Intervention de Bernard Saugey

Réunion du 5 juin 2008 à 9h30
Cour des comptes et chambres régionales des comptes — Article 11, amendement 7

Photo de Bernard SaugeyBernard Saugey, rapporteur :

L’amendement n° 7 rectifié concerne les modalités de décharge des comptables publics, jugées peu satisfaisantes par la commission des lois.

Dans sa rédaction initiale, cet amendement avait un double objet : premièrement, permettre à l’ordonnateur concerné de saisir la formation de jugement de la juridiction financière lorsque le ministère public conclut à la décharge, afin de lui accorder le bénéfice du double degré de juridiction ; deuxièmement, prévoir que, à défaut de saisine de la formation de jugement par l’ordonnateur, le comptable serait déchargé de sa gestion par arrêté du ministre dont il relève, afin de supprimer la compétence liée du magistrat du siège à l’égard du ministère public, qui est contraire au principe d’indépendance de la justice.

J’avais également songé à prévoir que, en cas de refus du magistrat du siège de rendre l’ordonnance de décharge du comptable public, l’affaire devrait être renvoyée devant la formation collégiale de jugement, au délibéré de laquelle le magistrat n’aurait bien évidemment pas pu assister. Toutefois, ces procédures destinées à assurer la garantie d’un procès équitable auraient peut-être été trop lourdes, eu égard au fait – vous l’avez souligné dans votre intervention liminaire, monsieur le secrétaire d’État – que plus de 90 % des décisions des juridictions financières prononcent la décharge des comptables publics sans jamais prêter à contestation.

Par surcroît, la Cour des comptes et le Gouvernement m’ont fait savoir qu’ils étaient très attachés à conférer au ministère public près chaque juridiction financière le monopole de l’engagement des poursuites. Certes, nous pourrions passer outre leur opposition. Toutefois, leur expertise est précieuse et nous ne pouvons multiplier les sujets de conflit qui, sur ce texte, ne manquent pas, sous peine de compromettre une réforme nécessaire et, pour l’essentiel, bienvenue.

La solution à laquelle nous sommes finalement parvenus consiste non seulement à maintenir la suppression de la compétence liée du magistrat du siège à l’égard des représentants du ministère public, ce qui paraît indispensable, mais aussi à prévoir que, à défaut d’accord entre ces deux magistrats dans un délai de deux ans à compter de la notification de l’examen des comptes, le doute profite au comptable public. Celui-ci serait en effet automatiquement déchargé de sa gestion et pourrait obtenir un certificat de décharge auprès du greffe de la juridiction. Dans ce délai, l’ordonnateur concerné aurait la possibilité de faire valoir auprès du ministère public les arguments justifiant à ses yeux la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable public.

Je dois avouer que cette solution de compromis, comme Pierre-Yves Collombat l’a relevé en commission, n’est pas pleinement satisfaisante. En effet, en cas d’accord entre le représentant du ministère public et le magistrat du siège pour décharger le comptable public de sa gestion, l’ordonnateur pourrait introduire un recours contre l’ordonnance de décharge.

En revanche, en cas de désaccord entre ces deux magistrats, c’est-à-dire en cas de doute sur la régularité des comptes, le comptable serait automatiquement déchargé de sa gestion. Il le serait, certes, dans un délai de deux ans, mais sans voie de recours possible. Ce serait pour le moins paradoxal, même si je veux croire que, dans cette hypothèse, le ministère public saisirait la formation de jugement pour faire trancher le désaccord.

Si j’ai été un peu long avant de parvenir à une telle conclusion, c’est parce qu’il me semblait important de vous faire comprendre, mes chers collègues, que, en adoptant cet amendement, vous améliorerez le texte voté par l’Assemblée nationale. Sans doute des trésors d’imagination devront-ils encore être déployés pour parvenir à une solution satisfaisante sur le plan juridique et acceptable aux yeux des principaux acteurs de la procédure.

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