Séance en hémicycle du 29 octobre 2009 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • CPP
  • artistique
  • consentement
  • conservatoire
  • interventionnelle

La séance

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La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de Mme Monique Papon.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi organique relatif au Conseil économique, social et environnemental, déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre :

- le rapport sur la tarification à l’activité des établissements de santé et ses conséquences sur l’activité et l’équilibre financier des établissements publics et privés, établi en application de l’article L. 162-22-10 du code de la sécurité sociale ;

- le rapport sur les missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation, les MIGAC, retraçant l’évolution de la dotation nationale et des dotations régionales affectées à ces missions, établi en application de l’article L. 162-22-13 du code de la sécurité sociale ;

- en application de l’article 1er de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, le rapport sur la mise en œuvre de cette loi.

Acte est donné du dépôt de ces rapports.

Les deux premiers ont été transmis à la commission des affaires sociales, le troisième à la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Ils seront disponibles au bureau de la distribution.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L’ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 49 de Mme Catherine Morin-Desailly à M. le ministre de la culture et de la communication sur la décentralisation des enseignements artistiques.

Avant de donner la parole à Mme Catherine Morin-Desailly, je vous prie, monsieur le ministre, mes chers collègues, de bien vouloir excuser l’absence de M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, qui, ayant dû se rendre à des obsèques, regrette de ne pouvoir assister à ce débat.

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, auteur de la question.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe centriste a demandé, sur mon initiative, l’organisation d’une question orale avec débat concernant la décentralisation des enseignements artistiques.

En effet, ce sujet est important pour beaucoup de nos jeunes et moins jeunes concitoyens, en termes tant de démocratisation culturelle que de politique publique. Or nous sommes aujourd’hui à un moment charnière de l’évolution de cette politique.

Je tiens tout d’abord à rappeler que l’éducation artistique est confiée aux établissements scolaires, afin que tous les élèves aient accès à des connaissances et à une pratique artistiques à l’école, tandis que l’enseignement artistique est dispensé par le réseau des conservatoires et des écoles de musique, de danse ou de théâtre, réseau qui s’est développé d’abord sous l’impulsion de l’État, puis surtout par la volonté des collectivités territoriales, en particulier des communes.

C’est en effet grâce à l’impulsion donnée en 1967 par André Malraux, alors ministre des affaires culturelles, et son directeur de la musique, Marcel Landowski, que notre réseau territorial d’établissements d’enseignement artistique s’est développé, au point de devenir sans équivalent en Europe. Le plan de dix ans dont ils ont pris l’initiative en faveur de l’enseignement musical a accompagné le mouvement de décentralisation culturelle et de démocratisation de l’accès à la culture.

Je rappelle que cette forte volonté de l’État en faveur d’une politique d’enseignement s’est appuyée sur les structures municipales existantes, mais aussi, à l’époque, sur une forte progression de la participation financière de l’État.

Ce réseau a pour double mission de former les futurs musiciens professionnels et de permettre le développement des pratiques amateurs. En effet, seulement 2 % environ des élèves de ces établissements « spécialisés » font finalement de la musique, de la danse ou du théâtre leur métier ; en revanche, tous les élèves concernés tirent, pour leur vie d’adulte, les bénéfices de cet apprentissage artistique, car ils y trouvent une source d’épanouissement personnel, soit en pratiquant librement leur art, soit en devenant un spectateur ou un amateur exigeant et averti.

Notre commission de la culture, de l’éducation et de la communication a adopté, voilà quinze mois, le rapport que je lui avais présenté sur la décentralisation des enseignements artistiques, liée à la réforme prévue par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

Au cours de cette mission, j’avais rencontré une centaine de personnes et effectué plusieurs déplacements en région. J’avais alors dressé un état des lieux et constaté que la réforme se trouvait au milieu du gué et qu’elle était bien difficile à « orchestrer ». Après un diagnostic, j’avais avancé des préconisations pour sortir de l’impasse. L’heure est largement venue de faire aujourd’hui un point précis sur ce sujet.

Je vous rappelle brièvement la situation.

Le volet « enseignements artistiques » de cette loi de 2004 n’a pas opéré un nouveau transfert de compétence, stricto sensu, mais il a confirmé la capacité d’initiative des collectivités territoriales dans ce domaine.

Dans ce contexte, les articles 101 et 102 de la loi ont eu pour principal objectif de clarifier le rôle respectif de chaque niveau de collectivités publiques dans l’organisation territoriale des compétences, en confiant : premièrement, aux communes et à leurs groupements les responsabilités déjà exercées en termes d’organisation et de financement des missions d’enseignement initial et d’éducation artistiques des établissements, en liaison, dans ce dernier cas, avec les établissements scolaires ; deuxièmement, aux départements l’élaboration d’un « schéma départemental de développement des enseignements artistiques » destiné à améliorer les conditions d’accès à ces derniers ; troisièmement, aux régions l’organisation et le financement du cycle d’enseignement professionnel initial, le CEPI, désormais sanctionné par un diplôme national d’orientation professionnelle, le DNOP, et intégré au plan régional de développement des formations professionnelles, le PRDF.

Quant à l’État, il continue d’exercer ses prérogatives en matière de classement et de contrôle pédagogique des établissements, ainsi que de définition des qualifications des enseignants. Il conserve en outre la responsabilité des établissements d’enseignement supérieur artistique.

Cette répartition, il faut le préciser, a été mûrement réfléchie : elle résultait d’un travail de fond engagé depuis des années.

En parallèle, la loi a prévu le transfert aux départements et aux régions des crédits que l’État continue d’apporter à ces établissements. L’un des objectifs était de rééquilibrer une charge financière pesant à près de 80 %, voire davantage, sur les communes.

Cette loi a été porteuse d’une ambition louable en faveur des enseignements artistiques en clarifiant les compétences des collectivités publiques et les financements. Toutefois, alors que cette réforme a suscité de très fortes attentes chez les élèves, leurs parents, les professionnels et les élus, sa mise en œuvre est toujours « en panne » cinq ans après son adoption.

En réalité, cette réforme, apparue peu prioritaire, a été dès le départ mal engagée et a souffert, au-delà des problèmes financiers sur lesquels je reviendrai ultérieurement, d’un évident déficit de méthodologie à la fois auprès des professionnels et des élus.

Derrière ses aspects certes « techniques », le sujet est pourtant éminemment politique, et je regrette l’intérêt souvent trop limité que lui portent nombre d’élus, qui laissent aux milieux professionnels passionnés le soin de « mettre en musique » une politique pas toujours clairement définie, choisie ou assumée, alors même que l’enseignement artistique est un vecteur essentiel de la démocratisation culturelle et du développement de nos territoires.

Où en sommes-nous, quinze mois après l’adoption de notre rapport d’information ?

Je peux dire aujourd’hui – sans en tirer gloire, car j’aurais préféré que la question ne se pose pas – que tous les acteurs concernés ont partagé mon diagnostic et que la plupart d’entre eux se sont aussi retrouvés autour de mes propositions.

Pour autant, nous ne sommes pas dans le « meilleur des mondes » ! La concertation s’est certes poursuivie entre l’État et les différents niveaux de collectivités territoriales, mais la situation de blocage a persisté. Je dois avouer, sans esprit de polémique, mais pour être parfaitement claire, que la position évolutive et parfois sibylline de l’Association des régions de France a entretenu une certaine confusion.

Je me réjouis néanmoins de la prise de conscience par l’ensemble des acteurs de la nécessité de sortir par le haut de ce dossier, et je voudrais tout particulièrement saluer, à cette occasion, l’esprit très constructif et équilibré de la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture, la FNCC ; cette dernière, je le rappelle, est un acteur représentatif de toutes les sensibilités politiques et de tous les échelons territoriaux.

Il me semble en effet essentiel que nos concitoyens ne soient pas, en quelque sorte, les otages de la difficulté des différents partenaires à trouver un accord sur l’organisation et le financement des enseignements concernés. Nos concitoyens attendent de leurs élus, nationaux et locaux, à tous les niveaux de collectivités, qu’ils prennent en considération l’intérêt général. Or celui-ci nous impose aujourd’hui de trouver une solution constructive.

C’est pourquoi j’ai déposé une proposition de loi en juillet 2009 sur le fondement des hypothèses de travail avancées par les associations d’élus. Ces hypothèses résultent à la fois de travaux conduits dans le passé par des professionnels – je pense notamment au rapport de M. René Rizzardo, le fondateur de l’Observatoire des politiques culturelles ! –, de la concertation tardivement engagée par le ministère et de mes propres consultations.

Un premier point de convergence, qui rejoint d’ailleurs l’une des propositions de mon rapport, consiste à reconnaître le rôle de l’échelon régional en matière d’aménagement du territoire et de planification, d’une part, par l’élaboration d’un schéma régional des formations artistiques à vocation professionnelle et, d’autre part, par la création d’une commission régionale des enseignements artistiques, qui pourrait être pilotée par la région, notamment là où elle s’implique dans ce domaine, et qui réunirait, aux côtés de l’État, les autres collectivités concernées. Cette commission devra veiller à prendre en compte l’ensemble des acteurs publics et privés des filières concernées, afin d’encourager les partenariats dans le respect de tous et d’accorder une attention à toutes les esthétiques ; je pense notamment aux musiques actuelles.

Il est évident qu’un « chef-de-filat » régional ne doit surtout pas être perçu par les autres échelons comme une prééminence, mais plutôt comme une force d’impulsion et de coordination. À cet égard, on pourrait d’ailleurs prévoir que le schéma régional de développement des cycles d’orientation professionnelle relatifs aux enseignements artistiques ne soit adopté qu’après l’avis conforme de cette commission régionale.

Cependant, un chef de file me semble de nature à améliorer la nécessaire coordination entre les acteurs, afin d’assurer la cohérence territoriale de l’offre de formation, la complémentarité des actions, voire la mutualisation des moyens d’enseignement. Je note que le projet de réforme des collectivités territoriales pose d’ailleurs le principe du concept de « chef-de-filat ».

Par ailleurs, à la demande légitime des régions, notamment, il apparaît nécessaire de préciser les modalités d’application de la loi.

À cet égard, il me semble essentiel que les communes ne se retrouvent pas seules à assumer le financement des cycles d’enseignement professionnel initial. Le risque serait alors qu’à l’avenir certaines collectivités, notamment des communes, se désengagent, estimant à juste titre ne pas avoir à porter seules la charge résultant d’un enseignement qui bénéficie à une population implantée sur un plus vaste territoire que le leur. Je le rappelle, le problème s’est posé, par exemple, le conservatoire de Versailles et l’École supérieure d’arts de Rueil-Malmaison, dont le maire s’est précisément demandé pourquoi cette école devrait assumer la prise en charge financière de la formation d’étudiants de troisième cycle ?

Il est vrai que la grande hétérogénéité des situations régionales complique la donne : la volonté des régions d’aller de l’avant et de s’engager dans ce domaine reste en effet inégale, même si la majorité d’entre elles comprennent que l’orientation et la formation professionnelle initiale des jeunes artistes, généralement plus précoce que pour d’autres métiers, relèvent bien aussi de leurs compétences. Historiquement, certaines se sont aussi plus impliquées que d’autres.

L’Association des régions de France s’est exprimée au printemps dernier en faveur d’un engagement régional facultatif, quand bien même la région piloterait, en tant que chef de file, l’organisation du réseau, et alors même que les établissements concernés drainent une population issue d’un territoire beaucoup plus vaste que la commune d’accueil.

Cela supposerait que les communes maintiennent un certain niveau de contribution pour les formations, afin de rassurer les régions, alors qu’elles ont aussi vocation à participer au financement de l’éducation artistique des jeunes enfants et des actions de sensibilisation. Elles s’investissent d’ailleurs depuis plusieurs années dans cette mission.

Mais les communes ont-elles pour autant vocation à financer pratiquement seules tous les échelons de la formation, alors que le cycle d’orientation professionnelle, qui se substituera au cycle d’enseignement professionnel initial, sera inscrit dans le plan régional de développement des formations ?

Je relève en tout cas avec satisfaction que les concertations de ces derniers mois, voulues par le Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel, ont permis d’évaluer avec plus de justesse le coût réel du cycle d’orientation professionnelle qui pouvait légitimement inquiéter les régions.

Comme je le supposais dans mon rapport et contrairement aux premières évaluations réalisées par les régions ou par l’Observatoire des politiques culturelles, il apparaît aujourd’hui que le surcoût induit par la formation au diplôme national d’orientation professionnelle, qui se substitue aux diplômes d’études musicales, chorégraphiques ou théâtrales délivrés par les établissements, se limite à 5 %. Je signale que ce surcoût, estimé à partir des expérimentations du CEPI conduites dans certaines régions, a fait l’objet d’évaluations extrêmement variables et pouvait atteindre de 100 % à 400 %.

Par ailleurs, la question des transferts de crédits reste en suspens puisque ceux qui ont été prévus par la loi de 2004 n’ont toujours pas été opérés, compte tenu de la situation de blocage. Le débat porte donc sur la collectivité devant bénéficier du transfert : doit-il s’agir de la région, à charge pour elle de contribuer à due concurrence au budget des établissements éventuellement concernés, ou bien des communes, comme c’est encore le cas aujourd’hui du fait de la non-application de la loi de 2004 ?

La logique et l’ambition me semblent conduire à choisir la première solution, ainsi que je l’ai proposé : le transfert des crédits doit passer par les régions, qu’elles décident de compléter ou non le financement, à charge pour elles de reverser ensuite ces crédits aux communes gestionnaires d’établissements, et cela méritera d’être garanti ; la proposition de loi que j’ai déposée devra donc être précisée sur ce point. Les régions, par la suite, s’impliqueront à leur rythme, peut-être davantage. Tel était l’esprit du législateur en 2004 et tel il doit demeurer, afin d’éviter tout retour en arrière et de rendre effective la concertation entre les différents niveaux de collectivités territoriales.

Si la question ne peut être rapidement tranchée, autant laisser à l’État le soin de continuer à verser chaque année les 5 % à 10 % de crédits qu’il destine aux écoles spécialisées, plutôt que d’adopter une solution de régression, consistant à transférer ces crédits aux communes, ainsi que l’a envisagé un moment la direction de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles, peut-être pour en finir avec un dossier qui traîne. Ce serait, selon moi, un retour en arrière en théorie, mais un statu quo en pratique.

Je suis d’ailleurs persuadée que, dans les régions qui sont allées de l’avant, en définitive les plus nombreuses, l’attente des professionnels est forte. Ils se sont impliqués avec beaucoup de passion et de compétence et comptent sur une coopération efficace des collectivités

J’avais aussi évoqué dans mon rapport la nécessité de poursuivre la structuration intercommunale des enseignements artistiques, l’adoption d’un statut d’établissement public de coopération culturelle pouvant contribuer à l’élaboration d’un projet partagé. Je suis en effet convaincue que l’intercommunalité doit être l’échelle de référence pour tout nouvel équipement et le moyen d’harmoniser et de mutualiser les pratiques et les enseignements. Il me semble d’ailleurs que les régions soucieuses de l’aménagement harmonieux du territoire dans ce domaine pourraient, par exemple, intervenir sous forme de prime à l’intercommunalité pour aider les écoles « ressources ».

Enfin, j’avais indiqué qu’un « coup de pouce » financier de l’État serait le bienvenu pour soutenir les efforts des collectivités, notamment ceux que déploient les départements pour l’élaboration des schémas prévus par la loi. Je tiens à souligner dans cet hémicycle l’implication très forte des départements dans cette réforme : ils ont établi leur schéma départemental des enseignements artistiques en s’entourant de professionnels de grande qualité.

Il est aujourd’hui urgent de trouver une issue. Les professionnels, dont je salue la très forte implication, mais aussi les élèves des conservatoires et leurs parents attendent désormais des réponses claires car, de leur point de vue, la situation de confusion qui perdure depuis plusieurs années sème le trouble et fait peser une menace sur l’avenir des formations, que l’on ne sait plus comment appeler, notamment en ce qui concerne le troisième cycle. En effet, nous sommes passés du diplôme d’études musicales, le DEM, au CEPI puis au COP...

À la fin du mois de juillet dernier, j’ai déposé une proposition de loi pour que chacun puisse prendre plus clairement position sur ce sujet.

Les récentes consultations que j’ai conduites avec les différentes associations d’élus et avec la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture me donnent à penser que rien ne s’oppose à l’adoption de dispositions allant dans ce sens, sous réserve des aménagements que je viens d’évoquer.

Par ailleurs, les professionnels du secteur, qui sont des acteurs de terrain – je pense notamment à l’association Conservatoires de France – soutiennent la pertinence d’une telle répartition et d’une telle coordination des différentes missions.

En outre, ces propositions me semblent s’inscrire dans le projet de réforme des collectivités territoriales. En effet, d’une part, elles valorisent le couple communes-intercommunalités et, d’autre part, elles visent à respecter le principe de la clause générale de compétences des différents niveaux de collectivités, principe qui devrait être maintenu dans les domaines de la culture et du tourisme.

L’examen à venir de la réforme des collectivités territoriales nous a conduits à demander l’organisation du présent débat – il devait initialement avoir lieu au mois de juin – plutôt que l’inscription de la proposition de loi à l’ordre du jour du Sénat. Cependant, si un consensus se dégageait rapidement, rien ne nous empêcherait de solliciter cette inscription.

Dans ce contexte, monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser votre analyse de la situation et la stratégie du Gouvernement pour, enfin, sortir de l’impasse ? Quel est votre point de vue sur les propositions que j’ai avancées ?

Ce sujet est essentiel, car la demande sociale est très forte : la danse, la musique, le théâtre sont des disciplines artistiques plébiscitées par les Français, notamment pour leurs enfants. La musique rythme ainsi la vie de près de cinq millions de Français. Nous pouvons également nous réjouir du renouveau des pratiques amateurs dans notre pays. Pour autant, il faut sans cesse réaffirmer cette volonté, afin de consolider une politique qui est aussi un investissement pour l’avenir.

Je souhaite, par ailleurs, évoquer la réforme du lycée, dont nous avons parlé dans cette enceinte la semaine dernière. Si son ambition affichée est que la série L serve aussi à former aux métiers des arts et de la culture, il serait utile de lier cette réforme à celle des enseignements artistiques, sujet que j’ai largement développé dans mon rapport d’information.

Il est très regrettable que les établissements scolaires s’appuient aussi peu sur les pôles ressources que sont les conservatoires, notamment ; ces derniers devraient pourtant être leurs référents naturels sur le territoire. Alors que la mission d’information du Sénat sur la politique en faveur des jeunes comme le Gouvernement insistent sur la nécessité pour l’éducation nationale de s’ouvrir sur le monde et sur d’autres milieux professionnels, cela nous paraît être une priorité.

C’est pourquoi il me semble indispensable, monsieur le ministre, que vous puissiez vous rapprocher du ministre de l’éducation nationale – point que vous avez évoqué ce matin en commission –, afin de jouer une partition commune au service de cette ambition. Il faut donner aux élèves les meilleures chances de réussite pour accéder à ces métiers nobles mais exigeants, ce qui passe par la professionnalisation des formations concernées et, en amont, par une meilleure sensibilisation des jeunes à l’école.

Enfin, dans mon rapport d’information, j’avais souligné la nécessité de clarifier rapidement le paysage de l’enseignement supérieur artistique, dans le cadre des futurs pôles en région, et d’informer les acteurs des critères retenus pour l’examen des dossiers. La situation a certes progressé depuis lors, mais il me semble utile, sur ce point également, que vous nous disiez où l’on en est.

Sur ces différents sujets, qui concernent à la fois l’enseignement et l’éducation artistiques, je vous remercie par avance de nous apporter, monsieur le ministre, des réponses claires et précises, porteuses d’une vraie ambition.

Je veux croire que, comme moi, vous souscrivez à ces propos récemment tenus par M. Maros Sefcovic, nouveau commissaire européen chargé de l’éducation : « Le renforcement des arts, en vue d’accroître notre potentiel de créativité et d’innovation, doit constituer un élément moteur de toute politique d’éducation visant à améliorer la compétitivité économique, la cohésion et le bien-être des personnes. »

Je forme le vœu qu’il soit entendu. Vous nous avez d’ailleurs dit vous-même ce matin, monsieur le ministre, à l’occasion de votre audition par la commission de la culture : « La mise en place de l’éducation artistique et culturelle est l’un des grands enjeux des années à venir. »

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Mes chers collègues, je vous rappelle que, en application de l’article 82 du règlement, chaque orateur peut utiliser une partie de son temps de parole pour répondre au Gouvernement.

La parole est à M. Laurent Béteille.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Béteille

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier et à féliciter notre collègue Catherine Morin-Desailly d’avoir déposé cette question orale avec débat, qui nous permet de faire aujourd'hui un point opportun sur les responsabilités respectives de l’État et des collectivités locales dans le domaine des enseignements artistiques.

Ce débat, inscrit à l’ordre du jour de la semaine sénatoriale de contrôle, intervient un an après la rédaction du rapport d’information présenté, au nom de la commission des affaires culturelles, par Mme Morin-Desailly.

L’éducation artistique et culturelle est une composante essentielle de la formation des enfants et des jeunes, car elle contribue au développement de leur personnalité, de leur sensibilité et de leur compréhension du monde. Cette éducation, au sein ou hors de l’école, doit permettre une véritable démocratisation de l’accès à la culture. Elle doit aussi être un enjeu constant de l’action publique.

Historiquement, les enseignements artistiques se sont développés grâce à l’action des collectivités territoriales, principalement des communes – elles peuvent en être fières –, pour devenir, au xxe siècle, le réseau territorial le plus dense d’Europe, un réseau envié à l’étranger.

Aux termes de la loi de décentralisation du 22 juillet 1983, les établissements d’enseignement public de musique, de danse et d’art dramatique relèvent de l’initiative et de la responsabilité des communes, des départements et des régions. Mais il est difficile d’identifier les prérogatives de chacun des intervenants.

Dans la pratique, d’une région à l’autre, il existe une grande diversité de modalités de financement des établissements, qui fonctionnent souvent grâce aux contributions croisées de plusieurs collectivités territoriales. Il en résulte une disparité des formations et l’impression d’une grande complexité.

La loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a organisé les responsabilités de chaque niveau de collectivité territoriale, afin de rendre le système plus lisible et de favoriser l’accès aux enseignements.

Ainsi, elle prévoit : que les communes ou leurs groupements – communautés de communes et d’agglomération, communautés urbaines – organisent et financent les missions d’enseignement initial ; que les départements établissent les schémas départementaux de développement des enseignements artistiques et participent au financement des établissements pour assurer l’égal accès des élèves à l’enseignement initial ; que les régions organisent et financent les CEPI, ces cycles de formation conduisant à de nouveaux diplômes nationaux d’orientation professionnelle ; que l’État conserve son rôle de classement, de contrôle et de suivi des établissements, ainsi que la responsabilité et l’initiative de l’enseignement supérieur professionnel.

En bref, mes chers collègues, un système assignant à chacun une place déterminée, un parfait jardin à la française, comme nous les aimons tant, mais parfait jusqu’à la caricature !

Les schémas départementaux prévus par la loi de 2004 visent à corriger les déséquilibres territoriaux liés à l’inégale répartition géographique des établissements. Ils doivent également assurer une meilleure représentation des différentes disciplines et, surtout, démocratiser l’accès à ces enseignements, car il existe une surreprésentation des jeunes issus de milieux favorisés.

En effet, l’une de nos principales préoccupations, me semble-t-il, doit être de permettre l’accès à l’enseignement artistique des classes défavorisées, qui est aujourd'hui tout à fait insuffisant.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Béteille

La répartition des responsabilités à travers la loi s’accompagne d’une réorganisation des financements censée déboucher sur un nouvel équilibre. L’article 101 prévoit le transfert aux départements et aux régions, par voie de convention, des concours financiers que l’État accordait aux communes.

Un premier bilan de la loi a été réalisé en juillet 2008 dans le rapport sénatorial d’information, dont la conclusion soulignait que la mise en œuvre de la réforme était « en panne ».

Des schémas départementaux ont bien été réalisés, mais il faut reconnaître que leurs contenus sont très inégaux. Les régions se sont plus ou moins impliquées, et peut-être d'ailleurs plutôt moins que plus…

Le rapport sénatorial a fait le constat d’une mise en suspens du lancement des nouveaux cycles d’enseignement préprofessionnels, même si des études préalables ont bien été réalisées par les régions. Les élus redoutent l’impact financier de la réforme, semble-t-il. Les transferts de crédits aux départements et aux régions ont été reportés. Cette situation crée un contexte financier incertain, qui freine la dynamique engagée sur le terrain et qui constitue une source d’inquiétudes pour les directeurs de conservatoire.

Nombre d’élus ont dénoncé un déficit de méthodologie, de concertation et d’accompagnement de la part de l’État et de ses services déconcentrés. A contrario, certains représentants du ministère ont souligné les difficultés qu’ils rencontraient parfois à mobiliser les élus sur le sujet.

Monsieur le ministre, je crois que des concertations se poursuivent sur les questions de délais et de montants des transferts. Pouvez-vous nous dire où nous en sommes aujourd’hui ?

Je souhaiterais également que vous nous donniez votre avis sur certaines propositions formulées dans le rapport. En particulier, que pensez-vous de l’idée d’une expérimentation de la réforme dans les régions qui le souhaiteraient, puisqu’il est difficile, pour le moment, de parvenir à un consensus ?

Par ailleurs, le rapport suggérait de consolider la gouvernance du dispositif en développant la coordination à l'échelle régionale et en renforçant la coopération intercommunale. Il recommandait de mener une réflexion sur le statut le plus propice au partenariat entre collectivités publiques, qui pourrait être celui de l’EPCC, l’établissement public de coopération culturelle. Sur tous ces points, monsieur le ministre, pourriez-vous nous donner votre sentiment ?

Enfin, je voudrais conclure de la même façon que notre collègue Catherine Morin-Desailly : au-delà de la question posée, notre débat d’aujourd’hui est l’occasion d’évoquer la place des enseignements artistiques dans l’éducation nationale.

Le 14 octobre dernier, le Président de la République a présenté les lignes directrices d’une réforme du lycée dans laquelle l’enseignement des disciplines artistiques et culturelles retrouve toute sa place. Je citerai, en particulier, la création d’un enseignement transversal d’histoire des arts, qui ferait l’objet d’une évaluation au baccalauréat, ainsi que la désignation, dans chaque établissement, d’un « référent culture », c'est-à-dire d’un professeur chargé des relations entre l’établissement et le monde culturel environnant, en particulier les institutions et les services communaux. Des projections, des spectacles de théâtre et des concerts sont envisagés, afin de former le goût des jeunes et de leur faire partager notre patrimoine culturel.

Il s’agit, selon les termes employés par le Président de la République, de modifier « nos manières de penser […], de considérer l’éducation artistique et culturelle comme l’une des missions fondamentales de l’éducation nationale, et non comme un corpus de disciplines secondaires, reléguées à la marge des emplois du temps ».

Je me réjouis que l’art soit ainsi envisagé comme une nécessité, comme une chance – j’y insiste – pour tous nos enfants. Il est de notre devoir – celui de l’État comme celui des collectivités locales – de permettre un véritable essor de la connaissance et de la pratique des arts par tous.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Ivan Renar

M. Ivan Renar. Enseignement artistique, éducation artistique, tout est en tout et le reste dans Télémaque !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Ivan Renar

Ce qui est certain, madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est que les enseignements artistiques sont essentiels à la vie culturelle et sociale et qu’ils constituent l’une des clés de voûte de la nécessaire relance de la démocratisation de la culture.

C’est pourquoi, si le réseau des conservatoires et des écoles de musique, danse et théâtre a pour mission première de former les amateurs et de développer leurs pratiques, il est tout aussi indispensable d’en réaffirmer la mission d’éducation culturelle et artistique, bien trop minorée !

Cette mission appelle le développement tous azimuts de passerelles entre ces écoles spécialisées et les établissements scolaires. C’est là, je le redis après d’autres, une condition essentielle pour remédier à l’insuffisante démocratisation des enseignements artistiques. En effet, le réseau des conservatoires n’est fréquenté que par une minorité de jeunes, de surcroît majoritairement issus de milieux favorisés.

Or le non-partage de l’art, c’est comme une bombe antipersonnel : cela produit des mutilations terribles ! L’art est le champ de tous les possibles. Chaque enfant doit disposer d’une « piste d’envol » pour développer ses potentialités.

Debut de section - PermalienPhoto de Ivan Renar

Malgré un consensus apparent sur sa place essentielle dans notre société, l’éducation artistique reste le parent pauvre des politiques publiques. Il est d’ailleurs significatif que, cinq ans après le vote de la loi relative aux libertés et responsabilités locales, le seul article de ce texte qui n’ait pas été appliqué concerne l’enseignement artistique spécialisé !

Ce blocage est en grande partie lié à une concertation non aboutie avec les collectivités territoriales, qui sont pourtant les premières concernées, compte tenu de l’importance de leur engagement financier. La réforme de la décentralisation des enseignements artistiques est donc effectivement « en panne », pour reprendre la formule de notre collègue Catherine Morin-Desailly, que je remercie au passage d’avoir suscité ce débat d’aujourd'hui.

Comment s’étonner de ce blocage dès lors qu’il est, en quelque sorte, demandé aux collectivités territoriales d’assumer la charge de la rénovation et du développement des enseignements artistiques que l’État ne s’est pas donné les moyens de réaliser ! Ces dernières années, les crédits d’État dédiés aux enseignements artistiques sont en baisse continue. Aujourd’hui, 80 %, voire davantage, des financements de fonctionnement pèsent sur les communes, qui se trouvent également bien seules pour faire face aux travaux d’investissement que nécessitent de nombreuses écoles de musique, théâtre et danse.

D’où l’aspiration des grandes villes à réduire les « charges de centralité » qu’elles supportent pour les cycles préprofessionnels en musique, théâtre et danse. Elles pourraient ainsi retrouver des marges de manœuvre en faveur de l’enseignement initial et des actions d’éducation artistique en liaison avec les établissements scolaires.

Ce constat du report financier sur les communes est encore plus criant pour les écoles supérieures d’art plastique, alors même que l’enseignement supérieur relève des compétences de l’État.

S’il est logique de donner à la région un rôle majeur dans l’organisation du schéma régional des formations artistiques, en parfaite cohérence avec les compétences de ce niveau de collectivité en matière d’orientation et de formation professionnelles, je puis néanmoins comprendre la position de l’Association des régions de France. Celle-ci rechigne à ce nouveau transfert, car il ne s’accompagne pas des financements adéquats, dans un contexte de suppression de la taxe professionnelle et de perte d’autonomie fiscale en raison du poids des nombreux transferts non compensés par l’État.

En outre, l’État est incapable d’évaluer le coût par élève du cycle d’enseignement professionnel initial qui reviendrait aux régions. Le ministère aurait dû apporter un appui technique aux régions afin d’aboutir à une évaluation partagée de l’impact financier du CEPI. Comment reprocher aux élus régionaux de ne pas s’être aventurés dans une réforme dont ils ignoraient l’impact financier ?

La question du « différentiel financier » entre le coût de la mise en œuvre de la réforme et le montant des crédits susceptibles d’être transférés par l’État doit être éclaircie.

Il est par ailleurs normal que les élus régionaux puissent définir eux-mêmes la hauteur de leur engagement financier, au lieu de se voir imposer une contribution, même si je reste profondément convaincu que le financement de l’art et de la culture, loin d’être une charge, constitue un investissement d’avenir et un atout.

Pour autant, il est clair que le statu quo actuel pénalise certaines régions plus volontaristes, comme le Nord-Pas-de-Calais, qui a bien avancé sur le CEPI et qui est aussi la seule à avoir expérimenté le protocole de décentralisation sur la question des enseignements artistiques.

Je constate également une fervente volonté des directeurs et des enseignants d’apporter le meilleur pour tous. Monsieur le ministre, je me dois de souligner que les agents de l’État, à tous les niveaux, ont accompli un excellent travail, malgré le handicap du manque de crédits.

À cet égard, parallèlement au CEPI, qui prépare les élèves des conservatoires à une vie artistique professionnelle, il est important de veiller à ce que ceux qui ne souhaitent pas s’engager dans la voie de la professionnalisation puissent continuer à s’épanouir dans leur pratique en jouissant des meilleures conditions.

En effet, les amateurs sont essentiels à la vie musicale. Si le solfège et la technique sont importants, il n’est pas moins crucial de remettre le plaisir et le désir personnels au cœur de la démarche musicale, dès l’enfance. Ce devrait être un impératif pédagogique.

En ce sens, il est également fondamental de promouvoir les pratiques collectives, extrêmement gratifiantes mais trop souvent délaissées dans bien des conservatoires. Le plaisir de jouer ensemble, l’écoute de l’autre et le partage constituent souvent la meilleure incitation à poursuivre les efforts de l’apprentissage, quels que soient les obstacles techniques. Pouvoir se produire face à un public est aussi le meilleur des encouragements à une pratique artistique !

De même, il est indispensable de diversifier l’offre en développant des disciplines encore trop peu représentées, comme les musiques actuelles, les musiques improvisées ou les musiques de cultures non européennes.

Il est également essentiel d’élever le niveau par une meilleure qualification des enseignants et d’ouvrir davantage les conservatoires et les écoles sur la vie de la cité, les associations, les structures de diffusion du spectacle vivant, les établissements scolaires, les maisons des jeunes et de la culture, en un mot de favoriser tous azimuts la rencontre des amateurs et des professionnels ainsi que les allers-retours entre spécialistes et amateurs, chacun ayant à y gagner.

Le rôle des « dumistes », c'est-à-dire des titulaires d’un DUMI ou diplôme universitaire de musicien intervenant, reste trop méconnu, ce que je regrette, car ceux-ci assument une mission essentielle. En effet, ce sont des musiciens intervenants, recrutés par les communes ou leurs groupements, qui possèdent un diplôme universitaire après une formation de deux ans délivrée dans les centres de formation des musiciens intervenants ; j’ai d'ailleurs l’honneur de présider celui de l’université de Lille III. Les « dumistes » permettent ainsi à plus de deux millions d’enfants de notre pays de bénéficier, chaque année, d’un éveil à la musique, à la pratique instrumentale ou au chant, dans le cadre de projets divers, élaborés en étroite concertation avec les instituteurs.

« Les enfants, là est la clé du trésor ! », pour reprendre l’excellente formule d’André Malraux. C’est pourquoi la mission des « dumistes » doit être davantage valorisée auprès des directeurs et équipes pédagogiques d’écoles maternelles et primaires, ce qui suppose, naturellement, un engagement plus résolu de l’éducation nationale et des services académiques.

Il y a beaucoup à faire pour permettre aux enfants de vivre une expérience où la pratique artistique, qui met en jeu le corps, la sensibilité, la maîtrise de techniques et de méthodes, soit rapprochée de l’approche culturelle réunissant les savoirs sur les œuvres du patrimoine et la découverte de la création contemporaine, le tout en lien avec une véritable éducation esthétique.

C’est pourquoi la formation artistique et culturelle devrait être dispensée dans le cadre scolaire par des maîtres spécialisés, comme c’est le cas dans de nombreux pays d’Asie ou d’Europe centrale.

En France, l’éducation artistique et culturelle est perçue comme secondaire et semble condamnée à ne constituer que la variable d’ajustement des politiques éducatives, alors qu’elle est se trouve au centre de la vie, au cœur de l’humain.

En ce qui concerne plus spécifiquement l’enseignement de la danse et l’art dramatique, celui-ci est souvent inexistant ou sans véritable consistance, bien qu’il existe une forte demande en la matière. Les départements souhaitent donc des mesures de rattrapage de l’État en faveur de ces deux spécialités, afin d’apporter plus de cohérence et d’efficacité à leurs efforts de construction d’un cadre territorial structuré et équilibré.

Le processus de Bologne contraint l’ensemble des écoles artistiques supérieures, tels que les conservatoires et les écoles supérieures d’art plastique, à s’harmoniser sur le cursus universitaire européen dit « LMD », licence, master, doctorat.

Cette évolution est positive dans la mesure où une telle convergence des diplômes facilitera la reconversion des artistes. Toutefois, veillons à ce que cette harmonisation ne conduise pas à l’uniformisation. C’est pourquoi tout cursus visant en quelque sorte à « normer » les compétences de l’artiste doit rester souple.

Quant aux écoles supérieures d’art, elles possèdent chacune une histoire singulière qui fait l’originalité de leur formation à « l’art par l’art » ; d’ailleurs, nombre de leurs intervenants sont souvent des artistes en activité. Elles constituent de véritables laboratoires, qui ne doivent pas perdre leur âme en se conformant strictement au modèle universitaire. La pratique artistique elle-même constitue une véritable recherche permanente. C’est pourquoi je suis persuadé que les écoles supérieures d’art et les universités peuvent s’enrichir mutuellement, dans le respect de leur diversité, qui constitue une richesse à sauvegarder.

Il faut le souligner, les écoles supérieures d’art plastique jouent un rôle majeur dans la diffusion de l’art contemporain sur leur territoire. Il est impératif qu’elles continuent également à promouvoir les ateliers de pratiques et la sensibilisation, pour que chacun, quelle que soit sa situation sociale ou géographique, puisse s’approprier la création contemporaine et s’en faire une force de réflexion.

L’apprentissage du sensible ne doit plus être considéré comme facultatif et secondaire, car c’est l’une des plus belles aventures humaines. Il ne faut pas que l’enjeu de la démocratisation culturelle soit abandonné au seul marché. Face aux industries culturelles et à leurs produits de divertissement, le rôle du service public de la culture est plus que jamais déterminant pour former sans formater.

Il est également nécessaire de relancer l’éducation populaire, d’autant que le désir de culture n’a jamais été aussi puissant. D’ailleurs, un nombre impressionnant de nos concitoyens s’adonne à une pratique artistique en amateur.

Le débat que nous menons sur la décentralisation des enseignements artistiques, s’il est bienvenu, n’en est pas moins, d’une certaine façon, en décalage avec la réforme territoriale qui est envisagée pour les prochains mois. Et comment ne pas relayer les inquiétudes profondes que la remise en cause de la clause de compétence générale des collectivités et des cofinancements suscite légitimement, tant chez les élus que dans le monde de la culture dans son ensemble ?

Je reste convaincu que, à l’instar des droits de l’homme, la culture doit demeurer une responsabilité partagée. C’est bien la décentralisation et le fort engagement de l’ensemble des collectivités locales qui ont permis une profonde transformation du paysage artistique et culturel de notre pays, rapprochant partout sur notre territoire l’offre du citoyen.

Il n’en reste pas moins qu’une politique de démocratisation culturelle plus efficace passe par l’éducation. Culture et éducation forment un couple indissociable. Il est donc urgent que les deux ministères concernés agissent enfin de pair. Le service public de la culture doit pouvoir s’appuyer sur le service public de l’éducation, et réciproquement ! C’est une question de justice sociale, de solidarité, d’égalité entre les citoyens et de respect du droit à la culture pour tous.

Le préambule de la Constitution de 1946 n’affirme-t-il pas que « la Nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture » ? Or l’enjeu de la culture pour tous est l’enjeu de la démocratie tout court ! Plus que jamais, face à la montée des intégrismes, il nous faut lutter contre tous les analphabétismes.

Il s’agit d’apprendre l’art comme on apprend à lire et à compter. Les enseignements artistiques et l’éducation culturelle n’ont pas à être optionnels si l’on souhaite n’en écarter personne. C’est à l’épreuve du feu que l’on se brûle, c’est à l’épreuve de l’art qu’on en suscite le désir.

Monsieur le ministre, j’aime à citer l’auteur et metteur en scène Jean-Luc Lagarce, trop tôt disparu : « Une société, une cité, une civilisation qui renonce à l’art, qui s’en éloigne, au nom de la lâcheté, de la fainéantise inavouée, du recul sur soi, qui s’endort sur elle-même, qui renonce au patrimoine en devenir pour se contenter, dans l’autosatisfaction béate, des valeurs qu’elle croit s’être forgées et dont elle se contenta d’hériter, cette société-là renonce au risque, elle oublie par avance de se construire un avenir, elle renonce à sa force, à sa parole, elle ne dit plus rien aux autres et à elle-même. »

Les enseignements artistiques permettent la nécessaire transmission, assurent le passage de témoin de la mémoire, de l’héritage et des générations pour mieux inventer demain.

Je souhaite donc un engagement financier plus résolu de l’État en faveur des enseignements artistiques. Il s’agit bien de réclamer plus d’État non « pour diriger l’art, mais pour mieux le servir », ainsi que l’a si bien exprimé André Malraux. Il faut un État garant du développement équilibré des enseignements artistiques sur l’ensemble du territoire national ; en un mot, il faut un État fort de sa légitimité républicaine et des collectivités fortes de leur proximité et de leur solidarité.

Dans une époque où l’effondrement de la raison produit des monstres, l’art et la culture sont devenus de véritables enjeux de civilisation et la condition même de notre civilisation. Et n’oublions jamais, monsieur le ministre, que l’intelligence est la première ressource de notre planète.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – Mme Françoise Laborde applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer le travail de notre collègue Catherine Morin-Desailly, qu’il s’agisse de son rapport d’information sur la décentralisation des enseignements artistiques, qui est de grande qualité, ou de la proposition de loi qu’elle a déposée en vue de répondre à l’impasse dans laquelle se trouvent actuellement les enseignements artistiques. Face à l’absence d’engagement clair de l’État sur ce sujet, il était également indispensable d’ouvrir le débat devant la Haute Assemblée.

Je m’interroge cependant sur le sort réservé à cette proposition de loi, qui avait le mérite de régler plusieurs problèmes, mais qui n’a pas été inscrite à l’ordre du jour de nos travaux. Nous ne pouvons pourtant pas nous satisfaire du statu quo actuel. Comme beaucoup ici, je considère qu’il est urgent que le législateur se penche de nouveau sur l’organisation des enseignements artistiques dans notre pays. §

Au premier abord, cette question pourrait apparaître comme essentiellement technique. Mais ne nous y trompons pas : derrière les problèmes de financements et de compétences, se profile un enjeu politique majeur.

Cet enjeu est d’abord national. Quel enseignement des arts, quelle ouverture culturelle voulons-nous pour nos enfants ? Quelles doivent être nos exigences pédagogiques ?

L’enjeu est également local. Comment les enseignements artistiques peuvent-ils ouvrir la voie à un véritable aménagement culturel des territoires ? Comment organiser ces enseignements afin qu’ils puissent remplir pleinement leurs rôles d’émancipation culturelle et de lien social ? Enfin, comment ouvrir ces enseignements à tous et les sortir de l’élitisme dans lequel ils sont trop souvent restés ?

Le rapport d’information de Catherine Morin-Desailly a tenté de répondre à certaines de ces questions et a montré que les réponses dépendaient bien souvent de l’implication de l’État. Pour autant, la question de la démocratisation des enseignements artistiques et de leur inscription dans un projet territorial cohérent n’a pas encore été assez abordée.

Tout d’abord, sur l’attribution aux régions de la compétence en matière d’organisation du cycle d’enseignement professionnel initial, qui constitue le point central du rapport d’information de Catherine Morin-Desailly, nous devons malheureusement constater avec elle l’échec de la loi du 13 août 2004.

Les articles 101 et 102 de la loi relative aux libertés et responsabilités locales ont en effet attribué à chaque niveau de collectivité une compétence spécifique en matière d’enseignements artistiques. Néanmoins, il ne faut pas croire que ce texte fonde la décentralisation de ces enseignements. Les lois de décentralisation de 1983 avaient déjà donné aux collectivités compétence en ce domaine, mais sans en préciser la répartition. Dans les faits, et à l’exception de la dizaine de conservatoires départementaux, ce sont bien souvent les communes qui ont pris les écoles et conservatoires à leur charge.

En ce sens, la loi de 2004 constitue un réel progrès puisque nous pouvons y voir l’amorce de projets territoriaux cohérents, chaque collectivité étant, d’une façon ou d’une autre, impliquée. Dans un souci d’aménagement du territoire et de meilleure organisation des enseignements, il était en effet nécessaire de dépasser l’horizon communal et d’organiser des synergies et des espaces de projet à l’échelle du département et de la région.

Ainsi, la loi donne obligation aux départements de mettre en place, dans les deux ans, un schéma départemental des enseignements artistiques. La nomenclature des établissements d’enseignement artistique a été modifiée en conséquence, et aux anciens conservatoires de région, conservatoires et écoles de musique ont succédé les conservatoires à rayonnement régional, départemental ou communal.

Cette nouvelle nomenclature s’est accompagnée d’un projet pédagogique apparemment ambitieux, sur lequel je reviendrai.

La loi confie en effet aux régions la mission d’organiser et de financer les CEPI, sanctionnés par un diplôme national d’orientation professionnelle, le DNOP. Ce dispositif, qui se substitue aux anciens diplômes d’école, a une vocation nationale et préprofessionnalisante. Aux termes de la loi, l’État conserve le contrôle des enseignements, la définition des cursus et du cahier des charges des établissements, ainsi que la labellisation de ces derniers.

Je le répète, la création des CEPI est ambitieuse, car ce diplôme national ouvre l’accès aux centres d’études supérieures et donne le droit de se présenter à certains concours de la fonction publique territoriale. La compétence devenant régionale, la loi a prévu que les crédits accordés à ce titre par l’État aux départements et aux communes seraient désormais versés aux régions.

Selon moi, le blocage de la décentralisation des CEPI provient justement de l’ambition de ce cycle, car, en même temps qu’il transférait la compétence aux régions, l’État a renforcé ses exigences, donc le coût des formations. Et, comme c’est hélas ! souvent le cas, l’État n’a pas prévu la compensation de cette nouvelle charge. Notre collègue l’a suggéré dans son rapport d’information : c’est bien la non-compensation exacte des charges, et non le transfert de la compétence elle-même, qui a provoqué les réticences des régions à appliquer la réforme. Dans leur grande majorité, celles-ci ont en effet estimé que le surcoût induit par la création des CEPI n’était aucunement compensé et que l’État s’était indûment déchargé sur elles.

Cette compétence nouvelle a donc été majoritairement refusée par les régions, et seules deux collectivités ont mis en place les CEPI. À plusieurs reprises, les régions ont porté cette question devant la commission consultative d’évaluation des charges, mais l’État n’a jamais accepté de faire évoluer sa position. Pourtant, il faut bien le reconnaître, les exigences pédagogiques induites par les CEPI rendent cette compétence très coûteuse pour les régions.

Les régions ont néanmoins fait un pas en avant considérable. Ainsi, l’Association des régions de France a récemment trouvé une position commune et a déclaré que les régions étaient prêtes à participer à l’organisation des CEPI, notamment sur la base du conventionnement. Les régions demandent que les crédits alloués au titre de ces cycles continuent toutefois d’être versés aux communes et groupements intercommunaux, qui demeurent l’acteur majeur en ce domaine.

Le texte proposé par Catherine Morin-Desailly répond à cette demande légitime des régions. Son article 1er précise en effet que, si elles continuent à « organiser » les CEPI, les régions ne font plus que « contribuer à leur financement ». En outre, il donne enfin aux régions un outil de pilotage, en créant une « commission régionale des enseignements artistiques », lieu de concertation entre l’État et les divers niveaux de collectivités territoriales.

L'article 1er complète également le rôle des régions en précisant que ces dernières sont chefs de file au sein de la commission régionale des enseignements artistiques, et en leur attribuant par ailleurs l’établissement d’un schéma régional des enseignements professionnels. Cet outil de pilotage est essentiel, car il permettrait de mettre fin à une situation aberrante : les départements, qui n’ont pas d’obligation de financement, se sont vus chargés de l’élaboration d’un schéma départemental tandis que la région, qui a, elle, une obligation de financement, ne dispose d’aucun outil de mise en cohérence des enseignements artistiques sur son territoire. Cela dit, il serait important de mieux définir le rôle et le fonctionnement de la commission régionale des enseignements artistiques. Si les régions acceptent cette compétence, elles devraient avoir leur mot à dire sur les contenus.

Je crois donc que la proposition de loi de Catherine Morin-Desailly répond, au moins en partie, à ce problème de clarification des compétences, mais que, en revanche, elle ne répond que très imparfaitement aux craintes des régions en matière de financement, ces dernières redoutant que les communes ne se désengagent totalement du financement des CEPI. Les régions auraient alors à leur seule charge la mise aux normes des conservatoires à rayonnement régional et départemental.

Les dispositions de l’article 2 de la proposition de loi prévoient que les crédits seraient versés aux régions, comme c’est déjà le cas aux termes de l’article 102 de la loi de 2004. Cette mesure ne tient aucun compte de la position de l’Association des régions de France, qui a demandé que ces crédits continuent à être versés aux communes et intercommunalités, le financement régional venant en appoint.

Surtout, le texte n’apporte aucune avancée sur la compensation par l’État des conséquences de son ambition pédagogique.

J’appelle votre attention sur un point qui me semble capital : cette proposition arrive dans un contexte d’incertitude totale sur les futures compétences des collectivités territoriales et sur leur avenir financier. C’est d’ailleurs peut-être la raison pour laquelle nous discutons aujourd’hui d’une question orale avec débat et non de la proposition de loi.

Enfin, il est paradoxal que l’État confie cette compétence coûteuse à des collectivités auxquelles le Président de la République ne cesse de reprocher d’’être trop dépensières.

Je l’ai souligné : la proposition de loi apporte un certain nombre de réponses pour sortir de l’impasse actuelle. Toutefois, il faut aller plus loin. La loi de 2004 a réformé les compétences et le financement ; elle a constitué aussi une sorte de révolution pédagogique des enseignements artistiques. Mais cette trop grande ambition est au cœur même du blocage actuel.

Ainsi, il convient de s’interroger sur l’utilité même des CEPI. Ces cycles ne peuvent-ils être considérés comme un prolongement superflu des études dans les établissements d’enseignement artistique, qui retarderait de deux à trois ans l’entrée dans le métier des candidats qui en ont les capacités et ne présenterait guère d’intérêt pour ceux qui resteront amateurs.

De plus, le DNOP délivré à l’issue d’un CEPI restera un diplôme « franco-français », bien loin du standard LMD qui s’impose en Europe. Depuis la rentrée 2008, l’université publique développe au sein des pôles universitaires en musique, danse et théâtre de véritables diplômes professionnels, les diplômes nationaux supérieurs professionnels. Dans ces conditions, pourquoi conditionner l’entrée dans ces pôles à un diplôme intermédiaire, dont la valeur ne serait reconnue qu’en France et qui se révèle extrêmement coûteux pour les collectivités ?

La mise en place du projet pédagogique des CEPI implique la mobilisation de moyens humains qui nous font aujourd’hui défaut. En 2004, le ministère de la culture, qui était à l’origine du projet, n’a tenu aucun compte de la situation des enseignants dans les conservatoires et écoles de musique, faite la plupart du temps de précarité et d’isolement. Trop souvent, les établissements refusent d’accorder à leurs enseignants réguliers des contrats à durée déterminée et ces professeurs deviennent des vacataires perpétuels. Nombre d’entre eux sont contraints à être itinérants pour gagner un salaire décent. Ce morcellement du travail, parfois entre deux départements, est un obstacle évident à l’efficacité et à l’implication de ces enseignants dans un projet pédagogique ambitieux comme les CEPI.

À cette précarité s’ajoute l’absence d’une formation continue de qualité, tant pour les enseignants que pour les directeurs d’établissement. On demande à des personnes parfois formées sur le tas, qui n’ont souvent reçu aucune formation pédagogique, de mettre en œuvre un projet très exigeant. Une réforme ambitieuse ne peut faire l’impasse sur la nécessité de revaloriser le statut et la formation des « encadrants ».

Remarquons tout de même que le projet pédagogique des CEPI représente un progrès sur un point : il fait sortir les conservatoires de ce que j’appellerais une « culture de la médaille d’or », qui forme certes de façon privilégiée des praticiens excellents, mais cela au détriment de la de transmission et du développement culturel par les arts pour le plus grand nombre. Enseigner les arts, cela ne doit pas se limiter à former des petits prodiges ; c’est être capable de former de futurs médiateurs, des amateurs de haut niveau, qui formeront demain le terreau de la vie culturelle locale.

Il faut donc sortir de cette culture du don et du talent que perpétuent trop souvent nos conservatoires. Pour autant, les CEPI n’apportent pas de réponse satisfaisante au manque de démocratisation des enseignements culturels.

Avant de créer ces cycles intermédiaires, la loi de 2004 aurait sans doute dû renforcer les obligations de l’État et des collectivités en matière d’éducation artistique pour tous. La sensibilisation de tous les enfants aux différentes formes d’art est en effet le meilleur facteur de démocratisation des pratiques artistiques.

Les crédits alloués par l’État et les collectivités aux enseignements artistiques méritent d’être revus à la hausse, mais pas uniquement pour créer des CEPI. L’enseignement musical demeure aujourd’hui un luxe pour bien des familles, aux points de vue tant financier que culturel. Même si les communes participent en prenant en charge une très grande partie des frais qui incombent aux familles, les sommes engagées restent parfois considérables.

L’expérience dont vous avez fait mention ce matin en commission, monsieur le ministre, et qui est conduite au Venezuela se rapproche de celle que j’ai pu observer au Chili : dans l’un et l’autre cas, il s’agit de permettre aux enfants de quartiers très défavorisés d’accéder à une pratique artistique, en consacrant les moyens nécessaires pour à cette action de sensibilisation. Ce sont des exemples de réussite que nous devrions avoir à l’esprit dans nos réflexions sur l’avenir.

M. le ministre de la culture fait un signe d’assentiment.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Ainsi, la question de l’irrigation de nos territoires, particulièrement de nos territoires ruraux, en enseignements artistiques de qualité n’a été que trop peu – et mal – abordée par la loi de 2004. Elle est par ailleurs absente de la proposition de loi déposée par notre collègue.

Les efforts de mise en réseau des enseignements et des enseignants, ainsi que le développement de méthodes pédagogiques innovantes dans les campagnes, restent encore aujourd’hui insuffisants. Si nous voulons corriger les imperfections de la loi, nous devrons impérativement traiter ces problèmes et mettre en place des incitations réelles, sans quoi certains territoires demeureront des déserts culturels.

En conclusion, mes chers collègues, monsieur le ministre, je voudrais réaffirmer ma conviction : derrière ses aspects techniques, la décentralisation des enseignements artistiques constitue un enjeu politique majeur pour le développement culturel de nos territoires. Il y va aussi de l’égalité des chances puisque nous devons réussir la démocratisation de cette transmission de la culture. C’est enfin un enjeu économique parce que de très nombreux emplois, souvent précaires, sont concernés.

La proposition de notre collègue est un premier pas, mais il est insuffisant. Elle constitue une base, qui devra être élargie, afin de mieux redéfinir le rôle de l’État et de créer davantage de liens entre les différentes formations supérieures artistiques.

Pour sortir réellement de l’impasse, il faut donc remettre tout l’ouvrage sur le métier et repenser l’organisation de ces enseignements, en concertation avec les collectivités. C’est justement cette absence de concertation préalable qui a été la cause de l’échec à la fois administratif et pédagogique de la loi de 2004. Ne renouvelons pas cette erreur : donnons aux collectivités les moyens d’être ces conquérants de la culture que Malraux imaginait.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les enseignements artistiques participent de l’aménagement du territoire. Ils contribuent à la richesse de l’offre d’accès à la culture, aussi bien dans le domaine de la danse que dans ceux de la musique ou des arts graphiques.

Les bases de la réforme ont été jetées par la loi relative aux libertés et responsabilités locales, en 2004, qui confiait la responsabilité de ces enseignements aux collectivités territoriales, sans pour autant en définir précisément les tenants et les aboutissants.

De vives inquiétudes se sont immédiatement fait jour, principalement de la part des collectivités locales et des régions, mais aussi du monde associatif et des professionnels, à propos de la définition du périmètre des compétences et des destinataires des crédits de l’État. J’aurai l’occasion de revenir sur ce point.

Mes chers collègues, la réforme de l’organisation des collectivités territoriales est au cœur de nos préoccupations et, avec elle, la problématique des transferts de compétences de l’État vers ces collectivités.

Les transferts de crédits sont malheureusement rarement proportionnels aux besoins et il en va de même dans le secteur des enseignements artistiques. C’est la raison des réticences de certaines collectivités.

Je souhaite dire quelques mots sur les raisons du blocage de la réforme de 2004.

De l’eau a coulé sous les ponts sans que la situation se clarifie et que les décrets d’application soient publiés. Sur le terrain, seules deux régions ont pu procéder à des expérimentations. Les autres ont réalisé des études d’impact, exprimé haut et fort leur refus de prendre en charge la totalité du financement du CEPI et, surtout, demandé une concertation préalable entre les collectivités locales et l’État. Leur requête est restée lettre morte.

Cette situation tendue a conduit à la publication du rapport d’information de notre collègue Catherine Morin-Desailly en juillet 2008. Dans cette publication, conçue pour tracer des pistes de sortie de crise, les raisons du blocage sont exposées sans périphrases et la nécessité pour l’État de donner un « coup de pouce » financier est réaffirmée.

Qui plus est, l’éducation et les enseignements artistiques y sont présentés dans toute leur noblesse en termes de choix de société et d’aménagement territorial. Ce rapport d’information se veut un bilan d’étape de l’application du volet consacré par la loi de 2004 aux enseignements artistiques.

Ses objectifs sont louables : démocratiser l’accès à la culture et aux disciplines artistiques, qu’elles soient pratiquées à titre amateur ou professionnel, notamment en valorisant l’orientation vers les métiers de la culture, mais aussi grâce à la mise en place d’outils de coordination des actions propices au partenariat entre collectivités publiques et acteurs privés, ou encore par une valorisation statutaire.

Les conditions du succès de la réforme envisagée dans ce rapport sont essentiellement d’ordre financier et méthodologique : expérimentations régionales, clarification des débouchés professionnels des formations artistiques, gouvernance régionale des enseignements ou encore coopération intercommunale.

Permettez-moi d’insister sur la nécessaire coordination des actions artistiques et culturelles au sein de nos territoires. Elle est cruciale à mes yeux. En effet, respecter les équilibres entre privé et public, c’est par exemple renforcer les partenariats entre les conservatoires et le secteur associatif, amplifier largement l’effort de formation et assurer la représentation des acteurs du secteur privé dans la commission régionale des enseignements artistiques. Chacun des acteurs – employeurs, enseignants, artistes – a son mot à dire.

Ces changements garantiraient un meilleur accès pour tous à une offre large de pratiques artistiques, y compris les plus innovantes, celles qui sont liées aux nouvelles technologies ou encore, pour ne citer qu’un exemple de champ disciplinaire, au domaine des musiques actuelles.

Depuis 2008, les questions du pilotage et du transfert des crédits restent pourtant sans réponse : qui, des régions ou des communes, exercera la compétence en matière d’enseignement artistique ? S’agira-t-il des unes, des autres ou bien encore des deux à la fois ?

L’Association des régions de France accepte un pilotage au niveau régional, mais avec un transfert de la mise en œuvre aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale.

C’est d’ailleurs pour trancher cette question une fois pour toutes devant le Parlement que vous avez déposé le 24 juillet dernier, chère Catherine Morin-Desailly, votre proposition de loi n° 588 rectifié. Dans votre texte, de nombreuses dispositions méritent mieux que les réticences du Gouvernement.

Vos recommandations sur l’éducation artistique et l’orientation professionnelle, notamment, sont particulièrement précieuses. La question de l’orientation est fondamentale pour la formation des futurs artistes et enseignants. Jusqu’à présent, seuls les élèves les plus doués ou bénéficiant d’un environnement familial favorable pouvaient envisager de faire de leur passion et de leur talent leur métier. Demain, peut-être, chacun pourra prétendre au droit d’être orienté dans son parcours artistique et, ainsi, choisir en connaissance de cause entre la pratique en amateur et le cadre professionnel.

En termes d’emploi, poser la question de l’orientation, c’est aussi s’intéresser aux débouchés professionnels : dans le CEPI, un module traite justement des métiers culturels dans toute leur diversité, rompant ainsi avec le mythe du jeune virtuose, qui était jusqu’à aujourd’hui la seule issue honorable pour un élève de conservatoire.

Pourquoi un jeune pianiste ne pourrait-il pas se réaliser professionnellement en tant que programmateur de festival, disquaire ou encore administrateur d’orchestre ? Cela suppose de ménager le temps nécessaire à l’orientation. À l’heure où les professionnels du spectacle connaissent les difficultés que l’on sait, le fait de créer un cycle d’orientation professionnelle serait une initiative salutaire.

Dans cette même logique, l’harmonisation des diplômes pourrait contribuer à rétablir l’égalité des chances dans un secteur qui se complaît trop souvent dans l’élitisme. Actuellement, chaque conservatoire classé par l’État délivre son propre diplôme, dont la valeur est principalement liée à la réputation de l’établissement.

Le CEPI déboucherait sur le diplôme national d’orientation professionnelle, permettant enfin de gommer les inégalités territoriales. En effet, on sait bien qu’il vaut mieux, par exemple, apprendre la musique à Lyon qu’à Toulouse !

À l’heure où l’État s’attache à restructurer l’enseignement artistique supérieur, à quoi cette réforme servira-t-elle si l’on ne crée pas un diplôme ouvrant la voie aux nouveaux cursus et diplômes supérieurs, tout en garantissant une parfaite transparence des critères d’accès et des prérequis ?

L’affirmation de la vocation première des conservatoires, en ce qui concerne la formation des amateurs, est aussi importante. La dénomination de « cycle d’orientation professionnelle », ou COP, permet, plus que celle de CEPI, de mettre en avant le terme « orientation », clairement énoncé.

Par ailleurs, la création d’une commission régionale des enseignements artistiques doit absolument être encadrée par la loi, de telle sorte qu’elle soit pourvue des prérogatives suivantes : négocier et déterminer l’organisation du COP, définir les contributions financières par voie de convention avec les collectivités ou encore avec l’État.

Celui-ci réapparaît ainsi comme acteur. Dans le texte initial, les régions devaient s’arranger seules, alors que l’État est assurément le mieux placé pour prendre les initiatives de certification.

Avant de conclure, je voudrais préciser que je partage certaines inquiétudes des régions. Pour les départements, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale, la proposition de loi de notre collègue ne présente que des avantages. Pour les régions, même si la transformation du CEPI est susceptible de simplifier les choses, il faudra être vigilant quant à l’augmentation des volumes horaires prévus initialement.

L’actuelle évaluation des coûts devra être ajustée pour que les crédits transférés couvrent effectivement les dépenses provoquées par le pilotage et l’organisation du diplôme.

Je tiens à souligner que l’avis réservé des régions est d’autant plus justifié que cette réforme est une fausse décentralisation, l’État n’ayant jamais exercé cette compétence : s’il contrôle les schémas pédagogiques et le classement des conservatoires, ce sont bien les collectivités gestionnaires qui en assurent la bonne marche et en supportent l’essentiel des dépenses : de 75 à 95 %.

Votre texte, ma chère collègue, s’il est mis à l’ordre du jour du Sénat et adopté, permettra de lever les blocages dans la mesure où les régions ne seront plus contraintes à l’action, mais engagées à piloter la concertation et à passer des conventions, si elles le souhaitent, avec les autres collectivités.

Une ombre persistera pourtant au tableau, car seules les régions volontaires avanceront et financeront le COP au-delà des crédits transférés. Les autres pourront se contenter de reverser ces crédits aux conservatoires. De fait, les collectivités gestionnaires continueront d’agir selon leurs possibilités et les disparités territoriales que la loi était censée résoudre subsisteront. Mais restons optimistes : avec le temps, des améliorations pourront être recherchées et trouvées.

La réforme des enseignements artistiques doit être engagée. Le statu quo conduirait à une profonde régression et mettrait les collectivités en grande difficulté face à l’opinion publique. Passer en force pour imposer une réforme à des collectivités récalcitrantes accentuerait le gâchis.

Suivre les préconisations esquissées par notre collègue permettrait une sortie de crise attendue depuis cinq ans. Pour mieux franchir le cap, il me semble que cela peut attendre quelques mois de plus, sachant que le rapport a été rendu il y a déjà quinze mois !

À partir d’avril 2010, la proposition de loi de Mme Morin-Desailly pourrait être considérée pour ce qu’elle est et examinée sereinement par le Parlement, et non pas exploitée à des fins exclusivement politiciennes, voire électoralistes.

Monsieur le ministre pouvez-vous prendre cet engagement devant nous ?

Applaudissements sur les travées du RDSE et de l ’ Union centriste. – M. Jean-Luc Fichet applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Maryvonne Blondin

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a posé, dans ses articles 101 et 102, les principes de la répartition des responsabilités sur le volet « enseignements artistiques », domaine si fondamental à l’épanouissement des individus et au développement du « vouloir vivre ensemble ». Mais elle est restée au milieu du gué, ce qui a entraîné les situations de blocage que l’on connaît et qui viennent d’être évoquées. Qu’il me soit donc permis de remercier à mon tour notre collègue Catherine Morin-Desailly d’avoir relancé ce débat.

Je voudrais axer mon propos sur le rôle respectif de l’État et des collectivités territoriales, en les illustrant par des exemples tirés de mon département, le Finistère, et de ma région, la Bretagne.

Cela a été rappelé, l'éducation nationale est le premier acteur concerné. À cet égard, je citerai, moi aussi, le Président de la République, ce qui m’arrive tout de même rarement !

Exclamations amusées.

Debut de section - PermalienPhoto de Ivan Renar

Vous pastichez la droite, ma chère collègue !

Debut de section - PermalienPhoto de Maryvonne Blondin

Dans son discours sur la réforme du lycée, il a ainsi déclaré : « Le devoir de l’école est de transmettre à chacun notre patrimoine commun, qui est fondamentalement culturel. […] Dans le lycée de demain, l’art et la culture feront partie de la vie quotidienne des élèves […] » Il a en outre précisé : « La part des enseignements et des activités artistiques ou culturelles au lycée est aujourd'hui, disons-le, scandaleuse. »

Vous-même, monsieur le ministre, avez affirmé ce matin devant notre commission de la culture qu’il s’agissait de l’un des grands enjeux de demain.

Nous avons tous conscience ici du peu de considération accordé à l'enseignement des disciplines artistiques, très souvent relégué en fin de journée et dispensé dans des conditions assez déplorables.

Dans le même discours, Nicolas Sarkozy a également souhaité la désignation, dans chaque lycée, d’un « référent culture », choisi parmi les professeurs, chargé des relations de l’établissement avec le monde culturel environnant.

Monsieur le ministre, si l’on ne peut qu’approuver ces engagements, qu’en est-il de la réalité des moyens qui y sont affectés ? Comment créer de nouvelles responsabilités au sein du lycée si le nombre d’enseignants diminue ? L’éducation nationale annonce, en effet, à chaque rentrée, de nouvelles suppressions de postes et une diminution constante des places offertes au CAPES.

Pour étayer mes craintes, je continuerai de citer le Président de la République, qui a indiqué qu’il demandait à son ministre de l’éducation nationale d’étudier la possibilité de projeter des films dans les lycées professionnels, l’État assumant le financement de ces projections « s’il le faut ».C’est ce « s’il le faut » qui m’inquiète ! On ne peut se contenter d’une telle approximation, d’autant que le projet de loi de finances pour 2010 prévoit une baisse, à hauteur de 50 % dans le premier degré et de 14 % dans le second degré, des moyens de fonctionnement destinés à financer les actions pédagogiques et les partenariats dans les domaines artistique et culturel.

Au final, il est légitime de s’interroger sur la réalité des engagements de l’État pour le développement de l’art et de la culture dans les établissements scolaires. À l’évidence, les paroles sont belles, mais l’air est trop connu et la chanson est bien triste ! Les moyens ne sont pas à la hauteur de l’ambition affichée par le Gouvernement.

Il s’agit pourtant d’une question capitale, car c’est dans le cadre du milieu scolaire que les inégalités sociales en termes d’accès à la culture doivent être corrigées.

La mission commune d’information sénatoriale sur la politique en faveur des jeunes, à laquelle j’ai participé, a fait apparaître, dans son rapport, la nécessité de prendre en compte toutes les compétences de chaque élève « pour mettre un terme aux sorties du système éducatif sans aucun diplôme, certification ou attestation ». Or les aptitudes artistiques font partie de ces compétences susceptibles de révéler des élèves qui ne s’illustrent pas dans les matières traditionnelles. Il faut sortir de la culture linéaire du diplôme et permettre aux élèves les moins « scolaires » d’acquérir d’autres compétences.

« C’est l’éducation culturelle qui apprend à travailler efficacement ensemble dans le respect et la compréhension […] L’éducation artistique donne aux jeunes le courage de franchir les frontières et de développer pleinement leur personnalité, et pas seulement leurs talents intellectuels. L’éducation dans une société démocratique est intrinsèquement liée à ces qualités. » Ce n’est ni un ministre de l'éducation nationale ni un chef d'État qui s’est exprimé ainsi ; c’est une chef d’entreprise autrichienne, Monika Kircher-Kohl.

Dans son rapport du 9 juillet dernier, établi au nom de la commission de la culture, de la science et de l’éducation de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, Christine Muttonen écrit ceci : « Les établissements d’enseignement doivent mettre sur pied des projets internationaux de coopération dans le domaine de l’éducation culturelle […] Les États membres doivent soutenir les établissements d’enseignement dans ces projets par des actions de sensibilisation [ou] l’octroi de financements[…] »

Elle recommande par ailleurs aux responsables du PISA, le programme international pour le suivi des acquis des élèves, mené par l’OCDE, d’inclure « le sens civique » et « les compétences créatives » dans le champ d’évaluation des élèves.

La mission d’éducation culturelle et artistique relevant de la responsabilité de l’État, le rôle de celui-ci en la matière est plus que jamais à l’ordre du jour. L’efficacité de son action sera d’autant mieux garantie qu’il pourra compter sur le relais des collectivités territoriales, dont la proximité est un atout pour démocratiser l’accès à la culture.

Cela a été dit à plusieurs reprises, les collectivités territoriales ont une implication très forte dans le domaine de l’enseignement artistique. Il est, dès lors, incompréhensible que la loi de 2004 se soit contentée d’affirmer le rôle respectif des régions, des départements et des communes, sans préciser la clé de répartition des financements entre ces collectivités.

Le Finistère a choisi de s’investir avec force sur cette question, bien que, je le rappelle, il ne s’agisse pas d’une compétence obligatoire du département. Mais c’est ce dernier qui, par sa connaissance du territoire et sa proximité, est le seul à même d’assurer la cohérence d’une pratique culturelle adaptée et de garantir l’accès de tous à la culture. Telle est bien l’ambition du schéma de développement des enseignements artistiques mis en place dans le Finistère.

Ainsi, un état des lieux des enseignements artistiques a été réalisé en 2007. En concertation avec les acteurs locaux, une définition des différents niveaux d’écoles a été établie, entraînant, bien entendu, des modalités d’attribution financières spécifiques et des primes données au regroupement intercommunal. Les établissements sont ainsi répartis en trois niveaux d’intervention, selon qu’ils ont un rayonnement local, intercommunal ou départemental ; la loi de 2004 impose au département d’introduire un volet « art dramatique et arts du cirque » dans son schéma de développement des enseignements artistiques.

Le Finistère a adopté le sien en janvier dernier, le décret afférent étant enfin paru. Bénéficiant d’une bonne audience, le document commence à remplir ses objectifs : garantir l’accessibilité des enseignements artistiques au plus grand nombre, en améliorant la complémentarité des offres d’enseignements, en dynamisant le secteur et en fédérant l’ensemble des acteurs locaux.

Dans le cadre de ce schéma, le département affiche également son ambition de promouvoir le rôle des pratiques artistiques amateurs dans le développement culturel local, en réaffirmant le caractère prioritaire de cette mission. L’enjeu est important, car il s’agit de toucher le public le plus large possible et de favoriser les passerelles entre les pratiques amateurs et l’enseignement académique.

En décembre 2008, alors que de nombreuses associations s’inquiétaient d’un projet de réglementation des pratiques amateurs dans le cadre du code du travail, j’avais interpellé votre prédécesseur, monsieur le ministre, sur les risques que présenterait une telle mesure. Je rappelle à cet égard l’importance de la culture et de l’identité bretonne, dont les pratiques amateurs sont le terreau. Pour le seul secteur de la musique, du chant et de la danse en Bretagne, ce sont 40 000 à 50 000 personnes, professionnels ou amateurs bénévoles, qui se mobilisent régulièrement.

En réponse à ma question sur le projet de réglementation, Mme Albanel avait précisé : « À cet égard, la voie législative n’apparaît pas adaptée à la diversité des situations et ce sont donc des pistes alternatives, de nature contractuelle, qui seront explorées avec les collectivités territoriales, les professionnels et les artistes amateurs. » J’attends toujours cette exploration concertée !

Pour donner la mesure de l’enjeu, je citerai l’action des deux grandes fédérations de la culture bretonne. Par le biais d’une convention conclue avec le conseil général, elles mènent des actions de sensibilisation et de découverte auprès des scolaires et d’un public plus large, ou encore un accompagnement dans la démarche de création, de diffusion des productions, sans oublier la transmission des savoirs par la formation dispensée aux jeunes dans tout le département.

L’une d’elles, « Musiques et danses en Finistère », propose, en outre, un plan de formation continue non diplômante à destination des enseignants, artistes amateurs et animateurs culturels. Il s’agit d’un outil indispensable à la structuration pédagogique de l’enseignement sur notre territoire. Voilà bien un exemple de collaboration réussie !

Monsieur le ministre, mes chers collègues, j’évoquerai maintenant le niveau régional, au travers d’une expérimentation qui est en cours.

En Bretagne, il existe quatre écoles d’arts plastiques à rayonnement régional, dont deux dans le Finistère. Celles-ci ont décidé, à titre expérimental, de se réunir en un seul établissement public de coopération culturelle. Lassées d’attendre la publication du décret d’application, elles ont pris les devants, et la structure est pratiquement opérationnelle. Ce décret – il aurait été signé la semaine dernière, mais le conditionnel ici s’impose – doit préciser les conditions dans lesquelles les établissements d’enseignement supérieur d’arts plastiques sont autorisés à délivrer les diplômes nationaux.

Le projet est soutenu par la direction régionale des affaires culturelles, mais aussi par le conseil régional, qui avait déjà affiché sa volonté de considérer les écoles supérieures d’arts de Bretagne comme l’une des priorités de la politique culturelle régionale. Cet EPCC prendra en charge, avec l’appui des ministères de la culture et de l’enseignement supérieur, les cycles d’enseignement supérieur LMD.

Certes, l’ouverture et le dialogue entre ces écoles existaient bien avant ce rapprochement puisqu’elles avaient l’ambition de développer les partenariats culturels, économiques, universitaires, pour créer une dynamique dans les territoires.

La coopération entre les collectivités territoriales, avec l’appui de l’État, a constitué la seule solution envisageable pour la survie des filières culturelles et artistiques supérieures dans les territoires où elles sont implantées.

La région apparaît donc comme un échelon de coordination pertinent, car c’est sur le mode du dialogue et dans le respect du libre arbitre de chaque collectivité que s’articule le projet. Dans ces conditions et dans cet esprit, le fait de désigner la région comme chef de file me paraît tout à fait concevable.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat que nous avons aujourd’hui se heurte, comme tant d’autres, au problème de la réforme des collectivités territoriales et des finances locales. Aujourd’hui, nous parlons des enseignements artistiques, mais qui, demain, assumera cette compétence ? Et tout ce réseau de coopération, de développement, de formation et de transmission risque de s’écrouler si les différentes collectivités ne sont plus en mesure d’assurer le financement de ce volet. Leur capacité en la matière est en effet appelée à être dramatiquement réduite par les décisions qui s’annoncent, auquel cas elles se recentreront sur les compétences qui leur sont exclusivement dévolues.

Monsieur le ministre, nous espérons vivement que les collectivités territoriales bénéficieront des transferts financiers attendus pour avoir, enfin, les moyens d’agir.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

« Tu me dis, j’oublie. Tu m’enseignes, je me souviens. Tu m’impliques, j’apprends. » Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, madame Morin-Desailly, cette maxime de Benjamin Franklin que j’affectionne particulièrement me semble emblématique de la question qui nous occupe aujourd’hui, celle des enseignements artistiques dispensés dans nos conservatoires, sur tous nos territoires.

Tout art, chacun en est convaincu ici, nécessite une initiation, non seulement pour être saisi dans ses beautés, dans ses nuances, dans sa profondeur, mais aussi pour être pratiqué selon ce que l’on appelle, précisément, « les règles de l’art ».

C’est sur cette évidence qui, comme toutes les évidences, a besoin d’être répétée, ou en tout cas rajeunie, que je fonde ma volonté de faire de la transmission l’une des priorités de mon action à la tête du ministère de la culture et de la communication. L’idéal de la transmission doit devenir une réalité non seulement pour ce qui concerne l’accès aux œuvres et la mise en perspective historique, mais aussi pour tout ce qui touche à l’initiation aux pratiques artistiques.

Ces trois exigences, de l’accès, de la culture générale et de la pratique, sont, bien sûr, étroitement liées. Car la pratique d’un art est, bien souvent, la meilleure porte d’entrée pour en comprendre les tenants et aboutissants, pour en découvrir les arcanes.

La pratique est, sans doute, pour reprendre le mot de Benjamin Franklin, ce qui véritablement « implique » le mieux un élève. Et quand bien même elle n’aboutirait pas nécessairement à faire advenir un nouveau Mozart ou un nouveau Gérard Philipe, l’essai de création a souvent été, dans l’histoire, le premier pas des connaisseurs.

La pratique est un peu, toutes choses égales par ailleurs, à l’image des approches « comportementales » prônées par certains psychologues, une manière d’entrer pleinement dans un sujet, de déclencher un changement d’horizon et une ouverture véritable. Vous connaissez tous le mot de Pascal : « Mettez-vous à genoux et vous croirez ». J’ai envie de dire : pratiquez un art et vous deviendrez, , des connaisseurs et des amateurs respectueux des vrais talents.

L’initiation à la pratique d’un instrument de musique, du jeu scénique ou de la danse n’est pas seulement la garantie d’un épanouissement personnel. Elle est aussi une manière d’élever le niveau d’attention aux arts de toute la société. Et cette disponibilité aux arts est, à mes yeux, indissociable de la santé d’une démocratie, parce que les arts aident chacun à se ménager son espace de recul et de réflexion, qui est évidemment aussi un espace de liberté.

Loin d’une « société du spectacle » fondée sur un consumérisme qui se nourrit de la passivité, les arts et leur pratique nous aident et nous ont toujours aidés à bâtir une démocratie ouverte et civilisée, une République dont l’un des piliers, moins visible que d’autres, mais néanmoins omniprésent, est la « culture » : le fait de développer ses talents, de les « cultiver », c’est-à-dire littéralement de ne pas les laisser en friche.

Ces principes généraux forts répondent à la volonté du Président de la République de remodeler profondément notre système d’enseignement, notamment dans le cadre de la réforme du lycée dont il a dessiné certaines grandes orientations le 13 octobre dernier, et qui se traduira et se traduit déjà par une place nouvelle accordée à la culture. Je pense en particulier à l’institution, ambitieuse et tellement attendue, d’une histoire des arts à l’école, à laquelle je travaille assidûment avec mon collègue Luc Chatel. Je vous rappelle que j’ai fait de la transmission, aussi bien dans les établissements scolaires que dans les conservatoires, une priorité de mon action au sein du Gouvernement.

C’est précisément cet apprentissage des pratiques artistiques dans les conservatoires qui nous réunit et nous intéresse aujourd’hui. Nos débats répondent aux incitations intellectuelles judicieuses fournies par les travaux conduits depuis plusieurs années, avec la qualité d’engagement que l’on sait, par Mme Morin-Desailly et qui ont abouti à la question orale qu’elle pose aujourd’hui au Gouvernement.

En la matière, à côté de notre travail avec l’éducation nationale, la politique du ministère de la culture doit reposer, bien évidemment, sur un partenariat solide et clarifié avec les collectivités territoriales.

Il est inutile, je pense, de vous faire un état des lieux de la question des enseignements artistiques dans notre pays. Ce thème a déjà été largement abordé.

Vous connaissez l’importance acquise en quarante ans par ce réseau, depuis l’impulsion donnée par Marcel Landowski en 1967, à tous les niveaux des collectivités. Quelques chiffres suffisent à l’illustrer : environ 150 000 élèves, répartis en un ensemble de 500 établissements, dont 283 conservatoires à rayonnement communal ou intercommunal, 106 conservatoires à rayonnement départemental, 42 conservatoires à rayonnement régional.

Il témoigne de l’ambition de l’État et des collectivités territoriales de favoriser l’accès du plus grand nombre à une pratique artistique, notamment musicale.

Vous savez comment, plus de vingt ans après le vote de la loi de 1983, qui transférait globalement aux collectivités les compétences dans les domaines de l’enseignement de la danse, de la musique et de l’art dramatique, de nouveaux besoins se sont, peu à peu, imposés. C’est, d’abord, celui d’une clarification d’un système devenu trop complexe à force d’interventions mal harmonisées jusqu’à la confusion. C’est, ensuite, la volonté d’une meilleure répartition d’un service qui, , s’était surtout développé dans les communes, c’est-à-dire dans les réalités municipales très diverses et très contrastées de notre pays. C’est, enfin, la nécessité d’assurer la transition entre la pratique amateur et la formation professionnelle et de distinguer les cursus selon les finalités.

Il s’agit, tout en maintenant la possibilité de bénéficier d’un enseignement pour amateurs tout au long de la vie, de dessiner une voie, sinon royale, du moins simplement praticable pour les musiciens, comédiens et danseurs qui sont susceptibles et désireux de devenir un jour des professionnels dans leur activité artistique de prédilection.

La loi du 13 août 2004 sur la décentralisation a cherché à répondre à ces besoins en créant un schéma en quelque sorte idéal d’organisation et de répartition des compétences entre les différents niveaux de collectivités publiques.

Elle a posé, vous le savez, la configuration suivante : aux communes le « gros œuvre », pour ainsi dire, de l’initiation et des pratiques amateurs, un travail forcément très variable selon les villes engagées, mais qui devait être remis en cohérence au niveau des départements, dans les « schémas départementaux de développement des enseignements artistiques », adoptés par les conseils généraux ; à l’État l’enseignement supérieur – des établissements comme le Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris et celui de Lyon, par exemple – et, de manière plus générale, le contrôle pédagogique de l’ensemble des établissements.

En outre, la loi de 2004, tirant les conséquences des compétences de la région dans le domaine de la formation professionnelle, a chargé ces collectivités de prendre en charge précisément cet échelon intermédiaire de la formation artistique, ce « chaînon manquant » dont nous parlions, entre la simple initiation et la carrière professionnelle. Cette passerelle, vous le savez, c’est ce qu’on appelle le cycle d’enseignement professionnel initial, le CEPI. Il constitue bien, comme son nom l’indique, pour les élèves concernés, le stade initial de la professionnalisation et, en tout état de cause, un cycle de deux ans au cours duquel la motivation et les qualités artistiques des élèves sont mises à l’épreuve avant le « grand saut » dans la carrière.

C’était là le schéma idéal dessiné par la loi. Or vous savez ce qu’il advient souvent des plus belles constructions de l’esprit, de la République idéale de Platon ou de la Cité idéale de Fénelon dans le roman d’éducation qu’est Télémaque. Elles ne trouvent pas toujours, n’est-ce pas, une parfaite application dans la réalité…

En l’occurrence, il faut le reconnaître, les régions ont parfois hésité à se saisir pleinement de cette nouvelle compétence et, pour mille raisons qu’il serait trop long de détailler ici et maintenant, la situation a connu une forme indéniable de blocage.

J’ai envie de dire : « Enfin Mme Catherine Morin-Desailly vint ».

Mme Catherine Morin-Desailly sourit.

Debut de section - Permalien
Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

L’immense travail que vous avez accompli et conduit sur le terrain, sans œillères ni préjugés, a abouti à un rapport remis le 24 juillet 2008, un texte d’une grande sagacité et d’une grande solidité qui a permis de poser les bases d’une nouvelle réflexion entre tous les acteurs.

De son côté, l’État, dès le 10 juillet 2008, pour répondre à la demande des collectivités, a réactivé le Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel et a mis en place, en son sein, un groupe de travail spécialement consacré aux enseignements artistiques spécialisés.

Le rapport sans concession que vous avez établi a exploré les causes du blocage et aidé chacun des acteurs à une prise de conscience lucide des problèmes. Il met en évidence ce qui manquait sans doute à la loi de 2004 : un consensus préalable autour du caractère prioritaire des enseignements artistiques en France, ainsi qu’une implication des élus dans un processus de réforme qui était fortement porté par les professionnels.

Les travaux du Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel et notre débat d’aujourd’hui montrent que le message a été entendu. Il nous appartient toutefois de faire en sorte que cette prise de conscience se traduise, à moyen terme, par une prise de décision à partir des propositions qui sont désormais sur la table.

Madame Morin-Desailly, vous avez réaffirmé avec justesse les enjeux de ce chantier pour l’avenir : il s’agit de briser la glace de l’intimidation sociale – un thème qui m’est particulièrement cher –, qui éloigne encore trop souvent nos concitoyens des arts et de la culture.

Vous avez raison de souligner clairement le rôle primordial des conservatoires dans le développement de la pratique en amateur. Celle-ci doit être clairement leur première mission. Le débat sur les cycles d’enseignement professionnel initial a en effet confirmé, s’il en était besoin, que la tendance naturelle des établissements est de se focaliser sur le repérage de futurs professionnels, quand ceux-ci ne représentent qu’une petite minorité des élèves qu’ils accueillent.

L’objectif premier des conservatoires doit bien être de toucher un maximum d’élèves, notamment ceux qui sont le plus éloignés de l’offre culturelle, afin d’aider à l’avènement de cette « culture pour chacun » à laquelle je travaille. Ils doivent proposer des possibilités d’épanouissement aux amateurs, y compris adultes, et les encourager à développer les pratiques collectives. Sortir de ce mal bien français de la voie royale, dont l’étroitesse forcée étouffe trop de vocations et d’épanouissements artistiques et culturels : tel est bien l’enjeu.

Vous avez, madame la sénatrice, prôné à fort juste titre que l’on passe d’un système pyramidal, fondé sur l’idée d’une destination professionnelle obligée, à une logique d’aiguillage : substituer, à la « pensée unique » de la professionnalisation, la liberté et la souplesse de l’orientation.

Cette exigence d’orientation est d’ailleurs inscrite dans les exigences générales du Gouvernement en matière d’enseignement, et elle répond aussi pleinement aux compétences professionnelles qui sont celles des régions.

Réjouissons-nous donc que les CEPI puissent être changés en COP, sans qu’il s’agisse de convoquer de manière intempestive l’argot américain : un COP est simplement un cycle d’orientation professionnelle.

Il s’agit là, pour moi, d’une préoccupation essentielle et d’une responsabilité collective, celle de mieux maîtriser le flux des jeunes qui se dirigent vers les métiers du spectacle, celle aussi de mieux former ceux qui font le choix de ces parcours d’exception.

Mme Morin-Desailly a mis en lumière les principaux facteurs qui ont conduit au blocage.

S’agissant de l’estimation erronée des coûts de la réforme, des expérimentations menées dans le Nord-Pas-de-Calais et en Poitou-Charentes depuis 2004 ont permis de rectifier les erreurs et, par là, de dépassionner le débat.

Beaucoup de points ont fait l’objet d’un accord, notamment au niveau du conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel, mais, si nous sommes réunis aujourd’hui, c’est notamment pour aborder une question cruciale qui reste en suspens, celle des crédits de fonctionnement, qui représentent actuellement près de 30 millions d’euros, soit, en moyenne, 9 % du budget global des enseignements artistiques spécialisés que l’État verse aux communes depuis 1983 pour contribuer au fonctionnement des conservatoires.

Ce versement ne correspond pas à une compétence identifiée. Alors que l’État n’est plus compétent dans le domaine des enseignements artistiques spécialisés depuis plus de vingt-cinq ans, il détient encore les crédits au lieu que ceux-ci soient directement à la disposition des collectivités territoriales qui exercent cette compétence.

La loi de 2004 prévoyait un transfert de ces crédits aux régions et aux départements, selon des clés de répartition fixées par les DRAC. Le rapport de Mme Morin-Desailly et les débats du conseil territorial des collectivités pour le développement culturel ont montré qu’il était indispensable de trouver une solution plus simple et plus lisible. Pourtant, aucun consensus n’a pu se dégager au cours des travaux des derniers mois, malgré la volonté très forte, je crois, des uns et des autres d’aboutir.

Nous avons devant nous trois solutions.

La première consiste à modifier la loi pour élargir aux communes la liste des collectivités attributaires des crédits de l’État qui transitent par les DRAC. Il s’agit donc de mettre fin à une situation où la loi n’est pas appliquée, car trop restrictive, en méconnaissance de la réalité des faits. Chaque DRAC pourra donc, en fonction des réalités locales, attribuer les crédits de l’État aux différentes collectivités en fonction de leur implication réelle.

La deuxième solution, c’est de transférer directement aux communes l’ensemble de ces crédits, c’est-à-dire de prendre acte de manière plus forte encore du fait que ce sont les communes qui créent et financent les conservatoires.

La troisième solution est de transférer les crédits aux régions, c’est-à-dire d’appliquer l’esprit de loi de 2004, et d’accompagner ainsi la mise en place des COP.

Dans ces deux derniers cas, les départements recevraient une contribution unique et forfaitaire correspondant à l’élaboration des schémas départementaux.

La première solution – jouer sur les trois acteurs territoriaux – présente l’avantage d’une grande souplesse et de l’adaptation aux réalités du terrain, mais elle a un inconvénient évident : elle risque de créer des inégalités entre nos territoires.

Le transfert aux communes présente l’intérêt d’épouser l’existant, de le dynamiser et de le mobiliser encore davantage, et donc de renforcer les opérateurs, même s’il sera sans doute moins efficace pour maîtriser le développement de nouveaux COP.

Je rappelle que l’Association des régions de France s’est prononcée officiellement pour cette solution, par une lettre adressée au ministre de la culture et de la communication le 30 juin 2009.

Le transfert aux régions, plus ambitieux, est défendu par la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture et par l’Association des maires de grandes villes de France. C’est, vous le savez, la solution que développe et défend Mme Morin-Desailly dans sa proposition de loi.

Cette solution présente un avantage évident : une répartition de l’offre plus homogène et plus égale, mais aussi plus maîtrisée et plus coordonnée. En outre, elle correspond aux compétences des régions en matière de formation professionnelle et d’emploi.

Il a certainement été utile que nous ayons pris le temps nécessaire à la réflexion, car, quelle que soit l’issue de cette réforme, nous serons passés d’une vision pyramidale de l’enseignement spécialisé, de l’amateur au grand interprète, qui était celle des années soixante, à la mise en place de parcours diversifiés : d’une part, ceux des amateurs, pour qui la pratique d’un art est un vecteur d’épanouissement magnifique ; d’autre part, ceux des artistes, dont il s’agit d’accompagner l’entrée dans une carrière difficile et exigeante.

Nous avons aujourd’hui, grâce à ce travail de décryptage, une vision claire des trois solutions possibles. Chacune implique une modification législative et certaines d’entre elles, une modification de la répartition des compétences dans les différentes collectivités territoriales par rapport à la loi de 2004.

Il est donc certain que cette réforme ne peut être isolée du chantier d’ensemble de réforme des collectivités territoriales qui attend le Gouvernement et les élus.

Un premier projet de loi a été présenté au conseil des ministres le 21 octobre. Un second projet de loi sera présenté par mon collègue Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Le débat législatif n’est pas encore engagé. Il me semble donc de bonne administration d’être attentif à la mutation prochaine de notre carte des territoires avant de se lancer dans la réforme et d’opter pour l’une ou l’autre des solutions envisagées.

Ce temps de l’harmonisation nécessaire ne sera pas une attente supplémentaire ; c’est seulement un préalable imposé par la réalité, et ce temps supplémentaire peut être encore employé au débat sur une alternative complexe afin de tirer le meilleur parti du travail remarquable que vous avez réalisé, madame Morin-Desailly. Ce n’est donc en aucune manière un délai dilatoire, mais le temps nécessaire et obligé de l’ajustement.

Une certitude s’impose : je peux vous assurer de ma volonté de régler ces questions, en lien étroit avec mon collègue chargé de l’intérieur, dans le cadre de cette réflexion d’ensemble qui s’ouvre sur les compétences des collectivités territoriales.

Sachez que je suis particulièrement attaché à ce que nous aboutissions rapidement dans notre recherche de la solution la plus adaptée et, bien évidemment, à ce que nous ne perdions pas l’acquis des travaux et des échanges qui se sont tenus tout au long des derniers mois.

Je précise que, dans cette attente, l’État continuera évidemment en 2010 à verser ces crédits aux établissements, comme il a continué à le faire depuis 2004.

J’ai bon espoir que nous réussirons à brève échéance à mettre en place un système d’enseignement spécialisé qui satisfasse également les exigences légitimes des deux pôles en dialogue que sont les amateurs et les professionnels, ainsi que les prérogatives et les ambitions des collectivités territoriales.

Pour cela, nous aurons besoin de la sagesse pragmatique de Franklin, c’est-à-dire de savoir « impliquer » et nous impliquer.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP, de l ’ Union centriste et du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste. – M. Ivan Renar applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Mes chers collègues, en application de l’article 83 du règlement, je constate que le débat est clos.

(Texte de la commission)

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative aux recherches sur la personne (proposition de loi n° 177 rectifié, 2008-2009 ; texte de la commission n° 35, 2009-2010 ; rapport n° 34, 2009-2010).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Mesdames les sénatrices, je salue la féminisation de cette séance : Mme la présidente, Mme la présidente de la commission, Mme le rapporteur et la ministre en charge de la santé ! J’espère que ces messieurs ne vont pas se trouver trop seuls !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Je tiens tout d’abord à remercier Mme le rapporteur, chère Marie-Thérèse Hermange, et la commission des affaires sociales, chère présidente Muguette Dini, pour la pertinence de l’analyse de la proposition de loi et l’importance des améliorations qu’ils lui ont apportées. La petite loi qui vient en discussion devant vous porte sur une des priorités du ministère dont j’ai la charge : la recherche médicale, la recherche sur la personne.

L’ambition de ce texte est d’augmenter la protection des personnes tout en simplifiant la réglementation actuelle, devenue au fil des années complexe, confuse, parfois, il faut bien le reconnaître, inapplicable.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Son idée maîtresse est l’élargissement du périmètre de la loi, qui s’étendra demain aux recherches observationnelles, ou non interventionnelles. La proposition de loi établit pour toutes les recherches sur la personne un socle réglementaire commun. Celui-ci comporte essentiellement l’avis obligatoire d’un comité d’éthique, le comité de protection des personnes, ou CPP, et la désignation d’un responsable de cette recherche, le promoteur.

Au sein de cet ensemble, trois catégories de recherche ont été identifiées, en fonction du niveau de risque encouru par les personnes qui se prêtent à ces recherches : les recherches interventionnelles, qui impliquent la possibilité d’un risque certain, même s’il n’est que potentiel, les recherches ne comportant qu’un risque négligeable et, enfin, les recherches non interventionnelles.

Cette distinction repose sur l’existence et la dangerosité potentielle de l’intervention qu’introduit la recherche, et qui diffère de la prise en charge habituelle des malades. Cette intervention peut modifier le soin des malades, mais aussi viser à changer le comportement des personnes, le plus souvent dans une optique de prévention. On parle alors de recherche interventionnelle épidémiologique, ou en population.

Votre commission a apporté des améliorations substantielles à cette proposition loi, en élargissant considérablement sa portée et ses ambitions.

Je n’en mentionnerai que trois.

D’abord, vous établissez une commission nationale des recherches impliquant la personne dont l’une des missions sera d’être une instance d’appel pour les projets ayant reçu un avis négatif en première analyse par un CPP. Dans le cadre de cette mission, l’indépendance de l’avis par rapport aux promoteurs des recherches devra être garantie. Cette commission sera également en charge de l’harmonisation des pratiques des comités, une demande récurrente depuis le rapport du sénateur Claude Huriet, en 2001, et celui de l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, en 2006.

Le périmètre d’intervention de l’AFSSAPS, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, a ensuite été étendu à l’ensemble des recherches sur les personnes, lui permettant ainsi d’exercer pleinement son pouvoir de police sanitaire.

Enfin, vous étendez aux CPP la possibilité de donner un avis sur des recherches dont le promoteur est français mais qui devraient se dérouler dans un pays tiers à l’Union européenne. Cette disposition répond aux préoccupations de nombreuses institutions internationales, comme le Conseil de l’Europe ou l’UNESCO.

Toutefois, j’ai déposé au Sénat plusieurs amendements destinés à ajuster le texte de votre commission, et je voudrais insister sur deux d’entre eux.

Le premier porte sur le rattachement de la commission nationale dont vous proposez la création à la Haute Autorité de santé, la HAS. Ce choix ne me paraît pas être le meilleur. La recherche n’est pas une mission de la Haute autorité ; elle n’en a ni l’expérience ni la culture. La HAS est elle-même défavorable à ce rattachement.

En revanche, il est pleinement légitime que la commission nationale soit rattachée au ministre de la santé. D’abord, parce que c’est lui qui porte l’ensemble de la politique de recherche clinique dans notre pays. Ensuite, et surtout, parce qu’il est le garant de la protection des personnes, et porte cette responsabilité devant les acteurs de la recherche, devant nos concitoyens, et devant vous, la représentation nationale.

Le second amendement porte sur les modalités d’autorisation des recherches.

Il ne saurait y avoir de recherche sur la personne humaine sans des garanties fortes apportées aux personnes, et notamment l’avis préalable d’un comité d’éthique. Alors qu’aujourd’hui toute une catégorie de recherche en santé publique, dans le domaine de la prévention, se trouve dans une zone grise, la proposition de loi impose l’avis d’un comité de protection de personnes, et je me félicite de ce progrès majeur.

Pour autant, il me semble indispensable que les modalités de recueil du consentement des personnes soient adaptées et proportionnées à la nature de la recherche et aux risques encourus par les personnes. Il n’y a pas de raison, reconnaissez-le, d’avoir les mêmes exigences pour des recherches interventionnelles, avec un certain degré de risque, et pour des recherches où les risques sont minimes et souvent nuls.

Nos concitoyens ne comprendraient pas que des contraintes disproportionnées rendent matériellement impossible la réalisation de certaines recherches, alors que celles-ci présentent un intérêt en termes de santé publique.

Est-il raisonnable, quand on veut comparer l’efficacité de deux campagnes de prévention menées dans deux villes différentes de recueillir le consentement individuel et écrit de l’intégralité des habitants de ces deux villes ? Devons-nous renoncer à cette recherche s’il manque un seul formulaire de consentement ?

Pour cette raison, lorsqu’une recherche présente un intérêt en termes de santé publique, qu’elle est à risque minime voire nul et, enfin, que l’objet même de la recherche rend excessivement lourd le recueil du consentement individuel et écrit – comme en témoigne l’exemple que je viens de citer –, je vous propose que le CPP puisse l’autoriser, dès lors que les personnes concernées bénéficient d’une information collective sur la recherche et qu’elles ont, évidemment, la possibilité de ne pas y participer.

Madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes tout près d’adopter un grand texte législatif, …

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

… un texte qui marquera une date, comme la loi Huriet-Sérusclat l’a fait en son temps.

Il ne s’agit rien de moins que d’établir de façon durable l’encadrement de toutes les recherches sur la personne, en le fondant sur des garanties très fortes apportées aux personnes, notamment l’avis préalable d’un comité d’éthique, et ce pour toutes les recherches sur la personne.

Voilà le texte important que nous examinons cet après-midi ! Je remercie de nouveau la présidente Mme Muguette Dini et Mme le rapporteur.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi relative aux recherches sur la personne, déposée par notre collègue le député Olivier Jardé, est maintenant soumise à notre examen. Celui-ci a été différé du fait de la discussion du projet de loi HPST, « Hôpital, patients, santé et territoires ». Ce délai a permis de prendre le temps de la réflexion, ce qui est toujours particulièrement nécessaire quand il s’agit de recherche et d’éthique.

Mais, vous en conviendrez, il est étonnant que l’on nous présente un texte d’une telle portée à la veille d’un week-end important, que l’on mobilise seulement deux heures de discussion, alors que l’on accorde trois semaines pour un texte sur les OGM ! Je tenais à formuler cette observation, connaissant votre ambition, chers collègues, en matière de recherche médicale, à laquelle vous tenez tout particulièrement.

La question qui nous est posée n’est rien de moins que de décider quel doit être l’équilibre entre le développement de la recherche appliquée en médecine et la protection des personnes qui s’y prêtent.

La recherche médicale est porteuse d’un mieux-être individuel et collectif que nous mesurons à l’aune de l’espérance de vie que nous gagnons chaque année. Entraver la recherche, c’est risquer de ralentir ce progrès social ou de ne pouvoir faire face aux nouvelles menaces sanitaires. Aussi faut-il nécessairement que nous fassions confiance aux chercheurs, car une société qui se défie de la science se destine à la paralysie et à l’obscurantisme.

Pour autant, quel prix sommes-nous prêts, collectivement, à payer pour quelques années de plus et quelles garanties devons-nous exiger de la part des chercheurs pour que les personnes malades engagées dans un protocole de recherche soient prises en compte au mieux de leur intérêt ?

Contrairement à une certaine idée reçue relative à la recherche clinique, celle-ci n’apporte pas nécessairement et systématiquement un bénéfice direct au patient qui y participe. Il peut arriver qu’un malade participant à un protocole expérimental voie sa santé améliorée. Cela est très heureux, mais pas automatique.

Certes, le but de la recherche est de parvenir à une amélioration des connaissances et donc, à terme, de la prise en charge thérapeutique. Mais la recherche est aussi un tâtonnement, une série d’erreurs et d’approximations conduites pour faire avancer la science, pour pouvoir dégager des certitudes. Dans certains cas, elle a une finalité collective, et non individuelle.

Dès lors, il ne s’agit pas de sauver une vie, mais d’étudier une problématique. Le sujet malade est alors considéré comme objet de la recherche. C’est la raison pour laquelle la relation entre le chercheur et le malade – contrairement à la relation entre le médecin et le patient, qui relève du colloque singulier – est régie par les impératifs d’un protocole de recherche.

Ce type de recherche qui n’implique pas nécessairement les soins relève de la science mais nécessite des personnes participantes pour faire progresser les connaissances.

Une personne qui accepte de s’engager dans une recherche médicale le fait pour elle-même mais également pour les autres. Cependant, elle supporte seule le risque qu’elle prend, alors que la société profitera de la connaissance acquise.

À l’évidence nous ne pouvons nous contenter de recueillir les fruits sans examiner ce qui est consenti par celles et ceux qui se prêtent à la recherche. Notre devoir est de limiter le risque le plus possible. Mais jusqu’où aller sans aboutir à l’interdiction pratique de la recherche ?

Cette question de la conciliation de la protection des personnes et de la connaissance est rendue moins complexe parce que nous avons la chance de nous trouver dans une époque où éthique et recherche médicale ne s’opposent plus.

En effet, après le sommet de l’horreur atteint durant la Seconde Guerre mondiale, la justice internationale a dégagé à l’occasion du procès des médecins nazis dix principes, connus sous le nom de « code de Nuremberg ». Ils déterminent les conditions d’une recherche qui, bien qu’elle soit effectuée sur l’homme, n’entache en rien sa dignité.

Plusieurs textes internationaux ont approfondi cette question. Le plus connu est la déclaration d’Helsinki élaborée par l’Association médicale mondiale en 1964. La convention d’Oviedo sur les droits de l’homme et la biomédecine, signée par la France dans le cadre du Conseil de l’Europe en 1997, est même porteuse d’un droit commun à l’échelle de notre continent.

Si aucun de ces textes n’a encore force contraignante dans l’ordre juridique français, les principes dont ils sont porteurs figurent depuis au moins vingt ans dans notre droit.

Le socle de l’encadrement législatif est constitué par la loi du 20 décembre 1988 relative à la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales, dite « loi Huriet-Sérusclat », du nom des deux membres de la commission des affaires sociales du Sénat qui sont à son origine. Elle a été modifiée par la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique.

Ces textes ont permis de déterminer ce qui est acceptable en matière de recherche : c’est-à-dire d’offrir tout à la fois aux chercheurs un cadre juridique stable et des garanties en termes de responsabilité pour leur permettre de conduire leurs recherches, et aux personnes acceptant de participer à la recherche, l’assurance que leur intérêt primera toujours celui de la science.

Les instances permettant cette régulation sont, depuis 1988, les comités consultatifs de protection des personnes dans la recherche biomédicale, ou CCPPRB, devenus en 2004 les comités de protection des personnes, ou CPP. Ces collèges qui réunissent, depuis 2004 à parité, scientifiques et personnes qualifiées issues de la société civile contrôlent l’éthique des protocoles de recherche biomédicale qui ne peuvent être mis en œuvre sans leur accord.

Dans son examen de la proposition de loi, la commission des affaires sociales du Sénat a cherché à rester fidèle aux principes posés par Claude Huriet et Franck Sérusclat. Je tiens à souligner qu’elle a travaillé dans un esprit de complémentarité entre ses membres.

Tout d’abord, la commission a reconnu l’apport que constitue en matière d’éthique l’examen unifié de l’ensemble des protocoles par les comités de protection des personnes, et accepté la distinction entre recherche interventionnelle et recherche observationnelle proposée par ce texte.

Mais elle a refusé, dès lors qu’il s’agissait d’une recherche interventionnelle impliquant une démarche de soins et une intervention sur la personne, de graduer le consentement des personnes en fonction du risque qu’elles sont supposées courir.

En effet, un risque, même supposé minime, dès lors qu’il y a soin et intervention sur la personne, change la nature de la relation entre le médecin et le malade. À partir du moment où l’on passe de l’intervention et du soin à la recherche, il est nécessaire que le malade qui se prête au protocole comprenne bien cette distinction et l’accepte.

La commission des affaires sociales a estimé – et c’est également ma conviction personnelle – que, dès lors que l’on interfère avec le soin, c’est-à-dire que la recherche est interventionnelle, le consentement « libre et éclairé » ne suffit plus. Il faut non seulement un consentement spécifique, mais un consentement écrit, seul à même d’attester que le patient a bien compris et accepté les risques qu’il va prendre au nom de la société tout entière.

Les arguments employés pour critiquer la lourdeur des modalités de recueil du consentement sont, me semble-t-il, bien inférieurs aux enjeux, comme si l’on considérait, d’une certaine manière, que le temps des chercheurs est trop important pour qu’ils le perdent auprès des personnes participant à ces recherches.

Mais la commission a également cherché à alléger le plus possible les contraintes administratives pesant sur la recherche et a pris en ce sens de nombreuses mesures. Ainsi, entre autres dispositions, elle a amorcé la simplification de l’examen des protocoles de recherche par la Commission nationale de l’informatique et des libertés et il vous appartiendra, madame la ministre, de la conduire à son terme en concertation avec l’ensemble des acteurs.

Ensuite, pour tenir compte de la réalité des chercheurs, ce même souci de pragmatisme m’a conduit à proposer également un amendement tendant à prévoir que les comités de protection des personnes pourront qualifier de manière différente les étapes successives d’une même recherche. Je pense que cette disposition est de nature à lever les inquiétudes des chercheurs.

En effet, les comités pourront ainsi distinguer, dans un même protocole de recherche, entre phases observationnelles et phases interventionnelles. Le niveau de consentement exigible pour la phase observationnelle ne nécessite pas un consentement écrit. Mais, à l’intérieur de ce protocole de recherche, s’il y a une phase interventionnelle, cela requiert un consentement écrit.

C'est la raison pour laquelle nous pensons que la commission des affaires sociales a entendu les chercheurs. Grâce à cette subtile distinction, la recherche ne sera pas entravée par des lourdeurs administratives qui, aux yeux des chercheurs, sont inutiles. Je suis en effet convaincue que les comités de protection des personnes feront une application judicieuses de ces dispositions.

Lorsque ce type de recherches est menée au niveau européen et que la France y participe, elle est contrainte, dans le cadre de protocoles européens, de recueillir un consentement écrit. Nous ne pouvons pas non plus déroger aux règles européennes.

Il faut, je l’ai dit, faire confiance aux chercheurs. Ils constituent obligatoirement la moitié des membres des comités de protection des personnes. C’est donc aux comités dans leur ensemble qu’il faut faire confiance pour préserver l’éthique de la recherche sans poser d’interdiction systématique ou idéologique tout en préservant fermement, madame la ministre, le consentement écrit des personnes.

Je tiens d'ailleurs à rendre hommage à l’action des comités mis en place par la loi Huriet, et la commission des affaires sociales a souhaité qu’ils puissent être renforcés et accompagnés dans l’exercice de leurs compétences étendues. À cette fin, la commission a voulu que la distribution des protocoles de recherche soit faite de manière aléatoire, afin de garantir que tous les comités aient une même expérience des dossiers, ce qui n’est pas le cas aujourd'hui.

Une commission a également été créée pour harmoniser les pratiques. Nous avons prévu que cette commission nationale soit rattachée à la Haute Autorité de santé, ce qui est conforme à sa mission d’évaluation et d’harmonisation des pratiques. Je suis consciente que cette solution n’est pas parfaite, mais la préservation des finances publiques nous a interdit – alors qu’on le fait presque dans chaque loi ! – de créer une autorité indépendante réunissant la commission nationale et les comités dans un ensemble unique et cohérent. Je pense, madame la ministre, qu’il vous faudra pourtant un jour y parvenir, peut-être dans le cadre de la loi de santé publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Le rôle du ministère de la santé est d’orienter la recherche médicale en France et de permettre la mise en œuvre des résultats, le rôle des comités et de la commission nationale est de garantir l’éthique de la recherche, et nous avons pensé très légitimement qu’il était souhaitable que ces deux fonctions soient distinctes.

Au sein de la commission des affaires sociales, nous avons essayé, madame la ministre, mes chers collègues, d’être le plus pragmatique possible, tout en plaçant au plus haut niveau l’éthique de la recherche médicale. Nous sommes convaincus que recherche et protection des personnes ne sont pas antagonistes, qu’elles ne sont que deux aspects d’une même question, celle de la dignité de la personne humaine, préservée dans sa santé et protégée dans l’intégrité de son corps, confiante dans les soins qui lui sont donnés et libre de ses choix. Le texte de la commission et les amendements que nous vous proposons sont notre réponse à cet enjeu fondamental pour l’humanité.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Mes chers collègues, la conférence des présidents avait décidé que le Sénat arrêterait aujourd'hui ses travaux vers 19 heures 30. Je serai donc dans l’obligation de lever la séance à 20 heures, au plus tard. Pour cette raison, je demande à chacun de respecter strictement le temps de parole qui lui est imparti.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. François Autain.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes plusieurs sur ces travées à nous interroger sur les raisons qui ont conduit le député Olivier Jardé à nous infliger, toutes affaires cessantes, une septième modification de la loi Huriet-Sérusclat.

Depuis sa promulgation en 1988, cette loi a en effet été modifiée à plusieurs reprises, notamment en 2008, en 2006, deux fois en 2004, etc. On a donc l’impression que cette réforme, pour autant qu’elle soit nécessaire, ne pouvait pas attendre l’examen du projet de loi relatif à la bioéthique – ce dont je ne suis pas absolument certain – et je le déplore.

Nos collègues députés, sans doute parce qu’ils ne comprenaient pas non plus les raisons de l’empressement de M. Jardé, ont été tentés d’y apporter une justification a posteriori en inscrivant à l’article 1er du texte la nécessité de faire de la recherche sur la personne une priorité nationale. C’est, de mon point de vue, une initiative fort malheureuse. C’est même pour moi un point de total désaccord dans la mesure où ce type de recherche médicale ne doit avoir pour seule vocation que de servir la personne et ne peut consister en un projet à visée scientifique pure réduisant la personne à un objet d’investigation.

La déclaration d’Helsinki, à laquelle la France a souscrit, précise que « dans la recherche médicale sur les sujets humains, les intérêts de la science et de la société ne doivent jamais prévaloir sur le bien-être du sujet ».

La démonstration a donc été faite à l’Assemblée nationale : cette proposition de loi, sans doute parce qu’elle a été examinée en dehors du champ de la révision des lois de bioéthique, n’est pas une initiative judicieuse à mon sens, car elle incite le législateur à s’abstraire du cadre contraignant, mais nécessaire, qui encadre les recherches sur l’homme.

Je suis bien sûr très heureux de constater que je n’étais pas le seul à m’inquiéter de voir la recherche sur la personne – c’est ainsi que les recherches biomédicales sont désormais désignées – érigée en priorité nationale et que notre commission a su sagement rectifier le tir.

Par ailleurs, je dois reconnaître tout de même au texte le mérite de clarifier les différentes catégories de recherche sur la personne, en précisant de la sorte un certain nombre de règles concernant les recherches non interventionnelles qui, parce qu’elles n’étaient pas clairement balisées dans le code, ont fait parfois l’objet de dérives, il faut bien le reconnaître.

Pour ce qui est du travail amorcé au Sénat, je regrette de dire, et en cela je suis en désaccord avec Mme le rapporteur, qu’il a été entrepris dans de mauvaises conditions puisque nous n’avons pas disposé du temps nécessaire pour procéder à des auditions.

Celles-ci nous auraient été d’autant plus utiles que c’est là un sujet pointu qui, comme je le soulignais précédemment, soulève des questions d’éthique particulièrement complexes, subtiles et ardues.

Je me réjouis du travail effectué en commission, et je tiens à saluer tout particulièrement l’ouverture d’esprit de notre rapporteur, Marie-Thérèse Hermange, qui a accepté un certain nombre de nos amendements, ce fait inhabituel méritant d’être souligné.

Aussi la proposition de loi de l’Assemblée nationale a-t-elle pu être corrigée sur deux points fondamentaux à mon sens.

Premier point : les recherches interventionnelles pouvaient, au départ, être menées sur des individus ne bénéficiant pas d’un régime d’assurance maladie, mais, grâce à un amendement adopté en commission, cela n’est plus possible.

Second point : les enfants pouvaient être soumis à de telles recherches avec le seul accord d’un des parents, ce qui nous semblait tout à fait contraire aux règles du droit pénal et, par conséquent, nous avons rétabli la nécessité du double accord.

La commission a également jugé utile de créer une commission nationale chargée d’évaluer, d’harmoniser et de coordonner les activités des comités de protection des personnes. À cet égard, je ne pourrai pas souscrire à l’amendement que vous avez déposé, madame la ministre, consistant à extraire cette commission de la Haute Autorité de santé, la HAS, pour la placer sous votre tutelle directe.

Sa création est pourtant nécessaire en ce qu’elle permet la répartition aléatoire des projets soumis aux comités par les promoteurs, seule garantie de la répartition équitable et de l’indépendance de l’examen de chaque dossier.

Sa création est aussi plus que bienvenue, madame la ministre, car, depuis la promulgation de la loi du 9 août 2004, ni vous ni vos prédécesseurs n’avez jugé bon de permettre l’évaluation effective des comités de protection des personnes, les CPP, alors que c’est en fonction de cette évaluation que vous deviez apprécier la qualité de leur travail pour, le cas échéant, leur retirer leur agrément, conformément aux dispositions de l’article L. 1123-5 du code de la santé publique.

En l’absence en effet de publication de l’arrêté fixant le règlement intérieur des CPP, le groupe de travail, qui avait pourtant été constitué en 2006 au sein de la HAS, a été suspendu en juillet 2008. Il n’a donc pas pu élaborer de référentiel, contrairement à l’engagement pris par vous-même ou par votre prédécesseur.

Grâce à la commission des affaires sociales du Sénat, vous disposerez – enfin ! – avec la création de la commission nationale des recherches impliquant la personne humaine, de l’outil qui vous faisait défaut.

Enfin, même si je considère que certaines dérives ont été contenues grâce au travail de la commission, je constate que, sur la question du financement des recherches, elle a laissé l’article 2 de la proposition de loi en l’état, peut-être par faute de temps et de réflexion suffisante. En effet, il s’agit d’un changement radical dans le financement des recherches interventionnelles qui avait d’ailleurs été amorcé en 2004 dans la loi relative à la politique de santé publique et qui consiste à le faire supporter en quasi-totalité par l’assurance maladie, laquelle, on le sait, dispose d’énormément de moyens financiers en ce domaine !

Cette mesure est inacceptable, même si, dans un effort de générosité sans doute insuffisamment apprécié, les promoteurs, reconnaissants, fournissent « gratuitement les médicaments expérimentaux et, le cas échéant, les dispositifs médicaux utilisés pour les administrer ». Si ces recherches, in fine, débouchent – divine surprise ! – sur un résultat permettant une commercialisation, le promoteur rembourse les sommes engagées aux régimes d’assurance maladie. Encore faut-il veiller à ce que le remboursement de l’indu soit total et il ne semble pas que, sur ce point, toutes les garanties soient offertes.

Ainsi, l’assurance maladie devient, pour ce qui concerne les recherches interventionnelles, une sorte de « capital-risqueur », si j’ose ce néologisme, un mécène indifférent au retour sur investissement.

C’est, de mon point de vue, un rôle qu’elle ne doit pas jouer, et j’aurais préféré que soit mis en place un mécanisme inverse permettant le remboursement total a posteriori des recherches qui se seraient avérées à finalité non commerciale et dont le contenu serait rendu public pour toute la communauté scientifique.

Vous l’aurez compris, même si je me réjouis que notre commission ait rendu ce texte plus acceptable sur le plan éthique, je ne peux le voter en l’état car il pervertit l’idée que j’ai de la finalité de la recherche biomédicale et de sa prise en charge.

Mme Patricia Schillinger applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la présente proposition de loi est un texte important en matière de recherche impliquant la personne humaine, le premier d’ailleurs à être intégralement consacré à la question.

Présentée par notre collègue député Olivier Jardé et adoptée par l’Assemblée nationale le 22 janvier dernier, elle répond à la problématique consistant à concilier protection de la personne et encouragement de la recherche, et ce dans un domaine porteur de nombreux espoirs. Tout l’enjeu est de savoir où placer le curseur entre intérêt scientifique et exigence éthique.

Ce texte entend faire évoluer le cadre légal des recherches appliquées sur l’homme en matière médicale. Comme Mme le rapporteur l’a très judicieusement précisé pour bien cerner le débat, il ne traite, au sein de l’ensemble de ces recherches, que de deux d’entre elles : la recherche clinique et la recherche non interventionnelle ou observationnelle.

En tant que texte dont la finalité est avant tout éthique, son apport est d’unifier et de renforcer le régime de contrôle éthique exercé sur les recherches impliquant la personne.

Il crée effectivement une catégorie unique de recherches sur la personne, assortie de règles communes. Pour cela, il transforme la classification des différents types de recherches concernées, qui s’était avérée insatisfaisante depuis la loi Huriet-Sérusclat de 1988, la première consacrée au sujet.

La distinction entre les recherches « avec » ou « sans » bénéfice individuel direct s’étant révélée trop complexe en pratique, elle a été remplacée par une classification des recherches selon le double critère de leur objet et de leur degré de contrainte. Ce mode de classification, lui aussi trop complexe et en rupture avec la pratique scientifique, paraît à son tour inadapté.

Pour remédier à cela, le système unifié qui est proposé reposera sur le risque auquel seront exposés les participants et sur la distinction internationalement reconnue entre recherche interventionnelle et recherche observationnelle. Les types de recherches relèveront alors de régimes juridiques distincts, selon un degré de contrainte proportionné au risque dont ils seront porteurs.

Dorénavant, et c’est l’un des aspects les plus notables du renforcement du contrôle éthique sur les recherches visées, elles seront toutes soumises aux comités de protection des personnes chargés de les autoriser. Ce contrôle fondamental permettra la requalification, par les comités, des recherches présentées de façon erronée au titre d’un régime dans un autre.

De plus, en unifiant le régime de contrôle éthique exercé sur les recherches médicales et en révisant leur classification, la proposition de loi renforce les droits et garanties accordés aux participants de celles qui, jusqu’à présent, étaient les moins encadrées par le code.

Ainsi les personnes participant à des recherches interventionnelles ne comportant « que des risques et des contraintes minimes », autrefois désignées comme les « recherches en soins courants », bénéficieront-elles d’une information plus complète, d’un régime d’expression du consentement bien plus protecteur, d’exigences de compétence de l’équipe de recherche accrues, de la publication de guides de bonnes pratiques et de l’établissement d’un répertoire national.

De même, le texte – c’est d’ailleurs l’un de ses apports majeurs – donne un cadre législatif aux recherches non interventionnelles, celles que l’on désignait par l’expression de « recherches observationnelles », qui en étaient jusqu’ici dépourvues.

Alors qu’elles n’étaient définies que de manière incidente dans le code de la santé publique, ces recherches bénéficient d’une vraie reconnaissance et leur déroulement fera désormais l’objet d’un encadrement qui offrira de nombreuses garanties en termes de traçabilité, de droits des participants et de qualité du travail effectué. D’abord, leurs participants recevront une information préalable avec la possibilité de s’opposer à la recherche. Ensuite, ces projets seront soumis à l’autorisation préalable d’un comité de protection des personnes, ce qui n’était évidemment pas le cas. Enfin, des recommandations de bonne pratique seront publiées par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.

L’apport éthique de la proposition de loi Jardé est donc clair.

Mais l’immense intérêt de ce texte est de parvenir à encourager la recherche en améliorant la protection des personnes.

La création d’un droit commun des recherches sur la personne est un acte de reconnaissance fondateur. Il ancre dans la loi la distinction de ces recherches par rapport aux autres à partir de leur sujet d’étude, l’homme, considéré dans son intégralité.

En donnant aux recherches observationnelles un cadre juridique, le texte en garantit la qualité, ce qui est le meilleur moyen de les promouvoir. Jusqu’à présent, par exemple, l’absence d’un répertoire national les concernant était préjudiciable, en termes de ressources disponibles, tant aux professionnels de santé qu’à l’information du grand public.

Pour faciliter la recherche sur la personne, le texte substitue à un droit complexe et incomplet un dispositif exhaustif et transparent, mais également plus simple, puisque les procédures de déclaration auxquelles devront se soumettre les chercheurs seront allégées.

Sur la base d’un texte dont les grandes lignes étaient déjà porteuses d’avancées notables, la commission des affaires sociales a effectué un travail remarquable, et en premier lieu de clarification.

Tout d’abord, elle a procédé à un certain nombre de clarifications. De manière sans doute un peu artificielle, par goût pour le parallélisme des formes, la première mouture du texte substituait au triptyque existant en matière de classification des catégories de recherches un nouveau triptyque. Or il est beaucoup plus rationnel de ne distinguer que deux catégories de recherches sur la personne, les recherches interventionnelles et les recherches non interventionnelles, quitte à identifier au sein des premières des recherches pour lesquelles les risques encourus sont faibles. Le remplacement de la notion floue de risques et contraintes « négligeables » par celui de risques et contraintes « minimes » est également un facteur de clarification.

Ensuite, la commission a encore amélioré la protection des personnes. D’une part, elle a prévu que les recherches ne comportant que des risques et des contraintes minimes feraient l’objet d’une liste fixée par voie réglementaire. D’autre part, elle a renforcé les modalités d’expression du consentement pour ces recherches en exigeant que toute recherche interventionnelle fasse l’objet d’un consentement écrit et non, seulement, « libre et éclairé », sans plus d’impératif formel.

Enfin, la commission a renforcé l’efficacité des comités de protection des personnes en les coiffant d’une commission nationale susceptible d’unifier leur jurisprudence, ce que nous avions, nous-mêmes, proposé.

D’ailleurs, le groupe de l’Union centriste peut s’enorgueillir d’avoir apporté sa pierre à l’édifice puisque, fait suffisamment rare pour être souligné, tous nos amendements, une vingtaine, ont été adoptés ou satisfaits en commission. Certes, beaucoup d’entre eux étaient très techniques.

Mais certains de ces amendements ont infléchi le texte sur des points importants.

Je ne reviendrai pas sur celui qui consiste à créer une autorité de coordination des comités de protection des personnes, mais tel est aussi le cas de celui qui tend à confier à l’AFSSAPS le pouvoir de police sanitaire sur toutes les recherches sur la personne, ou encore de celui qui permet aux comités de protection des personnes de formuler des avis sur les projets de recherche que les promoteurs français envisagent de conduire en dehors de l’Union européenne.

Sur le plan de l’éthique pure, nous nous félicitons tout particulièrement de l’adoption de l’amendement porté par le président Nicolas About visant à interdire le test de la dose maximale tolérée d’un médicament administré sans lien avec la pathologie de la personne lors des essais dits de « phase I ».

Au cours de la présente discussion, nous défendrons encore quelques amendements portant sur deux objets.

D’une part, il s’agira de corriger une erreur du texte relative à la gratuité des dispositifs médicaux utilisés dans le cadre des recherches interventionnelles à risques minimes. Il n’est pas logique de maintenir l’obligation de fourniture gratuite de ces dispositifs sachant que, dans le cadre de ces protocoles, ils sont utilisés de la même manière par les patients observés même en dehors de toute recherche.

D’autre part, nous entendons assouplir les règles de vigilance médicosanitaire pour les recherches interventionnelles à risques minimes, afin de rendre l’ensemble du dispositif cohérent.

Alors, évidemment, reste à trancher la question des modalités d’expression du consentement aux recherches interventionnelles, dernière pierre d’achoppement substantielle. Nous comprenons les préoccupations éthiques ayant conduit la commission et son rapporteur à durcir le texte. Mais, encore une fois, il faut parvenir à concilier éthique et développement de la recherche. Nous en débattrons tout à l’heure.

Il ne me reste plus qu’à féliciter la commission des affaires sociales, sa présidente, Muguette Dini, et son rapporteur, Marie-Thérèse Hermange, pour la qualité de leur travail. Mes chers collègues, vous l’aurez compris, le groupe de l’Union centriste est très favorable à ce texte.

Applaudissements au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous avons été très inquiets lorsque nous avons vu arriver cette proposition de loi sur le bureau du Sénat. Certes il s’agit d’un texte court – quatre articles initialement, cinq après le passage à l’Assemblée nationale –, mais dense, puisqu’il procède à une refonte complète de l’architecture du titre II du livre Ier de la première partie du code de la santé publique.

Ainsi, à y regarder de plus près, on s’aperçoit bien vite que, derrière ces quelques articles présentés par leur auteur comme « simplificateurs », se dissimule en fait une véritable réforme des recherches sur la personne en général et, par là même, de la protection des personnes se prêtant à des recherches biomédicales.

Or, les conditions dans lesquelles ce texte est arrivé devant le Parlement sont sujettes à caution. Il est nécessaire de rappeler que cette proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale par le député Olivier Jardé est en fait directement issue de l’avant-projet de loi HPST, « Hôpital, patients, santé et territoires ». Si l’on peut comprendre aisément la volonté d’alléger un projet de loi, par ailleurs déjà important, d’un chapitre consacré à « la modernisation de la recherche clinique », il me semble tout de même problématique d’utiliser la réforme du travail parlementaire pour faire inscrire à l’ordre du jour des propositions de loi qui sont en fait des textes d’initiative gouvernementale.

Ce qui nous a aussi beaucoup inquiétés, c’est la vitesse à laquelle l’Assemblée nationale a voté le texte : il s’est passé moins de trois semaines entre son dépôt et son vote en séance publique, et la commission a examiné cette proposition de loi en cinquante minutes : quelle efficacité ! Devant à une telle précipitation, ce qui prime, c’est non plus la perplexité, mais la suspicion.

Cette proposition de loi soulève beaucoup de questions, mais, pour laisser mes collègues s’exprimer, je vais m’en tenir en cet instant à la suivante : madame la ministre, compte tenu de la matière, pourquoi le Gouvernement n’a-t-il pas fait le choix d’insérer ces dispositions dans le futur projet de loi de révision des lois de bioéthique ?

La loi Huriet-Sérusclat, véritable socle fondateur de la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales, fut la première loi de bioéthique au monde et sert encore largement de modèle au niveau international. S’il n’est pas illégitime d’envisager des évolutions, comme cela fut d’ailleurs le cas à plusieurs reprises depuis 1988, encore faut-il ne pas la dénaturer complètement.

Or, en réalité, cette proposition de loi poursuit la logique entreprise depuis la loi de 2004 relative à la politique de santé publique et confirme le glissement qui s’est alors opéré entre une loi fondatrice destinée à protéger les personnes participant à des recherches biomédicales et, désormais, l’intention de faire de la recherche sur la personne un moyen de développer les connaissances scientifiques. L’inscription dans le texte initial de la proposition de loi, dès le premier alinéa du nouvel article L. 1121-1, du principe selon lequel « le développement de la recherche sur la personne constitue une priorité nationale » était, à cet égard, évocatrice.

Fort heureusement, la commission des affaires sociales a bien vu que cette inscription dans le code de la santé publique était d’autant plus malvenue qu’elle tendait à opposer, au sein du livre Ier, deux principes qui suivent des logiques différentes.

En fait, lorsque nous avons pris connaissance du contenu de cette proposition de loi, nous nous sommes d’abord demandé si une nouvelle évolution législative était réellement nécessaire. À dire vrai, nous n’en sommes pas vraiment convaincus. Dans l’exposé des motifs de son texte, notre collègue Olivier Jardé évoque un dispositif à la fois complexe et incomplet – cela semble tout de même paradoxal – mais, surtout, les difficultés qu’ont les chercheurs à publier dans les grandes revues scientifiques internationales.

C’est un point important sur lequel il est nécessaire de s’arrêter un instant. Les chercheurs français publient-ils moins que leurs collègues étrangers ? M. Jardé le sous-entend, mais ne donne aucun élément pour apprécier une telle affirmation. Pour ma part, j’ai fait quelques recherches et j’ai notamment consulté le dernier rapport biennal de l’Observatoire des sciences et des techniques, l’OST, qui fournit des éléments chiffrés intéressants, mais contrastés.

Précisons d’abord qu’il est difficile de comparer les rendements de systèmes de pays différents en se fondant seulement sur des critères quantitatifs. Ainsi, les Britanniques, qui font la course en tête pour la part des publications médicales, occupent la dernière place dans le classement de l’OMS pour la qualité de leur système de santé.

Cela étant dit, il est exact que la part des publications françaises dans le monde a décru ces dernières années. Comme le précise le rapport de l’OST, en 2006, la France était à l’origine de 4, 4 % des publications mondiales en sciences de la matière et de la vie, contre 5, 4 % en 1996. Mais précisons d’emblée que la part de tous les pays hautement développés a diminué au cours de la même période de l’ordre de 8 %. Même des pays comme la Suède, la Finlande, Israël ou le Japon, qui font des efforts considérables en matière de recherche, ont du mal à conserver leur position mondiale.

Par ailleurs, il faut aussi tenir compte de l’indice d’impact de ces publications, c’est-à-dire le rapport de la part mondiale de citations sur la part mondiale de publications. Dans ce domaine, la France a nettement progressé, en passant de 0, 91 point en 1993 à 0, 97 point en 2006.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

De même, il faut tenir compte à la fois des écarts qui existent entre les disciplines – ainsi, la France publie beaucoup plus en mathématiques, soit 6, 9 % en 2006, qu’en biologie appliquée-écologie, soit 3, 4 % – et de la visibilité de ces publications. À cet égard, selon le rapport de l’OST, « Pendant la période 2001-2006, la contribution française à la production mondiale en sciences de la matière et de la vie fléchit dans toutes les disciplines. En sciences de la vie, ce recul s’est cependant accompagné d’une amélioration significative de sa visibilité internationale, de même qu’en chimie, physique et sciences de l’univers. C’est en biologie appliquée-écologie que les publications françaises ont la plus grande visibilité internationale ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Ce rapport montre encore que la France copublie beaucoup, d’abord avec ses voisins européens, mais aussi avec les États-Unis, qui, en 2006, étaient ses premiers partenaires avec 24, 6 % de ses copublications internationales, en particulier dans le domaine de la recherche médicale, près du tiers des copublications internationales de notre pays concernaient les sciences de l’univers et la recherche médicale.

Dernier élément intéressant, le rapport de l’OST montre parfaitement la corrélation qui existe entre le nombre de publications et l’argent investi dans la recherche académique par chaque pays. Ainsi, la France est aujourd’hui à la quatorzième place mondiale pour la « dépense intérieure de recherche et développement » par rapport au produit intérieur brut. Elle est même au seizième rang si l’on considère le taux de financement de la recherche par habitant. Depuis 1995, le ratio a diminué de 7, 4 %, ce qui montre en fait que le vrai problème est bien plus celui du financement de la recherche que celui de la réglementation supposée complexe ou incomplète.

J’ai peut-être été un peu long sur ce sujet, mais il était important d’apporter ces précisions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Dès lors, est-il réellement opportun de créer, comme le propose le texte, un cadre unique pour l’ensemble des recherches sur la personne ? Là aussi, nous sommes pour le moins circonspects. Il semble que cette proposition soulève plus de questions qu’elle n’en résout.

Sans être exhaustif, on peut en effet se demander quel intérêt il y aurait à réunir sous un cadre législatif unique trois types de recherches qui ne constituent pas des démarches de même nature. En réunissant sous les mêmes termes les recherches relevant de l’innovation et celles qui ne sont en réalité que de l’évaluation, ne risque-t-on pas d’engendrer une banalisation des recherches biomédicales et une confusion qui pourrait être préjudiciable aux personnes qui se prêtent à ces recherches ?

Par ailleurs, si les CPP sont saisis de l’ensemble des recherches, cela ne manquera sûrement pas de créer une surcharge de travail. Avec des moyens limités, on aura peut-être un rendu quantitatif, mais sans doute moins qualitatif. Ces comités auront-ils la capacité de vérifier la qualification de la recherche dont ils seront saisis ?

De façon générale, comment peut-on définir en amont la catégorie à laquelle appartient la recherche et préjuger le risque avant qu’elle ne soit menée ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Si elles sont vraiment sans risque, pourquoi alors saisir des comités dont l’essence est la protection des personnes ?

Quant aux termes choisis, eux aussi, ils nous laissent perplexes.

En ce qui concerne, par exemple, la première catégorie de recherches, pourquoi retenir le terme de « recherches interventionnelles » alors que la réglementation européenne utilise le terme clinical trial et que le protocole additionnel à la convention d’Oviedo vise expressément les recherches biomédicales ?

Pour ce qui est de la deuxième catégorie de recherches – les recherches interventionnelles à risques et contraintes négligeables –, on peut s’étonner de la création d’une catégorie intermédiaire alors même que la législation européenne n’envisage pas de « sous-catégorie » d’essais cliniques. On peut surtout se demander ce qu’est réellement un risque négligeable et comment on peut objectivement l’apprécier.

Selon nous, toute recherche dans le domaine de la biomédecine impliquant une intervention sur l’être humain doit offrir la même garantie de respect des droits et libertés fondamentales aux personnes qui s’y prêtent. À l’inverse, la création de cette catégorie intermédiaire de recherche aurait pour conséquence, au même titre que les recherches visant à évaluer les soins courants, de complexifier la qualification des protocoles de recherche, de retarder la mise en place des recherches, d’isoler la France sur le plan international et de reporter la responsabilité de la qualification des protocoles de recherche du promoteur au CPP et ainsi de dénaturer leurs missions au détriment de la protection des personnes.

Enfin, s’agissant des recherches observationnelles, elles sont définies dans le rapport comme celles dans lesquelles tous les actes sont pratiqués et les produits utilisés de manière habituelle, sans aucune procédure supplémentaire ou inhabituelle de diagnostic ou de surveillance. Il s’agit en fait d’observer afin de collecter des informations et des données personnelles de santé.

Dès lors qu’il n’y a aucune intervention sur la personne, est-il nécessaire de confier leur examen aux CPP ? D’autant plus que, contrairement à ce que voudrait faire croire l’auteur du texte, ces études existent bel et bien aujourd’hui, et ne sont pas conduites dans un vide juridique, mais dans le respect de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. Il revient ainsi à la CNIL de s’assurer que la recherche médicale ne porte atteinte ni à l’identité humaine, ni aux droits de l’homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles ou publiques et d’autoriser ces traitements qui font au préalable l’objet d’un avis du Comité consultatif sur le traitement de l’information en matière de recherche dans le domaine de la santé. A contrario, les CPP n’ont pas de compétences particulières pour garantir la vie privée et les libertés individuelles des personnes dont les données font l’objet de traitements.

En fait, nous craignons que la création de trois types de recherches définies selon le niveau de risque encouru par les personnes qui s’y prêtent ne soit plus une source de confusion que de simplification, voire, ce qui serait pire, qu’elle ne favorise des glissements des recherches de type 1 vers celles de type 2, ce qui reviendrait à appliquer des procédures allégées aux recherches interventionnelles.

Mme le rapporteur a bien perçu tous ces problèmes, puisqu’elle propose de ne retenir que deux catégories de recherche : les recherches interventionnelles et les recherches observationnelles. C’est un progrès notable, puisque, ce faisant, il n’y a plus de procédure allégée concernant les recherches interventionnelles. Néanmoins, il nous semble que cette distinction pose encore un certain nombre de problèmes s’agissant notamment des recherches observationnelles et de la compétence des CPP. Nous y reviendrons plus en détail lors de l’examen des articles.

Les CPP justement, ils sont placés depuis 1988 au cœur du dispositif législatif destiné à garantir la protection des personnes se prêtant à des recherches biomédicales. Ils sont au service de l’intérêt général en assurant la défense des droits et libertés fondamentales des personnes se prêtant à des recherches biomédicales et ils ne peuvent pas se mettre au service particulier des chercheurs. À l’origine, leur mission était claire : vérifier que les dispositions législatives et réglementaires qui s’appliquent aux expérimentations humaines sont respectées.

Aujourd’hui, il existe au sein de la communauté scientifique une volonté grandissante de transformer les CPP en comités scientifiques ou en comités d’éthique bis. D’ailleurs, dans la pratique, de nombreux CPP ont déjà entamé leur mutation. Devons-nous pour autant l’accepter ?

Pour ma part, je crois plutôt qu’il faudrait recentrer l’action des CPP sur leur mission initiale, à savoir la protection des personnes, et favoriser en parallèle la création de comités d’éthique de la recherche, CER, au sein des CHU. La mission de ces CER serait de répondre à l’ensemble des besoins exprimés par les chercheurs et les professionnels de santé, notamment en termes de formation et d’information sur la législation et l’éthique de la recherche, de les aider et de les orienter lors de la qualification de programmes de recherche et de délivrer un avis sur les projets d’études non interventionnelles et d’évaluation de soins courants ou de pratiques professionnelles. D’ailleurs, la mise en place des CER ne nécessiterait ni une modification de la loi Huriet-Sérusclat ni l’introduction de nouvelles dispositions législatives, leur existence étant déjà prévue par l’article L. 1412-1 du code de la santé publique, mais simplement la publication d’un arrêté du ministre chargé de la santé après avis du CCNE.

Un autre problème important soulevé par ce texte est celui de la participation à des recherches de personnes non affiliées à un régime de sécurité sociale.

Les personnes qui ne sont pas affiliées à un régime de sécurité sociale sont essentiellement les populations migrantes ou les personnes en situation irrégulière sur notre territoire. Si, comme le précise le rapport, elles sont parfois « porteuses de maladies graves et contagieuses », ce sont surtout des personnes en situation de grande vulnérabilité sociale qu’il convient de protéger. C’est pour cette raison que, depuis 1988, le choix a toujours été fait d’exclure ces personnes d’un protocole de recherche.

Quelles que soient les précautions prises par le texte, autoriser sous certaines conditions la possibilité pour des personnes non affiliées à un régime de sécurité sociale de participer à des recherches sur la personne revient à diminuer la protection de ces personnes vulnérables en autorisant leur participation à des recherches dans un intérêt collectif de santé publique.

Faut-il préciser que le fait de bénéficier d’un régime d’assurance maladie permet en outre de s’assurer que la personne dispose d’un accès aux soins ? Son consentement à participer à une recherche n’est donc pas induit par la possibilité qui lui est ainsi offerte de bénéficier de soins auxquels elle n’aurait pas accès autrement. Je le rappelle, participer ou non à une recherche ne doit jamais être un devoir ni une perte de chance. Dans un contexte où l’accès à l’aide médicale d’État est chaque jour plus difficile et restreint, on voit bien à quel point le risque serait grand d’introduire en France cette problématique bien identifiée dans les pays pauvres.

Un autre sujet qui me tient à cœur, sur lequel ma collègue Patricia Schillinger reviendra plus longuement, est celui de la recherche sur les enfants et l’exercice de l’autorité parentale. Non seulement le texte initial est en recul par rapport aux nouvelles dispositions figurant dans le code civil en matière d’autorité parentale, mais, en outre, il risque d’introduire un nouveau motif potentiel de désaccord entre les parents et l’enfant se retrouvera alors au centre de ce conflit familial. C’est pour le moins dangereux. C’est pourquoi je crois vraiment que l’avis des deux détenteurs de l’autorité parentale doit être impératif dans tous les cas de recherche sur les mineurs.

Comme j’y ai déjà fait allusion, la commission des affaires sociales a profondément modifié le texte qui nous vient de l’Assemblée nationale. Nous y avons d’ailleurs contribué. Je veux donc saluer ici le travail de Mme le rapporteur et sa capacité d’écoute. Elle a su tenir compte des remarques qui lui ont été faites et des d’amendements qui ont été déposés, et ce quels que soient les groupes dont cela émanait.

Grâce à ce travail collectif, nous avons rectifié les aspects les plus négatifs du texte initial et recentré le débat sur la protection des personnes. Cependant, tous les problèmes ne sont pas réglés. Des sujets font encore débat et des dispositions peuvent être améliorées. C’est pourquoi le groupe socialiste a déposé treize amendements.

À ce propos, je regrette vivement que notre amendement n° 16 ait été déclaré irrecevable par la commission des finances. Je reviendrai lors de l’examen de l’article en question sur le fonctionnement plus que contestable de l’article 40 et son application. Pour nous, c’était un point important. S’agissant d’un texte ayant trait aux droits de la personne, nous étions dans l’esprit de la loi Huriet-Sérusclat à la recherche d’un accord unanime. Cela devient plus difficile.

Comme les membres de la commission des affaires sociales n’ont pas eu connaissance de cet amendement, et pour cause, je vais en dire quelques mots.

Il nous semblait important de donner plus de poids et d’indépendance à la commission créée par Mme le rapporteur dans le seul but d’améliorer le fonctionnement des CPP et de garantir une meilleure protection des personnes. C’est pourquoi nous souhaitions transformer cette commission, actuellement placée près de la Haute Autorité de santé, en autorité indépendante avec des missions élargies. Malheureusement, la jurisprudence applicable en matière d’article 40 nous en empêche. Une fois de plus, je constate que cela restreint fortement l’initiative parlementaire. Je voulais suggérer au Gouvernement de reprendre notre amendement à son compte afin de permettre le débat sur un sujet important. Il s’avère que le Gouvernement a déposé un amendement qui va exactement dans le sens inverse et qui aboutira à mettre cette commission sous son autorité.

Pour finir, j’ajouterai seulement que nous pourrions nous interroger sur le fait que, dès le départ, cette proposition de loi n’ait pas subi les foudres de l’article 40 alors qu’elle crée incontestablement des charges supplémentaires, notamment en confiant aux CPP le contrôle des recherches observationnelles.

Vous comprendrez donc que nous attendions de connaître le sort qui sera réservé à nos amendements avant de vous indiquer le sens de notre vote.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Françoise Laborde applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Escoffier

Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission, madame le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi, adoptée le 22 janvier dernier par l’Assemblée nationale et dont nous discutons aujourd’hui, neuf mois plus tard, nécessite de conserver une certaine hauteur de vue. En effet, bien plus que d’autres, son objet porte sur l’être humain, domaine dans lequel il est toujours difficile de trancher, domaine aussi où le législateur doit prévoir le plus grand nombre de précautions juridiques qu’il soit possible et instaurer ainsi un maximum de garanties éthiques. Code de la santé publique à l’appui, nul ne saurait nier, ici comme ailleurs, que « l’intérêt des personnes qui se prêtent à une recherche biomédicale prime toujours sur les seuls intérêts de la science et de la société » et non l’inverse, principe qui doit guider notre réflexion commune.

Notre collègue rapporteur, Marie-Thérèse Hermange, l’a du reste fort bien dit en rappelant le principe de l’inviolabilité humaine, que nous devons toujours avoir à l’esprit, dès lors que, une décennie après la loi Huriet-Sérusclat, nous est soumise cette nouvelle variation du dispositif existant avec pour objectif de donner un cadre unique aux recherches médicales et, par là même, de simplifier les démarches des chercheurs, tout en tentant de renforcer l’attractivité de la France en matière de recherche biomédicale. Un souci légitime, s’il en est, dans la patrie d’Ambroise Paré, de René Laennec, de Claude Bernard ou d’Albert Schweitzer, pour ne citer que quelques noms parmi les plus emblématiques de l’histoire de la médecine en France.

Trois types de recherches sont aujourd’hui distingués, selon le niveau de risque pour les personnes : les recherches interventionnelles avec risques certains, les recherches interventionnelles ne comportant que des risques négligeables et les recherches non interventionnelles ou observationnelles, dans lesquelles les actes sont pratiqués et les produits utilisés de manière habituelle.

En vertu de la loi du 9 août 2004, ces recherches sont soumises à l’autorisation d’un comité de protection des personnes. La proposition de loi modifie seulement ce qui encadre les deuxième et troisième types de recherches que je viens de citer. Ses cinq articles réunissent les trois catégories de recherches sur la personne dans un cadre législatif unique, identifient les recherches à finalité non commerciale, simplifient les autorisations et les déclarations des recherches et fixent les conditions de retrait d’agrément des comités de protection des personnes.

Les précisions que nous avons ajoutées en commission complètent un dispositif d’encadrement certes très technique, mais devant répondre à trois principes généraux que l’on peut ainsi résumer : aucune recherche ne peut être effectuée sur l’être humain si elle ne se fonde pas sur le dernier état des connaissances scientifiques et sur une expérimentation préclinique suffisante, si le risque prévisible encouru par les personnes qui se prêtent à la recherche est hors de proportion avec le bénéfice escompté pour ces personnes ou l’intérêt de cette recherche et si elle ne vise pas à étendre la connaissance scientifique de l’être humain et les moyens susceptibles d’améliorer sa condition.

Cette proposition de loi vise à atteindre deux objectifs : le premier est de sécuriser les médecins qui réalisent des recherches sur l’homme ; le second est de protéger les personnes participant aux recherches biomédicales en mettant en place une série de règles devant être respectées tout au long de la recherche.

Il va sans dire que ces objectifs ne sauraient être contestés par la représentation nationale, dont la mission élémentaire est d’affirmer toujours les règles de l’humanisme, dont la première, vous l’avez rappelé, madame le rapporteur, est le respect le plus absolu de l’intégrité des personnes physiques.

C’est dans cet esprit, je l’espère, que le texte vise à donner un cadre législatif commun à l’ensemble de ces recherches, à clarifier les rôles de promotion et d’investigation, à simplifier et à mettre en cohérence le régime d’autorisation et de déclaration des recherches utilisant des collections d’échantillons biologiques et humains, tout en définissant les conditions de retrait d’agrément des comités de protection des personnes.

Au nom de ces principes, la commission des affaires sociales du Sénat – je m’en réjouis et l’en félicite – s’est montrée très réservée sur la gradation des procédures de consentement prévues par la proposition de loi et a adopté de nombreux amendements destinés à corriger un texte parfois imparfait.

Parmi ces amendements, je veux citer ceux qui visent à préciser le champ d’application de la proposition de loi, à mieux encadrer les définitions des différentes catégories de recherches, à supprimer l’autorisation nécessaire pour mener à bien une recherche hors du lieu de soin lorsqu’elle présente un risque, à prévoir une information individuelle des personnes participant aux recherches, à exiger un consentement écrit pour toutes les recherches interventionnelles et un double accord parental dès qu’un enfant participe aux recherches, ou encore à confier à l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l’AFSSAPS, un pouvoir de police sur l’ensemble des recherches.

On ne prend jamais assez de précautions dans ce domaine ; on n’est jamais assez attentif aux dérives possibles ; on ne veille jamais assez à empêcher toute forme d’arbitraire scientifique, qui est parfois aussi excessif – les exemples n’ont pas manqué dans le passé – que l’arbitraire politique ou religieux. C’était le sens de ces amendements.

C’est pourquoi je peux comprendre le principe général ayant présidé à la rédaction de cette proposition de loi – la recherche d’un équilibre entre la protection des personnes et le développement de la recherche biologique –, mais je me pose un certain nombre de questions.

La première, qui relève de la logique la plus élémentaire, me conduit à me demander pourquoi le Gouvernement n’a pas choisi d’aborder cette problématique dans le projet de loi, plus général, de révision des lois dites de bioéthiques, dans lequel elle aurait assurément trouvé toute sa place. En la dissociant du vaste ensemble de réflexions relatives à la bioéthique, auxquelles certains d’entre nous se livrent depuis plusieurs mois, on court le risque de précipiter la réponse législative sans que le cadre général soit bien défini.

De même, sur un plan plus formel, a-t-on bien mesuré la portée des mesures contenues dans cette proposition de loi, en particulier en matière de transparence de la recherche sur la personne ? N’est-on pas en train de banaliser les recherches biomédicales en procédant à un mélange des genres préjudiciable à la protection de ces mêmes personnes, mais aussi à l’essence même du droit, puisque ces recherches ne sont pas toujours de même nature, donc très difficiles à contrôler ? De surcroît, la question des contentieux, toujours possibles et parfois inévitables, ne me paraît pas avoir été véritablement prise en compte. Enfin, comme le suggèrent certains, n’eût-il pas été judicieux de généraliser, au sein des centres hospitaliers et universitaires, ou CHU, les comités consultatifs d’éthique qui, mieux que les comités de protection des personnes, seraient à même de répondre aux questions que nous nous posons ?

Tout cela me conduit à me demander si cette proposition de loi est véritablement applicable dans sa forme. Je n’en suis pas pleinement persuadée. C’est pourquoi, avec la majorité de mes collègues du groupe du RDSE, je m’abstiendrai sur ce texte, tout en demeurant attentive et vigilante à la discussion, aux questions des uns et des autres et aux réponses du Gouvernement, mais aussi à son application dans l’avenir, en sachant qu’il sera probablement inévitable de revenir sur un certain nombre de ses points forts dans le cadre des lois sur la bioéthique que nous aborderons dans un avenir proche.

Mme Françoise Laborde et MM. Jean-Pierre Godefroy et Jacky Le Menn applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Etienne

Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission, madame le rapporteur, mes chers collègues, la recherche sur la personne, c’est une grande affaire ! Elle est au cœur de la recherche médicale et mérite d’être singularisée et étudiée comme vous l’avez fait.

Afin de ne pas répéter ce qui a déjà été dit dans cette discussion générale, je me contenterai d’évoquer quelques points qui me semblent importants.

Tout d’abord, la recherche sur la personne devient de plus en plus importante dans les recherches médicales. Des alternatives ont été recherchées, mais elles ne sont pas toujours pleinement satisfaisantes : je pense à la modélisation animale, qui peut être indispensable, mais aussi à la modélisation mathématique, à laquelle je me suis particulièrement attaché, et qui offre de grands espoirs. Mais il est des situations incontournables, en matière de santé et de recherche médicale, où nous ne pouvons avancer qu’à la condition première d’avoir recours aux personnes. D’où l’importance, me semble-t-il, de cette proposition de loi.

La recherche médicale, d’une manière générale, est faite pour affranchir les hommes des problématiques de santé, mais elle ne doit ni aliéner ni « victimiser » ceux qui y participent à quelque titre que ce soit. Au-delà des seuls chercheurs, je pense évidemment à ceux qui, parmi nos concitoyens, veulent bien y apporter leur concours alors qu’ils ne sont pas les promoteurs de la recherche.

Il ne se passe guère de séance de travail à l’Agence de la biomédecine sans que l’on aborde cette question de la recherche sur les personnes. Le travail qui a été réalisé avec ce texte permettra d’apporter un certain nombre de réponses d’ordre juridique dont on avait fondamentalement besoin. Ne serait-ce qu’à ce titre, je tiens à remercier celles et ceux qui s’y sont impliqués.

L’espoir, bien sûr, réside dans l’expérimentation et l’esprit de libre innovation du chercheur, mais l’expérimentation doit respecter l’homme qui s’y prête et se doit de ne pas en faire une victime. C’est l’esprit de cette proposition de loi.

La santé se trouve de plus en plus souvent, elle aussi, offerte en pâture aux procédures de judiciarisation. Nous avons besoin, dans ce domaine, d’être bordés beaucoup mieux que nous ne l’avons été jusqu’à présent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Etienne

Il existait des zones d’ombre, de grands « scotomes » dans la recherche sur la personne auxquels ce texte apporte un éclairage nouveau et important.

C’est dire que le progrès scientifique appelle un encadrement juridique qui protège à la fois le chercheur et la personne qui accepte de se prêter à la recherche. À cet égard, la loi Huriet-Sérusclat de 1988 a représenté une avancée fondamentale.

Qu’il me soit permis ici de rappeler, s’il en était besoin, les trois principes généraux que nous ne devons pas perdre de vue et qui doivent constituer le socle de ce texte. Ce sont les termes de la loi Huriet-Sérusclat.

Premier principe : aucune recherche ne peut être effectuée sur l’être humain si elle ne se fonde pas sur le dernier état des connaissances scientifiques et sur une expérimentation préclinique suffisante.

À l’époque, je n’étais pas parlementaire ; je travaillais dans la recherche médicale et, avec Claude Huriet, nous étions tombés d’accord sur le fait que le terme « expérimentation » était mal choisi puisqu’il s’agit en fait d’un « recueil » préclinique suffisant. Bref, le mot « expérimentation » a été maintenu, je vous fais part de ma nostalgie : il serait bon, à l’occasion, de réparer cette erreur.

Deuxième principe : aucune recherche ne peut être faite sur l’être humain si le risque prévisible encouru par les personnes qui se prêtent à la recherche est hors de proportion avec le bénéfice escompté pour ces personnes ou l’intérêt de cette recherche.

Troisième principe : aucune recherche ne peut être menée sur la personne si elle ne vise pas à étendre la connaissance scientifique de l’être humain et les moyens susceptibles d’améliorer sa condition.

De fait, ce dispositif juridique a connu, au cours des années qui ont suivi, des préoccupations et des attentes diverses. Il est donc nécessaire de moderniser notre système actuel de recherche sur la personne en assurant à celle-ci, quand elle s’y prête, une information et une protection rassurante pour tous.

Il existe deux types de recherches, cela a été dit : la recherche interventionnelle, avec une démarche de soins, et la recherche observationnelle, qui est en relation avec une discipline aujourd’hui en délicatesse existentielle dans le monde et singulièrement en France, à savoir l’épidémiologie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Etienne

Je vous suis très reconnaissant, mon cher collègue, d’enrichir mon propos.

La communauté scientifique nous reproche la trop grande complexité des circuits administratifs. Elle a bien raison ! En matière de recherche observationnelle, on doit s’adresser à cinq guichets différents – je vous fais grâce de leur intitulé –, ce qui prend énormément de temps, mais ce n’est pas une raison pour renoncer. En simplifiant les procédures, on gagnerait en efficacité.

Paradoxalement, cette recherche observationnelle à forte connotation épidémiologique, alors qu’elle implique la participation de quelques centaines de personnes, voire de plusieurs milliers, suivant les cas, ne disposait d’aucun cadre législatif.

C’est ainsi que ces recherches ne nécessitent pas le recours à un professionnel de santé. Elles ne présentent donc aucune garantie de qualité et de fiabilité. Pis encore, ces recherches ne requièrent pas non plus une autorisation préalable. Vous pouvez donc les organiser comme vous le souhaitez sur votre territoire. En outre, elles ne sont inscrites dans aucun répertoire national. Par ailleurs, elles ne sont pas toujours reprises, loin de là, dans les grandes revues scientifiques qui marquent, qui donnent le ton.

Ces manquements, entre autres éléments, ont récemment conduit l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques à reprendre, avec l’Académie de médecine, une étude pour un développement nouveau de l’épidémiologie, qui doit s’entendre dans une perspective fondamentale, laquelle s’inscrit tout à fait dans le cadre de la protection des personnes qui se prêtent à des recherches.

La proposition de loi de notre collègue député Olivier Jardé, telle qu’elle a été adoptée par l’Assemblée nationale, crée un socle juridique commun.

Pour ma part, je suis heureux que les dispositions que nous examinons aient été singularisées et non pas intégrées dans les textes sur la bioéthique, …

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Bien sûr !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Etienne

… ce que certains parmi vous regrettent. C’est si important que c’est particulier et que les limites de l’épure à discuter doivent être prises en compte.

La définition de la recherche se fondera sur le critère du degré de contrainte que cette recherche impose aux participants, et sera à proprement dit fondée sur la personne, y compris pour les recherches observationnelles. Merci beaucoup, c’était très important.

Le lancement de toute recherche sera conditionné à une autorisation préalable émanant d’un comité de protection des personnes. C’est là un des apports majeurs de cette proposition de loi.

Les comités de protection des personnes seront systématiquement saisis de l’ensemble des recherches, qu’elles soient interventionnelles ou observationnelles. Ils pourront requalifier les recherches et donc leur appliquer le régime juridique le plus adapté.

L’instauration d’un répertoire national des autorisations, accessible tant aux professionnels de santé qu’aux particuliers, répondra à l’exigence d’une meilleure visibilité de la recherche.

Je tiens maintenant à saluer le travail de la commission des affaires sociales, ainsi que l’engagement de Mme Marie-Thérèse Hermange, son rapporteur. Leur volonté de protéger la dignité des personnes a permis d’apporter des modifications essentielles au texte.

La commission des affaires sociales a estimé que la distinction reposant sur « les risques et contraintes négligeables » n’était pas justifiée. Je partage son point de vue. Pourquoi faire des différences qui engendrent des conséquences considérables alors que ces différences ne sont qu’approximatives, envisagées sur un avenir hypothétique, et ne correspondent même pas à la différence entre un petit tas de sable et un grand tas de sable ? On tire en effet des conclusions aberrantes par rapport à la différence prévue.

Nous adhérons pleinement à la nécessité d’un consentement écrit, quel que soit le niveau de risque encouru par le participant.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Etienne

Il y a en effet la réalité des choses et l’idée que l’on peut s’en faire. Chacun se fait une idée différente du risque à partir d’une même réalité.

On peut néanmoins concevoir, dans certaines situations, notamment pour certaines enquêtes épidémiologiques – on y revient – portant sur des populations étendues, que le risque apprécié statistiquement prenne alors une dimension mesurable, qui puisse être exprimée en chiffres, même si c’est selon le mode du χ². Eu égard à l’importance de la population concernée, il peut être matériellement difficile de recueillir un consentement individuel écrit. On peut donc envisager des solutions plus adaptées.

Quant au Comité national de recherche sur la personne, il doit s’agir d’une instance indépendante, mais spécifique – Jean-Pierre Godefroy a également insisté sur ce point. Par conséquent, ce qu’elle fera ne sera pas automatiquement assimilable à ce que peuvent faire d’autres organismes intervenant dans le même domaine. L’évaluation des pratiques médicales est une chose, l’accréditation en est une autre.

Par ailleurs, – c’est un autre apport clef du texte – les recherches non interventionnelles bénéficieront désormais d’une méthodologie de référence de la part de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Ce point est très important.

Pour conclure, le texte de la commission réalise un certain équilibre entre la liberté scientifique orientée vers le progrès et la régulation juridique qui s’impose. Ce texte traduit une démarche responsable, orientée vers la protection des personnes. Le groupe UMP y adhère totalement et le votera.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame le rapporteur, mes chers collègues, dans son intervention d’une grande solidité, mon collègue Jean-Pierre Geoffroy a déjà largement balayé le champ de cette proposition de loi, dont les dispositions auraient effectivement pu trouver place dans la loi HPST, « Hôpital, patients, santé et territoires » ou dans les textes destinés à réviser la loi de bioéthique que nous examinerons prochainement. Un autre choix a été fait par les auteurs de la proposition de loi, qui ont considéré qu’il était aujourd’hui urgent de faire évoluer le cadre juridique des recherches sur la personne. Soit ! Engageons-nous donc dans le débat.

Pour ma part, dans cette discussion générale, je me bornerai à soulever quelques questions que se posent également de nombreux membres des comités de protection des personnes. J’espère que des réponses y seront apportées tout au long de l’examen du texte par le truchement des amendements, qui, à n’en pas douter, seront âprement débattus.

Tout d’abord, les évolutions de notre société et celles de la recherche, prise en son sens générique, imposaient-elles de modifier, toutes affaires cessantes, le cadre législatif dans lequel la recherche s’inscrit ?

Au vu de ces évolutions et de celles de la pratique, y a-t-il une connexion entre la proposition de loi et les problématiques de terrain ?

Dans ce contexte, quels sont les avantages ou les inconvénients de cette proposition de loi ? En particulier, quelle protection pour les patients et quelles responsabilités nouvelles pour les acteurs de la recherche prévoit-elle ?

Enfin, pour tout dire, quelles valeurs ce texte défend-t-il ?

Pour l’heure, cette proposition de loi nous laisse perplexes, surtout si nous nous inscrivons – mais sans doute sommes-nous très naïfs ? – dans une perspective visant la morale dans la science, morale dont le législateur ne devrait, selon nos convictions profondes, jamais se départir.

Ici, dans cette perspective, nous pourrions nous poser la question philosophique – mais n’est-ce pas incongru ? – du respect de l’être humain et évoquer l’impératif catégorique kantien suivant, tel que le philosophe l’exprime dans Fondation sur la métaphysique des mœurs : « Agis de façon telle que tu traites l’humanité, aussi bien dans ta personne que dans tout autre, toujours en même temps comme fin, et jamais simplement comme moyen ».

Cet impératif renvoie au respect de la dignité humaine comme « valeur intérieure absolue ». Cela suppose l’absence d’instrumentalisation de l’être humain, par exemple dans le domaine des expérimentations biomédicales – l’objet du texte que nous examinons aujourd'hui – ou dans celui des transplantations d’organes. Mais là nous sommes déjà dans le champ de l’éthique, qui ne semble pas être la préoccupation centrale des auteurs de cette proposition de loi.

Pourtant, dans ce qu’il est convenu d’appeler sa sagesse, le législateur n’avait écarté cette préoccupation centrale concernant les recherches sur l’homme ni dans la loi de 1988 dite « loi Huriet-Sérusclat », ni dans la loi de 2004 relative à la politique de santé publique.

Oublier la place centrale de l’éthique prépare à la banalisation des objets de la recherche et cette banalisation est l’antichambre, hélas ! d’atteintes potentielles aux libertés fondamentales, ce qui, j’en suis persuadé, mes chers collègues, est totalement inadmissible pour l’immense majorité d’entre nous.

Aussi, à l’occasion de l’examen de cette proposition de loi, veillons à ne pas nous situer à rebours de la doctrine internationale en la matière : la convention sur les droits de l’homme et la biomédecine, dite « convention d’Oviedo », adoptée par le Conseil de l’Europe, ou encore la déclaration d’Helsinki de l’Association médicale mondiale, amendée à l’occasion de sa cinquantième assemblée générale qui s’est tenue à Séoul en 2008.

J’ajouterai que l’objectif premier de la recherche impliquant des êtres humains est, dans le respect qui est dû à l’homme, à sa santé et à ses droits, de comprendre les causes et le développement des maladies mais aussi d’améliorer les interventions préventives, diagnostiques et thérapeutiques. Ces principes se suffisent à eux-mêmes et rendent accessoire toute autre considération. J’ai cru comprendre, en écoutant ses interventions tant en commission qu’ici même voilà quelques instants, que Mme le rapporteur s’en tenait à cette position, et je m’en félicite.

Cela étant dit, il nous faudra rester vigilants et ciseler les articles de cette proposition de loi afin de parvenir à un nécessaire équilibre, et le moins fragile possible, entre la protection renforcée des personnes et l’assouplissement souhaité par les promoteurs de la recherche, entre l’éthique, qui n’appelle pas de compromis, et le pragmatisme des acteurs de la recherche, qu’elle soit conduite ou non en CHU.

En ce qui concerne l’éthique, rappelons que, dans la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, le législateur a modifié la composition des comités de protection des personnes afin de bien marquer sa prise en considération de la « réflexion éthique », le « contrôle du consentement » ayant progressivement pris le pas sur la simple protection de l’intégrité physique des personnes, qui était historiquement la première mission de ces comités, ainsi que l’a souligné fort à propos Mme le rapporteur lors de son intervention en commission.

Quant au pragmatisme des chercheurs et des promoteurs de toute recherche, n’ayons pas peur d’affirmer qu’il conduit, plus souvent qu’on ne le pense, certains d’entre eux à ne pas exclure a priori – et d’autres même à privilégier – certaines formes de mercantilisme, comme je l’ai soutenu en commission des affaires sociales.

Mercantilisme qui conduit à vouloir gommer toutes contraintes, qualifiées péjorativement d’« administratives », dans lesquelles, bien évidemment, sans que cela soit dit clairement, prennent place toutes les dispositions visant à la protection des personnes. Mercantilisme qui incite à un retour sur investissement le plus rapide possible – je parle des investissements financiers, le coût de la recherche étant souvent élevé – afin de pouvoir promptement faire breveter, après validation et éventuellement publication scientifique, les « produits » et/ou les « résultats » de leur recherche, en vue de leur possible commercialisation.

En fait, cela renvoie, d’une manière plus générale, à deux conceptions de la recherche.

L’une est fondée sur la primauté donnée à l’individu, à la préservation de la dignité de la personne et, plus globalement, à la notion de solidarité humaine. Cette conception est celle, je pense, de la majorité d’entre nous dans cette enceinte.

L’autre privilégie l’aspect commercial de la recherche, notamment lorsque ses promoteurs dépendent de laboratoires organisés en grands groupes internationaux. Là, on n’est jamais très éloigné de la recherche en priorité du profit, l’individu risquant fort de ne plus être qu’un maillon, la partie d’un tout qui constitue une chaîne commerciale naturellement plus préoccupée par ses performances et sa rentabilité, ce que nous ne pouvons accepter s’agissant de la vie humaine.

Pour terminer, je rappelle que nous devons rester vigilants sur les dérives potentielles que pourraient entraîner, par exemple, des recherches épidémiologiques comprenant des populations vulnérables, cela a déjà été dit. Nous devons également demeurer attentifs sur les conditions d’autorisation de recherche sur les mineurs. N’oublions pas en effet que les conséquences des dommages subis par les enfants sont différées, en raison de la fragilité particulière de leur organisme en croissance. N’oublions pas non plus les incidences de ces conséquences sur le plan assuranciel.

Mes chers collègues, devant l’approche de la recherche sur les personnes que nous proposent les auteurs de cette proposition de loi, nos concitoyens nous observent, inquiets et attentifs et ils ne manqueront pas de nous juger sévèrement si nous décevons leurs attentes exigeantes en ce domaine.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Françoise Laborde applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous savons tous aujourd’hui combien la recherche biomédicale est importante. Elle est non seulement nécessaire face à l’apparition de nouvelles maladies et à la persistance des maladies incurables, mais également essentielle pour l’amélioration des techniques d’exploration et de soins.

Afin de tenir compte des avancées de la science et de leurs enjeux pour la société, la loi de bioéthique est régulièrement révisée. Dans le souci du respect des valeurs de notre société, elle cherche à répondre le mieux possible aux questions soulevées par le progrès scientifique et technique, ainsi qu’à garantir le respect de la dignité humaine et la protection des personnes les plus vulnérables contre toute forme d’exploitation.

La proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui, même si elle comporte certaines avancées, nous conduit donc à nous poser quelques questions.

Comme mes collègues, je m’interroge : pourquoi ces dispositions prennent-elles la forme d’une proposition de loi alors qu’elles auraient pu avoir leur place dans la prochaine révision de la loi de bioéthique ?

Était-ce une manière d’éviter un passage devant le Conseil d’État ou l’élaboration d’une étude d’impact ?

Lors des derniers états généraux de la bioéthique, une question fondamentale était au cœur des réflexions : comment permettre à notre pays d’être à la pointe des sciences et techniques biomédicales tout en faisant prévaloir une conception du progrès au service de l’humain, guidée et confortée par des principes éthiques clairement définis ?

Ce sont peut-être ces mêmes principes à vocation universelle qui ont permis l’adoption, lors de la conférence générale de l’UNESCO au mois d’octobre 2005, de la Déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l’homme. En effet, pour la première fois dans l’histoire de la bioéthique, les États membres, et avec eux la communauté internationale, se sont engagés à respecter et à appliquer les principes fondamentaux de la bioéthique énoncés dans un seul et même texte. Partout, les êtres humains doivent pouvoir bénéficier des progrès de la science et de la technologie, dans le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Il est donc primordial de protéger les personnes.

Mais nul n’est dupe ! L’intérêt du malade et les préoccupations plus égoïstes que l’on rencontre en matière économique, politique ou même académique sont bien souvent en tension constante. Aussi, face aux risques de dérives et d’abus que le développement de la science pourrait entraîner, il convient de poser des règles et d’être vigilants quant à la protection des personnes, en particulier des mineurs. C’est sur ce point que je souhaite intervenir.

Je voudrais souligner ici la sagesse de la commission des affaires sociales du Sénat, qui a rétabli l’obligation du consentement des deux titulaires de l’autorité parentale pour la participation d’un mineur à la recherche. En effet, le texte initial prévoyait que l’autorisation pour un mineur de participer à un protocole de recherches pouvait être accordée par un seul titulaire de l’autorité parentale. Cela risquait d’être une source de difficultés préjudiciable à l’enfant en cas de conflit entre les parents.

J’avoue avoir été très surprise de constater que l’on avait voulu modifier le code de la santé public pour permettre à un seul des titulaires de l’autorité parentale de laisser son enfant être le sujet d’expériences médicales. Au regard de la protection des personnes, une telle modification ne pouvait constituer qu’une régression. Elle aurait plongé l’enfant au cœur de conflits familiaux en cas de désaccord entre les parents. Dans ce domaine, laisser l’autorité parentale à un seul des parents peut être porteur de dérives. De plus, on peut douter de l’articulation entre de telles dispositions et celles qui sont en vigueur en la matière dans le code civil.

En effet, la minorité légale entraîne une incapacité juridique et un besoin de protection. Or une telle protection ne peut être assurée que par les parents de l’enfant mineur dans le cadre des règles d’autorité parentale et d’administration légale.

Même s’il est indispensable de réaliser des recherches impliquant des enfants afin d’améliorer le traitement existant pour ceux-ci, il est absolument nécessaire de les protéger de manière optimale, car les enfants constituent une population vulnérable.

Par ailleurs, je vous rappelle qu’aux termes de la directive européenne de 2001, « un essai clinique sur des mineurs ne peut être entrepris que si […] le consentement éclairé des parents ou du représentant légal a été obtenu ; ce consentement doit exprimer la volonté présumée du mineur et peut être annulé à tout moment sans que ce dernier en pâtisse ; ».

Ainsi, la simplification du cadre juridique des recherches médicales sur les personnes ne doit pas se faire au détriment de la protection de ces dernières. Je me réjouis donc que la commission des affaires sociales soit revenue sur une telle autorisation, car – il faut le dire – le texte initial affaiblissait les dispositions destinées à protéger les personnes, et ce dans le seul objectif de faciliter la recherche médicale.

Il est impératif que l’avis des deux parents soit requis. Nous resterons toujours vigilants à cet égard.

Tout comme nous serons vigilants quand le projet de loi créant un statut pour les beaux-parents arrivera en discussion au Sénat. En effet, il apparaît légitime de se demander comment ce statut, qui vise à reconnaître les « liens particuliers » existant dans les familles recomposées, s’articulera avec la proposition de loi dont nous débattons aujourd'hui. Si ce prochain texte simplifie les partages d’autorité parentale, il ne doit pas remettre en cause cette autorité dans le domaine de la recherche sur le mineur. L’assouplissement de tels partages ne doit pas se faire en matière de recherche et de santé.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne répondrai pas de manière exhaustive à toutes vos interventions ; nous aurons l’occasion de revenir sur l’ensemble des points qui ont été abordés lors de l’examen des amendements. En revanche, je souhaite resituer notre débat.

Premièrement, l’objectif du Président de la République est bien de faire de notre pays l’un des leaders de la recherche biomédicale dans le monde. C’est un enjeu considérable non seulement en termes de soins et d’amélioration de la qualité de la vie, mais également d’un point de vue économique et social.

D’ailleurs, les débats qui ont été suscités par le grand emprunt, notamment autour de la notion d’« investissement porteur d’avenir à long terme », ont mis en lumière un consensus au sein de l’ensemble des sensibilités politiques pour considérer que la recherche médicale entrait bien dans ce cadre.

Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, et moi-même avons beaucoup réfléchi sur les éléments qui permettraient de placer notre pays en position de leader en matière de recherche biomédicale. Nous avons bien entendu abordé tout ce qui avait un rapport à la « e-santé », à la bio-informatique, à la notion épidémiologique et au concept de « grande cohorte », qui est fondamental en la matière. En effet, c’est à partir des grandes cohortes que nous pourrons avancer, bâtir la notion de médecine personnalisée et, finalement, être à la hauteur des attentes de nos concitoyens et améliorer leur situation. La présente proposition de loi s’inscrit dans cette réflexion.

Deuxièmement, certains nous ont demandé pourquoi nous n’avions pas intégré de telles dispositions dans les lois de bioéthique. En l’occurrence, la confusion, comme le progrès, fait rage

Sourires

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Certes, on peut considérer que toute démarche législative est, par nature, éthique, ce qui pourrait conduire à vouloir tout mettre dans les lois de bioéthique. Mais celles-ci ont un champ d’application parfaitement déterminé. À la page 56 de son rapport, Mme Hermange décrit parfaitement la structuration de la recherche médicale et précise les champs d’application respectifs de cette dernière et de la bioéthique.

Je vous en supplie, ne mélangeons pas les choses ! Le professeur Jean-Claude Etienne a souligné, à juste titre, que les questions de recherche souffraient d’un manque de visibilité dans notre pays et qu’un certain nombre de textes spécifiques sur ce sujet s’imposaient. En effet, les implications économiques, sociales et sanitaires de la recherche sont considérables.

Ne nous faites donc pas de procès parce que nous n’avons pas inséré de telles mesures dans les lois sur la bioéthique ! Cela aurait eu pour seul effet de surcharger des dispositions dont nous allons examiner la révision dans quelques mois. Il n’est pas question d’alourdir ces textes sous le seul prétexte que nous abordons des questions présentant un aspect éthique dans des domaines divers. Notre intention est non pas de surcharger, mais de restaurer et, éventuellement, de transformer ce qui fait le cœur des problématiques liées à la bioéthique ; je parle ici devant un certain nombre de spécialistes de ce secteur.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite vous remercier de la qualité de cette discussion générale. Bien entendu, je répondrai plus précisément aux observations qui ont été formulées lors de l’examen des articles, que nous allons aborder dans quelques instants.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

I. – L’intitulé du titre II du livre Ier de la première partie du code de la santé publique est ainsi rédigé : « Recherches clinique ou non-interventionnelle impliquant la personne humaine ».

II. – Le même titre est ainsi modifié :

1° L’article L. 1121-1 est ainsi modifié :

a)

Supprimé

b) Les deuxième à quatrième alinéas sont remplacés par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Il existe deux catégories de recherches sur la personne :

« 1° Les recherches interventionnelles, qui comportent une intervention sur la personne non justifiée par sa prise en charge habituelle.

« Parmi les recherches interventionnelles, on distingue celles qui ne portent pas sur des médicaments et ne comportent que des risques et des contraintes minimes dont la liste est fixée par voie réglementaire ;

« 2° Les recherches non-interventionnelles, qui ne comportent aucune procédure supplémentaire ou inhabituelle de diagnostic, de traitement ou de surveillance, les actes étant pratiqués et les produits utilisés de manière habituelle. » ;

c) La première phrase du cinquième alinéa est remplacée par une phrase ainsi rédigée :

« La personne physique ou la personne morale qui est responsable d’une recherche impliquant la personne humaine, en assure la gestion et vérifie que son financement est prévu est dénommée le promoteur. » ;

d) Au dernier alinéa, les mots : «, sur un même lieu ou » sont supprimés ;

e) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Si, sur un site, la recherche est réalisée par une équipe, l’investigateur est le responsable de l’équipe et peut être appelé investigateur principal. » ;

2° L’article L. 1121-3 est ainsi modifié :

a) Le sixième alinéa est ainsi rédigé :

« Les recherches mentionnées au second alinéa du 1° de l’article L. 1121-1 et qui n’ont aucune influence sur la prise en charge médicale de la personne qui s’y prête peuvent être effectuées sous la direction et la surveillance d’une personne qualifiée. Le comité de protection des personnes s’assure de l’adéquation entre la qualification du ou des investigateurs et les caractéristiques de la recherche. Les recherches non-interventionnelles peuvent être effectuées sous la direction et la surveillance d’une personne qualifiée en matière de recherche. » ;

b) À la deuxième phrase du septième alinéa, après les mots : « autres recherches », est inséré le mot : « interventionnelles » ;

c) Le septième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Pour les recherches mentionnées au second alinéa du 1° de l’article L. 1121-1 et les recherches non-interventionnelles, des recommandations de bonnes pratiques sont fixées par voie réglementaire. » ;

d) Au dernier alinéa, le mot : « biomédicale » est remplacé par les mots : « impliquant la personne humaine » ;

3° L’article L. 1121-4 est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« Les recherches mentionnées au second alinéa du 1° de l’article L. 1121-1 et les recherches non-interventionnelles ne peuvent être mises en œuvre qu’après avis favorable du comité de protection des personnes mentionné à l’article L. 1123-1.

« Lorsque les recherches mentionnées au second alinéa du 1° de l’article L. 1121-1 figurent sur une liste fixée par arrêté du ministre chargé de la santé pris sur proposition du directeur général de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, le comité de protection des personnes s’assure auprès de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé que l’utilisation des produits sur lesquels porte la recherche ne présente que des risques négligeables.

« En cas de doute sérieux sur la qualification d’une recherche au regard des deux catégories de recherches impliquant la personne humaine définies à l’article L. 1121-1, le comité de protection des personnes peut saisir pour avis l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. Le comité n’est pas tenu par l’avis rendu. » ;

4° Après l’article L. 1121-8, il est inséré un article L. 1121-8-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1121-8-1. – Les personnes qui ne sont pas affiliées à un régime de sécurité sociale ou bénéficiaires d’un tel régime peuvent être sollicitées pour se prêter à des recherches impliquant la personne humaine si ces recherches sont non-interventionnelles. » ;

5° Le cinquième alinéa de l’article L. 1121-11 est supprimé ;

bis (nouveau) L’article L. 1121-11 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« À titre dérogatoire, le comité de protection des personnes peut autoriser une personne qui n’est pas affiliée à un régime de sécurité sociale ou bénéficiaire d’un tel régime à se prêter à des recherches interventionnelles impliquant la personne humaine. Cette autorisation est motivée. » ;

6° À la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 1121-13, après les mots : « pour une durée déterminée, lorsqu’il s’agit de recherches », sont insérés les mots : « interventionnelles à l’exception de celles mentionnées au second alinéa du 1° de l’article L. 1121-1 » ;

7° L’article L. 1121-15 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Les recherches mentionnées au second alinéa du 1° de l’article L. 1121-1 et les recherches non-interventionnelles sont inscrites dans un répertoire rendu public dans des conditions définies par voie réglementaire.

« Les résultats des recherches impliquant la personne humaine sont rendus publics dans un délai raisonnable, dans des conditions définies par voie réglementaire. » ;

8° Au premier alinéa de l’article L. 1121-16, après les mots : « fichier national », sont insérés les mots : « consultable par tout investigateur » ;

9° L’article L. 1123-6 est ainsi rédigé :

« Avant de réaliser une recherche impliquant la personne humaine, le promoteur est tenu d’en soumettre le projet à l’avis du comité de protection des personnes désigné de manière aléatoire par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.

« Toutefois, en cas d’avis défavorable du comité, le promoteur peut demander un second examen du dossier à la commission mentionnée à l’article L. 1123-1-1. » ;

bis (nouveau) Il est inséré un article L. 1123-7 ainsi rédigé :

« Art. L. 1123-7. – Tout promoteur ayant son siège en France, envisageant de réaliser une recherche sur la personne dans un pays tiers à l’Union européenne, peut soumettre son projet à un comité de protection des personnes.

« Le comité de protection des personnes rend son avis sur les conditions de validité de la recherche au regard des principes énoncés à l’article L. 1121-2. » ;

10° À l’article L. 1123-9, après les mots : « du comité et », sont insérés les mots : «, dans le cas de recherches interventionnelles à l’exception de celles mentionnées au second alinéa du 1° de l’article L. 1121-1, », et sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :

« Lorsque la demande de modification substantielle engendre un doute sérieux sur la qualification d’une recherche au regard des trois catégories de recherches impliquant la personne humaine définies à l’article L. 1121-1, le comité de protection des personnes saisit l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.

« En cas d’avis défavorable du comité, le promoteur peut demander au ministre chargé de la santé de soumettre le projet de recherche, pour un second examen, à un autre comité désigné par le ministre, dans les conditions définies par voie réglementaire. » ;

11° Au 1° de l’article L. 1126-5, après les mots : « personnes et », sont insérés les mots : «, dans le cas de recherches mentionnées au premier alinéa du 1° de l’article L. 1121-1, » ;

12° L’article L. 1126-10 est ainsi rédigé :

« Art. L. 1126 -10. – Dans le cadre d’une recherche interventionnelle, le fait pour le promoteur de ne pas fournir gratuitement aux investigateurs les médicaments expérimentaux et, le cas échéant, les dispositifs utilisés pour les administrer ainsi que, pour les recherches portant sur des produits autres que les médicaments, les produits faisant l’objet de la recherche est puni de 30 000 € d’amende. » ;

13° L’intitulé du chapitre II est ainsi rédigé : « Information de la personne qui se prête à une recherche impliquant la personne humaine et recueil de son consentement » ;

14° L’article L. 1122-1 est ainsi modifié :

a) Au 2°, après le mot : « attendus », sont insérés les mots : « et, dans le cas de recherches interventionnelles » ;

b) Au début des 3° et 4°, sont insérés les mots : « Dans le cas de recherches interventionnelles, » ;

c) Au 5°, après les mots : « mentionné à l’article L. 1123-1 et », sont insérés les mots : «, dans le cas de recherches interventionnelles à l’exception de celles mentionnées au second alinéa du 1° de l’article L. 1121-1, » ;

d) Le huitième alinéa est ainsi rédigé :

« Il informe la personne dont la participation est sollicitée ou, le cas échéant, les personnes, organes ou autorités chargés de l’assister, de la représenter ou d’autoriser la recherche, de son droit de refuser de participer à la recherche ou de retirer son consentement ou, le cas échéant, son autorisation à tout moment, sans encourir aucune responsabilité ni aucun préjudice de ce fait. » ;

e) À la première phrase du neuvième alinéa, les mots : « ne porte que sur des volontaires sains et » sont supprimés ;

f) (nouveau) La deuxième phrase du dernier alinéa est remplacée par une phrase ainsi rédigée : « À l’issue de la recherche, la personne qui s’y est prêtée est informée de la date effective de la fin de recherche et de la date limite de recevabilité d’une première réclamation éventuelle ; son droit de recevoir les résultats globaux de cette recherche et les modalités correspondantes lui sont rappelées. » ;

g) (nouveau) Au premier alinéa, les mots : « ou un médecin qui le représente, » sont remplacés par les mots : « un médecin qui le représente ou, lorsque l’investigateur est un professionnel de santé qualifié ou une personne qualifiée en matière de recherche, le professionnel de santé qualifié ou la personne qualifiée en matière de recherche qui le représente » ;

15° L’article L. 1122-1-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 1122-1-1. – Aucune recherche interventionnelle ne peut être pratiquée sur une personne sans son consentement libre et éclairé, recueilli par écrit ou, en cas d’impossibilité, attesté par un tiers, après que lui a été délivrée l’information prévue à l’article L. 1122-1. Ce dernier doit être totalement indépendant de l’investigateur et du promoteur.

« Aucune recherche non-interventionnelle ne peut être pratiquée sur une personne lorsqu’elle s’y est opposée. » ;

16° L’article L. 1122-1-2 est ainsi modifié :

a) Dans la première phrase, le mot : « biomédicales » est remplacé par les mots : « impliquant la personne humaine » et, après les mots : « qui y sera soumise, », sont insérés les mots : « lorsqu’il est requis, » ;

b) (nouveau) Après la première phrase, il est inséré une phrase ainsi rédigée : « Le protocole peut prévoir une dérogation à cette obligation en cas d’urgence vitale immédiate laissée à l’appréciation de ce comité. » ;

17° L’article L. 1122-2 est ainsi modifié :

a)

Supprimé

a bis) (nouveau) Après le quatrième alinéa du II, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu’une personne mineure se prêtant à une recherche devient majeure dans le cours de sa participation, la confirmation de son consentement est requise après délivrance d’une information appropriée. » ;

a ter) (nouveau) Après le dernier alinéa du II, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu’au moment de la date de la fin de la recherche la personne mineure qui s’y est prêtée a acquis la capacité juridique, elle devient personnellement destinataire de toute information communiquée par l’instigateur ou le promoteur. » ;

b) Le III est ainsi rédigé :

« III. – Le consentement prévu au huitième alinéa du II est donné dans les formes de l’article L. 1122-1-1. Les autorisations prévues aux premier, sixième, huitième et neuvième alinéas du même II sont données par écrit. » ;

18° §(nouveau) La dernière phrase du cinquième alinéa de l’article L. 1521-5 et la dernière phrase du seizième alinéa de l’article L. 1541-4 du code de la santé publique sont supprimées.

III. – Le titre II du livre Ier de la première partie du même code est ainsi modifié :

1° Aux articles L. 1121-1, L. 1121-2, L. 1122-1, L. 1122-2, L. 1123-6, L. 1126-3, L. 1126-5 et L. 1126-7 et au premier alinéa des articles L. 1121-10 et L. 1121-11, les mots : « recherche biomédicale » sont remplacés par les mots : « recherche impliquant la personne humaine » ;

2° Au premier alinéa des articles L. 1121-2 et L. 1123-6, les mots : « sur l’être humain » sont supprimés ;

3° Au troisième alinéa de l’article L. 1121-3, les mots : « l’essai » sont remplacés par les mots : « la recherche » ;

4° Aux premier et cinquième alinéas de l’article L. 1121-3, au deuxième alinéa de l’article L. 1121-11, au premier alinéa de l’article L. 1121-13 et au 12° de l’article L. 1123-14, le mot : « biomédicales » est supprimé ;

bis Au premier alinéa de l’article L. 1121-14, le mot : « biomédicale » est supprimé ;

5° À la première phrase du septième alinéa de l’article L. 1121-3 et du troisième alinéa de l’article L. 1121-11, aux articles L. 1121-15, L. 1121-16, L. 1125-2 et L. 1125-3, le mot : « biomédicales » est remplacé par le mot : « interventionnelles » ;

6° Aux articles L. 1121-4, L. 1121-12, L. 1123-8, L. 1123-11 et L. 1125-1, le mot : « biomédicale » est remplacé par le mot : « interventionnelle » ;

7° Aux articles L. 1121-5, L. 1121-6, L. 1121-7et L. 1121-8 le mot : « biomédicales » est remplacé par les mots : « interventionnelles » ;

8° À l’article L. 1121-9 et au quatrième alinéa de l’article L. 1121-10, le mot : « biomédicale » est remplacé par les mots : « interventionnelle » ;

bis (nouveau) Le quatrième alinéa de l’article L. 1121-10 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Dans le cas où la personne qui s’est prêtée à la recherche est âgée de moins de dix-huit ans au moment de la fin de celle-ci, ce délai minimum court à partir de la date de son dix-huitième anniversaire. » ;

Supprimé

10° À la première phrase du troisième alinéa de l’article L. 1121-10, les mots : « La recherche biomédicale » sont remplacés par les mots : « Toute recherche interventionnelle » ;

11° a)

Supprimé

b) Au deuxième alinéa de l’article L. 1123-11, le mot : « administrative » est supprimé ;

c) Le quatrième alinéa de l’article L. 1123-11 est ainsi rédigé :

« Le promoteur avise le comité de protection des personnes compétent et l’autorité compétente mentionnée à l’article L. 1123-12 du début et de la fin de la recherche impliquant la personne humaine et indique les raisons qui motivent l’arrêt de cette recherche quand celui-ci est anticipé. » ;

12° Le quatrième alinéa de l’article L. 1121-11 est supprimé ;

13° À la première phrase de l’article L. 1123-2, le mot : « biomédical » est remplacé par les mots : « de la recherche impliquant la personne humaine » ;

14° À la première phrase du dernier alinéa de l’article L. 1121-13 et au dernier alinéa de l’article L. 1125-1, le mot : « biomédicales » est supprimé et, à l’article L. 1126-10, le mot : « biomédicale » est supprimé ;

15° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 1123-10, après le mot : « recherche », sont insérés les mots : « impliquant la personne humaine » et, à la première phrase du second alinéa du même article, après la référence : « L. 1123-9 », sont insérés les mots : « et pour toutes recherches impliquant la personne humaine » ;

16° Le dernier alinéa de l’article L. 1123-12 est supprimé ;

16° bis (nouveau) L’article L. 1122-1-2 est ainsi modifié :

a) À la première phrase, le mot : « biomédicales » est remplacé par les mots : « impliquant la personne humaine » ;

b) À la première phrase, après les mots : « personne qui y sera soumise », sont insérés les mots : « lorsqu’il est requis » ;

c) Dans l’avant-dernière phrase, après les mots : « L’intéressé est informé dès que possible et son consentement », sont insérés les mots : « lorsqu’il est requis » ;

17° Au 9° de l’article L. 1123-14, les mots : « l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé » sont remplacés par les mots : « la Haute Autorité de santé », et le même article est complété par un 13° ainsi rédigé :

« 13° Le champ des recherches interventionnelles. »

IV. – L’article L. 1221-8-1 du même code est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après le mot : « biomédicale, », la fin de la deuxième phrase et la troisième phrase sont remplacées par les mots : « soit dans le cadre d’une recherche impliquant la personne humaine. » et, à la dernière phrase, les mots : « lorsque le sang ou ses composants sont prélevés ou utilisés dans le cadre d’une activité de recherche biomédicale » sont remplacés par les mots : « relatives aux recherches impliquant la personne humaine » ;

2° Les deuxième et troisième alinéas sont supprimés.

IV bis. – Au dernier alinéa de l’article L. 1333-4 du même code, le mot : « biomédicale » est remplacé par les mots : « impliquant la personne humaine ».

IV ter. – Le 2° de l’article L. 1521-5 du même code est ainsi rédigé :

« 2° À l’article L. 1121-11, le dernier alinéa n’est pas applicable ; ».

V. –

Supprimé

VI. – Les deux premiers alinéas de l’article 223-8 du code pénal sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :

« Le fait de pratiquer ou de faire pratiquer sur une personne une recherche interventionnelle sans avoir recueilli le consentement libre, éclairé et, le cas échéant, écrit de l’intéressé, des titulaires de l’autorité parentale ou du tuteur ou d’autres personnes, autorités ou organes désignés pour consentir à la recherche ou pour l’autoriser, dans les cas prévus par le code de la santé publique, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende.

« Les mêmes peines sont applicables lorsque la recherche interventionnelle est pratiquée alors que le consentement a été retiré.

« Les mêmes peines sont applicables lorsqu’une recherche non-interventionnelle est pratiquée alors que la personne s’y est opposée. »

VII. – Dans l’ensemble des autres dispositions législatives, les mots : « recherche biomédicale » sont remplacés par les mots : « recherche impliquant la personne humaine », et les mots : « recherches biomédicales » sont remplacés par les mots : « recherches impliquant la personne humaine ».

VIII. –

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Jarraud-Vergnolle

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de formuler une remarque. Pour gagner du temps, je renonce à vous rappeler dans quel contexte étrange nous avons travaillé sur ce texte et dans quelles conditions il arrive dans notre hémicycle. Il est certain que cette proposition de loi ne pouvait pas être examinée au Sénat autrement qu’en urgence ; c’est pourquoi elle a mis neuf mois à être inscrite à l’ordre du jour de la Haute Assemblée… C’est sans doute ce que l’on appelle l’« hyper-parlementarisme ».

Mais nous avons désormais l’habitude de ne pas être conviés aux auditions et de ne disposer d’éléments majeurs qu’au dernier moment. Et, par-dessus tout, nous savons désormais que certaines propositions de loi ne sont ni plus ni moins que des projets de loi habilement déguisés, produits au sein des ministères. Ici encore, il semble qu’un conseiller technique ait travaillé de « main de maître » ; je choisis mes termes.

Madame la ministre, grâce à vous, lors de l’examen du projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires, nous avons également eu l’occasion de nous familiariser avec la méthode consistant à sortir du chapeau un amendement du Gouvernement au milieu de la séance. Pas plus tard que ce matin, le Gouvernement s’est adonné à une telle pratique hyper-parlementaire... Qu’à cela ne tienne ! Attachons-nous donc sans délai au fond.

Dès l’article 1er, qui révèle à quel point ce texte est cousu de fil blanc – pardonnez-moi, mais vos intentions ne sont que très succinctement maquillées –, cette proposition de loi procède d’une confusion qui confine à la manipulation ; en témoignent les termes employés : la recherche sur la personne constitue une priorité nationale.

À notre tour, procédons par dichotomie. Nous avons, d’un côté, la question centrale de la protection de la personne, qui relève d’une mission régalienne de santé publique, et, de l’autre, un objectif avéré de compétitivité de la recherche dite « sur la personne », alors que nous attendons d’ici à quelques mois un texte sur la bioéthique destiné à dire la même chose, mais de manière plus savante.

Je le répète, selon les termes utilisés, la recherche sur la personne constitue une priorité nationale. En soi, c’est un objectif tout à fait louable. Sauf qu’en l’occurrence il s’agit non pas de santé publique, mais d’enjeu économique.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Pourquoi opposer les deux ?

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Jarraud-Vergnolle

Sous couvert de santé publique, l’enjeu économique se substitue à ce qui devrait être la première préoccupation de l’État : la protection des personnes.

La santé publique n’a pas vocation à être rentable au sens économique du terme. La protection des personnes et la santé publique sont deux notions distinctes qu’il convient de ne pas mélanger.

Vous comprendrez mieux comment nous vous voyons venir de loin lorsque vous nous expliquez que l’on peut distinguer les phases interventionnelles ou observationnelles.

En ce qui concerne les phases observationnelles, le risque étant minime, voire nul, pourquoi est-il nécessaire de légiférer pour encadrer la responsabilité de l’État ? Cet arbre cache assez mal la forêt et le cœur du problème, c’est-à-dire les phases interventionnelles, celles-là même qui soulèvent les questions éthiques et, a fortiori, le problème crucial de la protection des personnes.

C’est donc sans aucun doute intentionnellement que, pour ne plus avoir à parler de notre sujet, qui est la protection des personnes, vous confondez deux objectifs : le premier relève d’une mission de service public, la santé et la recherche ; le second est le déverrouillage de la protection de la personne, sous couvert de santé publique et de priorité nationale, pour permettre aux laboratoires qui en ont les moyens de mener plus librement leurs recherches sur la personne, afin de s’inscrire en pointe sur un segment de haute compétitivité.

Si la recherche constitue, même de bonne foi pour ce gouvernement, une priorité nationale, la protection de la personne est principielle dans notre République et doit le rester. Or vous tentez de faire passer une priorité nationale, qu’elle soit conjoncturelle, économique, ou tout ce que vous voudrez, devant un principe républicain. Au mieux, c’est maladroit ; au pire, c’est mal intentionné ! L’examen des différents articles de ce texte nous offrira de nombreuses occasions de vous en faire la démonstration.

Dans vos propos liminaires, madame la ministre, vous avez insisté sur deux amendements présentés par le Gouvernement, démontrant ainsi ce que nous dénonçons. Vous admettez que la recherche fonctionne en « zone grise », selon vos termes, ou en zone d’ombre, selon ceux du professeur Jean-Claude Etienne, et vous nous proposerez un amendement faisant tomber « les contraintes disproportionnées » au recueil du consentement des personnes : c’est paradoxal !

Dès lors, permettez-nous de douter de l’orientation de la recherche en France, ainsi que de la protection de la personne dans ce cadre.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L'amendement n° 6, présenté par MM. Godefroy et Le Menn, Mmes Schillinger, Jarraud-Vergnolle et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéas 5 à 9

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Patricia Schillinger.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

La proposition de loi affiche une volonté de donner un cadre unique, moins complexe et plus complet, à l’ensemble des recherches sur la personne. La réalité est qu’en poursuivant dans la logique qui prévaut depuis la loi de 2004 relative à la politique de santé publique ce texte confirme le glissement qui s’est opéré entre une loi fondatrice, destinée à protéger les personnes participant à des recherches biomédicales, et l’intention de faire de la recherche sur la personne un moyen de développer les connaissances scientifiques. En d’autres termes, il s’agit d’un texte visant la recherche sur les personnes et non la protection des personnes.

L’inscription dans la proposition de loi initiale du principe selon lequel « le développement de la recherche sur la personne constitue une priorité nationale » était, à cet égard, évocatrice. La commission, en faisant le choix de supprimer cette disposition et en modifiant la proposition de loi sur certains points, a marqué sa volonté de ne pas oublier la protection des personnes.

Cependant l’article 1er, même modifié, reste problématique dès lors qu’il tend à une banalisation des recherches biomédicales en procédant à un mélange des genres pour nous préjudiciable à la protection des personnes.

La suppression pure et simple de la notion de recherche biomédicale au profit de recherches interventionnelles, termes méconnus dans la réglementation européenne comme dans la réglementation internationale, ne relève certainement pas du hasard.

La création d’une troisième catégorie de recherche, c’est-à-dire une de plus qu’en 2004, n’est pas source de simplification, bien au contraire. Il aurait mieux valu se poser la question de l’intérêt que présentait la conservation d’une procédure spécifique visant à évaluer les soins courants.

Si Mme le rapporteur a répondu en partie aux difficultés de catégorisation entre les recherches interventionnelles et les recherches interventionnelles à risques négligeables, elle a fait le choix, en revanche, de conserver les recherches non interventionnelles. Or qu’est-ce qu’une recherche non interventionnelle ? C’est une recherche observationnelle qui consiste à collecter des informations et des données personnelles de santé. Il n’y a donc aucune intervention sur la personne.

Aujourd’hui, ces études ne sont pas conduites dans un vide juridique : elles sont réalisées dans le respect de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. Il revient ainsi à la CNIL de s’assurer que la recherche médicale ne porte atteinte ni à l’identité humaine ni à un certain nombre de droits et libertés individuelles ou publiques. Il lui revient également d’autoriser les traitements faisant au préalable l’objet d’un avis du comité consultatif sur le traitement de l’information en matière de recherche dans le domaine de la santé. Ce comité, précisons-le, fonctionne parfaitement depuis de nombreuses années.

A contrario, les CPP n’ont pas de compétences particulières pour garantir la vie privée et les libertés individuelles des personnes dont les données font l’objet de traitements.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

En réunissant sous les mêmes termes les recherches relevant de l’innovation et celles qui ne dépendent, en réalité, que de l’évaluation ou de l’observation, nous risquons non seulement d’engendrer une confusion entre des recherches de nature différente, mais également de dénaturer les CPP.

Or nous ne pouvons ni accepter que les CPP deviennent des comités de lecture ni courir le risque de voir ces comités renoncer à la qualité de leur examen sous l’influence des demandes.

Il nous semble donc opportun de maintenir l’exclusion des recherches non interventionnelles du cadre législatif garantissant la protection des personnes en matière de recherches biomédicales et le consentement, évidemment indispensable, même lorsqu’il s’agit d’observations comparatives : nous disposons à cet effet de la loi Kouchner de mars 2002.

Si nous ne mettons pas en doute votre intention d’œuvrer pour la protection des personnes, madame la rapporteur, nous n’oublions pas la raison d’être de cette proposition de loi : faire de la recherche une priorité nationale et transformer les CPP en instruments au service des chercheurs, afin, notamment, de permettre un nombre plus important de publications.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Cet amendement vise à revenir au texte de 2004, qui n’était pas très satisfaisant.

La proposition de loi, même si telle n’était pas sa vocation principale à l’origine, constitue un apport très important en matière d’éthique de la recherche. Elle permet un contrôle enfin unifié de l’ensemble des protocoles de recherche, quelle que soit la qualification donnée par les chercheurs. C’est un gain en matière de transparence, donc de protection des personnes.

Par ailleurs, la commission a supprimé la notion de priorité nationale et clarifié la question du consentement.

Le texte de la commission concilie à la fois les progrès de la science et l’éthique de la recherche.

Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.

L’apport du texte est précisément de faire entrer dans le champ de la loi relative aux recherches sur la personne des publics qui échappaient jusqu’ici à de telles mesures et d’élever ainsi les garanties offertes aux personnes. En effet, jusqu’à présent, les recherches non interventionnelles ne bénéficiaient d’aucun encadrement. L’avis d’un comité de protection des personnes, en particulier, n’était pas requis.

Ce texte constitue donc une avancée en termes de droit des personnes.

Par ailleurs, il est bon de le rappeler, les recherches seront intégrées au champ de compétence et d’intervention de l’AFSSAPS, qui pourra exercer ainsi son pouvoir de police sanitaire dans un domaine qui lui était fermé jusque-là.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Madame la ministre, vous dites qu’il n’y a aucune protection ! Ce n’est pas exact : il y a celle de la CNIL et de la loi de 1978.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Elle n’est pas aussi complète !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Si l’on estime que la CNIL n’assure pas de protection, il faudra modifier son fonctionnement !

Que vous préfériez que cette protection s’exerce autrement, soit ! On est d’accord ou non ! Mais il est quelque peu abusif de dire qu’il n’y a pas de protection.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 7, présenté par MM. Godefroy et Le Menn, Mmes Schillinger, Jarraud-Vergnolle et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 23

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Les recherches mentionnées au second alinéa du 1° de l'article L. 1121-1 ne peuvent être mises en œuvre qu'après avis favorable du comité de protection des personnes mentionné à l'article L. 1123-1. Les recherches non-interventionnelles sont mises en œuvre après avis favorable des espaces de réflexion éthique mentionnés à l'article L.1412-6 du présent code. »

II. - En conséquence, alinéa 25

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

La proposition de loi relative aux recherches sur la personne illustre parfaitement une volonté grandissante, au sein de la communauté scientifique, de transformer les CPP en instruments au service des chercheurs, destinés à les soutenir dans leurs efforts de recherche.

La mission essentielle des CPP s’en trouverait alors dénaturée et ceux-ci tendraient à devenir, sous la pression, des sortes de comités d’éthique de la recherche, tels qu’ils existent dans certains pays anglo-saxons.

En France, la création des CPP répondait à un besoin spécifique : protéger les personnes se prêtant à des recherches biomédicales.

Plutôt que de transformer les CPP en comités de lecture, il conviendrait de laisser le soin à d’autres instances déjà existantes d’assurer les missions complémentaires, mais non indissociables des protocoles de recherche, afin de répondre à l’ensemble des besoins exprimés par les chercheurs et les professionnels de santé : formation et information sur la législation et l’éthique de la recherche ; aide lors de la qualification de programmes de recherche ; orientation du responsable de la recherche vers un comité de protection des personnes lorsqu’il s’agit d’une recherche qualifiée de biomédicale ; délivrance d’avis sur des projets d’études non interventionnelles et d’évaluation de soins courants ou de pratiques professionnelles, etc.

Afin, d’une part, de moderniser la recherche clinique française et, d’autre part, de garantir à un même niveau d’exigence la protection des personnes se prêtant à des recherches biomédicales, il conviendrait de développer des comités consultatifs d’éthique de la recherche au sein des CHU et d’accroître la légitimité des espaces de réflexion éthique.

Cet amendement vise à apporter une réponse satisfaisante aux chercheurs tout en recentrant les CPP sur ce qui doit rester leur mission exclusive : la garantie des droits et libertés fondamentales des personnes se prêtant à des recherches biomédicales.

Les auteurs de cet amendement proposent donc d’accroître la légitimité des espaces de réflexion éthique et laissent aux CHU ainsi qu’au Gouvernement, par voie d’arrêté, le soin de développer les comités consultatifs d’éthique de la recherche.

Dans la réponse que vous avez faite aux orateurs, madame la ministre, vous avez parlé beaucoup de recherche et peu de protection des personnes. Or la loi Huriet-Sérusclat porte sur la protection des personnes.

Si l’on veut organiser un débat sur la recherche, Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche doit également être présente.

Pour l’instant, le problème auquel nous sommes confrontés est celui de la protection des personnes dans le cadre de ces recherches.

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Madame la présidente, le Gouvernement a déposé ses amendements il y a quelques heures seulement. La commission n’a donc pas eu le temps de les examiner.

Je demande une interruption de séance de trente minutes pour que la commission puisse se réunir.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Il va être fait droit, bien sûr, à votre demande, madame la présidente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante-cinq, est reprise à dix-neuf heures vingt.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La séance est reprise.

L’amendement n° 37, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 23

Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :

Le promoteur adresse une copie de cet avis et un résumé de la recherche à l’autorité compétente. Sur demande, le comité de protection de personne concerné transmet sans délai toutes les informations utiles concernant ces recherches à l’autorité compétente.

II. - Après l’alinéa 25

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« À tout moment, le comité de protection de personne concerné informe sans délai l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé de tout problème de sécurité présenté par une recherche mentionnée au 2° ou 3° de l’article L. 1121-1. »

La parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Cet amendement tend à obliger le promoteur à transmettre à l’AFSSAPS certains éléments essentiels de la recherche, à savoir son synopsis et l’avis du comité de protection des personnes, pour toutes les recherches impliquant la personne humaine.

Il organise, en outre, un système d’alerte du CPP vers l’AFSSAPS pour toutes les recherches impliquant la personne humaine. En effet, tout le monde s’accordera pour reconnaître la nécessité de permettre à l’AFSSAPS d’accéder à toutes ces informations utiles, afin qu’elle puisse exercer ses nouvelles fonctions de police sanitaire sur toutes les recherches impliquant la personne humaine. Il s’agit donc de donner des garanties supplémentaires à l’AFSSAPS. Cet amendement s’inscrit dans la droite ligne de ce que nous voulons : le respect de la personne humaine et la démarche éthique, à laquelle nous sommes tous attachés.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L’amendement n° 8, présenté par MM. Godefroy et Le Menn, Mmes Schillinger, Jarraud-Vergnolle et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 25, dernière phrase

Supprimer cette phrase.

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Nous partageons, vous l’avez compris, la volonté de conserver le principe de l’indépendance des comités de protection des personnes ; nous souhaiterions même rendre celle-ci plus effective en pratique vis-à-vis des promoteurs comme des chercheurs. Toutefois, lorsqu’un CPP aux prises avec un doute sérieux sur la qualification d’une recherche fait le choix de saisir l’AFSSAPS pour obtenir son avis, il doit être tenu par cet avis. En effet, le CPP n’a pas l’obligation de saisir l’AFSSAPS et son indépendance est donc préservée. Mais s’il estime devoir demander l’avis de cette autorité, il ne paraît pas anormal qu’il soit tenu de respecter cet avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

L’amendement n° 7 vise à confier aux espaces de réflexion éthique les protocoles de recherche observationnelle.

La commission y est défavorable par cohérence.

Par ailleurs, les espaces de réflexion éthique ne sont pas les mieux à même d’assurer ce travail. Quand on connaît le fonctionnement d’un certain nombre d’entre eux – nous avons d’ailleurs pu l’observer à l’occasion des états généraux de la bioéthique –, l’impossibilité de leur confier cette mission est évidente.

L’amendement n° 37 du Gouvernement tend à compléter l’information de l’AFSSAPS, en lui permettant de connaître l’ensemble des recherches interventionnelles à risques minimes.

La commission y est bien sûr tout à fait favorable, là aussi par cohérence, et pour faciliter le travail de cette agence.

Enfin, l’amendement n° 8, déposé par le groupe socialiste, tend à rendre l’avis de l’AFSSAPS contraignant. Cette solution me paraît logique dès lors que les CPP auront le choix de consulter ou non l’AFSSAPS.

L’avis de la commission est donc favorable.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Je partage tout à fait l’avis de Mme le rapporteur sur l’amendement n° 7. Bien que les espaces de réflexion éthique régionaux réalisent un travail tout à fait remarquable, car ils sont vraiment des lieux d’échange, de réflexion et de formation tout à fait utiles, ces organismes ne me paraissent pas du tout adaptés à ce genre de mission. L’avis du Gouvernement est donc défavorable.

En revanche, j’émets un avis favorable sur l’amendement n° 8.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Monsieur Jean-Pierre Godefroy, l’amendement n° 7 est-il maintenu ?

L’amendement n’est pas adopté.

L’amendement est adopté.

L’amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L’amendement n° 25, présenté par Mme Hermange, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 23

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le comité peut qualifier de manière différente les phases successives d’un même protocole de recherche.

La parole est à Mme le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Plusieurs chercheurs ont fait état de leur crainte que les exigences en matière de consentement écrit n’empêchent la recherche épidémiologique, qui porte sur des masses importantes de population. Cette inquiétude est infondée dans la mesure où les recherches épidémiologiques sont observationnelles.

Toutefois, afin de ne pas risquer d’entraver des recherches utiles à la santé publique qui seraient à la fois épidémiologiques et interventionnelles, il est proposé de prévoir la possibilité pour les CPP de distinguer, au sein même d’un protocole de recherche, celles qui sont observationnelles et celles qui sont interventionnelles. Pour les premières, un consentement écrit n’est pas requis ; en revanche, pour la phase interventionnelle, le consentement écrit est nécessaire. Ainsi, une étude portant sur les retombées des affiches de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, l’INPES, contre le risque que représente l’alcool est observationnelle, mais la mise en place d’une consultation spécifique en alcoologie est une mesure interventionnelle.

Certains ici savent que des études européennes, auxquelles onze pays, dont la France, ont participé, présentaient une dimension à la fois observationnelle et interventionnelle. Au niveau européen, sur des cohortes tout à fait importantes, la France s’est soumise aux dispositions européennes, en demandant à chaque volontaire de formuler son consentement par écrit.

Cette disposition pragmatique montre que la commission des affaires sociales a entendu la préoccupation des chercheurs. Elle ne souhaite pas entraver, loin s’en faut, les progrès de la recherche, mais, dans le même temps, elle tient à sécuriser la protection des personnes. C’est la raison pour laquelle elle a déposé cet amendement de conciliation, tout en restant ferme sur le principe du consentement écrit.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Je partage pleinement ce souci d’équilibre entre la nécessité de conduire des recherches et l’impératif de protection des personnes ; sans doute serons-nous d’accord pour placer en premier la protection des personnes.

Il ne saurait y avoir de recherche sur la personne humaine sans le consentement de celle-ci, comme le précise très clairement la proposition de loi. Je lève ainsi une polémique qui a surgi au cours de la discussion générale et qui n’avait pas lieu d’être. Il est évidemment indispensable que les modalités de recueil de ce consentement soient adaptées et proportionnées à la nature des recherches et des risques encourus par les personnes.

Vous avez raison de souligner que la plupart des recherches épidémiologiques sont observationnelles et qu’à ce titre elles ne sont pas soumises au régime du consentement écrit. Cependant, un certain nombre de recherches épidémiologiques sont de nature interventionnelle, et ce du début à la fin.

J’ai cité l’exemple, dans mon propos liminaire, d’une étude évaluant l’efficacité d’un programme de sensibilisation contre l’alcoolisme mené dans plusieurs communes témoins servant de base de référence. Il s’agit bien là d’une recherche interventionnelle, qu’il ne serait à l’évidence pas possible de mener si le consentement écrit de tous les habitants de la commune était requis.

Je ne suis pas certaine que cet amendement, qui tend à maintenir une exigence systématique de consentement écrit pour toute recherche interventionnelle, permette de lever cette difficulté. Devrions-nous faire signer les personnes qui assistent à des conférences sur le tabac au seul motif qu’elles participent à une recherche interventionnelle, et non plus seulement observationnelle ? Devrions-nous exposer les investigateurs à trois ans de prison s’ils ne respectent pas strictement les modalités formelles de recueil du consentement ?

Nous devons reconnaître qu’il existe des recherches strictement interventionnelles qui ne présentent aucun risque pour les personnes et qui sont menées à une échelle telle qu’il n’est ni possible ni même souhaitable de recueillir le consentement écrit. Je présenterai d’ailleurs un amendement tendant à clarifier le dispositif et à lever un certain nombre de restrictions. Cet amendement vise en effet à prévoir, pour les recherches épidémiologiques interventionnelles sans risque, et exclusivement pour ces recherches, que le Comité de protection des personnes peut autoriser une recherche dès lors que les personnes concernées bénéficient d’une information collective sur la recherche et qu’elles ont la possibilité, si elles le souhaitent, de ne pas y participer.

Au bénéfice de ces explications et de cet amendement, que je vous présenterai ultérieurement, je vous demande, chère madame Hermange, de bien vouloir retirer votre amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

On voit bien, au travers de l’amendement présenté par Mme le rapporteur, qu’il y a un vrai problème.

Dans notre logique, nous maintenons un avis négatif, puisque nous ne souhaitons pas que cette disposition soit étendue aux recherches observationnelles.

Je sais gré à Mme le rapporteur de chercher une solution, mais au lieu de simplifier les choses, cet amendement introduit plus de complexité. En effet, l’extension de la compétence des CPP aux recherches observationnelles ne constitue guère une simplification.

Le mélange des genres que nous dénoncions est en train de se vérifier puisque les CPP devront qualifier différemment les phases d’un même protocole de recherche. La cohérence et la garantie de la protection des personnes n’exigent-elles pas plutôt une qualification unique au sein d’un même protocole de recherche ?

L’extension du champ d’investigation des CPP pose donc des problèmes qui seront difficiles à résoudre.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Je souhaite tout d’abord faire une observation sur l’exemple que vous avez pris, madame la ministre : une conférence de l’INPES portant sur les effets du tabac ou de l’alcool ; on pourrait d’ailleurs en prendre d’autres.

Nous devons, mes chers collègues, distinguer les interventions publiques de celles qui visent directement les personnes. Les interventions publiques, comme les conférences ou les campagnes d’affichage, n’ont rien à voir avec les soins. Seul le fait de vivre en société peut exposer des personnes à ce type d’intervention.

Si la commission des affaires sociales auditionne plusieurs spécialistes sur le sujet du mal-être au travail, tous les propos tenus seront de type interventionnel, et il ne faudra plus faire de distinction entre les différentes catégories de recherche.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Ce n’est pas de la recherche !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Une démarche de recherche observationnelle qui prend la forme d’une intervention publique ne nécessite pas le recueil du consentement écrit ; ce sont des chercheurs qui le disent, et certains sont aujourd’hui dans les tribunes du Sénat.

En revanche, lorsqu’il y a une démarche de soins et une consultation dédiée, il s’agit d’une intervention sur la personne.

Il se peut enfin qu’un protocole de recherche comporte une phase observationnelle et une phase interventionnelle. C’est la raison pour laquelle nous avons prévu explicitement que les CCP pourront prévoir des qualifications différentes, donc des formes de consentement différenciées, selon qu’il s’agit d’une recherche observationnelle – affiches, conférences, etc. – ou d’une intervention sur les personnes.

Je maintiens donc cet amendement.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Nous abordons là un point très important : la définition du terme « interventionnel ». Une recherche à processus interventionnel ne comporte pas forcément l’administration d’un médicament ou d’un soin.

Dans une démarche de santé publique, lorsque vous testez un processus, par exemple une campagne d’information dont l’objectif est de modifier le comportement des personnes en les incitant à moins fumer, à moins boire ou à faire attention à leur poids, il s’agit d’une recherche interventionnelle. Nous ne parvenons pas à avancer sur cette question, car les définitions de la recherche interventionnelle et de la recherche observationnelle reposent sur de mauvais critères. Lorsque l’on teste une démarche de santé publique, on fait de la recherche interventionnelle.

Au bénéfice de ces précisions sémantiques, tout à fait capitales, je me permets de demander à nouveau le retrait de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Nous avons bien entendu vos explications, madame la ministre, mais il me semble impossible de retirer cet amendement qui a été voté par la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. Robert del Picchia, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

J’ai entendu les deux arguments et je n’arrive pas à me décider. Il faut dire que je ne suis pas membre de la commission des affaires sociales ...

Je trouve ce texte intéressant. J’ai été convaincu par les arguments de Mme la ministre, mais également par ceux de Mme le rapporteur. J’ai presque envie de jouer à pile ou face.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Je m’abstiendrai donc et me rallierai à l’avis de la majorité.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Je mets aux voix l’amendement n° 25.

Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 9, présenté par MM. Godefroy et Le Menn, Mmes Schillinger, Jarraud-Vergnolle et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 27

Avant les mots :

Les personnes

insérer les mots :

À titre dérogatoire,

II. - En conséquence, alinéas 29 et 30

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

La proposition de loi crée un nouvel article dans le code de la santé publique, lequel autorise sous certaines conditions la possibilité pour des personnes non affiliées à un régime de sécurité sociale de participer à des recherches sur la personne.

Bien que le travail en commission ait cherché à limiter et à mieux encadrer cette nouvelle autorisation, il n’en demeure pas moins que le fait de revenir sur le choix qui a toujours été fait depuis 1988 d’exclure ces personnes d’un protocole de recherche revient à leur accorder moins de protection.

En effet, les personnes qui ne sont pas affiliées à un régime de sécurité sociale sont essentiellement les populations migrantes, des personnes en situation irrégulière sur notre territoire. Que celles-ci puissent parfois être porteuses de maladies graves et contagieuses ne change rien au fait que ce sont surtout des personnes en situation de grande vulnérabilité sociale, qu’il convient de protéger.

Il est bien entendu évident qu’il ne peut être question de diminuer la protection de ces personnes en autorisant leur participation à des recherches dans un intérêt collectif de santé publique.

Faut-il préciser que le fait de bénéficier d’un régime d’assurance maladie permet en outre de s’assurer que la personne dispose d’un accès aux soins, et donc que son consentement à participer à une recherche n’est pas induit par la possibilité qui lui est ainsi offerte de bénéficier de soins auxquels elle n’aurait pas accès autrement ?

Dans un contexte où l’accès à l’aide médicale d’État est chaque jour plus difficile et restreint, le risque serait grand d’introduire en France cette problématique bien identifiée dans les pays pauvres.

En outre, les conditions relatives aux bénéfices escomptés, individuels ou pour d’autres personnes dans la même situation juridique, ne sont pas valables, même si l’intention de Mme le rapporteur est louable. Cela reviendrait à anticiper ce qui ne peut être connu qu’au terme de la recherche. Il en découle que la non-participation à une recherche ne peut pas être perçue comme une perte de chance.

Pour toutes ces raisons, notre amendement ne prévoit la possibilité de dérogations que dans le cas de recherche non interventionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L’amendement n° 26, présenté par Mme Hermange, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 30

Compléter cet alinéa par une phrase et deux alinéas ainsi rédigés :

Elle doit se fonder au moins sur l'une des conditions suivantes :

« - l'importance du bénéfice escompté pour ces personnes est de nature à justifier le risque prévisible encouru ;

« - ces recherches se justifient au regard du bénéfice escompté pour d'autres personnes se trouvant dans la même situation juridique. Dans ce cas, le risque prévisible et les contraintes que comporte la recherche doivent présenter un caractère minime. »

La parole est à Mme le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 9.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

L’amendement n° 26 vise à encadrer le plus strictement possible les conditions de dérogation prévues à cet article.

S’agissant de ’amendement n° 9, il tend à revenir sur la dérogation permettant aux personnes non affiliées à la sécurité sociale de participer à des recherches interventionnelles. Nous avons eu ce débat en commission et Nicolas About avait fait valoir, à juste titre, que l’on ne peut priver ces personnes d’une chance de bénéficier d’un traitement impossible dans un autre cadre que la recherche.

J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

L’amendement n° 9 procède d’une vision manichéenne dont je souhaite que nous puissions sortir : il y aurait, d’un côté, le gentil législateur, qui prévoit les mesures globales de précaution, car c’est son rôle, et, de l’autre, les chercheurs qui, lors de programmes de recherche, auraient décidé de faire du mal aux personnes.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Je caricature sans doute, mais protéger les personnes, c’est aussi leur permettre d’accéder à des programmes de recherche si leur état de santé le justifie et si elles ne bénéficient pas encore d’un traitement approprié.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Je connais des malades du cancer en phase terminale qui me téléphonent pour me supplier de les admettre à des protocoles de recherche, et qui feraient n’importe quoi pour y participer.

Il est aussi des maladies que l’on ne rencontre que chez des personnes non affiliées à la sécurité sociale. Tel est notamment le cas de la tuberculose multirésistante. Vous voudriez empêcher ces personnes de participer à un protocole de recherche qui permettra peut-être de trouver le médicament permettant de les guérir ? Certes, des procédures de protection sont nécessaires ; Mme le rapporteur a d’ailleurs déposé des amendements en ce sens. Les personnes en cause ne sont pas dépourvues de protection, notamment avec le CPP. Monsieur Godefroy, vous ne pouvez pas défendre un tel amendement !

Quant à l’amendement n° 26, le Gouvernement y est favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. François Autain, pour explication de vote sur l’amendement n° 9.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Je partage le point de vue tant de Mme le rapporteur que de Mme la ministre. De surcroît, l’alinéa 27 résulte de l’adoption par la commission d’un amendement que j’avais déposé. J’aurais donc mauvaise grâce à voter un amendement tendant à le supprimer.

On ne peut pas priver du bénéfice d’une recherche un patient au motif qu’il n’est pas assuré social. Par conséquent, je suis favorable non seulement au maintien du texte, mais aussi à l’amendement n° 26, qui vise à préciser cette dérogation. Je souligne que cette dernière nécessite un avis motivé du comité de protection des personnes. La procédure est parfaitement encadrée et évite certaines dérives.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 10, présenté par MM. Godefroy et Le Menn, Mmes Schillinger, Jarraud-Vergnolle et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 37

Remplacer les mots :

l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé

par les mots :

la commission mentionnée à l'article L. 1124-1 du présent code

II. - Alinéa 38

Rédiger ainsi cet alinéa :

« En cas d'avis défavorable du comité, le promoteur peut demander un second examen du dossier à la commission mentionnée à l'article L. 1124-1. »

La parole est à Mme Patricia Schillinger.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

Nous avions déposé cet amendement par coordination avec un amendement que nous aurions dû examiner à l’article 4 quinquies et qui visait à créer une commission nationale de protection des personnes. Malheureusement, ce dernier texte, qui devait permettre d’améliorer considérablement le fonctionnement des CPP, du point de vue tant de leur indépendance que leur évaluation, s’est perdu dans les méandres de l’article 40.

Jugé irrecevable, tout le dispositif que nous voulions mettre en place par le biais de différents amendements a ainsi disparu. Nous ne pourrons donc débattre de l’intérêt de créer une autorité indépendante aux missions essentielles telles que la répartition équitable des moyens et du financement, la distribution des dossiers de manière aléatoire au sein de chaque CPP, l’examen en appel des décisions, la coordination, l’harmonisation et l’évaluation de l’action des comités de protection des personnes, ainsi que l’examen des protocoles de projets de recherches organisés dans les pays étrangers.

Tout cela est bien regrettable, car, outre de débat, nous nous privons aujourd’hui d’une instance qu’il faudra nécessairement créer si nous voulons nous donner les moyens d’atteindre les résultats escomptés. Seule une commission nationale aux compétences affirmées et disposant d’une large indépendance le permettrait.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L'amendement n° 18, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 38

Remplacer les mots :

la commission mentionnée à l'article L. 1123-1-1. »,

par les mots :

un comité désigné de manière aléatoire par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé autre que celui ayant procédé au premier examen du projet

La parole est à M. François Autain.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

La commission propose, à l’article 4 quinquies de la proposition de loi, la création d’une commission nationale des recherches impliquant la personne humaine auprès de la Haute Autorité de santé. Elle suggère de la doter de différentes attributions et de lui permettre, notamment, de jouer un rôle en matière de coordination et d’évaluation des comités de protection des personnes et d’examiner en appel les projets de recherches déposés par les différents promoteurs. La procédure de second examen des dossiers par la commission nationale est prévue à l’alinéa 38 de l’article 1er, alinéa que je vous propose de modifier.

Je considère, en effet, qu’il n’est pas pertinent de confier ce second examen à la commission nationale, dans la mesure où cette procédure introduit, de fait, une hiérarchie entre les décisions prises par cette dernière et les comités de protection des personnes.

Par ailleurs, cela compromet la mission d’amélioration continue, confiée à la commission nationale, qui doit être fondée non pas sur un rapport hiérarchique, mais sur l’appropriation progressive d’un référentiel de bonnes pratiques résultant de l’expérience des comités de protection des personnes.

L’amendement n° 18 tend à résoudre le problème et à confier le second examen d’un dossier à un CPP désigné aléatoirement parmi l’ensemble de ces comités, à l’exclusion de celui qui a déjà donné un premier avis défavorable au projet.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

L’amendement n° 10 vise à transférer la répartition des dossiers de l’AFSSAPS à la commission nationale. Cette solution ne paraît pas la plus pertinente dans la mesure où c’est l’AFSSAPS qui attribue les numéros de dossiers.

La commission émet donc un avis défavorable.

L’amendement n° 18 a pour objet de conserver le système actuel pour le second examen. Ne pas unifier l’appel reviendrait à se priver d’un moyen important d’harmoniser les pratiques et de promouvoir un dialogue utile entre les CPP au moment même où leur sont confiées de nouvelles missions. De surcroît, lorsque cette proposition de loi sera adoptée, une nouvelle impulsion sera donnée à l’ensemble des CPP.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements, pour les mêmes raisons que celles que vient d’exposer excellemment Mme le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Oui, madame la présidente, je le maintiens également.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 11, présenté par MM. Godefroy et Le Menn, Mmes Schillinger, Jarraud-Vergnolle et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéas 39 à 41

Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :

bis Le chapitre V du titre II du livre Ier de la première partie du code de la santé publique est complété par un article ainsi rédigé :

« Art. L. 1125 -5 - Les protocoles de recherches financés ou menés dans les pays hors Union européenne par un promoteur français ou une personne morale de droit français sont soumis à l'avis de la commission nationale de protection des personnes qui examine les conditions de validité de la recherche conformément aux dispositions de l'article L. 1123-7 du présent code.

« Ces projets doivent également et indépendamment être étudiés par un comité d'éthique du pays ou de la région où doit se dérouler l'étude projetée. Une liste de ces comités d'éthique locaux ou régionaux, ainsi que des comités de défense des droits de l'homme existants, doit être établie, publiée, et remise à jour annuellement. En l'absence de comité d'éthique ou des droits de l'homme local ou national, des instances régionales fonctionnant sous l'égide de l'Organisation mondiale de la santé, de l'Unesco ou du Centre international de l'enfance peuvent être sollicitées.

« Les analyses et avis de la commission nationale de protection des personnes et des comités locaux, nationaux ou régionaux seront soumis aux autorités assurant le financement du projet et autorisant sa mise en œuvre avant qu'il ne soit entrepris. »

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Cet amendement soulève une question fondamentale : peut-on encadrer les recherches sur la personne menées sur notre territoire et ne rien faire pour les recherches qui seraient conduites par des promoteurs français hors de l’Union européenne ? Notre positionnement éthique est directement lié à la réponse que l’on apporte à cette question.

C’est pourquoi l’amendement que nous vous proposons tend à mettre en place une procédure d’examen des projets de recherches menés dans les pays en voie de développement, conformément aux dernières recommandations du Conseil d’État – septième partie du rapport du groupe de travail sur la révision des lois de bioéthiques – et du Comité consultatif national d’éthique : avis n° 41 du 17 décembre 1993.

On ne devrait plus se permettre de fermer les yeux ou d’être moins vigilant – ce qui revient à peu près au même – sur ce qui pourrait se passer hors de notre territoire au prétexte que ces faits auraient lieu hors de nos frontières. Dès lors que la protection des personnes est concernée, les recherches menées par un promoteur ou par une personne morale de droit français engagent à l’évidence notre responsabilité.

Aussi n’est-il pas suffisant de prévoir que les protocoles de recherche puissent être soumis à l’avis d’un CPP. Si l’on veut donner du sens à cette disposition, les protocoles visés doivent être soumis à l’avis du CPP, après examen des conditions de validité de la recherche, conformément aux dispositions de l’article L. 1123-7 du code de la santé publique.

Il serait d’ailleurs plus opportun que ceux-ci soient soumis non pas à l’avis d’un CPP choisi par le promoteur, mais à celui de la commission instituée à l’article 4 quinquies.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L'amendement n° 27 rectifié, présenté par Mme Hermange, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. - Alinéas 39 et 40

Remplacer la référence :

L. 1123-7

par la référence :

L. 1123-7-1

II. - Alinéa 41

Après les mots :

au regard

insérer les mots :

des deuxième à dixième alinéas de l'article L. 1123-7 et

La parole est à Mme le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 11.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

L’amendement n° 27 rectifié a pour objet de rectifier une erreur de référence et de préciser que les conditions du contrôle par les CPP sont les mêmes que pour les protocoles mis en œuvre en France.

L’amendement n° 11 tend à rendre obligatoire le contrôle des protocoles présentés par un promoteur français et à compléter le dispositif de contrôle, répondant ainsi à une recommandation tant du Conseil d’État que du Comité consultatif national d’éthique.

Cependant, la disposition adoptée en commission est plus pragmatique. C'est la raison pour laquelle je propose de la compléter par l’amendement n° 27 rectifié. Mais le débat méritant d’avoir lieu, la commission s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 27 rectifié, qui tend à corriger une erreur matérielle.

Quant à l’amendement n° 11, il comporte deux parties. La première d’entre elle est assez judicieuse puisque vous vous réjouissez, monsieur Godefroy, de l’initiative de la commission des affaires sociales permettant aux CPP de donner un avis sur des recherches qui ne se dérouleront pas sur le territoire national.

En revanche, je suis beaucoup plus réservée sur la seconde partie de l’amendement, visant les conditions dans lesquelles un avis éthique serait donné dans un pays tiers à l’Union européenne. Cette disposition excède notre champ de compétences et de responsabilités. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle cette demande d’avis en France a lieu dans des structures et selon des procédures qui nous sont familières.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Madame le rapporteur, vous vous en êtes remise à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 11, mais, s’il est adopté, l’amendement de la commission deviendra sans objet.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Se rendant aux arguments du Gouvernement, la commission émet donc un avis défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 12, présenté par MM. Godefroy et Le Menn, Mmes Schillinger, Jarraud-Vergnolle et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéas 42, 43 et 44

Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :

10° À l'article L. 1123-9, après les mots : « du comité et », sont insérés les mots : «, dans le cas de recherches interventionnelles à l'exception de celles mentionnées au second alinéa du 1° de l'article L. 1121-1, », et est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« En cas d'avis défavorable du comité, le promoteur peut demander un second examen du dossier à la commission mentionnée à l'article L. 1124-1. »

La parole est à Mme Patricia Schillinger.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

Il s'agit d’un amendement de coordination avec deux autres de nos propositions ; l’une a été rejetée et l’autre n’a jamais été présentée, puisqu’elle a encouru les foudres de l’article 40 de la Constitution.

Cet amendement a un double objet.

D'une part, il vise à supprimer le deuxième alinéa du 10°du II de l'article 1er. En effet, dès lors que nous considérons que la compétence des CPP doit se centrer exclusivement sur les recherches interventionnelles, aucun doute sérieux sur la qualification d'une recherche ne peut plus intervenir : il n'existerait plus qu’une seule catégorie de recherches impliquant la personne, et non trois, comme le prévoyait la proposition de loi initiale, ou deux, comme le mentionne le texte de la commission.

D'autre part, il tend à réécrire le dernier alinéa du 10° du II de cet article, afin qu’en cas d'avis défavorable d'un comité le projet de recherche puisse être soumis en appel non pas à un autre comité, mais à la Commission nationale de protection des personnes que nous proposons de créer à l'article 4 quinquies.

Du reste, en l'état actuel de cet article, tel qu’il a été modifié par la commission des affaires sociales, la Commission nationale des recherches impliquant la personne humaine se trouve déjà chargée du second examen d'une décision défavorable d'un comité. Un amendement de la commission permettra de rectifier cette erreur rédactionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L'amendement n° 28, présenté par Mme Hermange, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 44

Après les mots :

le promoteur peut demander

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

un second examen du dossier à la commission mentionnée à l'article L. 1123-1-1.

La parole est à Mme le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 12.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

L’amendement n° 28 est de coordination.

En ce qui concerne l’amendement n° 12, je suis défavorable à son premier alinéa, par souci de cohérence, et je considère que son second alinéa se trouve satisfait par la disposition que je propose.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre

Le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 28, qui est de cohérence rédactionnelle.

En ce qui concerne l’amendement n° 12, son deuxième alinéa est tout à fait intéressant, puisqu’il prévoit qu’un second examen sera demandé à la Commission nationale en cas d’avis défavorable du comité ; c’est d'ailleurs la solution qu’a retenue la commission des affaires sociales dans son amendement n° 28. Toutefois, la référence à un autre comité figurant à l’alinéa 44 est une incohérence rédactionnelle, qui doit être corrigée.

En revanche, je suis défavorable à la première partie de cet amendement.

Certes, madame Schillinger, je comprends tout à fait votre souci : au travers de cet amendement, vous nous interpellez sur les difficultés que les comités de protection des personnes peuvent rencontrer en ce qui concerne la qualification de la recherche. Toutefois, celles-ci proviennent non pas du classement en catégories, mais de la recherche elle-même, qui, par définition, est hétérogène. Si nous ne créons qu’une seule catégorie, se posera toujours la question de savoir quelles recherches y entrent, ou non.

Je suis donc défavorable à l’amendement n° 12 et favorable à l’amendement n° 28, qui tend à régler la difficulté rédactionnelle que j’évoquais à l’instant, me semble-t-il.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote sur l'amendement n° 12.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Cet amendement visait, en réalité, à alerter la Haute Assemblée sur les conditions d’’application de l’article 40 de la Constitution, qui nous a empêchés de débattre de la commission que nous voulions instaurer.

Bien que nous n’ayons pas exactement la même conception de la Commission nationale que Mme le rapporteur, nous retirons cet amendement et nous nous rallions, par défaut, à l’amendement n° 28.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Mes chers collègues, la suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance. Il appartiendra à la conférence des présidents de fixer une date.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 2 novembre 2009, à seize heures et le soir :

1. Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires et guidés et portant diverses dispositions relatives aux transports (68, 2009-2010).

Rapport de M. Francis Grignon, rapporteur pour le Sénat.

2. Projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales (procédure accélérée) (n° 599 rectifié, 2008-2009).

Rapport de M. Pierre Hérisson, fait au nom de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (50, 2009-2010).

Texte de la commission (n° 51, 2009-2010).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à vingt heures cinq.