caractère prioritaire de cette mission. L’enjeu est important, car il s’agit de toucher le public le plus large possible et de favoriser les passerelles entre les pratiques amateurs et l’enseignement académique.
En décembre 2008, alors que de nombreuses associations s’inquiétaient d’un projet de réglementation des pratiques amateurs dans le cadre du code du travail, j’avais interpellé votre prédécesseur, monsieur le ministre, sur les risques que présenterait une telle mesure. Je rappelle à cet égard l’importance de la culture et de l’identité bretonne, dont les pratiques amateurs sont le terreau. Pour le seul secteur de la musique, du chant et de la danse en Bretagne, ce sont 40 000 à 50 000 personnes, professionnels ou amateurs bénévoles, qui se mobilisent régulièrement.
En réponse à ma question sur le projet de réglementation, Mme Albanel avait précisé : « À cet égard, la voie législative n’apparaît pas adaptée à la diversité des situations et ce sont donc des pistes alternatives, de nature contractuelle, qui seront explorées avec les collectivités territoriales, les professionnels et les artistes amateurs. » J’attends toujours cette exploration concertée !
Pour donner la mesure de l’enjeu, je citerai l’action des deux grandes fédérations de la culture bretonne. Par le biais d’une convention conclue avec le conseil général, elles mènent des actions de sensibilisation et de découverte auprès des scolaires et d’un public plus large, ou encore un accompagnement dans la démarche de création, de diffusion des productions, sans oublier la transmission des savoirs par la formation dispensée aux jeunes dans tout le département.
L’une d’elles, « Musiques et danses en Finistère », propose, en outre, un plan de formation continue non diplômante à destination des enseignants, artistes amateurs et animateurs culturels. Il s’agit d’un outil indispensable à la structuration pédagogique de l’enseignement sur notre territoire. Voilà bien un exemple de collaboration réussie !
Monsieur le ministre, mes chers collègues, j’évoquerai maintenant le niveau régional, au travers d’une expérimentation qui est en cours.
En Bretagne, il existe quatre écoles d’arts plastiques à rayonnement régional, dont deux dans le Finistère. Celles-ci ont décidé, à titre expérimental, de se réunir en un seul établissement public de coopération culturelle. Lassées d’attendre la publication du décret d’application, elles ont pris les devants, et la structure est pratiquement opérationnelle. Ce décret – il aurait été signé la semaine dernière, mais le conditionnel ici s’impose – doit préciser les conditions dans lesquelles les établissements d’enseignement supérieur d’arts plastiques sont autorisés à délivrer les diplômes nationaux.
Le projet est soutenu par la direction régionale des affaires culturelles, mais aussi par le conseil régional, qui avait déjà affiché sa volonté de considérer les écoles supérieures d’arts de Bretagne comme l’une des priorités de la politique culturelle régionale. Cet EPCC prendra en charge, avec l’appui des ministères de la culture et de l’enseignement supérieur, les cycles d’enseignement supérieur LMD.
Certes, l’ouverture et le dialogue entre ces écoles existaient bien avant ce rapprochement puisqu’elles avaient l’ambition de développer les partenariats culturels, économiques, universitaires, pour créer une dynamique dans les territoires.
La coopération entre les collectivités territoriales, avec l’appui de l’État, a constitué la seule solution envisageable pour la survie des filières culturelles et artistiques supérieures dans les territoires où elles sont implantées.
La région apparaît donc comme un échelon de coordination pertinent, car c’est sur le mode du dialogue et dans le respect du libre arbitre de chaque collectivité que s’articule le projet. Dans ces conditions et dans cet esprit, le fait de désigner la région comme chef de file me paraît tout à fait concevable.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat que nous avons aujourd’hui se heurte, comme tant d’autres, au problème de la réforme des collectivités territoriales et des finances locales. Aujourd’hui, nous parlons des enseignements artistiques, mais qui, demain, assumera cette compétence ? Et tout ce réseau de coopération, de développement, de formation et de transmission risque de s’écrouler si les différentes collectivités ne sont plus en mesure d’assurer le financement de ce volet. Leur capacité en la matière est en effet appelée à être dramatiquement réduite par les décisions qui s’annoncent, auquel cas elles se recentreront sur les compétences qui leur sont exclusivement dévolues.
Monsieur le ministre, nous espérons vivement que les collectivités territoriales bénéficieront des transferts financiers attendus pour avoir, enfin, les moyens d’agir.