La séance est ouverte à neuf heures trente.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
J’informe le Sénat que, saisie en application de l’article 2 de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007, la commission des lois a émis, à l’unanimité, un avis favorable sur le projet de nomination de M. Jean-Marie Delarue aux fonctions de contrôleur général des lieux de privation de liberté.
La conférence des présidents a établi comme suit l’ordre du jour des prochaines séances du Sénat :
Jeudi 5 juin 2008
Ordre du jour prioritaire :
À 9 heures 30 :
1°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes (n° 283, 2007-2008) ;
À 15 heures :
2°) Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, portant réforme de la prescription en matière civile (n° 323, 2007 2008) ;
3°) Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant modernisation du marché du travail.
Mardi 10 juin 2008
Ordre du jour prioritaire :
À 16 heures 15 et le soir :
1°) Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, complétant l’article 6 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires (n° 260, 2007-2008) ;
2°) Projet de loi portant adaptation du droit pénal à l’institution de la Cour pénale internationale (n° 308, 2006-2007) ;
Mercredi 11 juin 2008
Ordre du jour prioritaire :
À 15 heures :
1°) Question orale avec débat n° 20 de M. Nicolas About à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative sur la lutte contre les addictions ;
2°) Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, sur le Conseil européen des 18 et 19 juin 2008 et sur la présidence française de l’Union européenne ;
Jeudi 12 juin 2008
À 9 heures 30 :
Ordre du jour prioritaire :
1°) Conclusions de la commission des affaires économiques sur les propositions de loi, présentées par M. Michel Houel (n° 354, 2007-2008) et par M. Jean-Claude Frécon et plusieurs de ses collègues (n° 373, 2007-2008), relatives à l’organisation des transports scolaires en Île-de-France ;
2°) Troisième lecture du projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, renforçant les mesures de prévention et de protection des personnes contre les chiens dangereux (n° 344, 2007-2008) ;
À 15 heures :
3°) Questions d’actualité au Gouvernement ;
Ordre du jour prioritaire :
4°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la lutte contre le trafic de produits dopants ;
5°) Projet de loi autorisant l’approbation du protocole facultatif se rapportant à la convention contre la torture et autres peines ou traitements inhumains ou dégradants (n° 220, 2007-2008) ;
6°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification du traité de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes (n° 273, 2007-2008) ;
7°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification du traité de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle sur le droit d’auteur (n° 281, 2007-2008) ;
8°) Projet de loi autorisant l’approbation d’un accord relatif au siège du Bureau international des poids et mesures et à ses privilèges et immunités sur le territoire français (n° 351, 2007-2008) ;
9°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement (n° 280, 2007-2008).
Mardi 17 juin 2008
À 10 heures :
1°) Dix-huit questions orales :
L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.
- n° 214 de Mme Anne-Marie Payet à M. le ministre de la défense ;
- n° 243 de M. Alain Vasselle à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative ;
- n° 244 de M. Claude Biwer à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité ;
- n° 250 de Mme Jacqueline Alquier à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire ;
- n° 254 de M. Adrien Gouteyron à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative ;
- n° 256 de M. Ambroise Dupont à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative ;
- n° 261 de M. Gérard Delfau à Mme la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ;
- n° 262 de M. Jean-Marie Vanlerenberghe à Mme la secrétaire d’État chargée de la solidarité ;
- n° 263 de M. Gérard Longuet à M. le ministre de l’éducation nationale ;
- n° 264 de M. Georges Mouly à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative ;
- n° 268 de Mme Brigitte Gonthier-Maurin à M. le ministre de l’éducation nationale ;
- n° 269 de M. Louis Souvet à M. le ministre de l’éducation nationale ;
- n° 270 de Mme Nathalie Goulet à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ;
- n° 272 de Mme Muguette Dini à Mme la secrétaire d’État chargée de la solidarité ;
- n° 273 de M. Michel Sergent à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables ;
- n° 274 de Mme Bernadette Dupont à Mme la secrétaire d’État chargée de la solidarité ;
- n° 277 de M. René-Pierre Signé à M. le secrétaire d’État à la défense et aux anciens combattants ;
- n° 279 de M. Roland Ries à M. le secrétaire d’État chargé des transports ;
Ordre du jour prioritaire :
À 16 heures et le soir :
2°) Projet de loi constitutionnelle, adopté par l’Assemblée nationale, de modernisation des institutions de la Ve République (n° 365, 2007-2008) ;
Mercredi 18 juin 2008
Ordre du jour prioritaire :
À 15 heures et le soir :
- Suite du projet de loi constitutionnelle, adopté par l’Assemblée nationale, de modernisation des institutions de la Ve République.
Jeudi 19 juin 2008
Ordre du jour prioritaire :
À 9 heures 30, à 15 heures et le soir :
- Suite du projet de loi constitutionnelle, adopté par l’Assemblée nationale, de modernisation des institutions de la Ve République.
Vendredi 20 juin 2008
Ordre du jour prioritaire :
À 9 heures 30, à 15 heures et le soir :
- Suite du projet de loi constitutionnelle, adopté par l’Assemblée nationale, de modernisation des institutions de la Ve République.
Éventuellement, samedi 21 juin 2008
Ordre du jour prioritaire :
À 9 heures 30 et à 15 heures :
- Suite du projet de loi constitutionnelle, adopté par l’Assemblée nationale, de modernisation des institutions de la Ve République.
Lundi 23 juin 2008
Ordre du jour prioritaire :
À 15 heures et le soir :
1°) Éventuellement, suite du projet de loi constitutionnelle, adopté par l’Assemblée nationale, de modernisation des institutions de la Ve République ;
2°) Sous réserve de son dépôt sur le bureau du Sénat, projet de loi relatif aux droits et devoirs des demandeurs d’emploi ;
Mardi 24 juin 2008
Ordre du jour prioritaire :
À 9 heures 30, à 16 heures et le soir :
- Suite du projet de loi relatif aux droits et devoirs des demandeurs d’emploi.
Mercredi 25 juin 2008
Ordre du jour prioritaire :
À 15 heures et le soir :
1°) Éventuellement, suite du projet de loi relatif aux droits et devoirs des demandeurs d’emploi ;
2°) Sous réserve de son dépôt sur le bureau du Sénat, projet de loi instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire obligatoire ;
Jeudi 26 juin 2008
À 9 heures 30 :
Ordre du jour prioritaire :
1°) Suite du projet de loi instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire obligatoire ;
À 15 heures :
2°) Questions d’actualité au Gouvernement ;
Ordre du jour prioritaire :
3°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant réforme portuaire ;
4°) Suite du projet de loi instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire obligatoire ;
À 21 heures 30 :
5°) Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, sur le Livre blanc sur la défense ;
Éventuellement, vendredi 27 juin 2008
À 9 heures 30 et à 15 heures :
Ordre du jour prioritaire :
- Suite du projet de loi instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire obligatoire.
Lundi 30 juin 2008
À 15 heures et le soir :
Ordre du jour prioritaire :
1°) Sous réserve de sa transmission, projet de loi de modernisation de l’économie (urgence déclarée) (A.N., n° 842) ;
2°) Clôture de la session ordinaire 2007-2008.
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?...
Ces propositions sont adoptées.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d’abord, au moment où je soumets à votre examen le projet de loi relatif à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes, de féliciter M. Bernard Saugey, rapporteur de ce texte, pour la qualité de son travail, ainsi que M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois
Le projet de loi dont nous discutons aujourd’hui est un texte technique qui porte sur les procédures et qui n’a pas vocation à s’insérer dans le cadre de la réforme beaucoup plus large des institutions financières annoncée par le Président de la République à l’occasion du bicentenaire de la Cour des comptes. Pourtant, il apparaît nécessaire au bon fonctionnement des juridictions et, à ce titre, je me ferai l’écho de quelques préalables qui éclaireront la suite des débats.
Les juridictions financières exercent une compétence d’ordre public : elles vérifient chaque année tant la régularité des écritures comptables que les sommes pouvant faire défaut dans les caisses publiques. C’est seulement si ces comptes posent problème qu’une procédure contentieuse pourra être ouverte. Dans le cas contraire, le comptable sera déchargé de sa gestion.
Les juridictions financières jugent également, par extension, les comptables de fait, c’est-à-dire les personnes qui se sont ingérées dans le maniement de fonds publics, alors que cette fonction est réservée aux seuls comptables publics.
Avec ce texte, ce ne sont pas les règles de compétence s’appliquant en matière de jugement des comptes qui sont remises en cause, mais ce sont les procédures d’instruction et de jugement.
Pourquoi modifier les procédures de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes ?
Il s’agit de répondre à des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, critiques envers certaines procédures des juridictions financières françaises, jugées trop peu transparentes et trop peu équitables.
Une réponse législative adaptée nous permettra par conséquent de servir les intérêts de la France et nous évitera de nouvelles condamnations.
En pratique, les juridictions financières se sont déjà mises pour partie en conformité avec ces règles, le Premier président de la Cour des comptes, Philippe Séguin, ayant pris « à titre provisoire » une instruction dès le mois de mai 2006 afin de préciser ces dispositions. Au regard de cette décision et de l’insistance pressante du Conseil de l’Europe, il appartenait au Gouvernement de vous présenter les évolutions législatives souhaitables.
L’un des points essentiels du texte est d’introduire dans les procédures des juridictions financières une stricte séparation des fonctions d’instruction, de poursuite et de jugement, afin de garantir la nécessaire impartialité du tribunal.
Jusqu’à présent, les magistrats du siège étaient responsables à la fois des poursuites, de l’instruction à travers les différents rapports rédigés par des magistrats-rapporteurs, et du jugement, avec deux décisions successives prises par les mêmes juges : un jugement provisoire, puis, après les réponses du comptable, un jugement définitif.
L’idée de la réforme est de laisser au ministère public, sur la base d’un rapport initial d’examen des comptes, les prérogatives d’une poursuite éventuelle. Deux cas peuvent se présenter.
En premier lieu, si le ministère public estime que des griefs peuvent être retenus contre un comptable, il peut décider de poursuivre le comptable. Une instruction a lieu, à la suite de laquelle le juge se prononce, au vu des différents éléments, soit pour une décharge du comptable soit pour une mise en débet.
En second lieu, le parquet peut au contraire estimer qu’il n’y a pas lieu de poursuivre. Le juge décharge alors le comptable. Désormais, il pourra le faire à juge unique, contrairement à ce qui se passe aujourd'hui, cette décision étant actuellement prise en formation collégiale.
Cet allégement économise des moyens juridictionnels, dans une situation où aucun grief n’est retenu à l’égard du comptable. Je rappelle, en outre, que la décharge est la norme : dans les chambres régionales des comptes, sur 9 700 jugements, 9 211 jugements ont été des jugements de décharge, soit 95 %.
L’un des objectifs de la réforme est également de raccourcir et de simplifier les procédures.
Elles le sont par l’ordonnance à juge unique et par la décharge automatique en l’absence de réquisitoire.
Elles le sont aussi par la suppression de la règle du double arrêt. Désormais, les griefs seront formulés dans le réquisitoire du parquet. Il n’y aura donc plus qu’un arrêt.
Elles pourront l’être également par la réduction de l’actuel délai de six ans de la prescription extinctive. La commission des lois du Sénat a proposé que ce délai soit ramené de six à cinq ans, ce à quoi le Gouvernement adhère très volontiers en ce qui concerne les comptables publics patents, même s’il en va en revanche autrement des comptables de fait. Nous aurons l’occasion d’y revenir.
Plus courtes, les procédures des juridictions financières seront également plus sûres pour les justiciables.
Elles le seront, d’abord, par la séparation des fonctions d’instruction, de poursuite et de jugement. En instaurant l’ouverture de toute procédure contentieuse par un réquisitoire, l’objectif est d’éviter de laisser, tout au long de la procédure, un comptable face à un seul et même juge du siège.
Elles le seront, ensuite, par la terminologie plus exacte donnée au représentant du ministère public. Ce dernier, appelé de façon assez peu pertinente « commissaire du Gouvernement », alors qu’il ne représente en rien celui-ci, sera désormais nommé « ministère public », ainsi que l’a souhaité l’Assemblée nationale et soutenu la commission des lois du Sénat.
Les procédures des juridictions financières sont sécurisées, enfin, par un ensemble de dispositions permettant un « procès équitable et public ». Sont ainsi prévues l’obligation de tenir une audience publique dès qu’un grief est formulé, l’obligation de veiller rigoureusement à la contradiction des procédures, ce qui suppose que les personnes mises en cause connaissent ce qui est leur est reproché et puissent répondre par écrit ou par oral aux critiques formulées, ainsi que l’obligation faite au rapporteur et au représentant du ministère public de ne pas assister au délibéré.
Je terminerai en évoquant un dernier volet du texte, qui concerne les amendes et les remises gracieuses. La nature des amendes prononcées par les juges financiers est « revisitée ».
Le ministre chargé des comptes ne pourra plus accorder la remise gracieuse des amendes prononcées à l’encontre des comptables. Cette mesure n’a cependant pas la sévérité que l’on pourrait lui prêter de prime abord.
Si la remise gracieuse existe pour les débets prononcés à l’encontre des comptables, c’est parce que la Cour des comptes juge les comptes et non les comptables. Dès lors, le ministre peut prendre en compte des données plus personnelles pour accorder une remise gracieuse totale ou partielle.
Rien de tel avec les amendes. Le juge financier apprécie d’ores et déjà le comportement du comptable, sa situation patrimoniale, l’absence ou l’existence d’enrichissement personnel, le côté exceptionnel ou régulier de son comportement, etc. Le juge des comptes est, en matière d’amende, juge des comptables. Dans ces conditions, la possibilité d’une remise gracieuse sur amende viendrait remettre en cause une décision de justice.
Enfin, puisque l’objectif de ce texte est une meilleure justice, le Gouvernement a également souhaité une disposition mettant le droit des juridictions financières en conformité avec leur pratique et avec la simple équité. Le projet de loi supprime donc du code des juridictions financières la possibilité de condamner à l’amende les héritiers d’un comptable. Il nous apparaît peu défendable de pouvoir condamner à une amende personnelle des héritiers qui n’étaient en rien responsables du comportement de leur père, oncle...
M. le rapporteur acquiesce.
Voilà, dans ses grandes lignes, le texte qui vous est proposé et qui entrerait en vigueur le 1er janvier prochain pour s’appliquer à l’ensemble du territoire français, y compris dans les territoires d’outre-mer où existent des chambres territoriales des comptes.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, avec ce texte, le Gouvernement estime avoir fait progresser à la fois la protection des finances publiques dans l’intérêt général et le respect des droits individuels des comptables.
À notre sens, cet équilibre, qui n’était pas si facile à trouver, doit être préservé. C’est pourquoi nous comptons sur le soutien de votre assemblée pour appuyer ce projet de loi auquel des améliorations seront, j’en suis sûr, apportées par le rapporteur et par l’ensemble de la Haute Assemblée.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi que nous sommes appelés à examiner en première lecture, adopté par l’Assemblée nationale le 10 avril dernier, a pour objet de réformer les règles applicables au jugement des comptes soumis aux juridictions financières, afin de les mettre en conformité avec la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Dans plusieurs décisions rendues en 2003, 2004 et 2006, la Cour européenne des droits de l’homme a considéré que les procédures de jugement des comptes et de condamnation à l’amende des comptables, qu’il s’agisse des comptables publics ou des comptables de fait, relevaient du champ d’application de la Convention, critiqué leur longueur excessive et contesté leur caractère équitable pour le justiciable.
Ont notamment été mises en cause l’absence de publicité de l’audience ainsi que l’absence de communication au comptable des conclusions du ministère public et du rapport du magistrat chargé de l’instruction.
Dès le mois de mai 2006, le Premier président de la Cour des comptes, Philippe Séguin, a pris une instruction pour assurer le respect de ces décisions. M. le secrétaire d’État vient d’en faire état.
La modification du code des juridictions financières n’en demeure pas moins nécessaire et le ministère des affaires étrangères a reçu plusieurs demandes du Conseil de l’Europe, chargé du suivi de la mise en œuvre des décisions de la Cour européenne des droits de l’homme, pour connaître son état d’avancement.
Les dispositions du projet de loi sont ordonnées autour de deux axes : la réforme des procédures de jugement des comptes et celle du régime juridique des amendes susceptibles d’être infligées aux comptables.
Leur entrée en vigueur serait différée au 1er janvier 2009 pour laisser au Gouvernement le temps de publier les décrets d’application requis.
Ces dispositions constituent le prélude d’une réforme d’ampleur de l’organisation et des missions des juridictions financières.
Annoncée par le Président de la République le 5 novembre dernier, à l’occasion de la célébration du bicentenaire de la Cour des comptes, cette réforme est actuellement en préparation.
En premier lieu, les réflexions en cours pourraient conduire les juridictions financières à remplir une nouvelle mission de certification des comptes des collectivités territoriales et à se prononcer davantage sur la responsabilité des gestionnaires, c’est-à-dire des ordonnateurs.
À mon sens, elles devraient également porter sur la question de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables.
Le pouvoir de remise gracieuse actuellement dévolu au ministre chargé du budget en matière de débets suscite de légitimes interrogations au regard des exigences de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Toutefois, sa suppression au profit d’une extension des prérogatives des juridictions financières ne saurait être envisagée sans revoir les règles qui président à la mise en jeu de cette responsabilité : notamment, le juge des comptes devrait pouvoir prendre en considération les circonstances dans lesquelles l’irrégularité s’est produite, le comportement du comptable, ainsi que l’existence ou non d’un préjudice pour les finances publiques.
La commission des lois s’interroge également sur la nécessité de maintenir l’obligation actuellement faite aux héritiers d’un comptable public décédé en poste de produire les comptes à sa place et de solliciter la remise gracieuse des débets qui peuvent être mis à leur charge. Nous aurons l’occasion d’en discuter lors de l’examen des amendements, mais j’ai bien pris acte des propos de M. le secrétaire d’État.
En second lieu, les réflexions en cours pourraient conduire à une réorganisation du réseau des chambres régionales et territoriales des comptes et au regroupement de certaines d’entre elles, afin de leur permettre d’accomplir leurs nouvelles missions.
Ces perspectives de réforme, je dois le dire, suscitent des interrogations, sinon des inquiétudes, des magistrats financiers et des élus locaux.
Pour en revenir au texte qui nous est aujourd’hui soumis, la commission des lois approuve l’essentiel des dispositions qu’il contient.
Elles devraient permettre d’accélérer les délais de jugement et de renforcer les garanties offertes aux justiciables. À cet égard, la commission des lois juge tout à fait possible de les étendre dès à présent aux collectivités d’outre-mer, sans passer par le recours à une ordonnance.
Deux d’entre elles soulèvent toutefois des difficultés.
Il s’agit, d’une part, des modalités de décharge des comptables publics, d’autre part, de la suppression de la compétence des assemblées délibérantes des collectivités territoriales pour apprécier l’utilité publique de dépenses ayant donné lieu à gestion de fait.
Les conditions dans lesquelles un comptable public pourrait être déchargé de sa responsabilité pécuniaire et personnelle ne sont pas satisfaisantes, car le magistrat du siège chargé de rendre l’ordonnance de décharge aurait compétence liée à l’égard des conclusions du ministère public, ce qui semble contraire au principe d’indépendance de la justice protégé tant par la Constitution que par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
L’examen des amendements sera l’occasion d’évoquer avec vous, monsieur le secrétaire d’État, les moyens de remédier à cette difficulté, qui, je vous l’accorde, revêt un caractère plus théorique que pratique.
En revanche, tel n’est pas le cas de la seconde difficulté relevée par la commission des lois. Je veux parler bien sûr de la suppression de la compétence des assemblées délibérantes des collectivités territoriales pour apprécier l’utilité publique de dépenses ayant donné lieu à gestion de fait.
Cette suppression a été votée à l’unanimité par les députés, sur proposition de M. Charles de Courson. Si elle tente d’apporter une réponse à des difficultés réelles, elle ne va pourtant pas de soi.
Il est vrai que, dans certains cas, l’utilité publique des dépenses a pu être refusée, à la suite d’une alternance politique, pour des considérations étrangères à leur objet. Il est également vrai que les délais de jugement des recours introduits devant les juridictions administratives contre les délibérations des assemblées locales allongent la durée d’ensemble des procédures juridictionnelles relatives à des gestions de fait.
Les dispositions proposées reviennent cependant à transférer au juge financier une compétence actuellement dévolue aux assemblées délibérantes locales, alors que le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales pourrait y faire obstacle et que les élus locaux ont parfois l’impression désagréable – c’est un euphémisme ! – que les chambres régionales des comptes exercent un contrôle de l’opportunité de leurs dépenses, dans le cadre de leur mission d’examen de la gestion des collectivités territoriales. Quel est le président d’un exécutif qui n’a pas eu à se plaindre de cet état de fait ?
Il faut enfin noter que le pouvoir du Parlement à l’égard des gestions de fait concernant les deniers de l’État, qui s’exerce dans le cadre de la loi de règlement, ne serait pas remis en cause.
Pour toutes ces raisons, la commission des lois considère que la question devrait faire l’objet d’un examen d’ensemble dans le cadre de la réforme annoncée des missions des juridictions financières et des règles relatives à la responsabilité des gestionnaires publics.
Dans un souci d’harmonisation, la commission des lois propose de compléter le projet de loi pour ramener à cinq ans la durée des délais de prescription de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics et des comptables de fait.
Les dispositions qui vous sont proposées avaient déjà été votées par le Sénat à deux reprises, en 2000 et en 2001, sur proposition de nos collègues du groupe socialiste.
Leur adoption se justifie d’autant plus, aujourd’hui, que la proposition de loi portant réforme de la prescription en matière civile, que notre collègue Jean-Jacques Hyest a déposée l’été dernier et que nous examinerons cet après-midi en deuxième lecture, prévoit la réduction à cinq ans de la durée d’un grand nombre de délais de prescription.
Le rythme des contrôles des juridictions financières est le plus souvent triennal, voire quadriennal. Leurs méthodes de travail ne devraient donc pas en souffrir, même si le problème est différent en matière publique et en matière privée.
Les règles de prescription applicables aux infractions pénales qu’un gestionnaire de fait pourrait avoir commises resteraient inchangées.
Dès lors, les inquiétudes exprimées par certains magistrats financiers à l’égard de cette proposition de réforme me semblent totalement exagérées.
Sous le bénéfice de ces observations et des amendements qu’elle vous soumet, la commission des lois vous demande d’adopter le projet de loi relatif à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UC-UDF.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Gouvernement nous propose des modifications des dispositions relatives à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes afin de mettre notre droit en adéquation avec les exigences et les principes de la Cour européenne des droits de l’homme.
L’objectif principal de ce texte est donc d’adapter les procédures des juridictions financières aux exigences du paragraphe 1 de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui garantit le droit à un procès équitable. Il y est écrit : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial.»
Toutefois, une loi devait venir conforter les avancées de cette instruction. Tel est l’objet du présent projet de loi.
En premier lieu, ce projet de loi clarifie et allège la procédure juridictionnelle pour permettre au comptable d’être jugé dans « un délai raisonnable », en mettant fin à la règle traditionnelle du « double arrêt », provisoire puis définitif. Il distingue les fonctions d’instruction par le magistrat rapporteur, de poursuite ou de mise en jeu de la responsabilité du comptable par le ministère public et de jugement par une formation collégiale lorsque la charge a été soulevée ou par un juge unique en l’absence de charge.
En deuxième lieu, il généralise la publicité des audiences et assure l’équilibre de la procédure juridictionnelle en excluant le rapporteur, comme le ministère public, du délibéré et en offrant aux parties qui le demandent un accès au dossier.
En troisième lieu, il supprime le pouvoir de remise gracieuse que détient le ministre chargé des comptes publics en matière d’amendes, dont le plafond est doublé, tout en maintenant cette faculté pour les débets.
Ce projet de loi comprend donc des avancées en termes de garantie d’une procédure juridictionnelle financière plus équilibrée. Ces points n’appellent pas de remarques particulières de la part du groupe socialiste.
Un certain nombre de propositions vont, selon nous, au-delà de la simple adaptation au droit européen.
D’une part, les députés ont prévu que, en cas de gestion de fait intéressant une collectivité territoriale, l’assemblée délibérante de cette collectivité n’est plus compétente pour reconnaître l’utilité publique des dépenses ayant donné lieu à gestion de fait, sous le contrôle du juge administratif, mais qu’elle peut simplement, dans un délai de trois mois, formuler un avis devant éclairer la décision du juge des comptes.
La commission des lois a déposé un amendement de suppression. Cette question est complexe. Faut-il attendre, comme semble le préconiser M. le rapporteur, en signant un tel amendement ? Deux points de vue s’opposent entre le rapport de M. Éric Ciotti à l’Assemblée nationale et celui de notre collègue Bernard Saugey, rapporteur au nom de la commission des lois. Nous penchons plutôt pour la position du rapporteur de l’Assemblée nationale. §
D’autre part, la question des délais de prescription de l’action en déclaration de gestion de fait de l’article 29 bis mérite d’être discutée compte tenu du contexte de la révision générale des politiques publiques, la RGPP, qui va entraîner un regroupement et une réduction des effectifs des chambres régionales des comptes : les dossiers seront plus nombreux et devront être traités plus rapidement alors que le personnel diminuera. Cette évolution se situe bien dans la ligne générale que le Gouvernement a tracée pour la fonction publique.
Surtout, nous nous posons des questions sur le calendrier choisi et sur la déconnexion de l’examen de ce projet de loi de celui du texte qui nous est promis pour l’automne et qui aura pour objet une réforme en profondeur des juridictions financières. Le Gouvernement serait avisé de nous en dire davantage sur cette réforme, afin que nous puissions prendre la mesure des interférences entre les textes relatifs à ces juridictions financières.
À l’occasion du bicentenaire de la Cour des comptes, le 5 novembre 2007, le Président de la République avait demandé au Premier président de la Cour des comptes de rédiger un rapport fixant les axes d’une réforme des juridictions financières.
Ce rapport a été remis au Président de la République le 6 février 2008, qui l’a approuvé le 13 avril sans qu’à aucun moment il n’ait été rendu public, et ce malgré l’importance qu’il revêt tant pour les citoyens que pour les personnels des juridictions financières ! Les magistrats des chambres régionales des comptes craignent, entre autres, qu’il n’en ressorte un affaiblissement des capacités de leurs contrôles de la gestion des collectivités locales.
Sur ce point particulier, je vous ai adressé le mois dernier, monsieur le secrétaire d’État, une question écrite pour que régresse la culture du secret. Cette attitude inquiète les magistrats et les personnels concernés, qui nous interrogent à ce sujet.
Le fait de ne rien dire risque d’alimenter la rumeur d’une réforme déjà ficelée et de renforcer la crainte des personnels des chambres qui seraient concernés par le nouveau maillage territorial, à propos de leur avenir.
Par ailleurs, comment expliquez-vous que ce projet de loi n’ait pas pu être rattaché à la réforme annoncée des juridictions financières, que j’évoquais à l’instant ? L’adéquation aux règles européennes, n’est pas, en soi, une réponse, compte tenu du retard déjà pris – nous n’en sommes pas à deux ou trois mois près –, puisque ladite réforme est annoncée pour la fin de cette année, me semble-t-il. Bien que vous paraissiez dubitatif, monsieur le secrétaire d’État, en raison du manque d’information en la matière, nous souhaitons obtenir de votre part des précisions.
Le Premier président de la Cour des comptes a promis à plusieurs reprises et encore dernièrement, lors de la séance de rentrée solennelle de la chambre régionale des comptes d’Île-de-France, le 21 avril dernier, une réforme sans précédent des juridictions financières. Par une litote, il déclarait : « Même si on me fait beaucoup d’honneur en me considérant souvent comme l’auteur ou l’inspirateur de la réforme, je ne saurais prétendre à ce statut. » Puis il concluait : « Je ne chercherai pas à imposer mes vues, mais ô combien j’aimerais vous faire partager ma conviction que si nous ne saisissons pas totalement l’opportunité que nous ouvre le Président de la République, nous passerons à côté d’une grande occasion ! »
Les orientations approuvées par le Président de la République augurent effectivement d’une réforme d’ampleur ; elles concernent principalement – je le rappelle en cet instant pour que nous en prenions la mesure – la mise en place d’une certification des comptes des collectivités territoriales sous la responsabilité de la Cour des comptes, l’instauration d’une responsabilité des ordonnateurs susceptible d’être mise en cause par le juge des comptes en première instance et par la Cour de discipline budgétaire et financière en appel, ainsi que le renforcement de l’évaluation des politiques publiques par la Cour.
Cette réforme nécessite, comme l’a précisé le Président de la République, « une adaptation de l’organisation de l’ensemble constitué par les juridictions financières pour prendre en charge ces nouvelles missions et surtout en assumer la fonction d’évaluation ».
Actuellement, les principes et les modalités sont en cours de finalisation par les cinq groupes de travail mis en place par la Cour des comptes, mi-mai dernier, auxquels participent des représentants des chambres régionales des comptes.
L’information du Parlement est bien mince !
La réforme des juridictions financières ne devra pas être construite sur l’objectif unique de faire des économies structurelles, soit en personnel avec le non-remplacement des forts contingents de départs à la retraite dans les cinq ans à venir – 110 magistrats sur 330 –, soit en regroupant à un niveau interrégional les chambres, mais elle devra permettre aux juridictions d’être plus utiles et de remplir pleinement leurs missions actuelles et nouvelles de certification des comptes des collectivités locales, notamment. Nous y sommes particulièrement attachés et nous y veillerons.
Mon collègue Jean-Pierre Sueur va développer les évolutions à venir, dans ce contexte de rigueur budgétaire dans lequel la référence unique du Gouvernement pour toute réforme d’envergure se résume à la seule révision générale des politiques publiques.
Pourquoi donc préférer un examen morcelé des procédures qui s’appliqueront aux juridictions financières ? Pourquoi se hâter, alors que les dispositions prévues dans le projet de loi qui nous est soumis entreront en vigueur, comme le précise son trente et unième et dernier article, le 1er janvier 2009 ?
Dans ce contexte, les membres du groupe socialiste s’abstiendront lors du vote sur ce texte technique.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, les juridictions financières – Cour des comptes et chambres régionales des comptes – jouent un rôle majeur dans le contrôle de l’argent public. L’une de leurs compétences essentielles est de juger les comptes des comptables publics. Cette qualité de juridiction devrait supposer l’indépendance et l’impartialité de ces institutions.
Des arrêts récents de la Cour européenne des droits de l’homme ont remis en cause les caractéristiques des procédures juridictionnelles en vigueur devant la Cour des comptes et les chambres régionales des comptes, contestant leur caractère équitable pour le justiciable et critiquant leur longueur excessive.
Le projet de loi, qui nous est aujourd’hui soumis, vise donc à remédier à cette situation regrettable, en tendant à moderniser les procédures juridictionnelles devant les juridictions financières et à les rendre compatibles avec les dispositions – que nous connaissons tous – de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Cet article pose deux conditions, à savoir qu’un jugement équitable soit rendu dans un délai raisonnable et par un tribunal indépendant et impartial. J’attire votre attention, mes chers collègues, sur le fait que ce délai raisonnable s’applique à la procédure tant d’instruction que de jugement.
Heureusement, la Cour des comptes n’est pas restée indifférente à ces critiques, puisque son Premier président, Philippe Séguin, par une instruction du 16 mai 2006, a cherché à remédier à la situation et à rendre compatibles les procédures juridictionnelles avec les dispositions de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Il a précisé que l’audience publique doit être systématique avant tout jugement de mise en débet, que le rapport ainsi que les conclusions du parquet doivent être communiqués à toutes les parties avant l’audience et que le rapporteur et le représentant du parquet sont exclus du délibéré. Tout cela me paraît logique, surtout le dernier point dans la mesure où les chambres régionales des comptes sont des juridictions rendant des jugements.
Pour autant, cette solution ne pouvait qu’être provisoire. C’est pourquoi, monsieur le secrétaire d'État, le présent projet de loi est bienvenu, afin de tirer pleinement les conséquences des précisions apportées par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, que j’ai rappelée précédemment.
Ce texte a un triple objectif, que nous approuvons. Il vise à garantir le caractère équitable de la décision, à assurer un délai raisonnable et à harmoniser et simplifier les procédures de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes.
Il distingue les fonctions d’instruction, de poursuite et de jugement des comptables. Je ne regrette que tel ne fut pas le cas par le passé.
Désormais, toute procédure contentieuse ne pourra être ouverte que par un réquisitoire du ministère public. La publicité des débats sera garantie et le principe du contradictoire, auquel toute démocratie est profondément attachée, sera renforcé.
L’étrange règle de la double décision provisoire puis définitive sera supprimée, la juridiction statuant par un unique arrêt ou jugement, accélérant ainsi le prononcé des décisions.
S’il n’y a pas ouverture d’une instance contentieuse, la décharge sera donnée au comptable par une simple ordonnance. L’ordonnateur pourra faire opposition dans un délai mois.
Comme vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d'État, le projet de loi vise à renforcer la crédibilité du pouvoir de sanction du juge, à partir du moment où le ministre ne pourra plus remettre gracieusement les amendes auxquelles les comptables ont été condamnés. Il tend également à rehausser le plafond du montant des amendes qui peuvent être infligées.
Pour toutes ces raisons, les membres du groupe UMP partagent les objectifs de ce texte qui vont au-delà des exigences de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Je souhaite cependant, au nom du groupe UMP, faire part quelques remarques sur l’article 16 bis du projet de loi, résultant de l’adoption, à l’unanimité par nos collègues députés, d’un amendement de Charles de Courson, et qui prévoit la compétence des chambres régionales des comptes pour apprécier l’utilité publique des dépenses des collectivités territoriales ayant donné lieu à gestion de fait.
Si cette disposition tente d’apporter une réponse à des difficultés réelles, nous ne pouvons, toutefois, nous y rallier, au nom du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales, auquel je suis profondément attaché, en ma qualité d’élu local.
M. le rapporteur nous a indiqué que toutes ces questions seraient abordées lors de l’examen du texte relatif à la réforme des juridictions financières.
M. René Garrec applaudit
Monsieur le secrétaire d'État, les membres du groupe UMP soutiendront tous les amendements présentés par M. le rapporteur, au nom de la commission des lois, et, bien évidemment, voteront en faveur de ce projet de loi.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le texte qui nous est soumis appelle plusieurs observations et nécessite, au-delà de sa technicité, que nous ayons une réflexion sur sa place parmi les nombreuses et multiples réformes dont notre pays est aujourd’hui le cadre et dont nous sommes abreuvés.
La discussion du projet de loi dont nous débattons appelle une première observation, à la fois de fond et de forme.
Contrairement à ce qui s’est passé à l’Assemblée nationale, la commission des finances du Sénat ne s’est pas saisie du texte. On pourra toujours expliquer que les dispositions contenues dans le projet de loi sont strictement relatives aux questions de procédures mises en œuvre dans les juridictions financières. Il n’en demeure pas moins, eu égard au rôle particulier de la Cour des comptes dans la mise en œuvre de la loi organique sur les lois de finances, qu’il aurait été souhaitable qu’une telle question soit appréhendée par ladite commission.
Mais, au-delà de cette observation, permettez-moi de relever qu’à l’occasion de la première lecture de ce texte à l’Assemblée nationale les mêmes critiques ont pu être émises, quant à son examen accéléré, compte tenu de sa date de présentation officielle en conseil des ministres.
Venons-en au projet de loi qui nous est soumis. Il s’agit, là encore, de mettre, avec complaisance, la France en adéquation, en tout cas en apparence, avec les orientations européennes. Selon l’impression que laissent la discussion déjà menée comme l’exposé des motifs, le Gouvernement s’attacherait, comme il l’a fait pour ce qui concerne les organismes génétiquement modifiés ou la responsabilité environnementale, par exemple, à introduire au plus vite les éléments de droit européen dont notre législation serait encore dispensée, comme pour apparaître, avant le 1er juillet prochain, comme le bon élève de la classe Europe. Mais, comme chacun sait, une telle volonté ne va pas jusqu’au respect des critères de convergence, ce qui nous amène à nous interroger.
La vraie question de l’atteinte des critères de convergence n’a de sens que dans l’hypothèse où ces critères seraient pleinement justifiés au plan économique et budgétaire, et si les politiques qu’ils induisent permettent effectivement aux États de jouer leur rôle afin de répondre aux aspirations collectives des Européens.
Alors, évidemment avec le texte qui nous est proposé, la France se met en conformité avec les exigences et les principes de la Cour européenne des droits de l’homme. Cette instance a, en effet, remis en cause les caractéristiques des procédures juridictionnelles devant nos juridictions financières. Ces dernières, fussent-elles soumises à un régime spécial, ne peuvent déroger à la règle de l’équité.
La France se doit de prendre les mesures adéquates pour ne pas se placer dans une situation inconfortable devant les juges européens.
Elle doit également profiter de cette occasion pour simplifier les procédures devant la Cour des comptes et devant les chambres régionales des comptes, et faire en sorte qu’elles soient moins longues.
Une telle orientation n’est pas sans intérêt, car il n’est pas satisfaisant que nous soyons amenés, de temps à autre, lors de l’examen d’une loi de règlement ou d’un collectif budgétaire, à valider des décisions de caractère exceptionnel portant sur les matières sujettes à controverse dans les procédures menées devant les juridictions financières.
Pour autant, on peut s’étonner que cette loi ait été détachée d’une réforme annoncée comme plus importante encore des juridictions financières, et dont la teneur semble pour le moment imprécise.
Avec les lois de décentralisation de 1982 et celles qui ont suivi, un équilibre a été trouvé entre la suppression de la tutelle et la création des chambres régionales des comptes, lesquelles sont aujourd’hui unanimement jugées indispensables, notamment pour le bon fonctionnement des collectivités territoriales.
Le texte qui nous est soumis vise à renforcer le principe du contradictoire et se situe pour partie dans le prolongement de la loi du 21 décembre 2001, relative aux magistrats de la Cour des comptes.
On peut apprécier positivement le fait qu’en application du principe de séparation des pouvoirs le ministre ne pourra plus décider la remise gracieuse des amendes auxquelles les comptables ont été condamnés par le juge des comptes.
Ce projet de loi comprend donc des avancées en termes de garantie d’une procédure juridictionnelle financière plus équilibrée, mais ces avancées sont toutefois contrebattues par quelques légitimes inquiétudes, au nombre desquelles celle qui est exprimée, notamment, par les professionnels des juridictions financières, et qui est relative à la question de la prescription des faits susceptibles d’être poursuivis.
La réduction des délais de prescription, qui fait l’objet d’un article et alimentera la discussion d’amendements, ne nous semble pas une proposition opportune.
La complexité du contrôle sur pièces et sur place et les enjeux spécifiques liés à la comptabilité publique nous semblent suffisamment importants pour qu’il ne soit pas procédé à un alignement des délais sur ceux qui sont pratiqués en matière civile.
Quand il s’agit des deniers publics, nous devons nous donner les moyens de leur juste affectation et du contrôle le plus rigoureux de leur utilisation.
Ensuite, j’ai indiqué, dans mon propos liminaire, avec quelle précipitation ce texte a été introduit à l’ordre du jour et examiné, sans que nous soit donné le temps de recul nécessaire pour procéder à l’évaluation a priori de ses dispositions. Il en va pour ce texte comme pour bien d’autres.
Il faut dire que, depuis le printemps 2007, le Parlement commence à être habitué : textes annoncés à la hâte en fonction de l’actualité immédiate, dont on tire parti pour faire valoir des projets de loi sommaires, lois à répétition portant sur le même sujet sans effet mesurable et mesuré quant à leur utilité, tout s’est produit depuis mai 2007 pour accréditer les propos que nous tenons.
Le Grenelle de l’environnement ? Des mois de consultation large de l’ensemble des acteurs de la société civile, ce pour aboutir à quels résultats ?
Le pouvoir d’achat ? Je crois bien que la loi de modernisation de l’économie doit être la cinquième loi prise en un an pour tenter de répondre aux problèmes posés par la réduction du pouvoir d’achat des Français.
Qu’il nous soit donc permis de nous demander pourquoi le texte que nous examinons a ainsi été détaché d’une réforme plus profonde des juridictions financières, réforme dont la logique apparaît comme inéluctable au regard de la politique menée par le Gouvernement en termes de couverture du territoire en instances et équipements de l’ordre judiciaire.
Pourquoi dans la logique qui anime Mme la garde des sceaux, ne pas penser utile et souhaitable de réduire les moyens matériels et humains propres aux juridictions financières, comme on a pu le faire pour les tribunaux civils ou la justice prud’homale ou commerciale ?
C’est peut-être cet objectif qui serait visé, derrière l’apparente volonté d’accélération des procédures devant les juridictions financières.
Comment ne pas penser que d’aucuns pourraient prendre appui sur la loi dont nous débattons aujourd’hui pour justifier demain qu’un certain nombre d’opérations menées notamment par les chambres régionales des comptes soient externalisées ?
La question des délais de prescription, déjà soulignée, montre que ce texte, fortement technique, vise aussi à préparer le terrain de la « réduction de voilure » qui semble promise aux juridictions financières.
Reste la question politique immédiate, celle de la certification des comptes de l’État pour la plus récente loi de finances.
Vous me permettrez de citer le communiqué de presse que la Cour des comptes a émis, le 27 mai 2008, sur les résultats et la gestion budgétaire de l’État en 2007.
« Ce rapport examine les résultats de l’exercice 2007 et les comptes associés.
« Il analyse d’abord le résultat budgétaire. Le déficit s’élevait fin 2007 à 34, 7 milliards d’euros […] contre 39 milliards en 2006 […]. Cette amélioration vient néanmoins d’opérations effectuées en fin de gestion pour réduire le déficit annoncé : reports de charges exigibles sur 2008, plus de 7 milliards d’euros, débudgétisations, perception de recettes exceptionnelles d’un montant élevé, 6, 6 milliards d’euros. L’extinction de la dette de l’État à l’égard de la sécurité sociale, 5, 1 milliards d’euros, a notamment été réalisée de façon extrabudgétaire pour ne pas dégrader le déficit.
« Le résultat patrimonial en comptabilité générale, qui donne une vue plus complète de l’ensemble des droits et des obligations de l’État […] se dégrade quant à lui de près de 10 milliards d’euros : il était de 31, 6 milliards d’euros en 2006 et de 41, 4 milliards en 2007. »
Évidemment, une telle analyse, outre qu’elle atteste que les déclarations triomphales du Gouvernement sur la réalité de la situation économique doivent être tempérées par les faits, montre qu’un débat est ouvert aujourd’hui quant à l’indépendance et à la qualité du travail de nos juridictions financières, de la première de toutes, la Cour des comptes, jusqu’à chacune des chambres régionales des comptes.
C’est au regard de ces observations que nous ne voterons pas ce projet de loi, dont, au fond, nous aurions pu trouver la teneur dans un texte bien plus complet que celui qui nous est proposé aujourd’hui.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, c’est toujours un grand bonheur de se retrouver dans cet hémicycle pour parler de sujets sérieux, quelquefois austères, mais nécessaires ; c’est également un grand plaisir de lire, dans le compte rendu des débats de l’Assemblée nationale, les propos de certains de ses membres.
Mon ami M. René Dosière s’est ainsi exprimé avec force sur ce texte, relatif à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes, n’omettant pas de citer le grand écrivain Charles Péguy, qui nous est cher, et, monsieur le secrétaire d'État, il vous a interrogé sur un point précis, sans obtenir de réponse.
C’est certainement un oubli de votre part. C’est pourquoi je me permets de vous questionner à mon tour sur la commune de Saint-Martin, qui faisait partie de la Guadeloupe et, ainsi que l’indiquait M. Dosière, « vient d’être érigée en collectivité territoriale de la République, ce qui lui permettra […] d’être représentée par un député et par un sénateur, élu par vingt grands électeurs. »
Tout cela va, nous n’en doutons pas, dans le sens de l’équité, comme nous avons pu le constater lors des débats particulièrement instructifs qui ont eu lieu hier ici sur le corps électoral du Sénat !
J’en reviens à la commune de Saint-Martin. M. René Dosière a dit, à la tribune de l’Assemblée nationale, le 10 avril dernier, s’exprimant sur l’article 14 : « La chambre régionale des comptes de Guadeloupe a rendu en mai 2007 un rapport sur la gestion de cette commune. On y apprend que cette collectivité est soumise depuis 1999 à la tutelle de la chambre régionale des comptes et qu’elle avait en 2004 un déficit global de 21, 7 millions d'euros. La chambre qualifie ce déficit de record, puisqu’il correspond à 45 % de ses recettes de fonctionnement, alors que le seuil d’alerte est de 5 %. »
M. Dosière poursuivait ainsi : « J’ai tout de même noté que le comptable de cette collectivité, qui a été en poste du 1er août 1988 au 31 décembre 2003, quinze ans par conséquent, n’a produit aucun compte de gestion depuis l’exercice 1996. C’est sans doute du passé, mais je me pose tout de même des questions. Il y avait dans cette collectivité ou à côté, en Guadeloupe, un trésorier-payeur général, qui était le supérieur de ce comptable. Qu’a-t-il fait ? Qu’a fait le ministère public auprès de la chambre régionale des comptes, qui est chargé de faire rentrer les comptes de gestion ? Qu’a fait le préfet, qui est chargé du contrôle de légalité ? »
Je vous pose toutes ces questions, monsieur le secrétaire d'État, puisque vous êtes ici le représentant du Gouvernement, et je ne doute pas que, cette fois, vous apporterez les réponses qui conviennent sur ce qui a été fait, ce qui n’a pas été fait et ce que vous comptez faire.
J’en viens au projet de loi qui nous est soumis, même si les propos que je viens de tenir n’en étaient pas si éloignés et montrent toute l’importance des chambres régionales des comptes.
M. Dosière note aussi que ce texte présente des avancées incontestables en déclarant : « C’est un progrès que nous devons à l’Europe. »
Il est tellement facile de brocarder l’Europe et de prétendre que tous nos ennuis viennent d’elle qu’il convient de préciser que c’est aux termes de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales qu’est garanti le « droit à un procès équitable », ce qui conduit à toute une série de propositions d’améliorations inscrites dans ce projet de loi, et exposées par vous-même, monsieur le secrétaire d'État, et par M. le rapporteur.
Nous devons donc nous réjouir de ces avancées, dues aux règles européennes : droit à un procès équitable, transparence, séparation des rôles.
M. Jacques Mahéas ayant excellemment parlé des dispositions du projet de loi, je m’attarderai sur les perspectives et vous poserai de nouvelles questions, monsieur le secrétaire d'État. Cependant, elles resteront comme toujours…
… non pas entre nous, car le débat est public, et j’espère que vous allez nous honorer de réponses publiques, mais dans les limites du raisonnable.
Les représentants des magistrats et des personnels de la chambre régionale des comptes de la région Centre que j’ai reçus, – mes collègues ont fait de même dans leur région – m’ont exprimé leurs inquiétudes face à l’avenir.
La révision générale des politiques publiques, la RGPP, est devenue une sorte de « concept omnibus » : quand vous posez des questions, on vous répond « RGPP » ; quand vous demandez des réponses, on vous répond encore « RGPP ». Or, vous comprenez bien, monsieur le secrétaire d'État, que ce sigle ne saurait suffire à satisfaire nos légitimes interrogations.
Je vous demande donc tout simplement quelles sont les intentions du Gouvernement quant au devenir des chambres régionales des comptes.
Permettez-moi de citer une lettre que m’ont adressée les représentants des magistrats et personnels de la chambre régionale des comptes de la région Centre.
« Le 5 novembre 2007, à l’occasion du bicentenaire de la Cour des comptes, le Président de la République a demandé au Premier président de la Cour des comptes, M. Philippe Seguin, de rédiger un rapport fixant les axes d’une réforme des juridictions financières. Ce rapport a été remis au Président de la République le 6 février 2008. Il n’a fait l’objet d’aucune concertation malgré l’importance qu’il revêt tant pour les citoyens ou les élus, notamment locaux, que les personnels concernés.
« Pour ce que l’on en sait puisqu’il n’a pas été rendu public et sur la base des seules informations que le Premier président a laissé transparaître à l’occasion de ses interventions, ce rapport s’inscrit dans le cadre de la révision générale des politiques publiques. » Ce rapport préconiserait – j’emploie le conditionnel, monsieur le secrétaire d'État – « notamment le regroupement à un niveau interrégional des chambres des comptes », ce qui irait « à contre-courant du mouvement de décentralisation engagé en 1982 et amplifié en 2004. »
D’ailleurs, faisant preuve d’une grande faculté de mémoire, M. Dosière a fait également observer que, lorsqu’il avait été question de la création des chambres régionales des comptes, M. Philippe Séguin, qui était, à l’époque, député, n’avait pas manifesté sur ce sujet un enthousiasme communicatif et qu’il y était même opposé.
M. le secrétaire d'État sourit.
Chacun peut évoluer ! Pour moi, la création des chambres régionales des comptes, due en particulier à Gaston Defferre, est une innovation importante.
Il était somme toute normal que la décentralisation s’accompagne de la création de telles institutions, qui sont devenues, au niveau de chaque région, le pendant naturel de la Cour des comptes. Comme tous les élus locaux, j’ai d’ailleurs moi-même eu l’occasion de répondre très longuement aux multiples questionnaires et interrogations de la chambre régionale des comptes de ma région et de prendre connaissance des rapports qu’elle a publiés. Il m’est même arrivé d’en faire une lecture publique devant diverses assemblées.
Chacun s’accorde à louer le travail extrêmement précieux effectué par ces juridictions financières, qui permet une plus grande rigueur dans la gestion des fonds publics.
Monsieur le secrétaire d'État, outre mon interrogation sur la commune de Saint-Martin, j’aurai d’autres questions très précises à vous poser.
Premièrement, le Gouvernement a-t-il l’intention d’accroître les compétences des chambres régionales des comptes et de leur confier de nouvelles missions ?
Si oui, lesquelles ? Plus particulièrement, dans l’hypothèse où vous instaureriez des procédures de certification, avez-vous l’intention de les confier aux chambres régionales des comptes ou à d’autres instances ? En outre, les chambres régionales des comptes se verront-elles attribuer de nouvelles missions relatives à l’évaluation des politiques nationales ou à l’extension des responsabilités des élus ?
Deuxièmement, au regard des compétences actuelles ou futures des chambres régionales des comptes, est-il normal que l’effectif global des magistrats et des personnels de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes soit resté constant et n’ait pas évolué depuis 1983 ? En effet, on dénombre aujourd'hui 320 magistrats et 1 100 personnels au total, comme il y a vingt-cinq ans.
Comme tous les autres qui se sont succédé, monsieur le rapporteur ! Du reste, M. le secrétaire d'État représente indissociablement le Gouvernement et la République.
Alors que les missions des juridictions financières ont déjà beaucoup augmenté et qu’elles sont susceptibles de croître encore, cette stagnation des effectifs ne peut que nous préoccuper. J’observe d’ailleurs que mon collègue René Garrec, ici présent, suit ce dossier avec beaucoup d’attention, et je l’en remercie.
Monsieur le secrétaire d'État, dans un tel contexte, est-il pertinent d’envisager le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ? Est-il possible, est-il justifié de réduire encore non seulement les moyens, mais aussi le nombre des chambres régionales des comptes, comme cela a pu être évoqué ?
Je le rappelle, le budget des administrations publiques locales, des collectivités et des autres organismes publics locaux atteint aujourd'hui celui de l’État, soit près de 300 milliards d’euros. L'investissement public local, déjà plus important que celui de l’État, continue de s’accroître. À l’évidence, restreindre le contrôle de telles masses financières serait inadapté, alors même que nos concitoyens exigent plus de transparence dans la gestion des deniers publics et que les enjeux en la matière tendent à se déplacer vers le niveau local.
Il serait bon à mes yeux de maintenir une chambre régionale des comptes par région, et ce pour des raisons de proximité. Je vous invite d’ailleurs tous à vous rendre dans l’une de ces juridictions : vous pourrez y constater que le nombre de dossiers à étudier et de contrôles à effectuer est considérable, puisqu’ils concernent tout à la fois les communes, les intercommunalités, les départements, les régions, les établissements publics, les hôpitaux, les organismes de logement social, ainsi qu’un certain nombre d’associations.
Dans ces conditions, monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous garantir que le Gouvernement a précisément l’intention de maintenir une chambre régionale des comptes dans chaque région, et, par la même occasion, démentir les assertions et les mauvaises intentions prêtées aux uns et aux autres ? Comme vous le savez, une parole claire du Gouvernement, surtout au Sénat, …
…permettrait de nous prémunir contre ce type de rumeurs qui peuvent courir ici ou là.
Pouvez-vous donc nous garantir que le Gouvernement entend maintenir ce réseau des chambres régionales des comptes dans son intégralité et même renforcer ses moyens, eu égard aux nouvelles missions qui lui seraient confiées ?
Voilà, monsieur le secrétaire d'État, des questions simples et précises. J’espère que vous allez nous répondre avec la clarté et la transparence qui caractérisent toujours les bons ministres et les bons gouvernements !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens d’abord à renouveler mes remerciements au rapporteur, M. Bernard Saugey, pour le travail accompli par la commission des lois et pour les propos qu’il a bien voulu tenir tout à l’heure. Je salue également l’intervention des quatre autres orateurs, MM. de Richemont, Mahéas, Sueur et Vera.
Monsieur le rapporteur, votre contribution à ce texte nous permet de répondre aux attentes exprimées dans de récents arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme, contestant le caractère équitable pour le justiciable des procédures juridictionnelles actuelles et critiquant leur longueur excessive. Je le souligne, ce souhait a d’ailleurs été relayé auprès de nous dans un récent courrier, en date du 27 mai dernier, émanant de la sous-direction des droits de l’homme, laquelle a elle-même été sollicitée par le comité des ministres du Conseil de l’Europe. Cela prouve que, dans ce domaine, le Gouvernement fait l’objet de certaines pressions, très naturelles d’ailleurs, pour accélérer l’adoption du texte.
Monsieur Vera, sur cette thématique précise, comme sur d’autres, paraît-il, vous prétendez que nous nous alignons à l’excès sur les demandes européennes. En la matière, reconnaissez-le, il est tout de même dans l’intérêt de la justice et des justiciables d’agir ainsi, et nous n’allons pas, me semble-t-il, au-delà de ce qu’il est nécessaire pour tous.
Monsieur de Richemont, je partage naturellement votre constat sur la nécessité d’adopter ce texte, qui assurera une amélioration sensible du bon fonctionnement des juridictions financières grâce au raccourcissement et à la simplification des procédures, avec l’objectif de rendre ces dernières plus sûres pour les justiciables.
Pour autant – et j’en viens aux interrogations exprimées par MM. Sueur et Mahéas –, cette réforme des missions juridictionnelles de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes n’est qu’un préliminaire à la réforme d’ensemble des juridictions financières, annoncée par le Président de la République.
Monsieur Sueur, l’exercice que le Président de la République a demandé aux juridictions financières de conduire ne s’inscrit pas dans le cadre de la RGPP, même s’il va de soi que la Cour ne saurait se désolidariser de l’objectif général visé, à savoir une meilleure utilisation des fonds publics.
Par ailleurs, je vous le dis d’emblée, la réforme plus large sur laquelle vous vous interrogez fait toujours l’objet d’une concertation. Elle ne viendra donc en discussion au Parlement que d’ici six à huit mois, pas avant. Dès lors, il est un peu tôt pour parler d’un texte qui n’en est encore qu’au stade de la concertation.
Le Premier président de la Cour des comptes, M. Philippe Séguin, a en effet reçu mandat du Président de la République pour lancer une concertation interne, au sein des juridictions financières, afin de réfléchir à la réforme envisagée, sur la base de certaines orientations retenues. Au terme de la concertation, le Premier président fera des propositions que le Gouvernement pourra éventuellement reprendre dans le texte qu’il présentera au Parlement. Je le répète, il est un peu tôt pour vous en dévoiler le contenu exact, alors que la concertation n’est pas terminée et que le Premier président n’a pas fait connaître ses propositions.
En tout état de cause, les trois orientations retenues sont clairement précisées.
Il s’agit, premièrement, de la certification des comptes des collectivités territoriales, lorsque son principe sera décidé. Elle sera alors opérée sous la responsabilité de la Cour des comptes.
Il s’agit, deuxièmement, de la transformation de la Cour de discipline budgétaire et financière en instance d’appel pour les décisions prises par les juridictions financières concernant la responsabilité des gestionnaires. Une concertation interministérielle sera menée pour traiter de l’opportunité d’un élargissement du champ des justiciables et d’une extension des incriminations.
Il s’agit, troisièmement, de l’adaptation de l’organisation de l’ensemble des juridictions financières, pour prendre en charge les nouvelles missions et assurer la fonction d’évaluation.
Je ne suis pas en mesure de vous donner de réponses précises, puisque la concertation n’est pas terminée. Cette adaptation suppose simplement une coopération plus étroite entre la Cour et les chambres régionales, afin de conduire conjointement des évaluations de politiques publiques dans des délais raccourcis.
Telle est la teneur des orientations fixées au départ. Nous attendons naturellement que le Premier président nous précise sa vision des choses, une fois la concertation achevée. Il reviendra ensuite au Gouvernement d’élaborer un texte de loi.
Par conséquent, il est malheureusement beaucoup trop tôt pour pouvoir vous donner des réponses sur certaines de vos interrogations. Cela n’aurait pas de sens puisque nous ne connaissons pas l’issue de la concertation et les propositions du Premier président.
Au demeurant, cette réforme n’est en aucun cas l’expression d’une cure d’austérité imposée aux juridictions financières. Encore une fois, je peux vous assurer que, pour l’instant, les propositions de M. Philippe Séguin en la matière ne sont ni établies ni figées, et qu’il appartiendra ensuite au Gouvernement de décider de l’orientation qu’il souhaite prendre.
Par ailleurs, monsieur Sueur, j’ai toujours beaucoup de plaisir à débattre avec cet archéologue biblique de l’Assemblée nationale qu’est René Dosière !
M. le rapporteur s’esclaffe
Pour ma part – je le dis en toute franchise –, je n’ai pas le souvenir de ce qu’a fait Philippe Séguin lorsqu’il était député, puis président de l’Assemblée nationale. À l’époque, je n’étais moi-même, au Sénat, qu’un modeste collaborateur.
Sur cette affaire de Saint-Martin, je le reconnais, il faut tirer les choses au clair. Je vais donc faire procéder aux vérifications nécessaires et je vous enverrai, à vous-même et à M. Dosière, une réponse plus complète par écrit.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Pour le moment, je peux simplement vous apporter les précisions suivantes : le comptable a été muté, ce qui est bien le moins ; le trésorier-payeur général n’a pu faire nommer un remplaçant dans un délai suffisamment raisonnable pour rendre les comptes ; la possibilité offerte par les décrets de 2007 sur la nomination des commis d’office résoudra la difficulté pour l’avenir.
Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Le code des juridictions financières est ainsi modifié :
1° Dans la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 112-2, les mots : « commissaire du Gouvernement » sont remplacés par les mots : « représentant du ministère public près une chambre régionale des comptes » ;
2° Dans l’article L. 212-10, les mots : « commissaires du Gouvernement » sont remplacés par les mots : « représentants du ministère public » ;
3° Dans la première phrase de l’article L. 212-12, les mots : « commissaires du Gouvernement » sont remplacés par les mots : « représentants du ministère public » ;
4° Dans l’article L. 212-14, les mots : « de commissaire du Gouvernement » sont remplacés par les mots : « du ministère public » ;
5° Dans les premier alinéa et seconde phrase du deuxième alinéa de l’article L. 212-15, les mots : « commissaire du Gouvernement » sont remplacés par les mots : « représentant du ministère public » ;
6° Dans l’article L. 241-2-1, les mots : « commissaire du Gouvernement d’ » sont remplacés par les mots : « représentant du ministère public près » ;
7° Dans les premier, deuxième et troisième alinéas de l’article L. 252-13, les mots : « commissaires du Gouvernement » sont remplacés par les mots : « représentants du ministère public près une chambre » ;
8° Dans la première phrase de l’article L. 252-17, les mots : « de commissaire du Gouvernement » sont remplacés par les mots : « du ministère public » ;
9° Dans les premier alinéa et seconde phrase du deuxième alinéa de l’article L. 256-1, les mots : « commissaire du Gouvernement » sont remplacés par les mots : « représentant du ministère public » ;
10° Dans l’article L. 262-24, les mots : « commissaires du Gouvernement » sont remplacés par les mots : « représentants du ministère public » ;
11° Dans la première phrase de l’article L. 262-26, les mots : « de commissaire du Gouvernement » sont remplacés par les mots : « du ministère public » ;
12° Dans l’article L. 262-43-1, les mots : « commissaire du Gouvernement de » sont remplacés par les mots : « représentant du ministère public près » ;
13° Dans l’article L. 262-45-1, les mots : « commissaire du Gouvernement de » sont remplacés par les mots : « représentant du ministère public près » ;
14° Dans l’article L. 262-56, les mots : « commissaire du Gouvernement » sont remplacés par les mots : « représentant du ministère public » ;
15° Dans l’article L. 272-24, les mots : « commissaires du Gouvernement » sont remplacés par les mots : « représentants du ministère public » ;
16° Dans la première phrase de l’article L. 272-26, les mots : « de commissaire du Gouvernement » sont remplacés par les mots : « du ministère public » ;
17° Dans le deuxième alinéa de l’article L. 272-41-1, les mots : « commissaire du Gouvernement de » sont remplacés par les mots : « représentant du ministère public près » ;
18° Dans l’article L. 272-43-1, les mots : « commissaire du Gouvernement de » sont remplacés par les mots : « représentant du ministère public près » ;
19° Dans l’article L. 272-54, les mots : « commissaire du Gouvernement » sont remplacés par les mots : « représentant du ministère public ».
L’article 1 er A est adopté.
Le second alinéa de l’article L. 111-1 du même code est ainsi rédigé :
« Elle statue sur les appels formés contre les décisions juridictionnelles rendues par les chambres régionales et territoriales des comptes. » –
Adopté.
L’amendement n° 19 rectifié, présenté par MM. Cambon et Pillet, est ainsi libellé :
Après l’article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 111-7 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions de l’alinéa précédent ne s’appliquent pas, au titre des cotisations qu’ils peuvent être autorisés à percevoir, aux organismes professionnels dont la loi a consacré l’indépendance. »
La parole est à M. Christian Cambon.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’article L. 111-7 du code des juridictions financières définit le champ de compétence de la Cour des comptes de façon ambiguë, en faisant référence à une notion de « cotisations légalement obligatoires » qui n’a pas été définie par le Parlement lors des débats entourant l’adoption de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.
C’est donc en réalité la Cour des comptes qui a décidé seule de l’interprétation à donner de cette notion, et cette interprétation a suscité des difficultés, notamment à propos des ordres professionnels, comme ceux des avocats.
Le Gouvernement a interrogé le Conseil d’État en sa formation consultative, lequel a rendu, le 8 mars 2007, un avis pour le moins embarrassé. Celui-ci, après avoir fait observer que les travaux parlementaires sont muets sur la question, avance que les conseils des ordres des avocats devraient entrer dans le champ du contrôle, car ils ont été habilités par la loi à lever dans un intérêt public des cotisations légalement obligatoires au sens et pour l’application de l’article L. 111-7 du code des juridictions financières.
Pour autant, il ne fait pas précisément référence aux obstacles juridiques qui viennent d’être précédemment évoqués. Il invite donc le Parlement à confirmer ou infirmer dans les plus brefs délais l’interprétation « littérale qu’appelle le texte ».
Il lui apparaît en effet que certains ordres devraient être soustraits au contrôle de la Cour des comptes, notamment en raison de la spécificité de leur fonctionnement et de leurs missions.
Les ordres des avocats relèvent de cette catégorie, car le contrôle se heurte aux exigences découlant des principes d’indépendance de l’avocat et de la profession d’avocat, de secret professionnel et d’autonomie des conseils de l’ordre, notamment pour l’administration des barreaux et l’accomplissement de leurs missions ordinales d’intérêt public.
Par ailleurs, le législateur a prévu que les décisions des conseils des ordres sont traditionnellement sous le contrôle de la seule autorité judiciaire.
Il convient donc de sortir rapidement d’une situation juridique ambiguë et donc préjudiciable, en précisant que les ordres dont l’indépendance a été expressément garantie n’entrent pas dans le champ d’application de l’article L. 111-7 du code des juridictions financières.
Tel est l’objet de cet amendement.
Je souhaite vous faire part de trois réflexions.
Premièrement, comme l’a reconnu le Conseil d’État, la Cour des comptes a actuellement le droit d’effectuer un contrôle sur les finances des conseils de l’ordre des avocats, ce contrôle étant distinct de celui qu’exerce l’autorité judiciaire sur leurs décisions.
Deuxièmement, la commission des finances du Sénat a récemment demandé à la Cour des comptes de réaliser un contrôle sur la mise en œuvre des crédits des caisses autonomes des règlements pécuniaires des avocats, les CARPA. La Cour des comptes et le rapporteur spécial des crédits de la mission « Justice » jugent nécessaire d’étendre ce contrôle aux barreaux en raison des étroites relations financières entretenues par ces derniers avec les CARPA.
Ces contrôles sont en cours, mon cher collègue ! Il pourrait donc sembler malvenu que le Sénat les remette en cause.
En revanche – et ce sera mon troisième point –, il importe de rappeler à la Cour des comptes, comme l’a fait le Conseil d’État, qu’elle doit effectivement veiller, d’une part, à respecter les exigences découlant des principes d’indépendance de l’avocat, de secret professionnel et d’autonomie des conseils de l’ordre et, d’autre part, à ne pas empiéter sur la compétence exclusive reconnue à l’autorité judiciaire en matière de contrôle des décisions des conseils de l’ordre. Quelques précautions doivent donc être prises au moment où ces contrôles sont effectués.
Sous le bénéfice de ces explications, la commission des lois demande le retrait de l’amendement n° 19 rectifié. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Monsieur le sénateur, je crains de devoir m’aligner sur la position de M. le rapporteur.
Vous avez cité l’avis du Conseil d’État du 8 mars 2007. Or il ne saurait être question, au travers de ce texte, d’exonérer d’un tel contrôle de gestion un ordre professionnel au nom de l’indépendance de l’exercice individuel de sa profession par chaque membre, au moment où le principe de séparation des pouvoirs ne fait plus obstacle à ce que la Cour des comptes exerce un contrôle dans des conditions précisément définies.
Je constate d’ailleurs que la Cour des comptes a engagé depuis plusieurs mois une procédure de contrôle de quatorze barreaux. À notre connaissance, ces contrôles se sont déroulés sans incident ni plainte qui alléguerait une atteinte portée par les rapporteurs soit au secret des dossiers traités, soit à l’indépendance de l’exercice de leur profession. Il ne convient pas, dans ces conditions, de modifier l’équilibre du texte.
Par conséquent, je vous demanderai, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer votre amendement.
Il était à mon avis important de rappeler, à l’occasion de la discussion de ce projet de loi, quelles précautions doit prendre la Cour des comptes lors de l’examen des comptes des ordres des avocats. Toutefois, au bénéfice des précisions apportées par M. le rapporteur et M. le secrétaire d’État, je retire mon amendement.
L'article L. 131-1 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 131-1. - Les comptables publics qui relèvent de la juridiction de la Cour des comptes sont tenus de lui produire leurs comptes dans les délais fixés par décret en Conseil d'État. » –
Adopté.
L'article L. 131-2 du même code est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Les personnes que la Cour des comptes a déclarées comptables de fait sont tenues de lui produire leurs comptes dans le délai qu'elle impartit. » ;
2° À la fin du troisième alinéa, les mots : « ou s'en saisit d'office » sont supprimés. –
Adopté.
L’amendement n° 1, présenté par M. Saugey, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le premier alinéa de l'article L. 131-5 du même code, le mot : « territoires » est remplacé par le mot : « collectivités ».
La parole est à M. le rapporteur.
Cet amendement a pour objet de modifier l’article du code des juridictions financières relatif à l’apurement administratif de certains comptes pour les comptables supérieurs du Trésor, afin de tirer la conséquence du remplacement de l’expression « territoires d’outre-mer » par celle de « collectivités d’outre-mer », qui découle de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003.
L’amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 3.
Dans l'article L. 131-6 du même code, après les mots : « les comptables », sont insérés les mots : « publics et les personnes qu'elle a déclarées comptables de fait », et les mots : « et dans les réponses aux injonctions qui ont été formulées à leur encontre » sont supprimés. –
Adopté.
Dans l'article L. 131-7 du même code, les mots : « ainsi que le taux maximum de l'amende pouvant être infligée à un comptable pour retard dans les réponses aux injonctions formulées lors d'un jugement sur ses comptes sont fixés » sont remplacés par les mots : « ou dans le délai imparti par la Cour des comptes est fixé », et le nombre : « 250 » est remplacé par le nombre : « 500 ». –
Adopté.
Le second alinéa de l'article L. 131-8 du même code est supprimé. –
Adopté.
L'article L. 131-10 du même code est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa, les mots : « aux héritiers du comptable, » et les mots : « ou de satisfaire à des injonctions » sont supprimés ;
2° Le second alinéa est ainsi rédigé :
« Le commis d'office produit ses comptes dans un délai fixé par décret en Conseil d'État. À défaut de production dans ce délai, le ministère public met en demeure le commis d'office d'y procéder. »
L’amendement n° 2, présenté par M. Saugey, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le deuxième alinéa (1°) de cet article :
1° Après le mot : « applicables », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « au commis d'office chargé de présenter un compte aux lieu et place d'un comptable. » ;
La parole est à M. le rapporteur.
Cet amendement a pour objet de supprimer l’obligation faite aux héritiers d’un comptable décédé en poste de produire les comptes à sa place.
Cette obligation paraît en effet désuète eu égard au fait que l’emploi occupé par un comptable public, fonctionnaire recruté par concours, est pourvu par un autre comptable public dans des délais plus ou moins brefs en cas de mutation ou de décès. Elle fait en outre peser sur les héritiers d’un comptable décédé des obligations auxquelles ils pourraient difficilement faire face et qu’on ne leur demande généralement pas, en pratique, d’assumer. Un décret de 1979 prévoit ainsi que le compte de gestion du défunt, s’il doit en principe être signé par les héritiers, doit être établi par un comptable public.
Un amendement de coordination à l’article 29 bis – c’est l’amendement n° 15 rectifié – précisera que, « en cas de décès du comptable public avant le jugement de ses comptes, sa responsabilité personnelle et pécuniaire ne peut être mise en jeu […] qu’à hauteur du montant des garanties qu’il était tenu de constituer et, le cas échéant, des sommes pour lesquelles il était assuré ». En effet, bien souvent, le jugement des comptes intervient plusieurs années après le règlement de la succession et, en cas de débet, les héritiers peuvent se trouver mis en demeure de verser des sommes parfois très élevées alors qu’ils ont accepté la succession sans connaître toutes ses dispositions.
Sans doute peuvent-ils solliciter – et le plus souvent obtenir – une remise gracieuse du ministre du budget, ainsi que vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d’État. Toutefois, ils n’en ont pas l’assurance.
L’amendement n° 15 rectifié, à l’article 29 bis, prévoit donc un plafonnement des sommes devant être versées par les héritiers à leur financement pour les garanties constituées par le défunt, le solde étant pris en charge sur le budget de l’organisme public concerné.
Nous avons accepté en première lecture, à l’Assemblée nationale, un amendement visant à supprimer la possibilité d’infliger une amende aux héritiers d’un comptable. M. le rapporteur souhaite aller plus loin en supprimant l’obligation faite aux héritiers de produire le compte. Cette proposition nous pose un vrai problème. En effet, elle porte atteinte au principe de responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable, laquelle doit continuer à être engagée par l’intermédiaire des héritiers. Ceux-ci, en héritant de la succession du comptable, héritent de ses charges et obligations éventuelles, dont celles de produire le compte et de régler à l’État ou à la collectivité locale les débets éventuels qui s’y attachent.
Pour l’équilibre du projet de loi, et compte tenu du fait que nous avons d’ores et déjà supprimé du texte la possibilité d’infliger des amendes, le Gouvernement vous demande, monsieur le rapporteur, de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.
Monsieur le président, compte tenu des explications données par M. le secrétaire d’État, je retire cet amendement, à condition que l’on revienne sur cette question lors de la grande réforme de l’an prochain.
L’article 7 est adopté.
L'article L. 131-11 du même code est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa, après le mot : « objet », sont insérés les mots : « pour les mêmes opérations » ;
2° La première phrase du second alinéa est ainsi rédigée :
« Le montant de l'amende tient compte notamment de l'importance et de la durée de la détention ou du maniement des deniers ainsi que du comportement du comptable de fait. »
L’amendement n° 3, présenté par M. Saugey, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le second alinéa du 2° de cet article :
« Le montant de l'amende tient compte de l'importance et de la durée de la détention ou du maniement des deniers, des circonstances dans lesquelles l'immixtion dans les fonctions de comptable public s'est produite, ainsi que du comportement et de la situation du comptable de fait. »
La parole est à M. le rapporteur.
Cet amendement a pour objet de préciser les critères dont les juridictions financières doivent tenir compte pour infliger une amende pour gestion de fait. Les critères actuellement prévus par la loi sont l’importance et la durée de la détention ou du maniement des deniers.
Les députés y ont ajouté un troisième critère, celui du comportement du comptable de fait, mais ont fait précéder cette énumération de l’adverbe « notamment » qui est souvent – vous en conviendrez, monsieur le secrétaire d’État ! – source d’incertitude juridique.
L’amendement n° 3 qui vous est soumis tend à supprimer cet adverbe et à ajouter deux autres critères : les circonstances dans lesquelles l’immixtion dans les fonctions de comptable public s’est produite, d’une part, et la situation du comptable de fait, d’autre part, le terme « situation » visant, par exemple, la situation matérielle de l’intéressé.
Je soutiens cet amendement, mais je considère que le terme « situation » pourrait être quelque peu explicité. Je souhaiterais donc que ce texte soit rectifié afin qu’il soit fait explicitement référence à la situation « matérielle ».
Je rattache cette question à celle de la situation des héritiers, qui vient d’être évoquée. Nous devons adopter la même philosophie afin d’éviter que, pendant le délai de six à huit mois nous séparant de la grande réforme que nous attendons, les héritiers ne soient poursuivis et ne se voient infliger des amendes.
Monsieur le rapporteur, que pensez-vous de la suggestion de M. Mahéas ?
J’y suis favorable, monsieur le président, et je rectifie mon amendement en ce sens.
Je suis donc saisi d’un amendement n° 3 rectifié, présenté par M. Saugey, au nom de la commission, et ainsi libellé :
Rédiger comme suit le second alinéa du 2° de cet article :
« Le montant de l'amende tient compte de l'importance et de la durée de la détention ou du maniement des deniers, des circonstances dans lesquelles l'immixtion dans les fonctions de comptable public s'est produite, ainsi que du comportement et de la situation matérielle du comptable de fait. »
Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement ainsi rectifié ?
L’amendement est adopté.
L’article 8 est adopté.
Le second alinéa de l’article L. 131-12 du même code est ainsi rédigé :
« Les amendes sont assimilées aux débets des comptables des collectivités ou établissements en ce qui concerne les modes de recouvrement et de poursuite. »
L’amendement n° 4, présenté par M. Saugey, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. - Avant le premier alinéa de cet article, ajouter deux alinéas ainsi rédigés :
L'article L. 131-12 du même code est ainsi modifié :
1° Dans la première phrase du premier alinéa, après les mots : « à la collectivité », sont insérés les mots : « territoriale, au groupement d'intérêt public » ;
II. - En conséquence, rédiger comme suit le premier alinéa de cet article :
2° Le second alinéa est ainsi rédigé :
La parole est à M. le rapporteur.
L’amendement est adopté.
L’amendement n° 5, présenté par M. Saugey, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa de cet article, remplacer les mots :
des collectivités ou établissements
par le mot :
publics
La parole est à M. le rapporteur.
L’amendement est adopté.
L’article 9 est adopté.
I. - Au début du titre IV du livre Ier du même code, il est inséré une division ainsi rédigée : « Chapitre Ier. - Dispositions communes aux activités juridictionnelles et administratives ».
II. - Le même chapitre Ier comprend les articles L. 140-1, L. 140-1-1, L. 140-2, L. 140-3, L. 140-4, L. 140-4-1, L. 140-5 et L. 140-6, qui deviennent respectivement les articles L. 141-1, L. 141-2, L. 141-3, L. 141-4, L. 141-5, L. 141-6, L. 141-7 et L. 141-8, ainsi que les articles L. 140-8 et L. 140-9, qui deviennent respectivement les articles L. 141-9 et L. 141-10.
III. - Dans le second alinéa de l'article L. 262-45, le premier alinéa de l'article L. 272-41-1 et le second alinéa de l'article L. 272-43 du même code, la référence : « L. 140-4-1 » est remplacée par la référence : « L. 141-6 ».
IV. - Dans la seconde phrase du deuxième alinéa de l'article L. 114-8 du code de la sécurité sociale, la référence : « L. 140-2 » est remplacée par la référence : « L. 141-3 ».
V. - Dans le dernier alinéa de l'article 1er de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal, la référence : « L. 140-9 » est remplacée par la référence : « L. 141-10 ».
L’amendement n° 6, présenté par M. Saugey, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après le II de cet article, insérer deux paragraphes ainsi rédigés :
II bis. - Dans la première phrase du premier alinéa de l'article L. 141-6 du même code, tel qu'il résulte du II ci-dessus, les mots : « visées à l'article L. 111-4 et » sont remplacés par les mots : « de délégation de service public ».
II ter. - Dans l'article L. 141-8 du même code, tel qu'il résulte du II ci-dessus, les mots : « l'article L. 112-5 » sont remplacés par les mots : « les articles L. 112-5 et L. 112-7 ».
La parole est à M. le rapporteur.
Cet amendement a pour objet de corriger des erreurs de référence figurant dans deux articles du code des juridictions financières que le projet de loi prévoit de déplacer.
L’amendement est adopté.
L’article 10 est adopté.
Le titre IV du livre Ier du code des juridictions financières est complété par un chapitre II ainsi rédigé :
« CHAPITRE II
« Dispositions relatives aux activités juridictionnelles
« Art. L. 142-1. - I. - Les rapports d'examen des comptes à fin de jugement, ou ceux contenant des faits soit susceptibles de conduire à une condamnation à l'amende, soit présomptifs de gestion de fait, sont communiqués au représentant du ministère public près la Cour des comptes.
« II. - Lorsque le ministère public ne relève aucune charge à son égard, le comptable concerné est déchargé de sa gestion par ordonnance du président de la formation de jugement ou d'un magistrat délégué à cette fin.
« Si aucune charge ne subsiste à son encontre au titre de ses gestions successives et s'il a cessé ses fonctions, quitus lui est donné dans les mêmes conditions.
« III. - Lorsque le ministère public relève, dans les rapports mentionnés au I ou au vu des autres informations dont il dispose, un élément susceptible de conduire à la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable, ou présomptif de gestion de fait, il requiert l'instruction de cette charge.
« La procédure est contradictoire. À leur demande, le comptable et l'ordonnateur ont accès au dossier.
« Les débats ont lieu en audience publique. Toutefois, le président de la formation de jugement peut, à titre exceptionnel et après avis du ministère public, décider que l'audience aura lieu ou se poursuivra hors la présence du public si la sauvegarde de l'ordre public ou le respect de l'intimité des personnes ou de secrets protégés par la loi l'exige.
« Le délibéré des juges est secret. Le magistrat chargé de l'instruction et le ministère public n'y assistent pas.
« La cour statue par un arrêt rendu en formation collégiale.
« IV. - Les conditions d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'État. »
L’amendement n° 7 rectifié, présenté par M. Saugey, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le II du texte proposé par cet article pour l'article L. 142-1 du code des juridictions financières :
« II. - Lorsque le ministère public ne relève aucune charge à l'égard d'un comptable public, il transmet ses conclusions au président de la formation de jugement ou à son délégué afin qu'il rende une ordonnance déchargeant le comptable de sa gestion.
« Si aucune charge ne subsiste à son encontre au titre de ses gestions successives et s'il a cessé ses fonctions, quitus est donné au comptable public dans les mêmes conditions.
« Si, à l'issue d'un délai de deux ans à compter de la notification de l'examen des comptes, aucune charge n'a été relevée par le ministère public à son encontre et aucune ordonnance de décharge n'a déjà été rendue par le président de la formation de jugement ou son délégué, le comptable public est déchargé de sa gestion pour les comptes dont l'examen lui a été notifié. S'il a cessé ses fonctions au cours du dernier exercice contrôlé et si aucune charge ne subsiste à son encontre pour l'ensemble de sa gestion, il en est réputé quitte.
La parole est à M. le rapporteur.
L’amendement n° 7 rectifié concerne les modalités de décharge des comptables publics, jugées peu satisfaisantes par la commission des lois.
Dans sa rédaction initiale, cet amendement avait un double objet : premièrement, permettre à l’ordonnateur concerné de saisir la formation de jugement de la juridiction financière lorsque le ministère public conclut à la décharge, afin de lui accorder le bénéfice du double degré de juridiction ; deuxièmement, prévoir que, à défaut de saisine de la formation de jugement par l’ordonnateur, le comptable serait déchargé de sa gestion par arrêté du ministre dont il relève, afin de supprimer la compétence liée du magistrat du siège à l’égard du ministère public, qui est contraire au principe d’indépendance de la justice.
J’avais également songé à prévoir que, en cas de refus du magistrat du siège de rendre l’ordonnance de décharge du comptable public, l’affaire devrait être renvoyée devant la formation collégiale de jugement, au délibéré de laquelle le magistrat n’aurait bien évidemment pas pu assister. Toutefois, ces procédures destinées à assurer la garantie d’un procès équitable auraient peut-être été trop lourdes, eu égard au fait – vous l’avez souligné dans votre intervention liminaire, monsieur le secrétaire d’État – que plus de 90 % des décisions des juridictions financières prononcent la décharge des comptables publics sans jamais prêter à contestation.
Par surcroît, la Cour des comptes et le Gouvernement m’ont fait savoir qu’ils étaient très attachés à conférer au ministère public près chaque juridiction financière le monopole de l’engagement des poursuites. Certes, nous pourrions passer outre leur opposition. Toutefois, leur expertise est précieuse et nous ne pouvons multiplier les sujets de conflit qui, sur ce texte, ne manquent pas, sous peine de compromettre une réforme nécessaire et, pour l’essentiel, bienvenue.
La solution à laquelle nous sommes finalement parvenus consiste non seulement à maintenir la suppression de la compétence liée du magistrat du siège à l’égard des représentants du ministère public, ce qui paraît indispensable, mais aussi à prévoir que, à défaut d’accord entre ces deux magistrats dans un délai de deux ans à compter de la notification de l’examen des comptes, le doute profite au comptable public. Celui-ci serait en effet automatiquement déchargé de sa gestion et pourrait obtenir un certificat de décharge auprès du greffe de la juridiction. Dans ce délai, l’ordonnateur concerné aurait la possibilité de faire valoir auprès du ministère public les arguments justifiant à ses yeux la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable public.
Je dois avouer que cette solution de compromis, comme Pierre-Yves Collombat l’a relevé en commission, n’est pas pleinement satisfaisante. En effet, en cas d’accord entre le représentant du ministère public et le magistrat du siège pour décharger le comptable public de sa gestion, l’ordonnateur pourrait introduire un recours contre l’ordonnance de décharge.
En revanche, en cas de désaccord entre ces deux magistrats, c’est-à-dire en cas de doute sur la régularité des comptes, le comptable serait automatiquement déchargé de sa gestion. Il le serait, certes, dans un délai de deux ans, mais sans voie de recours possible. Ce serait pour le moins paradoxal, même si je veux croire que, dans cette hypothèse, le ministère public saisirait la formation de jugement pour faire trancher le désaccord.
Si j’ai été un peu long avant de parvenir à une telle conclusion, c’est parce qu’il me semblait important de vous faire comprendre, mes chers collègues, que, en adoptant cet amendement, vous améliorerez le texte voté par l’Assemblée nationale. Sans doute des trésors d’imagination devront-ils encore être déployés pour parvenir à une solution satisfaisante sur le plan juridique et acceptable aux yeux des principaux acteurs de la procédure.
M. le rapporteur vient de présenter devant la Haute Assemblée un important amendement, qui va dans le bon sens et sur lequel le Gouvernement émet par conséquent un avis favorable.
En effet, si deux ans après la notification d’ouverture d’un contrôle, aucun réquisitoire n’a été pris, le comptable pourra obtenir auprès du greffe de la juridiction concernée décharge de sa gestion par prescription, à l’instar de ce que lui autorise la prescription de six ans existant à son profit.
S’il y avait un risque de blocage, ce libellé nouveau permettrait de sortir du face à face entre le Parquet et le siège dans des délais raisonnables, et ce dans l’intérêt du justiciable qu’est le comptable. Il est en effet de bonne justice que le doute que traduiraient ces divergences d’analyses entre siège et Parquet lui profite. Dans ces conditions, la rédaction proposée par M. le rapporteur est effectivement meilleure que la rédaction actuelle.
Sans reprendre le propos de M. le rapporteur, je me contenterai de dire que, compte tenu de ces ambiguïtés, le groupe socialiste s’abstiendra.
Je mets aux voix l'amendement n° 7 rectifié.
L'amendement n° 8, présenté par M. Saugey, au nom de la commission, est ainsi libellé :
À la fin du premier alinéa du III du texte proposé par cet article pour l'article L. 142-1 du code des juridictions financières, remplacer les mots :
il requiert l'instruction de cette charge
par les mots :
il saisit la formation de jugement
La parole est à M. le rapporteur.
Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 9, présenté par M. Saugey, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans la seconde phrase de l'avant-dernier alinéa du III du texte proposé par cet article pour l'article L. 142-1 du code des juridictions financières, après les mots :
et le
insérer les mots :
représentant du
La parole est à M. le rapporteur.
L'amendement est adopté.
L'article 11 est adopté.
Dans le troisième alinéa de l'article L. 212-15 du même code, les mots : « ayant demandé à être auditionnées en application des articles L. 231-3, L. 231-12 ou L. 241-14 » sont remplacés par les mots : « avisées d'une audience publique, entendues en application de l'article L. 243-6 ». –
Adopté.
Dans le premier alinéa de l'article L. 222-6 du même code, les mots : « à titre définitif » sont supprimés. –
Adopté.
L'article L. 231-1 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 231-1. - Les comptables qui relèvent de la juridiction d'une chambre régionale des comptes sont tenus de lui produire leurs comptes dans les délais fixés par décret en Conseil d'État. » –
Adopté.
Dans l'article L. 231-2 du même code, les mots : « des articles L. 211-2 et L. 231-6 » sont remplacés par les mots : « de l'article L. 211-2 », et les mots : «, à titre provisoire ou définitif, » sont supprimés. –
Adopté.
L'article L. 231-3 du même code est ainsi modifié :
1° Les deux premiers alinéas sont ainsi rédigés :
« La chambre régionale des comptes juge les comptes que lui rendent les personnes qu'elle a déclarées comptables de fait. Elle n'a pas juridiction sur les ordonnateurs, sauf ceux qu'elle a déclarés comptables de fait.
« Les personnes que la chambre régionale des comptes a déclarées comptables de fait sont tenues de lui produire leurs comptes dans le délai qu'elle leur impartit. » ;
2° Dans le troisième alinéa, les mots : « ou s'en saisit d'office » sont supprimés. –
Adopté.
I. - L'article L. 231-4 du même code est ainsi rétabli :
« Art. L. 231-4. - Les personnes déclarées comptables de fait rendent en deux exemplaires leurs comptes et les pièces justificatives à la chambre régionale des comptes qui transmet un exemplaire à l'ordonnateur de la collectivité concernée.
« L'ordonnateur en informe l'organe délibérant qui fait connaître ses observations éventuelles à la chambre régionale des comptes dans le délai de trois mois, en joignant le compte rendu de ses débats.
« La chambre régionale des comptes peut juger les comptes des personnes qu'elle a déclarées comptables de fait à l'expiration du délai fixé à l'alinéa précédent. »
II. - L'article L. 1612-19-1 du code général des collectivités territoriales est abrogé.
III. - Dans le deuxième alinéa de l'article L. 421-21 du code de la construction et de l'habitation, les références : « L. 1612-16 à L. 1612-18 et L. 1612-19-1 » sont remplacées par le mot et les références : « et L. 1612-16 à L. 1612-18 ».
L'amendement n° 10, présenté par M. Saugey, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
Cet amendement a pour objet de maintenir la compétence des assemblées délibérantes des collectivités territoriales pour apprécier, sous le contrôle du juge administratif, l'utilité publique de dépenses ayant donné lieu à gestion de fait. J’en ai déjà exposé les raisons lors de la discussion générale.
À ce stade, il me semble important de rappeler les règles en vigueur, obscures dans la mesure où elles résultent, pour l’essentiel, de la jurisprudence de la Cour des comptes et du Conseil d’État.
La reconnaissance de l’utilité publique des dépenses ayant donné lieu à gestion de fait a pour objet de suppléer rétroactivement au défaut d’ouverture préalable de crédits.
Ce pouvoir n’appartient actuellement qu’à l’autorité budgétaire de la personne publique – Parlement pour l’État, assemblée délibérante pour une collectivité territoriale, organe délibérant pour un établissement public – ayant supporté les dépenses, qui l’exerce sous le contrôle du juge administratif.
Concrètement, la juridiction financière, lorsqu’elle constate une gestion de fait, demande au comptable de fait de produire les comptes de cette gestion afin qu’elle puisse les juger, à l’instar de ceux d’un comptable public.
Lorsque ces comptes ont été produits, le juge demande à l’autorité budgétaire concernée de statuer sur l’utilité publique des dépenses qui y figurent. En règle générale, le juge des comptes est lié par la décision de l’autorité budgétaire. Il ne lui appartient pas, pas plus qu’il n’appartient au comptable public, d’apprécier sa légalité. En particulier, il n’a pas à se prononcer sur le point de savoir si des dépenses dont l’utilité publique a été reconnue par l’assemblée délibérante d’une collectivité territoriale présentaient bien un intérêt local, et ce n’est pas toujours le cas.
Une telle appréciation relève de la compétence des juridictions administratives si elles sont saisies.
Certes, le juge des comptes peut, et même doit, refuser d’allouer des dépenses dont l’utilité publique a été reconnue par l’assemblée délibérante de la collectivité territoriale lorsqu’elles ont donné lieu à une condamnation pénale définitive du comptable de fait.
À l’inverse, il peut – et doit – également allouer lui-même des dépenses dont l’utilité publique n’a pas été reconnue lorsque les dépenses étaient obligatoires ou conditionnées à la perception des recettes.
Toutefois, ces cas ne sont pas les plus fréquents. En effet, un grand nombre de dépenses exposées par les collectivités territoriales ne sont pas des dépenses obligatoires. Je pense, par exemple, à la construction de certains équipements, aux subventions versées à des associations ou à des interventions économiques.
Enfin, une fois la décision de l’autorité budgétaire rendue, la juridiction financière demeure compétente pour statuer, au vu des justifications qui lui sont produites, sur la réalité, la régularité des dépenses alléguées. Après avoir fixé la ligne de compte, elle peut constituer le comptable de fait en débet et le condamner à l’amende.
Ces règles, d’une grande complexité, méritent sans doute d’être revues.
Toutefois, si l’Assemblée nationale a supprimé la compétence des assemblées délibérantes locales pour apprécier l’utilité publique de dépenses ayant donné lieu à gestion de fait, le texte qu’elle a adopté ne garantit en rien que la juridiction financière se contenterait, comme elle en a aujourd’hui l’obligation, de vérifier la réalité des dépenses alléguées sans se faire juge de leur légalité, voire, lorsque la question porte sur le point de savoir si les dépenses présentaient un intérêt local, de leur opportunité.
En outre, si le texte remet en cause une prérogative des élus locaux à l’égard des gestions de fait intéressant les finances locales, il laisse inchangé le pouvoir des parlementaires à l’égard des gestions de fait concernant les deniers de l’État, qui s’exercent dans le cadre de la loi de règlement. Cette dichotomie pose problème.
En conclusion, la question posée par les députés, certes pertinente, devrait faire l’objet d’un examen d’ensemble dans le cadre de la réforme annoncée des missions des juridictions financières et des règles relatives à la responsabilité des gestionnaires publics.
Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée. Nous comprenons, certes, la motivation de l’amendement, fondé sur le principe de libre administration des collectivités territoriales qui voudrait qu’aucune dépense ne soit considérée comme une dépense publique sans délibération de la collectivité. Pour autant, cet amendement suscite quelques réserves de notre part.
Il suscite des réserves juridiques, d’abord : l’appréciation par l’assemblée délibérante de la collectivité de l’utilité publique des dépenses qui ont été effectuées par cette même collectivité nous paraît ressortir à un système quelque peu déséquilibré.
Il suscite des réserves financières, ensuite : le principe du vote par l’assemblée délibérante des dépenses de la collectivité est purement formel dans le cas de la gestion de fait. En effet, les dépenses déjà effectuées le resteront et aucune dépense supplémentaire ne s’imposera aux collectivités puisque les dépenses seront supportées par les recettes de la gestion de fait et, à défaut, par le comptable de fait qui est mis en débet.
Il suscite des réserves par rapport à la Cour européenne des droits de l’Homme, enfin : les recours contre ces délibérations ralentissent la procédure et nous exposent évidemment aux critiques de cette cour.
Dans ces conditions, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
Je voudrais soutenir devant vous la position défendue par M. Charles de Courson à l’Assemblée nationale.
En effet, tout en comprenant les propos de M. le rapporteur, il me semble déceler une grande pertinence dans l’argumentation de nos collègues députés. D’ailleurs, l’amendement de M. de Courson a été adopté à l’unanimité par l’Assemblée nationale.
Je rappelle que cet article 16 supprimer l’article L.1612-19-1 du code général des collectivités territoriales, article stipulant que les assemblées délibérantes des collectivités territoriales se prononcent sur le caractère d’utilité publique des dépenses ayant donné lieu à gestion de fait, pour le remplacer par un article du code des juridictions financières prévoyant une procédure de recueil de l’avis des assemblées délibérantes.
Dans tous les cas, on recueille donc la position des communes, départements et régions. En l’état actuel des choses, la saisine des collectivités territoriales, compte tenu de l’enjeu induit, donne souvent lieu à recours devant le tribunal administratif, ce qui, naturellement, allonge et complique la procédure.
Je relève surtout un élément assez singulier par rapport aux droits des personnes. En effet, si la délibération reconnaît l’utilité publique des dépenses, elle ne lie pas le juge financier. À l’inverse, si la délibération de la collectivité territoriale se prononce contre l’utilité publique, la décision s’impose au juge financier, qui est contraint de mettre le comptable de fait en débet pour les sommes correspondantes.
Dès lors, projetons-nous dans des situations concrètes que chacun peut imaginer ; je pense, en particulier, aux cas d’alternance. On le sait, les élections donnent lieu à alternance dans la plupart des lieux, même s’il y a bien sûr quelques exceptions, comme cette assemblée…
Sourires
Imaginez que, à la suite d’une alternance, une assemblée soit amenée à délibérer sur la gestion de fait d’un ancien maire ou président, et à se prononcer sur l’utilité publique de tel équipement contre lequel elle a fait campagne. Dès lors qu’elle prend une décision sur ce sujet, la juridiction est tenue de la suivre !
Je pense, comme M. le rapporteur, que le Sénat est le garant des droits des collectivités territoriales. Il est important que ces dernières puissent délibérer.
Je pense aussi que le Sénat est, plus encore, le garant du droit des personnes. Pour ma part, je trouve absolument impossible de maintenir dans une loi que la délibération de la collectivité se prononçant contre l’utilité publique de la dépense s’impose – j’insiste sur ce terme – au juge financier. Qu’elle donne un avis, très bien ! Elle donnera toujours un avis. Après quoi, le juge financier jugera en prenant en compte le droit de la personne et le point de vue de la collectivité territoriale.
Je vois donc une forte logique dans l’amendement de M. de Courson. S’il me fallait trouver un argument ultime pour contrer l’amendement n° 10 de M. le rapporteur et défendre la position de l’Assemblée nationale, je me rallierais à l’argumentation de M. Roger Karoutchi. N’avez- vous pas dit avec beaucoup de clarté, monsieur le secrétaire d’État, que l’argumentation de M. de Courson était « vraiment exceptionnelle » ?
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Ah ?C’est M. de Courson qui est exceptionnel !
Sourires
Eh bien, monsieur le secrétaire d’État, considérons que c’est un argument subsidiaire…
Je n’en trouve pas moins la position de l’Assemblée nationale extrêmement claire. M. le rapporteur est, à juste titre, vigilant sur le fait qu’il ne faut pas ôter un droit aux collectivités. Mais dès lors que ces dernières pourront formuler un avis, il me semble que leurs prérogatives sont pleinement respectées.
J’étais assez sceptique à l’égard de l’amendement de M. de Courson. Mais compte tenu du décodage que vient de nous en faire notre collègue Jean-Pierre Sueur – pour ma part, je n’y parviens pas toujours… –, je considère que ce texte a finalement du bon.
En effet, nous ne pouvons accepter cette dichotomie selon laquelle, lorsque l’avis des collectivités irait dans un sens, la décision ne lierait pas le juge financier, alors que, lorsque l’avis irait dans l’autre sens, la décision s’imposerait au juge financier.
Dès lors, si le décodage du texte de M de Courson auquel s’est livré notre collègue Jean-Pierre Sueur correspond bien à la réalité juridique, il convient alors de suivre son analyse, ce qui, hélas ! nous conduit à ne pas retenir l’amendement n° 10 défendu par M. le rapporteur.
Je ne suis pas sûr d’avoir compris toute la teneur des propos de collègue Jean-Pierre Sueur.
Certes, s’agissant de l’intérêt collectif, il est clair, le système étant modifié, que le juge financier doit suivre la collectivité.
Ce que je ne comprends pas très bien, c’est lorsque vous dites que vous êtes pour la libre administration, car c’est constitutionnel.
L’intérêt de l’individu doit certes être protégé, mais il passe après l’intérêt général. Or que se passera-t-il si une personne ayant intérêt à agir face à telle ou telle position de la collectivité se tourne vers le juge administratif ? Il s’agit là d’une question intéressante qui, me semble-t-il, vous avait échappé, mon cher collègue.
Je partage tout à fait l’avis de notre collègue René Garrec. En effet, un recours est toujours possible, quelle que soit la position prise.
Par ailleurs, le principe de libre administration des collectivités territoriales ne doit pas être remis en cause.
Telles sont les raisons pour lesquelles je maintiens cet amendement.
Je voudrais apporter une précision à notre éminent collègue René Garrec.
Il est évidemment tout à fait clair que, dès lors que la personne en question, ou toute autre personne, souhaite saisir le tribunal administratif, cela est toujours possible.
En revanche, ce qui est choquant dans le système actuel, comme l’a dit M. Détraigne, c’est que, dès lors que la collectivité déclare qu’il n’y avait pas d’utilité publique, le comptable sera obligatoirement condamné par le juge financier.
Ce que je dis, c’est que la suppression de cette disposition, qui, soit dit en passant, est exactement l’objet de l’amendement de M. de Courson, ne porte pas atteinte à la libre administration des collectivités locales. Celles-ci pourront délibérer et émettre un avis sur l’utilité publique de tel ou tel équipement, tout en préservant le droit de la personne. De cette façon, la position de la collectivité sera un élément dans le dossier du juge.
Je prendrai un exemple. Le fait de construire un centre aquatique dans une commune alors qu’il en existe déjà un à trois kilomètres est-il d’utilité publique ? À cette question, telle municipalité peut, à une époque, répondre par l’affirmative et donc développer son projet. Or, selon le jeu de l’alternance, il peut fort bien arriver que cette municipalité laisse place à une autre municipalité qui, elle, aura fait campagne contre ce centre aquatique et qui se considérera en droit de délibérer que ce centre aquatique n’est pas du tout d’utilité publique, étant donné qu’il en existe déjà un à proximité.
Que la personne ayant pris la décision de réaliser ou simplement de proposer cet équipement soit derechef obligatoirement condamnée au vu d’une délibération portant sur l’utilité publique d’un projet – sujet sur lequel on peut légitimement débattre et avoir des points de vue différents –, il y a là quelque chose qui me paraît choquant au regard des droits de la personne.
Quand on affirme certaines choses, il faut les justifier !
J’ai beaucoup d’admiration pour Charles de Courson. Il est d’ailleurs tellement intelligent que je ne comprends que la moitié de ce qu’il propose….), surtout dans ce domaine dont il est un spécialiste ! Mais dois-je rappeler ici que le juge des comptes n’est pas lié par la décision de l’autorité budgétaire concernant les dépenses obligatoires ?
Quant à la déclaration d’utilité publique, elle relève du juge administratif et non pas du juge financier.
Pour faire un parallèle, quand il s’agit du Parlement, c’est le Parlement qui apprécie, et non pas le juge ! Je pense donc que l’on est en train de compliquer des choses qui sont relativement simples.
Par conséquent, l’article résultant de l’adoption de l’amendement de M. de Courson est peut-être intéressant, mais, à mon avis, il complique les choses et plongerait les différents juges dans des abîmes de perplexité.
C’est la raison pour laquelle il convient de le supprimer en votant l’amendement n° 10.
L'amendement est adopté.
Dans le second alinéa de l'article L. 231-9 du code des juridictions financières, après les mots : « son droit d'évocation et », sont insérés les mots : «, sur réquisition du ministère public, ». –
Adopté.
L'article L. 231-10 du même code est ainsi modifié :
1° Après le mot : « comptables », sont insérés les mots : « publics et les personnes qu'elle a déclarées comptables de fait » ;
2° Les mots : « et dans les réponses aux injonctions qui ont été formulées à leur encontre » et la référence : « L. 131-6, » sont supprimés. –
Adopté.
Le chapitre Ier du titre IV de la première partie du livre II du même code comprend les articles L. 241-1 à L. 241-6 ainsi que l'article L. 241-12 qui devient l'article L. 241-7, l'article L. 241-13 qui devient l'article L. 241-8 et l'article L. 241-15 qui devient l'article L. 241-9. –
Adopté.
Le second alinéa de l'article L. 241-13 du même code est supprimé. –
Adopté.
Le chapitre II du titre IV de la première partie du livre II du même code est ainsi rédigé :
« CHAPITRE II
« Dispositions relatives aux activités juridictionnelles
« Art. L. 242-1. - I. - Les rapports d'examen des comptes à fin de jugement, ou ceux contenant des faits soit susceptibles de conduire à une condamnation à l'amende, soit présomptifs de gestion de fait, sont communiqués au représentant du ministère public près la chambre régionale des comptes.
« II. - Lorsque le ministère public ne relève aucune charge à son égard, le comptable concerné est déchargé de sa gestion par ordonnance du président de la formation de jugement ou d'un magistrat délégué à cette fin.
« Si aucune charge ne subsiste à son encontre au titre de ses gestions successives et s'il a cessé ses fonctions, quitus lui est donné dans les mêmes conditions.
« III. - Lorsque le ministère public relève, dans les rapports mentionnés au I, ou au vu des autres informations dont il dispose, un élément susceptible de conduire à la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable, ou présomptif de gestion de fait, il requiert l'instruction de cette charge.
« La procédure est contradictoire. À leur demande, le comptable et l'ordonnateur ont accès au dossier.
« Les débats ont lieu en audience publique. Toutefois, le président de la formation de jugement peut, à titre exceptionnel et après avis du ministère public, décider que l'audience aura lieu ou se poursuivra hors la présence du public si la sauvegarde de l'ordre public ou le respect de l'intimité des personnes ou de secrets protégés par la loi l'exige.
« Le délibéré des juges est secret. Le magistrat chargé de l'instruction et le ministère public n'y assistent pas.
« IV. - Les conditions d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'État. »
L'amendement n° 11 rectifié, présenté par M. Saugey, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le II du texte proposé par cet article pour l'article L. 242-1 du code des juridictions financières :
« II. - Lorsque le ministère public ne relève aucune charge à l'égard d'un comptable public, il transmet ses conclusions au président de la formation de jugement ou à son délégué afin qu'il rende une ordonnance déchargeant le comptable de sa gestion.
« Si aucune charge ne subsiste à son encontre au titre de ses gestions successives et s'il a cessé ses fonctions, quitus est donné au comptable public dans les mêmes conditions.
« Si, à l'issue d'un délai de deux ans à compter de la notification de l'examen des comptes, aucune charge n'a été relevée par le ministère public à son encontre et aucune ordonnance de décharge n'a déjà été rendue par le président de la formation de jugement ou son délégué, le comptable public est déchargé de sa gestion pour les comptes dont l'examen lui a été notifié. S'il a cessé ses fonctions au cours du dernier exercice contrôlé et si aucune charge ne subsiste à son encontre pour l'ensemble de sa gestion, il en est réputé quitte.
La parole est à M. le rapporteur.
Étant donné qu’il s’agit d’une adaptation pour la chambre régionale des comptes des dispositions précédentes, le groupe socialiste s’abstiendra sur cet amendement.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 12, présenté par M. Saugey, au nom de la commission, est ainsi libellé :
À la fin du premier alinéa du III du texte proposé par cet article pour l'article L. 242-1 du code des juridictions financières, remplacer les mots :
il requiert l'instruction de cette charge
par les mots :
il saisit la formation de jugement
La parole est à M. le rapporteur.
Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 13, présenté par M. Saugey, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans la seconde phrase du dernier alinéa du III du texte proposé par cet article pour l'article L. 242-1 du code des juridictions financières, après les mots :
et le
insérer les mots :
représentant du
La parole est à M. le rapporteur.
L'amendement est adopté.
L'article 21 est adopté.
I. - Le chapitre III du titre IV de la première partie du livre II du même code est intitulé : « Dispositions relatives à l'examen de la gestion ».
II. - Ce même chapitre III comprend les articles L. 241-7 à L. 241-11 qui deviennent respectivement les articles L. 243-1 à L. 243-5 ainsi que l'article L. 241-14 qui devient l'article L. 243-6.
III. - Dans l'article L. 241-14 du même code, la référence : « L. 241-11 » est remplacée par la référence : « L. 243-5 ». –
Adopté.
I. - Le chapitre II du titre IV de la première partie du livre II du même code devient le chapitre IV du même titre et est intitulé : « Contrôle budgétaire ».
II. - Ce même chapitre IV comprend les articles L. 242-1 et L. 242-2 qui deviennent respectivement les articles L. 244-1 et L. 244-2.
III. - Dans l'avant-dernière phrase de l'article L. 1411-18 du code général des collectivités territoriales et dans l'avant-dernière phrase de l'article L. 234-2 du code des juridictions financières, la référence : « L. 242-2 » est remplacée par la référence : « L. 244-2 ». –
Adopté.
I. - Le chapitre III du titre IV de la première partie du livre II du code des juridictions financières devient le chapitre V du même titre et est intitulé : « Voies de recours ».
II. - Ce même chapitre V comprend les articles L. 243-1 à L. 243-4 qui deviennent respectivement les articles L. 245-1 à L. 245-4.
III. - Dans l'article L. 243-4 du même code, les références : « L. 241-13 et L. 241-14 » sont remplacées par les références : « L. 241-8 et L. 243-6 ». –
Adopté.
Dans l'article L. 243-1 du même code, les mots : « commissaire du Gouvernement » sont remplacés par les mots : « représentant du ministère public », et les mots : « tout jugement prononcé à titre définitif » sont remplacés par les mots : « toute décision juridictionnelle rendue ». –
Adopté.
Au début de l'article L. 243-2 du même code, les mots : « Un jugement prononcé à titre définitif peut être révisé par la chambre régionale des comptes qui l'a rendu » sont remplacés par les mots : « Une décision juridictionnelle peut être révisée par la chambre régionale des comptes qui l'a rendue ». –
Adopté.
Dans l'article L. 243-3 du même code, les mots : « des jugements » sont remplacés par les mots : « des décisions juridictionnelles ». –
Adopté.
I. - Dans la première phrase de l'article L. 254-4 du même code, la référence : « L. 241-15 » est remplacée par les références : « L. 241-9 et L. 243-1 à L. 243-6 ».
II. - Dans le troisième alinéa de l'article L. 256-1 du même code, les références : « des articles L. 231-3, L. 231-12 ou L. 241-14 » sont remplacées par la référence : « de l'article L. 243-6 ».
L'amendement n° 14 rectifié, présenté par M. Saugey, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Le code des juridictions financières est ainsi modifié :
1° Dans le troisième alinéa de l'article L. 256-1, les mots : « ayant demandé à être auditionnées en application des articles L. 231-3, L. 231-12 ou L. 241-14 » sont remplacés par les mots : « avisées d'une audience publique, entendues en application de l'article L. 243-6 » et, après les mots : « elles peuvent », sont insérés les mots : «, sur décision du président de la chambre, » ;
2° À la fin des articles L. 253-2, L. 262-32 et L. 272-33, les mots : « prescrits par les règlements » sont remplacés par les mots : « fixés par décret en Conseil d'État » ;
3° Dans les articles L. 253-3, L. 272-34 et dans le premier alinéa de l'article L. 262-33, les mots : «, à titre provisoire ou définitif, » sont supprimés ;
4° Le premier alinéa de l'article L. 253-4 et le premier alinéa de l'article L. 272-35 sont remplacés par deux alinéas ainsi rédigés :
« La chambre territoriale des comptes juge les comptes que lui rendent les personnes qu'elle a déclarées comptables de fait. Elle n'a pas juridiction sur les ordonnateurs, sauf ceux qu'elle a déclarés comptables de fait.
« Les personnes que la chambre territoriale des comptes a déclarées comptables de fait sont tenues de lui produire leurs comptes dans le délai qu'elle leur impartit. » ;
5° L'article L. 262-34 est ainsi rédigé :
« Art. L. 262-34. - La chambre territoriale des comptes juge les comptes que lui rendent les personnes qu'elle a déclarées comptables de fait. Elle n'a pas juridiction sur les ordonnateurs, sauf ceux qu'elle a déclarés comptables de fait.
« Les personnes que la chambre territoriale des comptes a déclarées comptables de fait sont tenues de lui produire leurs comptes dans le délai qu'elle leur impartit. » ;
6° À la fin du second alinéa de l'article L. 253-4, du second alinéa de l'article L. 262-33 et du second alinéa de l'article L. 272-35, les mots : « ou s'en saisit d'office » sont supprimés ;
7° Dans le second alinéa de l'article L. 262-37 et dans le second alinéa de l'article L. 272-60, après les mots : « son droit d'évocation et », sont insérés les mots : «, sur réquisition du ministère public, » ;
8° Les articles L. 262-38 et L. 272-36 sont ainsi modifiés :
a) Après le mot : « comptables », sont insérés les mots : « publics et les personnes qu'elle a déclarées comptables de fait » ;
b) Les mots : « et dans les réponses aux injonctions qui ont été formulées à leur encontre » sont supprimés ;
9° Le second alinéa de l'article L. 262-54 et le second alinéa de l'article L. 272-52 sont supprimés ;
10° Après l'article L. 262-54, il est inséré un article L. 262-54-1 ainsi rédigé :
« Art. 262-54-1. - I. - Les rapports d'examen des comptes à fin de jugement, ou ceux contenant des faits soit susceptibles de conduire à une condamnation à l'amende, soit présomptifs de gestion de fait, sont communiqués au représentant du ministère public près la chambre territoriale des comptes.
« II. - Lorsque le ministère public ne relève aucune charge à l'égard d'un comptable public, il transmet ses conclusions au président de la formation de jugement ou à son délégué afin qu'il rende une ordonnance déchargeant le comptable de sa gestion.
« Si aucune charge ne subsiste à son encontre au titre de ses gestions successives et s'il a cessé ses fonctions, quitus est donné au comptable public dans les mêmes conditions.
« Si, à l'issue d'un délai de deux ans à compter de la notification de l'examen des comptes, aucune charge n'a été relevée par le ministère public à son encontre et aucune ordonnance de décharge n'a déjà été rendue par le président de la formation de jugement ou son délégué, le comptable public est déchargé de sa gestion pour les comptes dont l'examen lui a été notifié. S'il a cessé ses fonctions au cours du dernier exercice contrôlé et si aucune charge ne subsiste à son encontre pour l'ensemble de sa gestion, il en est réputé quitte.
« III. - Lorsque le ministère public relève, dans les rapports mentionnés au I, ou au vu des autres informations dont il dispose, un élément susceptible de conduire à la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable, ou présomptif de gestion de fait, il saisit la formation de jugement.
« La procédure est contradictoire. À leur demande, le comptable et l'ordonnateur ont accès au dossier.
« Les débats ont lieu en audience publique. Toutefois, le président de la formation de jugement peut, à titre exceptionnel et après avis du ministère public, décider que l'audience aura lieu ou se poursuivra hors la présence du public si la sauvegarde de l'ordre public ou le respect de l'intimité des personnes ou de secrets protégés par la loi l'exige.
« Le délibéré des juges est secret. Le magistrat chargé de l'instruction et le représentant du ministère public n'y assistent pas.
« IV. Les conditions d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'État. » ;
11° Après l'article L. 272-52, il est inséré un article L. 272-52-1 ainsi rédigé :
« Art. 272-52-1. - I. - Les rapports d'examen des comptes à fin de jugement, ou ceux contenant des faits soit susceptibles de conduire à une condamnation à l'amende, soit présomptifs de gestion de fait, sont communiqués au représentant du ministère public près la chambre territoriale des comptes.
« II. - Lorsque le ministère public ne relève aucune charge à l'égard d'un comptable public, il transmet ses conclusions au président de la formation de jugement ou à son délégué afin qu'il rende une ordonnance déchargeant le comptable de sa gestion.
« Si aucune charge ne subsiste à son encontre au titre de ses gestions successives et s'il a cessé ses fonctions, quitus est donné au comptable public dans les mêmes conditions.
« Si, à l'issue d'un délai de deux ans à compter de la notification de l'examen des comptes, aucune charge n'a été relevée par le ministère public à son encontre et aucune ordonnance de décharge n'a déjà été rendue par le président de la formation de jugement ou son délégué, le comptable public est déchargé de sa gestion pour les comptes dont l'examen lui a été notifié. S'il a cessé ses fonctions au cours du dernier exercice contrôlé et si aucune charge ne subsiste à son encontre pour l'ensemble de sa gestion, il en est réputé quitte.
« III. - Lorsque le ministère public relève, dans les rapports mentionnés au I, ou au vu des autres informations dont il dispose, un élément susceptible de conduire à la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable, ou présomptif de gestion de fait, il saisit la formation de jugement.
« La procédure est contradictoire. À leur demande, le comptable et l'ordonnateur ont accès au dossier.
« Les débats ont lieu en audience publique. Toutefois, le président de la formation de jugement peut, à titre exceptionnel et après avis du ministère public, décider que l'audience aura lieu ou se poursuivra hors la présence du public si la sauvegarde de l'ordre public ou le respect de l'intimité des personnes ou de secrets protégés par la loi l'exige.
« Le délibéré des juges est secret. Le magistrat chargé de l'instruction et le représentant du ministère public n'y assistent pas.
« IV. Les conditions d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'État. » ;
12° Dans la première phrase de l'article L. 254-4, la référence : « L. 241-15 » est remplacée par les références : « L. 241-9 et L. 243-1 à L. 243-6 » ;
13° Dans la première phrase de l'article L. 254-5, les références « L. 243-1 à L. 243-4 » sont remplacées par les références « L. 245-1 à L. 245-4 » ;
14° Dans les articles L. 262-56 et L. 272-54, les mots : « tout jugement prononcé à titre définitif » sont remplacés par les mots : « toute décision juridictionnelle rendue » ;
15° Au début des articles L. 262-57 et L. 272-55, les mots : « Un jugement prononcé à titre définitif peut être révisé par la chambre territoriale des comptes » sont remplacés par les mots : « Une décision juridictionnelle peut être révisée par la chambre territoriale des comptes qui l'a rendue » ;
16° Dans les articles L. 262-58 et L. 272-56, les mots : « des jugements » sont remplacés par les mots : « des décisions juridictionnelles ».
La parole est à M. le rapporteur.
Cet amendement a pour objet d’étendre les dispositions du projet de loi aux collectivités d’outre-mer, sans passer par le détour d’une ordonnance, ce qui serait injustifié.
L'amendement est adopté.
Les articles L. 131-13, L. 140-7, L. 231-5, L. 231-6 et L. 231-12 du même code sont abrogés. –
Adopté.
Dans le dernier alinéa du XI de l'article 60 de la loi de finances pour 1963 (n° 63-156 du 23 février 1963), après les mots : « fait l'objet », sont insérés les mots : «, pour les mêmes opérations, ».
L'amendement n° 15 rectifié, présenté par M. Saugey, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
I. L'article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 de finances pour 1963 est ainsi modifié :
1° Dans la première phrase du premier alinéa du IV, les mots : « le ministre de l'économie et des finances ou » sont remplacés par les mots : « le ministre chargé du budget ou le ministère public près » ;
2° Dans la première phrase du dernier alinéa du IV, le mot : « provisoire » est supprimé ;
3° Dans la seconde phrase du dernier alinéa du IV, le mot : « définitive » et le mot :
« réputé » sont supprimés ;
4° Dans le premier alinéa du V, après les mots : « le ministre chargé du budget ou », sont insérés les mots : « le ministère public près » ;
5° Après le V, il est inséré un V bis ainsi rédigé :
« V bis. - En cas de décès du comptable public avant le jugement définitif de ses comptes, sa responsabilité personnelle et pécuniaire ne peut être mise en jeu, pour les comptes qui n'ont pas encore été définitivement jugés, qu'à hauteur du montant des garanties qu'il était tenu de constituer et, le cas échéant, des sommes pour lesquelles il était assuré.
« Les déficits en résultant sont supportés par le budget de l'organisme intéressé. » ;
6° Dans le premier alinéa du VI, après les mots : « est mise en jeu », sont insérés les mots : « par le ministre dont il relève, le ministre chargé du budget ou le juge des comptes » ;
7° Le VI est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le comptable public dont la responsabilité pécuniaire est mise en jeu par le ministère public près le juge des comptes a la faculté de verser immédiatement de ses deniers personnels une somme égale, soit au montant de la perte de recette subie, de la dépense irrégulièrement payée, de l'indemnité versée, de son fait, à un autre organisme public ou à un tiers, de la rétribution d'un commis d'office par l'organisme public intéressé, soit, dans le cas où il en tient la comptabilité matière, à la valeur du bien manquant. »
8° Le premier alinéa du VII est ainsi rédigé :
« VII. - Le comptable public dont la responsabilité pécuniaire est mise en jeu par le ministre dont il relève ou le ministre chargé du budget et qui n'a pas versé la somme prévue au VI peut être constitué en débet par l'émission à son encontre d'un titre ayant force exécutoire. »
9° Dans la première phrase de l'avant-dernier alinéa du XI, après les mots : « et responsabilités », sont insérés les mots : «, ainsi que les mêmes possibilités de remise gracieuse des sommes laissées à leur charge, » ;
10° Dans le dernier alinéa du XI, après les mots : « fait l'objet », sont insérés les mots :
« pour les mêmes opérations ».
II. Le présent article est applicable sur l'ensemble du territoire de la République.
III. Les pertes de recettes résultant, pour les organismes intéressés, du texte proposé par le 5° du I du présent article sont compensées à due concurrence par l'affectation, dans les conditions prévues par une loi de finances, d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. le rapporteur.
Cet amendement mérite quelques explications.
En premier lieu, il a pour objet de modifier l’article 60 de la loi de finances du 23 février 1963 relatif à la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables afin de tirer l’ensemble des conséquences de la réforme proposée par le projet de loi.
En deuxième lieu, par coordination avec la suppression de l’obligation faite aux héritiers d’un comptable décédé de produire les comptes à sa place, cet amendement prévoit que la responsabilité personnelle et pécuniaire du défunt ne peut être mise en jeu, si le décès est survenu avant le jugement des comptes, qu’à hauteur du montant des garanties qu’il était tenu de constituer et, le cas échéant, des sommes pour lesquelles il était assuré.
En troisième lieu, cet amendement tend à prévoir qu’il appartient au ministre chargé du budget, et non au ministre de l’économie et des finances, de mettre en jeu la responsabilité pécuniaire d’un comptable public ; il s’agit là, à mes yeux, d’un point important.
En quatrième lieu, dans l’attente de la réforme annoncée des règles relatives à la responsabilité des gestionnaires publics, cet amendement vise à préciser que, conformément à une pratique constante suivie par les ministres du budget successifs, les comptables de fait peuvent, à l’instar des comptables publics, obtenir la remise gracieuse des sommes laissées à leur charge par le juge des comptes.
Toutefois, monsieur le secrétaire d’État – j’attire votre attention sur ce point –, si vous me confirmez qu’il n’existe actuellement aucun doute sur la légalité des remises gracieuses accordées par le ministre du budget aux comptables de fait, la commission est prête à rectifier cet amendement afin d’éviter l’insertion dans la loi de dispositions redondantes.
Il s’agit effectivement d’un amendement lourd et complexe.
Le Gouvernement n’émet pas d’objection quant au transfert de la responsabilité pécuniaire d’un comptable public du ministre de l’économie et des finances au ministre chargé du budget.
Il ne voit pas d’objection non plus aux divers alinéas qui prennent acte de la suppression des distinctions entre charges provisoires et charges définitives.
En revanche, il n’en va pas de même en ce qui concerne l’inscription dans la loi du principe de remise gracieuse accordée aux comptables de fait.
En effet, la remise gracieuse du ministre pour le débet d’un comptable public a été instaurée afin d’atténuer les conséquences de l’automaticité de la mise en jeu de sa responsabilité. Le juge n’a pas de latitude pour apprécier les circonstances liées au comportement du comptable ou au contexte de l’irrégularité sanctionnée.
Or, en matière de gestion de fait, la loi confère au juge des comptes une marge d’appréciation dans le jugement et dans la constitution du débet. Le juge des comptes peut notamment suppléer par des considérations d’équité à l’insuffisance déclarée des justifications produites.
Surtout, monsieur le rapporteur, je tiens à vous confirmer, que les comptables de fait bénéficient déjà dans la pratique de cette remise gracieuse du ministre – le ministre du budget désormais – sans qu’il soit nécessaire de l’inscrire dans la loi.
Enfin, le Gouvernement est défavorable au maintien du 5°du I de l’amendement n° 15 rectifié. En effet, cela reviendrait à limiter la responsabilité personnelle et pécuniaire des héritiers à hauteur des montants pour lesquels le comptable décédé s’était assuré. Mais imaginerait-on un héritier ne payer les impôts de la personne dont il hérite qu’à hauteur d’un certain montant ? Cela paraît un peu compliqué.
En résumé, le Gouvernement est favorable à cet amendement sous réserve de la suppression du 5° et du 9° du I, ainsi que du III.
Compte tenu, d’une part, des explications que vient d’apporter M. le secrétaire d’État et, d’autre part, du retrait de l’amendement n° 2, je pense effectivement pouvoir, au nom de la commission, rectifier l’amendement n° 15 rectifié dans le sens souhaité par M. le secrétaire d’État, c’est-à-dire en supprimant le 5° du I et le paragraphe V bis qu’il tend à insérer dans l’article 60 de la loi de 1963 relative aux obligations pesant sur les héritiers du comptable décédé, le 9° du I relatif au pouvoir de remise gracieuse du ministre chargé du budget à l’égard des débets prononcés à l’encontre des comptables de fait et, enfin, le III prévoyant la compensation des conséquences financières du 5° du I du présent article.
Je suis donc saisi d’un amendement n° 15 rectifié bis, présenté par M. Saugey, au nom de la commission, et ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
I. L'article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 de finances pour 1963 est ainsi modifié :
1° Dans la première phrase du premier alinéa du IV, les mots : « le ministre de l'économie et des finances ou », sont remplacés par les mots : « le ministre chargé du budget ou le ministère public près » ;
2° Dans la première phrase du dernier alinéa du IV, le mot : « provisoire » est supprimé ;
3° Dans la seconde phrase du dernier alinéa du IV, le mot : « définitive » et le mot : « réputé » sont supprimés ;
4° Dans le premier alinéa du V, après les mots : « le ministre chargé du budget ou », sont insérés les mots : « le ministère public près » ;
5° Dans le premier alinéa du VI, après les mots : « est mise en jeu », sont insérés les mots : « par le ministre dont il relève, le ministre chargé du budget ou le juge des comptes » ;
6° Le VI est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le comptable public dont la responsabilité pécuniaire est mise en jeu par le ministère public près le juge des comptes a la faculté de verser immédiatement de ses deniers personnels une somme égale, soit au montant de la perte de recette subie, de la dépense irrégulièrement payée, de l'indemnité versée, de son fait, à un autre organisme public ou à un tiers, de la rétribution d'un commis d'office par l'organisme public intéressé, soit, dans le cas où il en tient la comptabilité matière, à la valeur du bien manquant. »
7° Le premier alinéa du VII est ainsi rédigé :
« VII. - Le comptable public dont la responsabilité pécuniaire est mise en jeu par le ministre dont il relève ou le ministre chargé du budget et qui n'a pas versé la somme prévue au VI peut être constitué en débet par l'émission à son encontre d'un titre ayant force exécutoire. »
8° Dans le dernier alinéa du XI, après les mots : « fait l'objet », sont insérés les mots : « pour les mêmes opérations ».
II. Le présent article est applicable sur l'ensemble du territoire de la République.
Je le mets aux voix.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 16, présenté par M. Saugey, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'article 29 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Dans le dernier alinéa de l'article L. 131-2, dans le dernier alinéa de l'article L. 231-3, dans le second alinéa de l'article L. 253-4, dans le second alinéa de l'article L. 262-33 et dans le second alinéa de l'article L. 272-35 du code des juridictions financières, le mot : « dix » est remplacé par le mot : « cinq ».
II. - Dans le deuxième alinéa du IV de l'article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 de finances pour 1963, le mot : « sixième » est remplacé par le mot : « cinquième ».
La parole est à M. le rapporteur.
Cet amendement est important. Il a pour objet d’harmoniser les délais de prescription des actions en responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics et des gestionnaires de fait.
Pendant longtemps, leur responsabilité pouvait être mise en jeu devant les juridictions financières dans le délai de droit commun de la prescription extinctive de trente ans.
S’agissant des comptables de fait, la loi du 21 décembre 2001 relative aux chambres régionales des comptes et à la Cour des comptes a prévu un délai de prescription de dix ans à compter des faits.
Pour ce qui est des comptables publics, la loi de finances rectificative pour 2001 a prévu un délai de prescription de dix ans à compter de la production des comptes. La durée de ce délai a ensuite été ramenée à six ans par la loi de finances rectificative pour 2004. Voyez que l’on progresse toujours !
Aujourd’hui, il vous est proposé de retenir une durée de cinq ans, et ce pour différentes raisons.
Premièrement, cette durée est conforme à la solution retenue par le Sénat sur l’initiative du groupe socialiste en 2000, lors de l’examen d’une proposition de loi relative aux chambres régionales des comptes rapportée par notre ancien collègue Jacques Oudin, puis, en 2001, lors de l’examen de la loi du 21 décembre 2001 relative aux chambres régionales des comptes et à la Cour des comptes.
Quelle attention scrupuleuse portée aux initiatives du groupe socialiste ! (Sourires.)
Hélas ! cette solution n’avait pu prévaloir à l’époque en raison – vous vous en souvenez sans doute – de l’opposition de l’Assemblée nationale.
Troisièmement, cette durée est également conforme à la volonté exprimée par le Sénat, puis par l’Assemblée nationale, dans la proposition de loi portant réforme de la prescription en matière civile, que nous examinerons cet après-midi, de fixer à cinq ans la durée du plus grand nombre possible de délais de la prescription extinctive ; c’est le président de la commission des lois qui en est à l’origine.
Quatrièmement, cette durée est compatible avec le rythme triennal, voire quadriennal, des contrôles menés par les juridictions financières conjointement sur les comptes des comptables publics et la gestion des ordonnateurs.
Cinquièmement, enfin, je rappelle tout de même que, en cas d’infraction pénale, l’intéressé sera poursuivi selon les règles du code de procédure pénale qui restent inchangées.
Le sous-amendement n° 20 rectifié, présenté par MM. Détraigne et J. Boyer, est ainsi libellé :
I. – À la fin du deuxième alinéa (I) de l'amendement n° 16, remplacer le mot :
cinq
par le mot :
six
II. - Supprimer le troisième alinéa (II) de l'amendement n° 16.
La parole est à M. Yves Détraigne.
Ce sous-amendement a pour objet de maintenir à six ans la prescription relative aux comptabilités publiques patentes et de faire passer de cinq ans à six ans la prescription des gestions de fait visée par l’amendement n° 16.
On m’objectera qu’entre cinq ans et six ans la différence n’est pas considérable. Mais le diable se cache souvent dans les détails !
En présentant l’amendement n° 16, M. le rapporteur nous a indiqué que le rythme des contrôles des chambres régionales des comptes était « triennal, voire quadriennal », Toutefois, il faudrait dire plutôt « quadriennal, voire triennal », me semble-t-il, car les vérifications ont lieu en général tous les quatre ans ! Nombre de présidents de chambre m’ont même affirmé – et ils vous le confirmeraient, mes chers collègues –qu’il était pour eux difficile de tenir le rythme de contrôles quadriennaux.
Le choix de ce délai n’est donc pas neutre, car, si nous réduisons à cinq ans, au lieu de dix ans aujourd'hui, la prescription extinctive en la matière, il y a de fortes chances que la procédure de gestion de fait disparaisse purement et simplement.
En effet, à la différence d’une gestion publique, qui est retracée à certaines lignes bien déterminées sur le document que le juge ouvre dès qu’il commence à examiner les comptes, une comptabilité de fait n’apparaît pas de prime abord.
C’est souvent en cours d’instruction que le juge, à partir d’une information fortuite ou parce qu’il examine la gestion d’une structure satellite d’une collectivité locale, s’aperçoit que cet organisme a reçu des fonds d’origine publique de la part de la collectivité dont il examine les comptes à titre principal.
Il examine donc ensemble les comptes de la collectivité et de son satellite !
C’est donc à cette occasion qu’il s’aperçoit que les fonds versés à cette structure satellite ont financé des actions publiques qui n’auraient pas dû échapper à la comptabilité publique.
Je comprends qu’une assemblée comme le Sénat, qui est composée essentiellement d’élus locaux ordonnateurs – je le suis moi-même à trois reprises, en tant que maire, président d’une communauté de communes et président d’un syndicat départemental dans la Marne –, soit tentée de limiter la possibilité pour le juge des comptes de tomber sur une gestion de fait.
Toutefois, il faut comprendre que la gestion de fait n’a pas pour objet de couvrir d’infamie un ordonnateur ou de le traîner devant la juridiction pénale, même si – il faut le reconnaître – cela arrive parfois. Cette procédure sert à réintégrer dans la comptabilité publique des écritures comptables qui n’auraient pas dû en sortir, et c’est tout.
Or, à l'occasion de l’examen de ce projet de loi, nous allons modifier substantiellement les procédures suivies devant le juge des comptes, qu’il s’agisse de la Cour des comptes ou des chambres régionales ou territoriales des comptes. Nous allons passer de la règle dite « du double arrêt » ou « du double jugement » à celle dite « du simple arrêt » ou « du simple jugement ».
En outre, nous allons offrir au ministère public la faculté de soulever, ou non, l’existence ou le soupçon d’une gestion de fait. Cette procédure réduira naturellement le risque de déclarations abusives de gestion de fait, comme il y en a eu – je ne le conteste pas –, notamment durant les premières années de fonctionnement des chambres régionales des comptes.
En effet, le ministère public sera juge de l’opportunité de soulever l’existence, ou le soupçon, d’une gestion de fait devant les chambres des comptes comme devant les juridictions judiciaires, et nous pouvons lui faire confiance pour ne pas lancer abusivement cette procédure.
Or, si nous réduisons la durée de la prescription à cinq ans, nous risquons de voir le ministère public soulever à titre conservatoire certaines gestions de fait parce que le rapporteur de la chambre régionale des comptes n’aura pas eu le temps d’examiner complètement l’opération. Ainsi, le remède serait pire que le mal et les gestions de fait plus nombreuses qu’auparavant !
Il me paraîtrait donc sage de laisser un délai raisonnable au rapporteur des chambres régionales des comptes pour que celui-ci puisse examiner non seulement la comptabilité publique, mais aussi les comptabilités annexes, qui pourraient faire naître des éventuels soupçons de gestion de fait.
Certes, je me doute que la mesure présentée dans le sous-amendement n° 20 rectifié n’est pas très populaire, car elle accorde aux rapporteurs une année supplémentaire pour soulever éventuellement une gestion de fait.
Toutefois, je le répète, nous allons instituer une procédure dans laquelle, désormais, il appartiendra au ministère public de conclure, ou non, à l’existence d’une telle situation. Dès lors, il y a moins de risques à laisser au rapporteur de la chambre régionale des comptes un délai raisonnable pour accomplir son travail qu’à inciter le ministère public, parce que le temps a manqué pour examiner correctement l’affaire, à soulever à titre conservatoire une gestion de fait qui n’en est peut-être pas une ! §
Mes chers collègues, je constate que mes propos suscitent certaines réactions, ce qui était déjà le cas hier lors de la réunion de la commission des lois, mais je crois que l’intérêt de l’ordonnateur, sur lequel pourrait peser la menace d’une gestion de fait, est bien de laisser le juge des comptes faire complètement son travail, surtout dans le cadre de la nouvelle procédure que nous allons instituer, plutôt que de le pousser à boucler au plus vite l’opération.
Puisque l’on veut harmoniser les prescriptions, il me paraît donc sage d’aligner la gestion de fait sur la prescription de six ans qui s’applique aujourd'hui au comptable public, au lieu d’en rester au délai actuel de dix ans ou de fixer une durée de cinq ans pour tout le monde.
D'ailleurs, la prescription court non pas à compter de l’ouverture des comptes, mais de la réalisation de la gestion de fait. Et, comme je l’indiquais au début de mon intervention, même si l’on nous affirme que le contrôle est « triennal, voire quadriennal », telle n’est pas la réalité, l’ouverture des comptes ayant lieu plutôt quatre ans que trois ans après leur clôture.
Je pense donc que, pour la régularité des comptabilités publiques, et dans l’intérêt des ordonnateurs, le délai de cette prescription devrait être fixé à six ans. Tel est l’objet de ce sous-amendement.
On peut discuter indéfiniment des délais. Toutefois, cet après-midi même, nous débattrons d’une proposition de loi – elle deviendra la loi, du moins si aucun amendement nouveau n’est adopté – visant justement à harmoniser et à réduire les délais d’un certain nombre de prescriptions.
Monsieur Détraigne, vous n’envisagez qu’un aspect de la question. Il faut aussi penser à ceux qui subissent, parfois indéfiniment, des procédures de vérification des comptes auxquelles chacun s’amuse à donner de la publicité. En effet, dans notre société, la gestion de fait a été pratiquement transformée en un moyen de stigmatiser les élus, et je pourrais vous en donner bien des exemples !
Au départ, pourtant, l’expression « gestion de fait » était neutre et visait simplement à constater une situation, sans qu’une infraction pénale ait nécessairement été commise. Cela signifiait que des sommes qui auraient dû être inscrites dans les comptes publics ne s’y trouvaient pas, voilà tout. Or, il y eut une époque où les collectivités multipliaient en toute bonne foi les associations périphériques – elles ont corrigé ce point par la suite, et c’est tant mieux –, en prenant d'ailleurs exemple sur l’État, qui avait créé de nombreuses associations, organismes, etc. !
Monsieur Détraigne, je comprends l’argument selon lequel un délai de six ans permet une meilleure respiration aux chambres régionales des comptes, dont j’ai reçu les magistrats, comme M. le rapporteur.
Toutefois, vous affirmez aussi que, faute de temps, le ministère public saisira préventivement le juge. Mais je ne vois pas comment il pourrait le faire s’il n’a pas découvert un minimum de gestion de fait ! Honnêtement, cet argument me paraît étrange, sauf à considérer que le ministère public, par précaution, déclare la gestion de fait sur tous les comptes !
Franchement, ce serait tout de même extraordinaire ! Soit il existe des éléments de gestion de fait, soit il n’y en a pas, et les soupçons n’ont pas leur place ici !
Par ailleurs, vous affirmez que les comptes ne sont pas examinés au même moment. Mais on rapproche tout de même les comptes du comptable de ceux de la collectivité ! Je comprends bien que ces documents donnent lieu à deux jugements différents, puisque les normes comptables ne sont pas les mêmes, mais les vérificateurs les confrontent ! Sinon, pourquoi nous obliger, nous, les ordonnateurs, à voter le compte de gestion en même temps que le compte de la collectivité ?
Je dois l’avouer, le contrôle des comptes est pour moi très mystérieux, et de plus en plus…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il faudra effectivement que j’aille faire un stage dans une juridiction financière, sur le modèle de ceux que l’on propose aux élus dans les autres tribunaux !
Nouveaux sourires
Pour notre part, nous souhaitons harmoniser les délais de prescription. Si on nous proposait dix ans, le choix serait clair, mais on admet tout de même qu’un délai plus court est nécessaire. Entre six ans et cinq ans, franchement, la différence n’est pas considérable, d’autant que les avis des spécialistes divergent !
Nous souhaitons quant à nous que le système soit lisible. Aujourd'hui, les délais de prescription sont trop nombreux : il y en aurait un peu plus de deux cents. Offrons-leur un peu de lisibilité, d’autant que cela nous permettra de rendre hommage à nos collègues socialistes, qui ont déjà proposé une telle mesure à diverses reprises !
Dois-je comprendre que la commission n’est pas favorable au sous-amendement n° 20 rectifié ?
Vous avez bien compris, monsieur le président. Je demande le retrait de ce sous-amendement.
L’avis du Gouvernement est quelque peu complexe : il est favorable à la réduction de six ans à cinq ans du délai de prescription pour les comptables publics, ce qui ne pose pas de difficulté particulière et permet effectivement une harmonisation ; en revanche, il est hostile à la réduction de dix ans à cinq ans – ou à six ans, je vous le dis tout de suite, monsieur Détraigne ! – de la prescription de l’action en déclaration de gestion de fait.
L’avis du Gouvernement est donc favorable à la première partie de l’amendement n° 16 mais défavorable à sa seconde partie, ainsi qu’au sous-amendement n° 20 rectifié.
Or, j’imagine que M. le rapporteur n’acceptera pas de rectifier l’amendement n° 16 pour le réduire à sa première partie…
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Je ne doutais pas de la qualité et de la vigueur de vos convictions, monsieur le rapporteur !
Sourires
En conséquence, le Gouvernement émet un avis globalement défavorable sur l’amendement n° 16 et sur le sous-amendement n° 20 rectifié.
La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 20 rectifié.
Certes, lors de l’examen de ce qui est devenu la loi du 21 décembre 2001, le groupe socialiste au Sénat a défendu un amendement ramenant la prescription à cinq ans, mais à l’époque celle-ci était – excusez-moi du peu –de trente ans !
Pour obtenir une diminution significative, monsieur le président de la commission, il est parfois nécessaire de forcer le trait, admettez-le !
Depuis, nous avons observé le fonctionnement des juridictions financières et entendu l’avis d’un spécialiste expérimenté en la personne de M. Détraigne. Le Gouvernement a engagé la concertation par le biais de plusieurs groupes de travail.
M. le rapporteur veut imposer une durée systématique de cinq ans.
Le Gouvernement, mi-chèvre mi-chou, accepte ce délai pour les comptables publics et le refuse pour la gestion de fait de M. Dupont, car la situation est alors plus compliquée.
Comme l’a rappelé M. Détraigne, il s’agit d’une question très technique.
En premier lieu, il convient d’établir un programme pluriannuel. En général, c’est ainsi que procèdent les cours régionales des comptes. Ce programme pluriannuel pourrait être calqué sur la durée des mandats. Or cette dernière, dans les collectivités territoriales, est de six ans.
Si les cours régionales des comptes procèdent avec intelligence, et il n’y a pas de raison que ce ne soit pas le cas, on peut fort bien envisager de calquer la durée du programme pluriannuel sur celle de la durée des mandats.
C’est un laps de temps maximal. Les saisines peuvent être immédiates ou intervenir dans des délais très courts.
L’examen normalisé et approfondi des liasses comptables peut constituer un travail de titan. Avec un délai de cinq ans, la procédure de gestion de fait risquerait de disparaître. Nous pourrions, à la rigueur, accepter le délai de dix ans que propose le Gouvernement, mais nous considérons qu’une durée de six ans constituerait un compromis profitable à tout le monde.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Comme l’a indiqué à juste titre M. le président de la commission, la gestion de fait a permis de remédier aux difficultés liées aux associations satellites.
Dans la logique des arguments que j’ai évoqués à l’appui de mon sous-amendement, si nous optons pour un délai de cinq ans et que nous rendons finalement la procédure de gestion de fait inutilisable, rien n’empêchera la réapparition d’associations satellites. En effet, la probabilité que le juge des comptes les découvre dans un délai de cinq ans serait bien moindre qu’elle ne l’était lorsque les chambres régionales des comptes ont commencé, voilà maintenant une vingtaine d’années, à examiner la comptabilité des collectivités locales. En d’autres termes, une telle décision aurait un effet pervers. Si l’on ramène à cinq ans le délai de la prescription, il y aura beaucoup moins de risques à se lancer dans la gestion de fait.
M. Bernard Saugey, rapporteur. Notre discussion me remémore deux maximes : « L’enfer est pavé de bonnes intentions » ; « Qui veut tuer son chien l’accuse de la rage ».
Sourires
Je constate avec un certain amusement que, pour justifier quelque chose, l’on trouve toujours des arguments.
Monsieur Mahéas, la lecture du compte rendu de la séance du 11 mai 2000 me fait sourire. Un membre de votre groupe déclarait à l’époque : « Nous proposons un délai plus raisonnable de cinq ans. C’est plus que le délai pour les délits, mais c’est un délai que nous avons calculé, au groupe socialiste, de façon à tenir compte du rythme et des charges de travail de contrôle des chambres régionales des comptes, de façon à ne pas leur imposer un rythme trop lourd ou qui serait déraisonnable au regard de leurs possibilités ».
Vous reconnaîtrez que c’est un texte admirable !
M. Jacques Mahéas. Depuis, un membre de ma famille qui travaille à la Cour des comptes m’a apporté des explications !
Sourires
Nouveaux sourires.
Monsieur le secrétaire d'État, vous m’objectez que la prescription de l’action tendant à mettre en jeu la responsabilité d’un gestionnaire de fait court à compter des faits et non de leur découverte. Certes ! Toutefois, la proposition de loi portant réforme de la prescription en matière civile, que nous examinerons cet après-midi, prévoit d’autres hypothèses, pour lesquelles le délai de prescription de cinq ans courra à compter des faits, et non de leur découverte.
Pour ne citer qu’un exemple, l’action en responsabilité dirigée contre les personnes ayant représenté ou assisté les parties en justice sera prescrite par cinq ans à compter de la fin de leur mission.
En outre, monsieur Détraigne, puisque les juridictions financières contrôlent simultanément les comptes des comptables publics et la gestion des ordonnateurs tous les trois ou quatre ans, elles doivent être en mesure de déceler les actes constitutifs de gestion de fait avant l’écoulement du délai de prescription quinquennal prévu par la commission.
Je n’ai donc pas de raison de retirer l’amendement n° 16.
Le sous-amendement n'est pas adopté.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 29 bis.
Le Gouvernement est autorisé, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, à prendre par ordonnance les mesures d'extension, sous réserve des adaptations nécessaires, des dispositions de la présente loi aux chambres territoriales des comptes de Mayotte, de Nouvelle-Calédonie, de Polynésie française, de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon.
L'ordonnance sera prise avant le premier jour du sixième mois suivant celui de la publication de la présente loi au Journal officiel.
Le projet de loi portant ratification de cette ordonnance sera déposé devant le Parlement au plus tard le premier jour du troisième mois suivant celui de sa publication au Journal officiel.
L'amendement n° 17, présenté par M. Saugey, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
Cet amendement a pour objet de supprimer l'habilitation à prendre par ordonnance les mesures nécessaires à l'extension et à l'adaptation des dispositions proposées aux collectivités d'outre-mer.
Il s'agit d'une mesure de coordination avec l'amendement présenté à l'article 28.
L'amendement est adopté.
Les dispositions de la présente loi entrent en vigueur le 1er janvier 2009, à l'exception du 1° de l'article 7 et de l'article 30.
Toutefois, elles ne s'appliquent pas aux suites à donner aux procédures en cours ayant donné lieu à des décisions juridictionnelles prises à titre provisoire et notifiées avant le 1er janvier 2009.
L'amendement n° 18, présenté par M. Saugey, au nom de la commission, est ainsi libellé :
À la fin du premier alinéa de cet article, supprimer les mots :
et de l'article 30
La parole est à M. le rapporteur.
L'amendement est adopté.
L'article 31 est adopté.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.
Ce débat a été intéressant, mais, comme je l’avais annoncé dans la discussion générale, le groupe socialiste s’abstiendra sur ce projet de loi si technique que le Gouvernement lui-même – disons-le très honnêtement – s’interroge sur certaines dispositions. Sans doute convient-il d’approfondir notre réflexion sur ce délicat sujet. Nous aurons en principe l’occasion de le faire à la fin de l’année ou au début de 2009.
Monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi de revenir sur la situation matérielle des héritiers, que j’ai évoquée à l’article 8.
Cet ajout concerne le comptable de fait. Mais j’avais demandé que le même état d’esprit prévale pour les héritiers, car la réflexion doit se poursuivre jusqu’à la fin de 2008 ou le début de 2009. Or, des procès sont en cours, et vos paroles pourraient y être citées, monsieur le secrétaire d’État. Je serais donc heureux que vous puissiez apporter des précisions à cet égard.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
Le projet de loi est adopté.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à onze heures cinquante-cinq,
Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est avec beaucoup de satisfaction que je reviens devant vous pour l’adoption définitive – je l’espère – de cette proposition de loi, qui sera si utile à notre droit.
Le droit de la prescription était devenu très complexe et si peu lisible qu’il en était source d’insécurité juridique. Il fallait rapidement le réformer : les délais de prescription étaient multiples et la durée même du délai de droit commun, trente ans, n’était plus adaptée à notre vie économique.
Votre assemblée s’est à juste titre saisie de cette question. En février 2007, la commission des lois du Sénat, sous l’impulsion efficace de son président, M. Hyest, a créé une mission d’information. Un travail d’une grande qualité a été mené ; il a servi de base à cette proposition de loi, qui répond aux préoccupations des professionnels du droit et des opérateurs économiques.
Ce texte est ambitieux : il s’agit d’une réforme d’ampleur qui appréhende la question de la prescription dans sa globalité. Ce n’est pas un simple « toilettage » du code civil.
Ce texte est moderne : le nouveau délai de droit commun de cinq ans nous replace dans le grand mouvement européen. En Allemagne, le délai est de trois ans ; en Angleterre et au Pays de Galles, il est de six ans.
Ce projet rend notre droit civil plus attractif. Il facilitera la vie économique de nos entreprises, car elles gagneront en compétitivité.
Je salue également le travail particulièrement harmonieux des deux assemblées.
Quelques modifications ont été apportées par l’Assemblée nationale à la proposition de loi initiale. En effet, après l’adoption du texte par le Sénat, des inquiétudes se sont exprimées au sujet des dommages et intérêts alloués aux victimes de discrimination au sein d’une entreprise et des administrations.
Comme vous l’avez très justement rappelé dans votre rapport, monsieur Béteille, il s’agissait d’un malentendu. Pour le dissiper, le président Hyest, le sénateur Richard Yung et vous-même, monsieur le rapporteur, avez déposé deux amendements identiques. Ceux-ci ont été proposés lors du débat sur la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Ils visaient à introduire dans le code du travail et dans la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires les dispositions concernant la réparation du préjudice résultant d’une discrimination.
Sur proposition de sa commission des lois et avec l’accord du Gouvernement, l’Assemblée nationale a décidé de reprendre à l’identique ces dispositions dans le texte qui nous est aujourd’hui soumis. La discrimination salariale est en effet une situation tout à fait particulière : elle peut durer pendant de nombreuses années et elle existe souvent à l’insu même de la victime.
Prenons l’exemple d’une femme qui est victime de discrimination salariale depuis 1990, mais qui ignore pendant longtemps le salaire des autres employés. Si cette femme n’a connaissance qu’en 2008 des éléments qui montrent qu’elle a fait l’objet d’une discrimination, elle pourra agir jusqu’en 2013.
Ces amendements identiques précisent également que le droit à réparation portera sur l’ensemble de la période pendant laquelle la victime a fait l’objet de discrimination. Dans mon exemple, les dommages et intérêts alloués seront accordés à compter de 1990, début de la discrimination, et non pas de 2008.
Ces modifications ont donc permis de dissiper tout malentendu.
La proposition de loi ayant été adoptée par la commission des lois du Sénat, je n’en ferai pas de nouvelle présentation intégrale. Je reviendrai seulement sur deux points qu’il me paraît important de préciser : le nouveau mécanisme de calcul du point de départ de la prescription et la possibilité laissée aux signataires d’un contrat d’aménager la durée de la prescription.
Le délai de droit commun est fixé à cinq ans. Il est encadré par un point de départ « glissant » et un délai butoir. C’est là un nouveau mécanisme.
Le délai de prescription de cinq ans s’impose pour plusieurs raisons. D’abord, il est respectueux des droits de chacun et source de sécurité pour tous. Il est suffisant pour permettre à un créancier d’engager une action ; il écarte toute action tardive, renforçant par là la sécurité juridique. Ensuite, il s’inscrit dans la moyenne européenne. Ces nouvelles dispositions favoriseront donc le rayonnement du droit français.
Ce délai est encadré par un nouveau mécanisme, le point de départ « glissant », qui est la consécration de la jurisprudence actuelle. Il fait partir le délai de prescription du jour où le créancier a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.
Il s’agit donc d’un délai utile : à partir du moment où l’intéressé aura connaissance des faits litigieux, il disposera de cinq ans pour réunir les éléments de preuve, se renseigner et prendre la décision d’une éventuelle action en justice. En cas de conciliation ou de médiation, le délai est suspendu.
Compte tenu de ce point de départ « glissant », le délai pour agir est largement suffisant.
Pour autant, ce point de départ fluctuant ne doit pas rendre les actions imprescriptibles. Ce serait contraire aux objectifs de cette réforme. C’est la raison pour laquelle un délai butoir a été mis en place. Quelles que soient les raisons de report des effets de la prescription, l’action sera prescrite vingt ans après le fait générateur.
Cette disposition existe notamment en droit allemand, belge et écossais. Elle vient renforcer la sécurité juridique. Le mécanisme du délai butoir existe déjà en droit français. C’est le cas, par exemple, en matière de responsabilité du fait des produits défectueux.
Vous le voyez, c’est un mécanisme novateur qui modernise en profondeur le droit de la prescription.
L’autre grande nouveauté de ce texte, c’est la possibilité d’un aménagement contractuel de la prescription.
Les parties peuvent d’un commun accord : soit allonger la durée de la prescription dans la limite de dix ans, soit la réduire dans la limite de un an. Elles peuvent également ajouter des causes d’interruption ou de suspension.
Ce souci d’étendre la liberté contractuelle vient conforter le rôle de la volonté des parties. La jurisprudence avait déjà consacré la possibilité pour les parties de réduire les délais. Cette disposition existe en droit espagnol ou suédois. Elle est aussi préconisée par l’organisation internationale Unidroit. Elle introduit la souplesse que nombre de professionnels revendiquent. Elle répond à leurs besoins concrets et sera pour eux un atout supplémentaire.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je tenais une nouvelle fois à féliciter la Haute Assemblée pour la qualité et la modernité de cette proposition de loi. Le président de la commission des lois, M. Jean-Jacques Hyest, et le rapporteur du texte, M. Laurent Béteille, ont réalisé un travail remarquable.
Cette proposition de loi montre tout l’intérêt qu’il y a à accroître le rôle du Parlement dans notre système institutionnel. Le Parlement est une force de proposition et de réforme. Il faut lui donner davantage les moyens d’agir. C’est un débat que nous aurons dans quelques jours.
Ce renforcement va dans l’intérêt de la représentation nationale, et donc de la démocratie et des Français.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
madame la garde des sceaux, mes chers collègues, nous voici de nouveau devant la réforme des règles de la prescription en matière civile que nous avons engagée au Sénat il y a un peu plus d’un an et qui, je l’espère, est sur le point d’aboutir.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui constitue la traduction législative de travaux très importants qui ont été menés par la mission d’information de notre commission des lois sur le régime des prescriptions civiles et pénales, conduite par nos collègues Jean-Jacques Hyest, Hugues Portelli et Richard Yung de février à juin 2007.
Déposée sur le bureau de notre assemblée par notre collègue Jean-Jacques Hyest au mois d’août 2007, elle a été adoptée par le Sénat en première lecture lors de la séance mensuelle réservée du 21 novembre 2007, puis par l’Assemblée nationale le 6 mai dernier.
Cette réforme est très attendue.
La prescription constitue un principe fondamental de notre droit. Elle répond à un impératif de sécurité juridique : le titulaire d’un droit resté trop longtemps inactif est censé y avoir renoncé ; les personnes concernées par cette action doivent pouvoir retrouver une sécurité en la matière. Elle joue également un rôle probatoire, car chacun sait que les preuves ne sont pas éternelles et elle permet aux acteurs économiques et juridiques de ne pas avoir à conserver trop longtemps des justifications qui ne s’imposent plus.
Cependant, les règles qui la régissent dans le code civil s’avèrent pléthoriques – on a ajouté sans cesse de nouvelles dispositions –, complexes et inadaptées à la société moderne.
La Cour de cassation a recensé plus de deux cent cinquante délais de prescription différents – cela laisse pantois –, dont la durée varie de trente ans à un mois. Cette disparité est source d’incohérences – dans de nombreux cas, ces règles ne se justifient plus – et d’incertitudes pour le justiciable.
Le délai trentenaire de droit commun, qui date de l’origine de notre code civil, se révèle aujourd’hui inadapté ; il est en décalage par rapport aux délais retenus par la plupart de nos voisins.
Les modalités de computation de ces délais s’avèrent, elles aussi, complexes en raison des incertitudes entourant parfois leur point de départ et des possibilités multiples d’interruption ou de suspension de leur cours.
Bref, il était grand temps de moderniser et de mettre en cohérence ces règles devenues foisonnantes, complexes et éparses, faute de réforme d’ensemble.
Comme vous l’avez dit, madame la garde des sceaux, il s’agit d’une réforme ambitieuse qui s’articule autour de trois axes : la réduction du nombre et de la durée des délais de la prescription extinctive, la simplification de leur décompte, et l’autorisation, sous certaines conditions, de leur aménagement contractuel.
Parmi les multiples mesures adoptées par le Sénat, la plus spectaculaire est sans doute la réduction de trente ans à cinq ans du délai de droit commun de la prescription extinctive, qui correspond tout à fait aux nécessités d’une vie économique moderne et sur laquelle se sont déjà engagés un certain nombre de pays voisins, avec pour point de départ « le jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ».
Cela n’empêche pas qu’il puisse y avoir des délais plus courts, comme le délai biennal de prescription de l’action des professionnels contre les consommateurs pour les biens ou services qu’ils leur fournissent, mais aussi des délais plus longs, comme le délai décennal de prescription de l’action en responsabilité pour dommage corporel. Il est légitime d’assouplir la règle pour tenir de situations particulières dans lesquelles certains sujets de droit doivent être protégés.
J’évoquerai également la création, sous réserve de nombreuses dérogations concernant notamment les actions en responsabilité pour dommage corporel ou encore les actions relatives à l’état des personnes, d’un délai butoir de vingt ans courant à compter des faits ayant donné naissance au droit et non à compter de leur connaissance par son titulaire.
J’évoquerai enfin l’octroi aux parties de la faculté, d’une part, d’allonger, dans la limite de dix ans, ou de réduire, dans la limite d’un an, la durée de la prescription, d’autre part, d’ajouter aux causes d’interruption ou de suspension de la prescription fixées par le code civil.
Par souci de protection de la partie faible dans les contrats d’adhésion, de tels aménagements seront prohibés dans le cadre des contrats d’assurance et des contrats conclus entre un consommateur et un professionnel.
Cette réforme des règles de la prescription en matière civile recueille une large adhésion.
À la suite des travaux de la mission d’information associant la majorité et l’opposition, la proposition de loi a été adoptée en première lecture par l’ensemble des groupes politiques du Sénat, à l’exception du groupe communiste républicain et citoyen, qui, après avoir proposé sans succès de fixer à dix ans et non pas à cinq ans le délai de droit commun de la prescription extinctive, a finalement décidé de s’abstenir.
Les débats à l’Assemblée nationale se sont avérés moins consensuels, peut-être parce qu’ils avaient été moins préparés. Quoi qu’il en soit, la majorité des députés n’en a pas moins très largement souscrit à la réforme proposée.
L’Assemblée nationale n’a en effet apporté que quelques modifications de fond, qui ne remettent pas en cause les apports du Sénat.
Elle a écarté l’application du délai butoir pour la prescription entre époux ou partenaires d’un pacte civil de solidarité ; c’est, me semble-t-il, justifié.
Elle a interdit l’aménagement conventionnel des règles de prescription des actions en paiement ou en restitution de l’ensemble des créances périodiques alors que, sur proposition de notre collègue Michel Dreyfus-Schmidt, nous n’avions visé que les créances salariales et les baux à usage d’habitation. Étendre l’interdiction à d’autres créances périodiques comme les baux professionnels ou commerciaux ne s’imposait pas ; il s’agit néanmoins d’une simplification que la commission vous propose d’accepter.
L’Assemblée nationale a également consacré la jurisprudence selon laquelle les dommages trouvant leur origine dans la construction d’un ouvrage doivent être dénoncés dans les dix ans qui suivent la réception des travaux, que ces ouvrages relèvent de la responsabilité contractuelle de droit commun ou du régime spécifique de la garantie décennale.
Elle a réduit de dix à cinq ans le délai de prescription des actions en responsabilité civile engagées à l’occasion des ventes aux enchères.
Enfin, elle a souhaité soumettre les experts judiciaires au délai de droit commun de la prescription extinctive.
Par ailleurs, les députés ont repris sans les modifier le contenu de deux amendements identiques adoptés dans le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations et qui avaient pour objet de préciser que la jurisprudence de la Cour de cassation en la matière n’était pas remise en cause.
Compte tenu du fait que les modifications introduites par l’Assemblée nationale ne remettent pas en cause les principales dispositions de la proposition de loi, je vous propose, mes chers collègues, d’adopter celle-ci sans nouvelles modifications. Cela permettra une application plus rapide de ce texte qui est attendu, qui est nécessaire et qui apportera une plus grande sécurité à tous les justiciables. Il constituera en outre une première étape dans la réforme du droit des obligations que vous avez entreprise, madame la garde des sceaux, et que nous appelons de nos vœux.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui réunis à l’occasion de la deuxième lecture d’une proposition de loi qui a trouvé son origine dans les travaux de la commission de lois, si excellemment présidée par M. Jean-Jacques Hyest.
Sourires
Il s’agit d’un texte équilibré, mais les travaux menés à l’Assemblée nationale ont montré que certains points restaient à préciser. Je rappelle que le groupe socialiste l’avait voté en première lecture, mais nous sommes heureux de saisir l’occasion de cette nouvelle discussion pour y revenir.
Ce texte a l’avantage de donner de la cohérence à notre droit de la prescription civile tout en lui apportant une meilleure lisibilité. Il simplifie le décompte des délais de prescription tout en offrant des garanties aux justiciables.
Je veux redire qu’il s’agit d’un bon compromis entre, d’une part, les propositions du groupe de travail présidé par M. Weber, qui préconisait de fixer un délai de droit commun de dix ans pour la prescription extinctive, et, d’autre part, les propositions de l’avant-projet de réforme élaboré par MM. Malaurie et Catala, qui recommandaient de fixer un délai de trois ans.
À mes yeux, ce texte a un mérite supplémentaire essentiel : il constitue un grand pas en avant vers l’harmonisation des délais à l’échelon communautaire.
Comme cela a été souligné, la majorité des pays prévoient un délai de prescription de cinq ans ou six ans. Le fait de le fixer à cinq ans chez nous nous rapproche de pays tels que l’Allemagne ou la Grande-Bretagne. C’est ainsi que se construit progressivement l’harmonisation difficile du droit dans ces domaines…
La présente proposition de loi répond au besoin de sécurité juridique qui doit permettre aux victimes de faire valoir leurs droits pendant un délai raisonnable. Je comprends que la réduction assez brutale du délai commun de trente ans à cinq ans suscite une certaine émotion, mais il en est toujours ainsi lorsque l’on modifie les choses.
Au demeurant, il faut le rappeler, certaines dispositions particulières et dérogatoires continueront d’être applicables à un bon nombre de situations. Je pense notamment à l’action en responsabilité civile lorsque les victimes sont mineures et ont subi, par exemple, des actes de torture ou de barbarie, ou des violences. Dans ce cas, le délai applicable restera égal à vingt ans.
J’aborderai maintenant un point sujet à controverse, à savoir l’instauration d’un délai butoir égal à vingt ans et au terme duquel aucune action tendant à la reconnaissance d’un droit ne pourra plus être engagée.
Je rappelle que la création de ce délai est rendue nécessaire par l’assouplissement des règles relatives au point de départ et aux causes de suspension. Par ailleurs, il est important de préciser que ce délai ne s’appliquera pas à l’ensemble des prescriptions. Le cas concernant les victimes mineures sera notamment exempté.
La possibilité d’aménager contractuellement la prescription extinctive a également fait débat. Cependant, je rappelle que des garde-fous ont été introduits en première lecture. Grâce à un amendement présenté par notre collègue Michel Dreyfus-Schmidt, l’aménagement contractuel ne pourra pas s’appliquer aux créances périodiques telles que les salaires, les fermages, les loyers et charges locatives afférents à des baux d’habitation.
Cette disposition est de nature à protéger la partie la plus faible du contrat. Ainsi, les employeurs ne pourront pas imposer à leurs salariés un délai de l’action en paiement ou en répétition des salaires d’un an. À l’inverse, les bailleurs professionnels ne pourront pas imposer à leurs locataires une durée de prescription de dix ans de l’action en paiement ou en répétition des loyers.
Comme M. le rapporteur l’a souligné, l’Assemblée nationale a adopté sans modification majeure la plupart des dispositions proposées par le Sénat, y compris la suppression de l’article 18 relatif à la compensation des conséquences financières. Elle a, par ailleurs, adopté des amendements visant à insérer des articles additionnels, tel l’article tendant, par exemple, à réduire de dix ans à cinq ans le délai de prescription des actions en responsabilité civile engagées à l’occasion des prisées et des ventes volontaires et judiciaires de meuble aux enchères publiques à compter de l’adjudication ou de la prisée.
Toutefois, ce texte équilibré nécessite encore quelques précisions. Même si je comprends le souci de M. le rapporteur de ne pas vouloir le modifier en engageant de nouveaux débats, j’estime que la deuxième lecture est faite pour répondre aux interrogations qui demeurent et améliorer encore la rédaction.
Par ailleurs, je souhaiterais aborder l’aspect le plus polémique de la proposition de loi, ses implications en matière de lutte contre les discriminations salariales.
Près de quatre mois après la première lecture, des syndicats, des associations de lutte contre les discriminations, ainsi que la HALDE, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, ont vivement réagi, exprimant des inquiétudes tout à fait légitimes. Cela dit, il eût été préférable qu’ils se manifestent avant, car cela nous aurait permis d’agir plus tôt.
Selon eux, l’application de l’article 2224 du code civil entraînerait une réduction de l’indemnisation des victimes, laquelle ne réparerait que le préjudice subi pendant les cinq dernières années. Or telle n’était pas notre intention, et je puis témoigner de la bonne foi de la commission et de son président. Mais peut-être n’avons-nous pas su détecter les répercussions éventuelles de ce texte technique…
En mars dernier, Jean-Jacques Hyest, Laurent Béteille et moi-même avons rencontré des représentants du collectif en question, qui, à l’issue de la réunion, nous ont dit être plutôt rassérénés, voire rassurés.
Afin de dissiper ce malentendu, des dispositions ont été incluses dans le code du travail et le statut des fonctionnaires lors de la discussion, au mois d’avril dernier, du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.
Ces dispositions prévoient la réparation intégrale du préjudice : les dommages et intérêts alloués à la victime d’une discrimination répareront l’intégralité du préjudice subi, pendant toute sa durée. Tel est le sens des deux amendements identiques qui avaient alors été adoptés par le Sénat et dont le contenu a été repris dans ce texte par l’Assemblée nationale.
Au vu des longs débats qui se sont déroulés à l’Assemblée nationale sur le point de départ de la prescription, j’estime que cette question mérite encore réflexion. Il serait, à mon avis, souhaitable d’intégrer dans la loi la définition retenue par la jurisprudence de la Cour de cassation, et je déposerai un amendement en ce sens, car il n’y a aucune ambiguïté entre nous sur cette question.
Enfin, on vient d’attirer notre attention sur la garantie décennale en matière de responsabilité des constructeurs d’ouvrage telle qu’elle est prévue par le nouvel article 1792-4-3 du code civil, qui, semble-t-il, ne s’appliquerait pas à tous les professionnels de la construction. Cette disposition viserait à créer un déséquilibre entre les assimilés constructeurs, tels que les vendeurs d’immeuble à rénover ou les contrôleurs techniques, qui pourraient être responsables, eux, pendant les vingt années suivant la date de livraison de l’ouvrage, et les entreprises réalisant effectivement les travaux, qui conserveraient, quant à elles, le bénéfice de la jurisprudence actuelle, c’est-à-dire dix ans.
Nous devons débattre de ce point pour faire en sorte, par souci de cohérence, de traiter les professionnels d’un même domaine de la même manière.
Sous le bénéfice de ces observations, le groupe socialiste votera cette proposition de loi.
Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le débat sur les délais de prescription en matière civile est ancien et les arguments qui plaident en faveur de leur raccourcissement sont quasiment toujours les mêmes : des délais trop longs sont source d’insécurité juridique dans un contexte international de plus en plus soumis à la concurrence.
Cette proposition de loi prévoit donc une diminution assez drastique du délai de prescription en matière civile.
Madame la garde des sceaux, pour justifier votre volonté de faire passer ce délai de trente ans à cinq ans, vous n’avez cessé de répéter que notre régime de prescription est isolé en Europe : en Allemagne, le délai est de trois ans, en Angleterre et au pays de Galles, il est de six ans. Mais nous pourrions tout autant mentionner l’Italie, la Suisse ou la Suède – pourtant si souvent citée en exemple –, pays dans lesquels le délai de droit commun est de dix ans.
En 2001, le rapport de la Cour de cassation suggérait d’abaisser à dix ans le délai de prescription. En 2004, c’est le groupe de travail dirigé par M. Weber, président de la troisième chambre civile de la Cour de cassation, qui arrivait à la même conclusion.
Certes, l’avant-projet de réforme du droit des obligations et de la prescription de 2005, issu du rapport Catala, prévoyait un délai de trois ans, inspiré par Philippe Malaurie, chargé de la rédaction des dispositions relatives au droit de la prescription. Mais, finalement, un consensus s’était incontestablement dégagé sur le délai de dix ans, contrairement au délai de cinq ans que vous voulez faire adopter aujourd’hui.
Passer de trente ans à cinq ans, c’est vraiment passer d’un extrême à un autre, sous prétexte que le délai de trente ans serait inadapté à la rapidité et au nombre croissant des transactions juridiques. Mais doit-on sacrifier le droit qu’ont nos concitoyens de se défendre correctement dans le seul but d’assurer une meilleure compétitivité aux entreprises ?
Un délai de prescription suffisamment long permet tout simplement à la personne titulaire d’un droit de l’exercer, et cela n’est pas obligatoirement le fait, comme certains se plaisent à le dire, d’une certaine négligence.
Un délai de prescription de cinq ans, délai bien trop court, risque de devenir une source d’injustice pour les titulaires de droits. Nous aurions préféré que le Gouvernement en reste au consensus auquel il était parvenu en 2005, avec un délai de droit commun de dix ans.
Au demeurant, ce sont surtout les conséquences de cette proposition de loi sur la lutte contre les discriminations qui ont véritablement animé les débats.
En effet, en première lecture, le Gouvernement et la commission des lois avaient préféré garder le silence sur les implications de ce texte sur les actions contre l’ensemble des discriminations visées par l’article L. 1132-1 du code du travail, notamment entre hommes et femmes, …
Nous n’avons pas été les seuls à être silencieux ! Sur ce sujet, vous l’avez été vous aussi !
… ou liées au handicap et à l’âge, deux sujets sur lesquels, je me permets de vous le faire remarquer, monsieur le rapporteur, nous avions tout de même formulé des observations.
Vous ne pouviez ignorer les diverses tentatives, venant de vos rangs ou encore des organisations patronales, d’abaisser le délai de prescription à cinq ans en matière de discriminations au travail, à l’image de l’ancien député Jacques Godfrain, qui, dès octobre 2003, déposait une proposition de loi visant à réduire à cinq ans la prescription applicable aux actions en justice fondées sur une discrimination syndicale.
En janvier 2004, le rapport Virville reprenait à son compte cette revendication, tout comme le MEDEF, qui, dans le domaine de la lutte contre les discriminations, s’est révélé beaucoup moins frileux qu’en matière de droit commun de la prescription. Dans ses quarante-quatre propositions pour moderniser le code du travail, document datant de mars 2004, le MEDEF proposait, lui aussi, d’abaisser à cinq ans le délai pour agir en justice.
Dans des trois cas, le souci est identique : ne pas faire peser sur les entreprises le risque qu’un jour, trop longtemps après les faits, un salarié puisse réclamer en justice réparation d’un préjudice subi en raison d’une situation de discrimination. Cela les obligerait à conserver les preuves durant de longues années, et le fait d’attendre plusieurs dizaines d’année constituerait la preuve de la négligence grave du salarié. Tous arrivent donc logiquement à la conclusion selon laquelle il est nécessaire de réduire le délai de prescription en soumettant les actions en réparation d’un préjudice résultant d’une discrimination au délai quinquennal.
L’examen du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations a été l’occasion, pour la commission des lois, de tenter de réparer quelque peu cette erreur.
Ainsi a été adopté un amendement visant à insérer dans le code du travail et dans la loi de 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires des dispositions spécifiques à l’action en réparation du préjudice subi résultant d’une discrimination.
Cet amendement, devenu l’article 8 de la présente proposition de loi, vise à maintenir un délai de prescription quinquennal, tel que prévu initialement par la proposition de loi, mais précise que le délai ne commence à courir qu’au moment de la révélation de la discrimination, qu’il n’est pas susceptible d’aménagement conventionnel et, enfin, que les dommages et intérêts réparent l’entier préjudice résultant de la discrimination, pendant toute sa durée.
Ce nouvel article L. 1134-5 du code du travail pose cependant quelques problèmes.
Tout d’abord, la référence à la « révélation » de la discrimination n’est pas suffisamment précise. Or, c’est ce qui constitue le point de départ du délai de prescription. Certes, la notion de « révélation » est issue de la jurisprudence de la Cour de cassation et, dans son arrêt du 22 mars 2007, celle-ci explicite ce qu’est la révélation du fait de discrimination ; j’y reviendrai ultérieurement.
En se fondant sur fait que la doctrine définit la révélation comme « la connaissance du manquement et du préjudice en résultant », il ne faudrait donc pas s’inquiéter du point de départ du délai de prescription. Toutefois, la Cour de cassation n’a utilisé cette notion qu’une seule fois, en l’explicitant, ce que ne fait pas le texte.
Par ailleurs, la rédaction retenue pour l’article L. 1134-5 du code du travail ne retient que les dommages et intérêts en matière de réparation du préjudice résultant de la discrimination. Là encore, ce choix, qui s’apparente à un choix de compromis, n’est pas pleinement satisfaisant, car il envisage la réparation sous le seul angle pécuniaire, alors que le champ de la réparation peut être beaucoup plus vaste et comprendre la réintégration, un reclassement ou encore un repositionnement.
Les éléments qui nous ont été communiqués, tant en commission qu’en séance publique à l’Assemblée nationale, ne sont pas de nature à nous rassurer. C’est pourquoi nous avons déposé, sur l’article 8, un amendement destiné à lever toute ambiguïté.
J’espère que vous lèverez cette ambiguïté, mais j’en doute…
Quoi qu’il en soit, l’acharnement dont le Gouvernement et la majorité ont fait preuve pour temporiser l’atteinte portée initialement par cette proposition de loi aux salariés victimes de discriminations, et la rédaction encore trop imparfaite de l’article 8 finissent de me convaincre que la lutte contre les discriminations n’est décidément pas la priorité de ce Gouvernement !
J’en veux pour preuve l’adoption récente de la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, qui est insuffisante. Elle hiérarchise les discriminations et, surtout, elle introduit un droit à discriminer les élèves en fonction de leur sexe. Il y a d’ailleurs eu quelques remous à la droite de cet hémicycle…
En instaurant un délai de prescription de droit commun de seulement cinq ans, cette proposition de loi crée un profond déséquilibre en faveur du monde économique, au détriment des titulaires de droits. Au nom d’une plus grande sécurité juridique pour les entreprises et afin d’assurer, comme le dit si bien Philippe Malaurie, « le stimulant dont a besoin l’activité économique », « la concurrence internationale », ou encore afin de retrouver « notre vitalité, condition de la croissance », la majorité et le Gouvernement offrent au monde des affaires un délai de prescription taillé sur mesure.
En revanche, pour les salariés victimes de discriminations, alors que la jurisprudence, en particulier celle de la Cour de cassation, est unifiée en la matière, la reconnaissance d’un préjudice sera bien plus compliquée à établir et le champ de réparation de ce préjudice sera inférieur à ce qu’ils obtiennent aujourd’hui. Cette remise en cause serait-elle due à une jurisprudence justement trop favorable aux salariés discriminés ?
En tout état de cause, si notre amendement ne devait pas être retenu, le groupe communiste républicain et citoyen voterait contre cette proposition de loi.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous ne voulez pas être convaincue !
Sourires
Monsieur le rapporteur, vous avez souligné que ce texte était très attendu et qu’il allait mettre fin à l’incohérence et aux incertitudes de notre droit. Il procède à une refonte d’ensemble, qui était devenue indispensable.
Vous avez rappelé les modifications introduites par l’Assemblée nationale en proposant à votre assemblée de les faire siennes. Je m’en réjouis, car cela permettra une adoption plus rapide de ce texte.
Je vous remercie vivement du travail remarquable que vous avez fait. La proposition de loi qui avait été présentée par le président Hyest lui-même était déjà excellente ; elle n’a d’ailleurs été modifiée qu’à la marge.
Monsieur Yung, vous avez rappelé les principaux débats suscités par ce texte, en soulignant que celui-ci aboutissait à un résultat équilibré. Ce texte améliore la sécurité juridique des créanciers tout en respectant les droits des victimes.
Vous avez appelé de vos vœux quelques précisions, en particulier en matière de discrimination. Vous avez rappelé qu’un amendement avait été adopté à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif aux discriminations et vous souhaitez qu’il soit complété. L’amendement qui a été repris dans la présente proposition est, je crois, pleinement satisfaisant.
De la même façon, il n’y a, selon moi, aucune ambiguïté sur les délais en matière de construction. Nous en discuterons dans quelques instants, lorsque nous examinerons les amendements que vous avez déposés.
Je suis tout à fait d’accord avec vous s’agissant des réclamations de la HALDE ou d’autres associations. Nous aurions pu, bien évidemment, intégrer leurs conclusions dans le texte si nous les avions eues avant, car nous n’avions nullement la volonté de nous en défausser.
Madame Mathon-Poinat, vous considérez que le délai de cinq ans est trop court. Pourtant, cette proposition me semble équilibrée, d’autant que le délai ne courra qu’à partir du moment où l’intéressé connaîtra les faits.
Vous avez exprimé des craintes concernant les discriminations auxquelles les salariés peuvent être confrontés.
La rédaction du paragraphe III de l’article 8 de ce texte prévoit la réparation intégrale du préjudice. Elle ne fait absolument pas obstacle à ce que cette réparation prenne la forme d’un reclassement du salarié. Telle est la jurisprudence actuelle de la Cour de cassation, et il n’y a aucune raison que cette dernière en change. Le texte ne porte aucune atteinte en ce domaine, puisque la rédaction en ce sens est claire.
La Cour de cassation a d’ores et déjà considéré que la référence aux seuls dommages et intérêts dans l’article L. 412-2 du code du travail relatif à la discrimination syndicale ne faisait « pas obstacle à ce que le juge ordonne le reclassement d’un salarié victime d’une discrimination prohibée ». La rédaction adoptée par la proposition de loi est donc satisfaisante. Elle reprend une formulation déjà en vigueur dans le code du travail.
Pour ce qui est de la durée du préjudice prise en compte, le texte que nous discutons améliore la situation des victimes. Aujourd’hui, la Cour de cassation admet de remonter trente ans en arrière. Avec ce texte, c’est la totalité du préjudice qui sera réparé, même si la discrimination a duré quarante ans. Nous avons donc vraiment à cœur de réparer, indemniser le préjudice, quelle que soit la durée. Le délai de prescription n’a aucune incidence sur la durée de la réparation.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, aux termes de l’article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n’ont pas encore adopté un texte identique.
CHAPITRE IER
De la prescription extinctive et de la prescription acquisitive
I. - Non modifié.
I bis. - Après l’article 1792-4 du même code, il est inséré un article 1792-4-3 ainsi rédigé :
« Art. 1792-4-3. - En dehors des actions régies par les articles 1792-3, 1792-4-1 et 1792-4-2, les actions en responsabilité dirigées contre les constructeurs désignés aux articles 1792 et 1792-1 et leurs sous-traitants se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux. »
II. - Sous réserve des dispositions de l’article 2 de la présente loi, le titre XX du livre III du même code est ainsi rédigé :
« TITRE XX
« DE LA PRESCRIPTION EXTINCTIVE
« CHAPITRE I ER
« Dispositions générales
« Art. 2219. - La prescription extinctive est un mode d’extinction d’un droit résultant de l’inaction de son titulaire pendant un certain laps de temps.
« Art. 2220. - Les délais de forclusion ne sont pas, sauf dispositions contraires prévues par la loi, régis par le présent titre.
« Art. 2221. - La prescription extinctive est soumise à la loi régissant le droit qu’elle affecte.
« Art. 2222. - La loi qui allonge la durée d’une prescription ou d’un délai de forclusion est sans effet sur une prescription ou une forclusion acquise. Elle s’applique lorsque le délai de prescription ou le délai de forclusion n’était pas expiré à la date de son entrée en vigueur. Il est alors tenu compte du délai déjà écoulé.
« En cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
« Art. 2223. - Les dispositions du présent titre ne font pas obstacle à l’application des règles spéciales prévues par d’autres lois.
« CHAPITRE II
« Des délais et du point de départ de la prescription extinctive
« Section 1
« Du délai de droit commun et de son point de départ
« Art. 2224. - Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
« Section 2
« De quelques délais et points de départ particuliers
« Art. 2225. - L’action en responsabilité dirigée contre les personnes ayant représenté ou assisté les parties en justice, y compris à raison de la perte ou de la destruction des pièces qui leur ont été confiées, se prescrit par cinq ans à compter de la fin de leur mission.
« Art. 2226. - L’action en responsabilité née à raison d’un événement ayant entraîné un dommage corporel, engagée par la victime directe ou indirecte des préjudices qui en résultent, se prescrit par dix ans à compter de la date de la consolidation du dommage initial ou aggravé.
« Toutefois, en cas de préjudice causé par des tortures ou des actes de barbarie, ou par des violences ou des agressions sexuelles commises contre un mineur, l’action en responsabilité civile est prescrite par vingt ans.
« Art. 2227. - Le droit de propriété est imprescriptible. Sous cette réserve, les actions réelles immobilières se prescrivent par trente ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
« CHAPITRE III
« Du cours de la prescription extinctive
« Section 1
« Dispositions générales
« Art. 2228. - La prescription se compte par jours, et non par heures.
« Art. 2229. - Elle est acquise lorsque le dernier jour du terme est accompli.
« Art. 2230. - La suspension de la prescription en arrête temporairement le cours sans effacer le délai déjà couru.
« Art. 2231. - L’interruption efface le délai de prescription acquis. Elle fait courir un nouveau délai de même durée que l’ancien.
« Art. 2232. - Le report du point de départ, la suspension ou l’interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit.
« Le premier alinéa n’est pas applicable dans les cas mentionnés aux articles 2226, 2227, 2233 et 2236, au premier alinéa de l’article 2241 et à l’article 2244. Il ne s’applique pas non plus aux actions relatives à l’état des personnes.
« Section 2
« Des causes de report du point de départ ou de suspension de la prescription
« Art. 2233. - La prescription ne court pas :
« 1° À l’égard d’une créance qui dépend d’une condition, jusqu’à ce que la condition arrive ;
« 2° À l’égard d’une action en garantie, jusqu’à ce que l’éviction ait lieu ;
« 3° À l’égard d’une créance à terme, jusqu’à ce que ce terme soit arrivé.
« Art. 2234. - La prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l’impossibilité d’agir par suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure.
« Art. 2235. - Elle ne court pas ou est suspendue contre les mineurs non émancipés et les majeurs en tutelle, sauf pour les actions en paiement ou en répétition des salaires, arrérages de rente, pensions alimentaires, loyers, fermages, charges locatives, intérêts des sommes prêtées et, généralement, les actions en paiement de tout ce qui est payable par années ou à des termes périodiques plus courts.
« Art. 2236. - Elle ne court pas ou est suspendue entre époux, ainsi qu’entre partenaires liés par un pacte civil de solidarité.
« Art. 2237. - Elle ne court pas ou est suspendue contre l’héritier acceptant à concurrence de l’actif net, à l’égard des créances qu’il a contre la succession.
« Art. 2238. - La prescription est suspendue à compter du jour où, après la survenance d’un litige, les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation ou, à défaut d’accord écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation ou de conciliation.
« Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter de la date à laquelle soit l’une des parties ou les deux, soit le médiateur ou le conciliateur déclarent que la médiation ou la conciliation est terminée.
« Art. 2239. - La prescription est également suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d’instruction présentée avant tout procès.
« Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée.
« Section 3
« Des causes d’interruption de la prescription
« Art. 2240. - La reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription.
« Art. 2241. - La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.
« Il en est de même lorsqu’elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l’acte de saisine de la juridiction est annulé par l’effet d’un vice de procédure.
« Art. 2242. - L’interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu’à l’extinction de l’instance.
« Art. 2243. - L’interruption est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l’instance, ou si sa demande est définitivement rejetée.
« Art. 2244. - Le délai de prescription ou le délai de forclusion est également interrompu par un acte d’exécution forcée.
« Art. 2245. - L’interpellation faite à l’un des débiteurs solidaires par une demande en justice ou par un acte d’exécution forcée ou la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription contre tous les autres, même contre leurs héritiers.
« En revanche, l’interpellation faite à l’un des héritiers d’un débiteur solidaire ou la reconnaissance de cet héritier n’interrompt pas le délai de prescription à l’égard des autres cohéritiers, même en cas de créance hypothécaire, si l’obligation est divisible. Cette interpellation ou cette reconnaissance n’interrompt le délai de prescription, à l’égard des autres codébiteurs, que pour la part dont cet héritier est tenu.
« Pour interrompre le délai de prescription pour le tout, à l’égard des autres codébiteurs, il faut l’interpellation faite à tous les héritiers du débiteur décédé ou la reconnaissance de tous ces héritiers.
« Art. 2246. - L’interpellation faite au débiteur principal ou sa reconnaissance interrompt le délai de prescription contre la caution.
« CHAPITRE IV
« Des conditions de la prescription extinctive
« Section 1
« De l’invocation de la prescription
« Art. 2247. - Les juges ne peuvent pas suppléer d’office le moyen résultant de la prescription.
« Art. 2248. - Sauf renonciation, la prescription peut être opposée en tout état de cause, même devant la cour d’appel.
« Art. 2249. - Le paiement effectué pour éteindre une dette ne peut être répété au seul motif que le délai de prescription était expiré.
« Section 2
« De la renonciation à la prescription
« Art. 2250. - Seule une prescription acquise est susceptible de renonciation.
« Art. 2251. - La renonciation à la prescription est expresse ou tacite.
« La renonciation tacite résulte de circonstances établissant sans équivoque la volonté de ne pas se prévaloir de la prescription.
« Art. 2252. - Celui qui ne peut exercer par lui-même ses droits ne peut renoncer seul à la prescription acquise.
« Art. 2253. - Les créanciers, ou toute autre personne ayant intérêt à ce que la prescription soit acquise, peuvent l’opposer ou l’invoquer lors même que le débiteur y renonce.
« Section 3
« De l’aménagement conventionnel de la prescription
« Art. 2254. - La durée de la prescription peut être abrégée ou allongée par accord des parties. Elle ne peut toutefois être réduite à moins d’un an ni étendue à plus de dix ans.
« Les parties peuvent également, d’un commun accord, ajouter aux causes de suspension ou d’interruption de la prescription prévues par la loi.
« Les dispositions des deux alinéas précédents ne sont pas applicables aux actions en paiement ou en répétition des salaires, arrérages de rente, pensions alimentaires, loyers, fermages, charges locatives, intérêts des sommes prêtées et, généralement, aux actions en paiement de tout ce qui est payable par années ou à des termes périodiques plus courts. »
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 3 rectifié, présenté par M. Repentin et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le I bis de cet article :
I. bis — Après l’article 1792-7 du même code, il est inséré un article 1792-8 ainsi rédigé :
« Art.1792 -8. - En dehors des cas visés aux articles 1792-3, 1792-4-1, 1792-4-2 et 2226, les actions en responsabilité contre les personnes soumises aux obligations résultant des articles 1792 et suivants du présent code et leurs sous-traitants se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux, avec ou sans réserves, sauf dispositions contractuelles conformes à l’article 2254. »
La parole est à M. Richard Yung.
Comme je l’ai indiqué dans la discussion générale, il nous est apparu que l’article 1er dans sa rédaction actuelle comportait un risque : la création d’un double délai selon les catégories professionnelles visées.
En effet, dans la rédaction retenue par l’Assemblée nationale, le paragraphe I bis de l’article 1er vise non pas l’ensemble des assujettis au régime des garanties légales, mais seulement les constructeurs visés à l’article 1792-1 du code civil.
Cela reviendrait à exclure de la disposition en cause toute une série de professionnels non visés par l’article 1792-1, que je ne vous énumérai pas, la liste figurant dans l’objet de mon amendement.
Contre le risque d’aboutir à un double délai pour les mêmes faits, l’un de vingt ans et l’autre de dix ans, nous souhaitons modifier le paragraphe I bis pour instaurer un délai unique de dix ans.
L’amendement n° 1 rectifié ter, présenté par M. Grignon, Mme Sittler, MM. Le Grand, Hérisson et Richert et Mmes Lamure, Rozier et Malovry, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le I bis de cet article :
I bis. — Après l’article 1792-7 du même code, il est inséré un article 1792-8 ainsi rédigé :
« Art. 1792-8. - En dehors des actions régies par les articles 1792-3, 1792-4-1, 1792-4-2 et 2226, les actions en responsabilité dirigées contre les constructeurs désignés aux articles 1792 et 1792-1 et leurs sous-traitants se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux. »
La parole est à Mme Lucienne Malovry.
L’amendement n° 1 rectifié ter est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 3 rectifié ?
Permettez-moi tout d’abord de préciser que la commission des lois n’a examiné que l’amendement n° 1 déposé par notre collègue Francis Grignon et qu’elle en avait souhaité le retrait.
Il résultait en fait d’une lecture un peu rapide du texte venu de l’Assemblée nationale, puisque l’objet était seulement de valider la jurisprudence de la Cour de cassation, à savoir assimiler la responsabilité contractuelle de droit commun au régime spécifique de la garantie décennale.
L’auteur craignait que la place de l’article destiné à prescrire des actions en responsabilité contractuelle de droit commun ne confère à la prescription un caractère d’ordre public. Mais cela ne changeait rien, car le texte ne visait que des articles existants et non le nouvel article 1792-4-3 introduit par les députés. Il y a donc bien lieu de retirer l’amendement.
J’en viens à l’amendement n° 3 rectifié, qui a été déposé par M. Thierry Repentin et ses collègues.
Sur ce même point, je peux rassurer les auteurs de cet amendement : la place à laquelle est introduit l’article 1792-4-3 ne change strictement rien aux modalités d’application de la disposition.
Ils pourraient donc, eux aussi, retirer l’amendement, et ce d’autant que le code civil vise bien les constructeurs au sens large. Quant aux articles du code de la construction et de l’habitation, qui sont d’ailleurs énoncés dans l’objet de cet amendement, ils visent également le vendeur et les différents intervenants. Enfin, il est bien précisé que le régime de responsabilité est le même que celui des constructeurs énoncé à l’article 1792 du code civil.
Par conséquent, de par la combinaison des deux textes, c’est incontestablement les professionnels dans leur ensemble qui sont concernés et qui obéissent aux mêmes règles de responsabilité que les constructeurs « historiques », que sont l’entrepreneur et l’architecte.
Monsieur Yung, votre amendement comporte deux aspects.
D’une part, vous souhaitez que l’on ajoute certains acteurs du droit de la construction, en particulier les contrôleurs techniques et les promoteurs immobiliers, car vous craignez que, du fait de la nouvelle rédaction de l’article, ils ne soient exclus.
D’autre part, vous souhaitez donner la possibilité d’aménager de manière conventionnelle les délais de prescription.
S’agissant du premier point, je vous répondrai que, non seulement la jurisprudence de la Cour de cassation assimile ces professionnels aux constructeurs, mais qu’en outre la rédaction du nouvel article 1792-4-3 ne les exclut absolument pas. Vous n’avez donc rien à craindre à cet égard.
S’agissant du second point, je rappelle que le nouvel article 2254 traite déjà de l’aménagement conventionnel de la durée de la prescription. Pour éviter une disposition redondante, je vous suggère donc de retirer votre amendement. Si tel n’était pas le cas, le Gouvernement émettrait un avis défavorable.
Puisque j’ai l’assurance et de Mme la garde des sceaux et de M. le rapporteur qu’il n’y aura pas deux catégories de professionnels ni deux catégories de délais, j’accepte de retirer cet amendement.
L’article 1 er est adopté.
Dans la dernière phrase du premier alinéa de l’article 924-4 et le dernier alinéa de l’article 2337 du code civil, la référence : « 2279 » est remplacée par la référence : « 2276 ». –
Adopté.
Dans l’article L. 111-12 du code de la construction et de l’habitation, les références : « 1792-6 et 2270 » sont remplacées par les références : « 1792-4-1, 1792-5 et 1792-6 ». –
Adopté.
I A. - L’article 1er de la loi du 24 décembre 1897 relative au recouvrement des frais dus aux notaires, avoués et huissiers est ainsi modifié :
1° Dans le deuxième alinéa, les mots : « les articles 2272 et » sont remplacés par les mots : « l’article » ;
2° Le quatrième alinéa est supprimé.
I et II. - Non modifiés. –
Adopté.
Dans le dernier alinéa de l’article L. 321-17 du code de commerce, le mot : « dix » est remplacé par le mot : « cinq ». –
Adopté.
L’article 6-3 de la loi n° 71-498 du 29 juin 1971 relative aux experts judiciaires est abrogé. –
Adopté.
Dans l’article 22 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation, la référence : « 2270-1 » est remplacée par la référence : « 2226 ». –
Adopté.
Dans le deuxième alinéa du IV de l’article 9 de la loi n° 86-1020 du 9 septembre 1986 relative à la lutte contre le terrorisme, la référence : « 2270-1 » est remplacée par la référence : « 2226 ». –
Adopté.
I. - Dans le dernier alinéa de l’article L. 3243-3 du code du travail, les mots : « des articles 2274 du code civil et » sont remplacés par les mots : « de l’article ».
II. - Non modifié.
III. - Après l’article L. 1134-4 du même code, il est inséré un article L. 1134-5 ainsi rédigé :
« Art. L. 1134-5. - L’action en réparation du préjudice résultant d’une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination.
« Ce délai n’est pas susceptible d’aménagement conventionnel.
« Les dommages et intérêts réparent l’entier préjudice résultant de la discrimination, pendant toute sa durée. »
IV. - Après l’article 7 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, il est inséré un article 7 bis ainsi rédigé :
« Art. 7 bis . - L’action en réparation du préjudice résultant d’une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination.
« Ce délai n’est pas susceptible d’aménagement conventionnel.
« Les dommages et intérêts réparent l’entier préjudice résultant de la discrimination, pendant toute sa durée. »
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 2, présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
I. Rédiger ainsi le texte proposé par le III de cet article pour l’article L. 1134-5 du code du travail :
« Art. L. 1134 -5. - L’action en réparation du préjudice résultant d’une situation de discrimination se prescrit par dix ans, à compter du moment où la personne physique ou morale discriminée a pu en connaître l’ensemble des éléments.
« Ce délai n’est pas susceptible d’aménagement conventionnel.
« La totalité de la période au cours de laquelle s’est produite la discrimination ouvre droit à réparation. »
II. En conséquence, rédiger ainsi le texte proposé par le IV de cet article pour l’article 7 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires :
« Art. 7 bis. - L’action en réparation du préjudice résultant d’une situation de discrimination se prescrit par dix ans, à compter du moment où la personne physique ou morale discriminée a pu en connaître l’ensemble des éléments.
« Ce délai n’est pas susceptible d’aménagement conventionnel.
« La totalité de la période au cours de laquelle s’est produite la discrimination ouvre droit à réparation. »
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
J’ai déjà partiellement défendu cet amendement lors de mon intervention dans la discussion générale, en évoquant le délai de la prescription que nous aurions souhaité voir fixé à dix ans plutôt qu’à cinq ans.
Avec cet amendement, nous voulons aussi préciser le terme de « révélation » et modifier le point de départ du délai de prescription. La Cour de cassation a certes utilisé la notion de révélation de la discrimination et en a à cette occasion précisé les contours, mais ce ne fut qu’une seule fois, dans un arrêt de mars 2007 ; en outre aucune définition ne figure dans le texte.
Selon la jurisprudence, le préjudice lié à une discrimination n’est exactement connu qu’à compter de la révélation de la discrimination, c’est-à-dire lorsque la victime a pu en prendre la mesure, par exemple grâce à la communication par son employeur des éléments de comparaison nécessaires.
Il ne s’agit d’ailleurs pas nécessairement d’éléments probants. Si cela était le cas, ce serait au salarié, et non à l’employeur, d’apporter la preuve qu’il y a discrimination. Cette distinction est importante. Par conséquent, il ne faudrait pas remplacer une ambiguïté par une autre !
Aussi, nous estimons qu’il faudrait retenir comme point de départ de la discrimination non pas la date de la révélation de cette discrimination, mais le moment où le salarié a pu avoir connaissance de l’ensemble de ces éléments lui permettant de s’estimer victime.
En revanche, notre amendement conserve la phrase introduite sur l’initiative de M. le président de la commission et aux termes de laquelle le délai de prescription « n’est pas susceptible d’aménagement conventionnel ». En effet, en ces temps de rupture négociée du contrat de travail, mieux vaut être prudent !
Enfin, nous avons constaté que la rédaction retenue pour le dernier alinéa de l’article L. 1135-5 du code du travail modifiait tout de même la nature de la réparation : seuls les dommages et intérêts sont évoqués, ce qui tend à donner à la réparation du préjudice une forme strictement pécuniaire, écartant de fait toute possibilité de réintégration.
Il a été modifié sur ce point ! Le maintien de cet alinéa en l’état risquerait donc d’entraîner deux lectures différentes du code !
Mais si vous estimez qu’il n’y a aucune crainte à avoir avec l’article 8 tel qu’il est, autant adopter notre amendement n° 2 pour éviter toute ambigüité ! Mieux vaut redoubler de prudence !
L'amendement n° 4, présenté par M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. - Compléter le premier alinéa du texte proposé par le III de cet article pour l'article L. 1134-5 du code du travail par les mots :
à la victime, c'est-à-dire de la connaissance par celle-ci du manquement et du préjudice en résultant.
II. - Compléter par les mêmes mots le premier alinéa du texte proposé par le IV de cet article pour l'article 7 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983.
La parole est à M. Richard Yung.
Cet amendement trouve son origine dans les longs débats auxquels cet article a donné lieu à l’Assemblée nationale, du fait de l’ambiguïté que recelait, selon nos collègues députés, la définition de la date de départ du délai de prescription.
Chacun s’accorde à dire qu’il faut suivre la jurisprudence de la Cour de cassation, …
…. qui introduit la notion de révélation de la discrimination. Cette révélation peut bien sûr survenir longtemps après les faits. Dans le cas d’une reconstitution de carrière, par exemple, si la carrière d’un salarié a pris six mois de retard tous les quatre ou cinq ans, plusieurs années sont nécessaires avant qu’une discrimination soit susceptible de lui apparaître en comparant sa situation à celle de ses collègues.
Puisqu’il me semble que nous sommes tous d’accord pour lutter contre les discriminations et que l’article 8 va dans ce sens, il serait utile de préciser ce que nous entendons par la date de départ, en précisant que la révélation s’opère lorsque la victime a connaissance du manquement et du préjudice en résultant.
Comme Mme Mathon-Poinat, je pense qu’une telle précision ne contredit en rien ce à quoi nous sommes parvenus et ne remet pas en cause les éléments qui ont été dégagés au cours du débat. Je mets bien sûr de côté, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission, le fait que vous souhaitiez adopter un texte conforme, afin d’éviter une nouvelle navette !
En votant cet amendement, nous ferions œuvre utile et nous rendrions hommage à la jurisprudence de la plus haute juridiction française, ce qui lui serait certainement agréable.
Sourires
Je profite de l’examen de ces amendements pour rappeler les critiques totalement injustifiées dont a fait l’objet la commission des lois, et plus particulièrement la mission d’information sur le régime des prescriptions civiles et pénales qu’elle a mise en place, critiques selon lesquelles elle aurait souhaité faire un mauvais coup aux personnes victimes de discriminations : c’est totalement faux ! Au contraire, nous avions souhaité valider la position de la Cour de cassation.
Dans cette affaire, nous sommes tous animés par la même volonté de protéger les personnes discriminées. C’est ainsi que des amendements émanant de différents groupes de la Haute Assemblée ont été adoptés à l’occasion de l’examen du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Après des discussions assez longues, l’Assemblée nationale en a repris intégralement le contenu dans le présent texte.
Je rappelle également que ces dispositions font suite à une rencontre avec les associations de défense des personnes discriminées. Leur rédaction, qui a donc été bien pesée, reprend la jurisprudence de la Cour de cassation.
Monsieur Yung, je suis tout à fait d’accord avec vous pour dire qu’il faut conforter cette jurisprudence et donc l’inscrire dans la loi.
Le Cour de cassation a indiqué que le point de départ du délai de prescription courait à compter de la « révélation » et non de la « connaissance » de la discrimination. Ce mot de « révélation », auquel sa connotation religieuse confère d’ailleurs une certaine force, n’a certainement pas été choisi au hasard. Il a été précisé qu’il s’agissait du moment où le salarié a pu obtenir tous les éléments lui permettant d’apprécier la discrimination et le préjudice dont il a été victime.
Nous avons donc repris, à juste titre, me semble-t-il, ce terme très général choisi par la Cour de cassation.
Aujourd’hui, certains souhaitent que cette notion soit encore explicitée. J’attire votre attention, mes chers collègues, sur le fait que, à commenter un terme très général à l’aide d’exemples ou de précisions, on prend le risque de l’affaiblir. Car il y aura toujours un cas qui n’entrera pas dans le champ délimité par ces développements. C’est la raison pour laquelle nous ne devons pas aller dans cette voie.
La meilleure façon de conforter la jurisprudence de la Cour de cassation, c’est de reprendre simplement dans la loi le terme auquel elle a eu recours.
Madame Mathon-Poinat, vous vous inquiétiez tout à l’heure du fait que la Cour de cassation n’avait utilisé cette notion qu’une seule fois. Je ne le crois pas : je pense qu’il y a eu plusieurs arrêts recourant à cette notion. Mais, en toute hypothèse, en inscrivant ce terme dans la loi, nous « fixons » cette jurisprudence.
Madame Mathon-Poinat, monsieur Yung, il n’y a donc pas lieu, me semble-t-il, d’adopter ces amendements, que je vous demande de bien vouloir retirer. Très honnêtement, je ne vois pas en quoi ils permettraient d’apporter une quelconque amélioration au texte en discussion, lequel a déjà été adopté par les deux assemblées en termes identiques.
Madame Mathon-Poinat, vous redoutez que le préjudice, en cas de discrimination, ne soit pas intégralement réparé ou indemnisé dans la mesure où un délai de cinq ans paraît restreindre le champ de la réparation.
Votre crainte n’est pas fondée. Une personne victime de discrimination aura cinq ans pour agir. Si elle a été discriminée pendant vingt ans, toutes les années durant lesquelles elle a subi un préjudice seront indemnisées. Ce point est d’ailleurs confirmé par la jurisprudence. Je l’ai d’ailleurs expressément précisé à toutes les associations et collectifs qui m’ont saisie sur cette question.
Le délai de prescription de cinq ans ne fait pas obstacle au reclassement, comme en témoigne la jurisprudence de la Cour de cassation, dont la chambre sociale a rendu, en 2005, un arrêt en ce sens.
Par ailleurs, vous souhaitez que la durée du délai de prescription soit fixée à dix ans. Un délai de cinq ans est considéré comme raisonnable puisqu’il ne fait pas obstacle, je l’ai dit, à la réparation de la totalité du préjudice. En outre, il ne serait pas opportun de fixer un délai dérogatoire pour une matière de droit commun, même si les faits sont graves.
Je vous rappelle également que la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations précise que la charge de la preuve n’incombe pas à l’employé. En effet, c’est à l’employeur de prouver que l’employé n’a pas été discriminé et que les éléments fournis par ce dernier ne constituent pas les preuves d’une discrimination.
Ce dispositif est protecteur de la personne qui se dit discriminée : les garanties qui lui sont apportées sont totales, qu’il s’agisse de la réparation, du délai de prescription ou de la procédure.
Je vous demande donc, madame Mathon-Poinat, de bien vouloir retirer l’amendement n° 2. À défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
Monsieur Yung, vous avez raison de dire que le délai de prescription doit courir à compter de la révélation, non de la connaissance de la discrimination.
Si la personne discriminée ne dispose pas de la totalité des éléments qui lui permettraient d’agir, elle ne perd pas pour autant une partie du délai dont elle dispose pour entreprendre une action en réparation. En effet, le point de départ du délai de prescription, c’est la révélation, au sens large, de la discrimination, ce qui signifie que la personne discriminée dispose d’un certain nombre d’éléments nécessaires pour entreprendre une action en réparation.
La seule connaissance de la discrimination n’est donc pas le point de départ du délai de prescription. Tant que la personne qui se considère comme ayant été discriminée n’est pas en possession de la totalité des éléments lui permettant d’entreprendre une action en réparation, le délai de prescription ne court pas. Le texte est extrêmement clair sur ce point.
Nous avons en effet voulu que les personnes victimes de discriminations puissent faire valoir leurs droits. La révélation de la discrimination, c’est le moment où la personne dispose de la totalité des éléments lui montrant qu’elle a un intérêt à agir.
Par conséquent, monsieur Yung, je vous demande de bien vouloir retirer l’amendement n° 4, faute de quoi le Gouvernement y sera défavorable.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour explication de vote sur l'amendement n° 2.
Madame la garde des sceaux, selon vous, la révélation, c’est le fait de disposer de la totalité des éléments. Or un salarié discriminé ne les aura pas tous en sa possession ! Les éléments probants, ce peut être l’employeur qui les possède !
Si la personne considère qu’elle a été discriminée pendant dix ans, elle doit apporter quelques éléments pour étayer ses affirmations, mais c’est à l’employeur de prouver que le salaire versé, par exemple, ne constitue pas une discrimination. En tout état de cause, c’est non pas à la personne victime d’une discrimination mais bien à l’employeur de démontrer que les salaires qu’elle a reçus, si on les compare à ceux d’autres salariés, résultent ou non d’une discrimination.
Ce dispositif est donc extrêmement protecteur, tandis que la simple connaissance de la discrimination permettrait de faire courir le délai de prescription. La personne qui s’estime victime d’une discrimination doit disposer d’un certain nombre de garanties pour que le délai de prescription commence à courir.
Je tiens à rappeler que nous avons dû préciser les choses en matière de discriminations puisque l’article du code civil relatif au point de départ du délai de droit commun de la prescription extinctive ne paraissait pas suffisamment clair à certains. Il renvoyait, vous vous en souvenez, mes chers collègues, au « jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ».
Avec le concours, notamment, de représentants d’associations et d’avocats, nous avons élaboré, en matière de discriminations au travail, un texte spécifique conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation.
Je tiens à le rappeler parce que c’est sur les termes « a connu ou aurait dû connaître » qu’avait porté l’interrogation de ceux d’entre vous qui nous reprochaient de vouloir remettre en cause la jurisprudence de la Cour de cassation et l’indemnisation totale du préjudice.
Le mot « révélation » introduit pour la première fois dans ce domaine un terme juridique précis.
Selon l’amendement n° 4, il faudrait expliciter ce terme en ajoutant « c’est-à-dire de la connaissance… » ? §Ce n’est pas ainsi qu’on rédige un texte de loi !
Ne l’oublions pas, la formulation que nous avons proposée a été votée par l’ensemble du Sénat lors de l’examen du texte portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Cependant, les dispositions en questions n’ayant pas leur place dans ce dernier texte, l’Assemblée nationale a décidé de les intégrer au sein de la proposition de loi portant réforme de la prescription en matière civile, sans en modifier le contenu, cela a été dit.
L’Assemblée nationale a également voté cette disposition.
Je ne sais quelle explication complémentaire je dois encore vous apporter !
Je trouve singulièrement paradoxal que certains d’entre vous veuillent aujourd'hui revenir sur une rédaction dont nous avions soigneusement pesé les termes et à laquelle le Sénat avait souscrit. Là, je dois avouer que je ne comprends plus très bien vos objections !
Les explications que nous avons données sont parfaitement claires. En effet, la jurisprudence de la Cour de cassation ne peut plus évoluer à partir du moment où la mesure visée devient la loi.
Chaque fois que le Parlement a stabilisé la jurisprudence de la Cour de cassation, elle n’a plus changé.
M. Richard Yung s’exclame.
Sans doute les débats de l’Assemblée nationale ont-ils manqué de limpidité. Mais les députés n’ont pas bénéficié du travail préparatoire que nous avions mené dans le cadre de la mission d’information sur le régime des prescriptions civiles et pénales, alors qu’il s’agit de questions particulièrement complexes.
Je voudrais vraiment faire comprendre à certains d’entre vous qu’il s’agit tout de même là d’une révolution du droit : à partir du moment où le délai de prescription est ramené à cinq ans, le point de départ devient de plus en plus important.
Il l’est d’ailleurs dans de nombreux domaines. Ainsi, j’ai appris, ce matin, que l’Autorité des marchés financiers s’interrogeait à ce sujet au regard de la protection des épargnants : quand fixer le point de départ pour tous les produits dérivés ? Par exemple, dans le cas de la commercialisation de certains produits financiers extrêmement sophistiqués et impliquant beaucoup de risques pour les contractants, à partir de quand court la responsabilité pour une mauvaise commercialisation ? Elle débute à partir de la révélation des faits de mauvaise commercialisation, et non à compter de la souscription du produit. Or cette révélation peut avoir lieu plusieurs années après ladite commercialisation, lorsque, par exemple, le produit a été vendu comme garanti ou associé à un certain type de risque.
Cet exemple montre bien que le point de départ du délai de droit commun de la prescription extinctive sera glissant.
Mes chers collègues, je vous supplie donc de nous suivre.
Croyez-moi, s’il y avait le moindre doute, …
… la navette serait extrêmement utile. Mais, comme nous avons déjà débattu de cette question et puisque l’Assemblée nationale a bien voulu nous suivre sur ce point, il serait tout de même normal que nous ne revenions pas sur ces dispositions.
Madame Mathon-Poinat, êtes-vous convaincue par les arguments de M. le président de la commission, ajoutés à ceux de M. le rapporteur et de Mme la ministre ?
Non, madame la présidente, je ne suis pas totalement convaincue.
M. le président de la commission nous supplie de retirer nos amendements, mais c’est aussi pour éviter une seconde navette ! Il faut pourtant laisser se dérouler le jeu parlementaire !
Vous vous êtes fait battre, de toute façon, sur le délai de dix ans en première lecture !
À la rigueur, je serais prête à me rallier au délai de cinq ans si la seconde partie de mon amendement était acceptée !
Selon moi, il est peut-être meilleur que votre texte ! Mieux vaut avoir deux sûretés qu’aucune !
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis embarrassé pour répondre à la demande du président Hyest.
En vérité, les arguments que je viens d’entendre n’emportent pas totalement mon adhésion. Le seul que j’aie vraiment admis est celui qui a été développé par le rapporteur, nous mettant en garde contre le risque que pourrait comporter le fait d’intégrer dans la loi un terme de jurisprudence de la Cour de cassation, …
… sachant que cette dernière pouvait évoluer et employer un autre terme dans dix ans par exemple. Éviter de « cristalliser », si j’ose dire, les termes exacts de la Cour de cassation me paraît une bonne approche. La « révélation » serait, au fond, la prise de conscience de la vérité dans son intégralité, et non pas l’apparition d’un fait.
Ce sont surtout les arguments de M. le président de la commission qui ne me convainquent pas, d’autant que l’on pourrait dissiper tout doute simplement en adoptant mon amendement.
C’est pourquoi je le maintiens, madame la présidente
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 8 est adopté.
Après l'article 3 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution, il est inséré un article 3-1 ainsi rédigé :
« Art. 3-1. - L'exécution des titres exécutoires mentionnés aux 1° à 3° de l'article 3 ne peut être poursuivie que pendant dix ans, sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long.
« Le délai mentionné à l'article 2232 du code civil n'est pas applicable dans le cas prévu au premier alinéa. » –
Adopté.
I à VIII. - Non modifiés
IX. - Le code des assurances est ainsi modifié :
1° L'article L. 193-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L'article L. 114-3 est applicable à Mayotte. » ;
2° L'article L. 194-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L'article L. 114-3 est applicable dans les îles Wallis et Futuna. » –
Adopté.
I. - Les dispositions de la présente loi qui allongent la durée d'une prescription s'appliquent lorsque le délai de prescription n'était pas expiré à la date de son entrée en vigueur. Il est alors tenu compte du délai déjà écoulé.
II et III. - Non modifiés
–
Adopté.
Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l’objet de la deuxième lecture.
Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Jacques Gautier, pour explication de vote.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, chacun le reconnaît, la situation actuelle du droit de la prescription en matière civile est devenue source de confusion et d’insécurité : les délais sont unanimement jugés trop nombreux, leur décompte se révèle pour le moins délicat et leur qualification, aléatoire.
Grâce à l’initiative du président de la commission des lois, M. Jean-Jacques Hyest, nous faisons aujourd’hui œuvre utile en adoptant cette proposition de loi, qui comporte des avancées significatives.
Ce texte modernise, en effet, les règles de la prescription civile afin de les rendre plus cohérentes et plus lisibles.
Il réduit le nombre et la durée des délais de la prescription extinctive. Il simplifie leur décompte et, enfin, il autorise, sous certaines conditions, leur aménagement contractuel.
Au total, la présente proposition de loi contribue à simplifier notre droit et à accroître la sécurité juridique, deux exigences essentielles auxquelles nous sommes tous, dans cette enceinte, particulièrement sensibles.
Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe UMP adoptera cette proposition de loi, qui permettra d’adapter les règles de la prescription civile à l’évolution de la société et à l’environnement juridique actuel.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Mon explication de vote sera brève, car j’ai déjà indiqué à l’occasion de la discussion générale ce que nous pensions de la présente proposition de loi.
Nous l’avions votée en première lecture. Aujourd'hui, je regrette simplement que nous n’ayons pas été suivis sur l’amendement que j’ai présenté. Sans doute devons-nous apprendre à mieux dialoguer!
Il est vrai que nous avons été alertés un peu tard : si nous avions pu disposer à temps de toutes les informations, nous aurions pu intégrer l’ensemble de cette réflexion en amont.
Malgré cette réserve, mon groupe votera ce texte.
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Nous nous étions abstenus en première lecture.
Nous aurions aimé que nos préoccupations soient prises en considération au cours de cette seconde lecture. Hélas, cela n’a pas été le cas ! Or, je l’avoue, mes doutes persistent.
C’est pourquoi le groupe communiste républicain et citoyen votera contre ce texte.
Je tiens, d’abord, à remercier tous nos collègues qui ont participé à cette discussion.
Ensuite, je veux redire aux auteurs d’amendements que nous avons tous la même préoccupation : faire en sorte que les personnes discriminées obtiennent une indemnisation intégrale préjudice qu’elles ont subi.
Si j’ai émis un avis défavorable sur ces amendements, c’est non parce que je m’y opposais au fond, mais parce que le perfectionnisme qui les inspirait, auquel j’aurais volontiers souscrit, risquait, au contraire, d’affaiblir le texte.
J’insiste : le terme « révélation » recouvre toutes les dispositions visées par ces amendements. Notre formulation est plus synthétique et, donc, plus efficace.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
La proposition de loi est adoptée définitivement.
Au moment où nous envisageons une réforme de nos institutions pour donner davantage de pouvoirs au Parlement, il est intéressant de prouver que la collaboration entre les deux chambres et le travail d’évaluation réalisé par le Parlement permettent aussi d’aboutir à des législations.
Madame le garde des sceaux, je tiens aussi à souligner l’excellence du travail que nous avons accompli avec vous-même et avec vos services ; il a permis d’aboutir à cette grande réforme du code civil, jusque-là considérée comme presque impossible.
Restent, certes, les autres dispositions du droit des obligations. Il n’en demeure pas moins que c’est la voie parlementaire qui a permis de procéder à la réforme de cette partie du code civil.
Mes chers collègues, de temps en temps, nous pouvons être fiers d’être législateur et non pas de simples relais de propositions venues d’ailleurs !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l’UC-UDF. – M. François Fortassin applaudit également.
À l’instar de M. le président de la commission, je me réjouis sincèrement de l’adoption de cette proposition de loi, au terme de débats particulièrement consensuels et constructifs entre les deux assemblées.
Ce texte, pourtant complexe et emportant des conséquences importantes, a été adopté très rapidement, ce qui prouve la grande qualité du travail accompli par la commission, avec le soutien du Gouvernement.
Mes remerciements s’adressent également à M. Laurent Béteille pour son excellent rapport, ainsi qu’à MM. Hugues Portelli et Richard Yung.
Désormais, le défi de la réforme en profondeur du droit de la prescription a été relevé. Ce texte constitue le premier volet d’une réforme plus globale du droit des obligations, texte volumineux en cours d’élaboration à la Chancellerie et que j’espère présenter au conseil des ministres avant la fin du mois de septembre.
Je tiens à souligner que la réforme des délais de prescription constitue non pas une simple correction technique anodine, mais une véritable révolution dans notre droit civil. Dès lors, vos inquiétudes sont compréhensibles. S’agissant des discriminations, nous avons tenté de les apaiser en homogénéisant le délai de prescription en la matière et en le calquant sur le délai de droit commun. Il s’agit là d’une sécurité juridique d’autant plus importante que le code civil est devenu très touffu. En effet, les délais de prescription sont une question essentielle en matière civile parce qu’ils sont la clef de la sécurité juridique.
Pour conclure, je tiens à souligner une nouvelle fois l’excellent travail accompli par la Haute Assemblée, sur l’initiative du président Hyest.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UC-UDF.
L’ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant modernisation du marché du travail (n° 364).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, la commission mixte paritaire, qui s’est réunie mardi au Sénat pour élaborer un texte commun sur les dispositions du projet de loi restant en discussion, est parvenue à un accord. Elle a adopté huit amendements, dont trois ont modifié substantiellement le texte.
Nous avons longuement débattu de l’amendement qui donnait compétence au conseil de prud’hommes pour statuer « en premier et dernier ressort » sur les litiges relatifs à la rupture conventionnelle du contrat de travail. Plusieurs de nos collègues députés, membres de la majorité comme de l’opposition, se sont interrogés sur la compatibilité de cette disposition avec le principe d’unicité de l’instance prud’homale et avec la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui garantit le droit à un procès équitable. Est-il possible, compte tenu de nos engagements internationaux, de supprimer la possibilité de faire appel dans le seul but, parfaitement légitime au demeurant, d’accélérer les procédures ?
Un second argument a été évoqué, portant sur le fait que l’introduction de règles dérogatoires au droit commun en matière contentieuse pourrait susciter une certaine méfiance à l’égard de la rupture conventionnelle, méfiance susceptible de dissuader les salariés de l’accepter.
Pour ces deux raisons essentielles, la commission mixte paritaire a jugé plus prudent de rétablir la possibilité de faire appel. Toutefois, afin d’atténuer l’allongement des procédures qui risque d’en résulter, elle a limité à douze mois le délai pendant lequel un recours en justice pourra être déposé.
Je souligne que ce délai est le même que celui qui a été introduit par la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale en matière de licenciement économique. Nous avons donc simplement procédé à une harmonisation des règles contentieuses.
Je précise également que ce délai de douze mois ne s’impute pas sur le délai de rétractation accordé au salarié ni sur le délai accordé à l’administration pour homologuer la convention de rupture.
Le salarié disposera donc de trois garanties essentielles : d’une part, la possibilité de revenir sur sa décision dans le délai de quinze jours ; d’autre part, le contrôle de l’administration par la voie de l’homologation, qui pourra s’exercer, conformément au souhait du Sénat, pendant quinze jours ouvrables et non pas calendaires ; enfin, le droit d’engager une action en justice pendant les douze mois suivants.
Le deuxième sujet sur lequel nous nous sommes arrêtés a concerné la question complexe du portage salarial.
Nous avions estimé, ici, au Sénat, qu’il était logique d’autoriser les entreprises d’intérim à exercer l’activité de portage salarial dans la mesure où le secteur de l’intérim va être chargé d’organiser cette activité par voie d’accord. Nos collègues députés, ne partageant pas notre analyse, ont considéré que le fait de donner, dès à présent, cette autorisation à l’intérim anticipait sur le résultat de la négociation à venir ; ils ont craint également que la disposition que nous avions votée ne soit mal interprétée et ne soit analysée comme conférant un monopole futur au secteur de l’intérim, ce qui n’était nullement notre intention.
Cela explique que la disposition que nous avions adoptée ait été finalement supprimée par la commission mixte paritaire. Néanmoins, celle-ci a confirmé, conformément au souhait du Sénat, l’obligation faite aux entreprises d’intérim de consulter les fédérations du portage salarial avant de conclure l’accord qui doit organiser cette activité.
Mes chers collègues, au terme de ce parcours législatif, nous pouvons dire que le Parlement s’est montré très respectueux de l’équilibre de l’accord conclu par les partenaires sociaux le 11 janvier dernier, sans pour autant renoncer à son rôle d’amélioration des textes. Nous avons ainsi apporté au projet de loi des aménagements et des compléments qui prolongent les avancées négociées par les organisations syndicales et patronales. J’en veux pour preuve la décision de prévoir un délai de prévenance en cas de rupture d’un contrat à durée déterminée pendant la période d’essai.
Je profite de l’occasion qui m’est donnée en cet instant pour réaffirmer l’attachement de la commission des affaires sociales et du Sénat tout entier au dialogue social.
Nous espérons que cet exercice réussi de réforme du droit du travail par la voie de la négociation collective pourra être renouvelé dans les prochaines semaines, dans les prochains mois, dans les prochaines années.
Ce projet de loi prometteur pose en effet les fondations d’une « flexisécurité » à la française qui devra être complétée et amplifiée pour produire pleinement ses effets.
Il marque également une avancée remarquable dans l’amélioration de la qualité du dialogue social. Nous en félicitons les partenaires sociaux, ainsi que le ministre du travail, Xavier Bertrand, et vous-même, madame la secrétaire d’État, qui avez su créer le climat nécessaire.
M. Pierre Bernard-Reymond. Nous espérons que ce moment ne sera pas qu’un épisode et qu’il constituera, au contraire, une référence pour les dialogues et les négociations à venir.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UC-UDF.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, au terme de l’examen du projet de loi portant modernisation du marché du travail, je voudrais en rappeler l’importance et remercier la Haute Assemblée, spécialement M. le rapporteur, de la qualité de son travail et des discussions qu’elle a permises.
Tout d’abord, il convient donc de souligner l’importance de ce texte.
Cela a été maintes fois souligné au cours des débats, notamment lors de la discussion générale, ce projet de loi marque un moment qu’on peut qualifier d’historique.
Historique, il l’est sur le plan de la méthode. En effet, ce texte est né de l’accord interprofessionnel sur le marché du travail du 11 janvier 2008, premier accord conclu dans le cadre de la loi du 31 janvier 2007 de modernisation du dialogue social. Élaboré en étroite concertation avec les signataires, il donnera force obligatoire aux dispositions de cet accord qui nécessitaient une validation législative, dispositions que ladite concertation a permis d’identifier.
Certains sujets feront l’objet de négociations ultérieures, telles la formation professionnelle, la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ou l’assurance chômage.
D’autres points seront précisés dans les décrets et arrêtés d’application de ce projet de loi. Afin qu’ils puissent paraître aussitôt que la loi aura été promulguée, nous y avons travaillé à la fois avec leurs rédacteurs et avec les parlementaires. Ces projets de décret, que nous vous avons fait parvenir, ont été transmis à la commission nationale de la négociation collective, qui les a examinés le 13 mai dernier. Tel est également le cas de l’arrêté prévoyant le formulaire type pour la rupture conventionnelle.
Enfin, nous avons aussi mis en place le groupe de réflexion tripartite sur le contexte juridique nécessaire pour fixer les montants minimums et maximums des indemnités dues en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Ce groupe, dont la constitution avait été demandée par les signataires de l’accord, s’est réuni le 31 mars et le 2 juin derniers, et poursuivra ses travaux.
Sur le fond, ce projet de loi, en façonnant un nouvel équilibre entre flexibilité et sécurité, marque une première étape vers une « flexicurité » à la française.
La « flexicurité » est dans l’intérêt naturel des entreprises et des salariés : depuis presque vingt-cinq ans, elle attendait de prendre forme en France. Avec ce projet de loi, elle trouve une première traduction équilibrée par l’introduction de garanties et de sécurités nouvelles, d’une part, et la mise en place de souplesses nouvelles, d’autre part, au profit tant des entreprises que des salariés.
Ce projet de loi offre tout d’abord des garanties nouvelles aux salariés.
Il pose un principe essentiel : la forme normale de la relation de travail, la forme de droit commun, est le contrat de travail à durée indéterminée.
Les représentants du personnel seront désormais informés sur le recours prévisionnel aux contrats de travail à durée déterminée et temporaires.
En cas de maladie, l’ancienneté requise pour bénéficier d’une indemnisation complémentaire sera réduite de trois ans à un an.
La durée des stages de fin d’études sera comprise dans la période d’essai, jusqu’à réduire celle-ci de moitié.
Le montant de l’indemnité de licenciement sera unifié par un doublement de celle qui est prévue en cas de licenciement pour motif personnel ; en outre, l’ancienneté nécessaire pour la percevoir passera de deux ans à un an.
Enfin, ce projet de loi pose le principe selon lequel tout licenciement doit être motivé et il clarifie une situation de fait en abrogeant le contrat « nouvelles embauches », le CNE.
Désormais, tout salarié dont le contrat de travail est rompu par son employeur connaîtra le motif de son licenciement, selon le principe contenu dans l’accord. Aux termes de celui-ci, il incombait aux pouvoirs publics de prendre les dispositions nécessaires pour que l’exigence de motivation et de cause réelle et sérieuse en cas de licenciement « s’applique à tous les contrats ». Xavier Bertrand s’y était engagé dès qu’avaient été connus la décision de l’Organisation internationale du travail et les arrêts des cours d’appel qui ont rendu inopérant le CNE.
Pour garantir la plus grande sécurité juridique possible aux entreprises comme aux salariés, il convient de mettre en cohérence le droit et la réalité, dans un souci de pragmatisme, pour éviter aux unes et aux autres de courir des risques inutiles.
Ce projet de loi modernise également les relations individuelles de travail en offrant des règles plus simples, qui s’appuient sur des garanties.
Les partenaires sociaux ont voulu mettre en place de nouvelles périodes d’essai interprofessionnelles par catégories, qui seront donc applicables dans toutes les professions et dans tous les secteurs d’activité.
Ce projet de loi permet aussi au contrat de travail ou aux accords collectifs qui seront conclus après l’entrée en vigueur de la loi de fixer des périodes d’essai plus courtes.
Enfin, ce texte rendra possible la rupture conventionnelle du contrat de travail. Il s’agit là d’un élément de modernisation des relations individuelles de travail. L’employeur et le salarié pourront convenir ensemble de rompre leurs relations de travail dans un cadre légal et bénéficieront, pour ce faire, de garanties telles que l’assistance des parties, un délai de rétractation de quinze jours et l’homologation de leur accord par le directeur départemental du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle. Ces garanties sont reprises par le projet de loi, qui en précise la mise en œuvre.
Il s’agit d’une innovation essentielle dans notre droit qui devrait sécuriser les modes de rupture et réduire la judiciarisation dans notre pays, où un quart des licenciements pour motif personnel donnent aujourd’hui lieu à un recours en justice.
Ce projet de loi offrira enfin aux entreprises des outils pour accompagner et sécuriser leur activité.
Pendant cinq ans sera expérimenté le CDD à objet défini. Il permettra à une entreprise d’embaucher un ingénieur ou un cadre pour une durée de dix-huit à trente-six mois, afin de réaliser un projet. Cela donnera aux entreprises une plus grande souplesse pour recruter les compétences nécessaires sur certaines missions ponctuelles. Un accord collectif devra être préalablement conclu pour garantir les conditions d’utilisation de ce contrat.
Enfin, le portage salarial pourra être encadré par un accord conclu dans les deux ans dans la branche du travail temporaire, comme l’ont souhaité les partenaires sociaux.
L’Assemblée nationale et le Sénat ont amendé sur plusieurs points le texte qui leur était soumis. Je veux saluer le travail des parlementaires, en revenant brièvement sur les principales améliorations qu’ils ont introduites.
Tout d’abord, ils ont souhaité apporter un éclaircissement sur le fait que le salarié qui signera une rupture conventionnelle s’ouvrira des droits à l’assurance chômage. Il s’agit d’une précision importante et les négociations de la future convention d’assurance chômage viendront confirmer ce principe.
Les députés ont spécifié que les parties s’informent mutuellement de l’utilisation qu’elles entendent faire de la possibilité de se faire assister lors de l’entretien prévu en matière de rupture conventionnelle. Ils ont également fait inscrire dans la loi le fait que l’indemnité de rupture de 10 % prévue pour le CDD à objet défini est due par l’employeur au salarié, et non l’inverse, en cas de rupture sur l’initiative du salarié.
Les sénateurs ont clarifié la notion de date anniversaire dans la rupture du contrat pour un motif réel et sérieux, cette rupture pouvant intervenir au bout de dix-huit ou de vingt-quatre mois.
Ensuite, les députés ont complété la sécurisation juridique que nous avons voulu mettre en œuvre pour le CNE, en prévoyant l’application des périodes d’essai conventionnelles pour les CNE requalifiés en CDI.
Enfin, les sénateurs ont précisé l’exigence de consultation des acteurs du portage salarial dans le processus d’encadrement conventionnel de cette activité qui va s’engager dans la branche de l’intérim.
Ces précisions et compléments enrichissent le texte sans le déséquilibrer.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi permet de grandes avancées dans le domaine des relations du travail. S’il marque une étape importante, décisive même, il n’en reste pas moins qu’un long chemin reste à parcourir, car la modernisation de notre économie et de notre marché du travail appelle d’autres accords, en particulier sur la formation professionnelle et l’assurance chômage.
Ce que veulent les Français, ce que nous voulons pour la société française, c’est une modernisation du contrat de travail, une modernisation du droit du travail, une modernisation du marché du travail.
Applaudissements sur les travées de l ’ UC-UDF et de l ’ UMP.
Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, les textes se succèdent devant le Parlement à un rythme effréné...
...et c’est la même mécanique implacable qui s’applique : urgence déclarée – nouvelle norme du calendrier parlementaire ! –, débats au pas de charge où toutes les considérations qui ne sont pas dans la droite ligne idéologique de ce gouvernement, même quand elles viennent de la majorité, sont traitées avec dédain et refus, ...
...quitte à regarder ailleurs au moment du vote ! Puis, c’est un bis repetita dans la seconde chambre et, le cas échéant – merveille de notre Constitution ! –, est réunie une commission mixte paritaire censée mettre tout le monde d’accord, avant de terminer, quoi qu’il arrive, par un nouveau vote peu ou prou identique au premier !
Rien ne change, parce vous disposez d’une majorité qui, à défaut d’être parfaitement d’accord, tente, avec un succès relatif, de rester obéissante ! Rien ne change surtout parce que au Sénat l’alternance politique est tout bonnement impossible.
Tout cela constitue de petits arrangements maison avec la démocratie, sur lesquels, de toute évidence, vous n’êtes pas près de lâcher !
La crainte du Conseil constitutionnel !
Dès le début de l’examen du présent projet de loi, les consignes gouvernementales furent claires : surtout ne rien toucher ! Cette loi ne devait être que la copie conforme du sacro-saint accord national interprofessionnel, l’ANI, du 11 janvier dernier.
Pendant la discussion, le Gouvernement n’a cessé de rejeter toutes les précisions, avancées et autres modifications proposées par l’opposition. Le même traitement fut réservé aux plus minimes ajustements présentés par la majorité. Nous avons tous entendu la même litanie : « Avis défavorable, car cette mesure ne figure pas dans l’accord ». M. Xavier Bertrand et vous-même, madame la secrétaire d'État, vous vous êtes donc posés en gardien du temple ANI, construit selon la méthode du dialogue social telle que la conçoivent le MEDEF et l’UMP : autocélébrations et menaces, explicites ou implicites, exercées sur les syndicats !
M. Henri de Raincourt s’esclaffe.
Aussi, c’est sans surprise que nous avons entendu encore le même argumentaire au cours de la CMP : « On ne touche pas à l’ANI ».
Pourtant, à bien y regarder, cette défense de l’accord n’est pas aussi totale que vous le proclamez. En réalité, le Gouvernement tient, à ce propos, un double langage.
Il faut d’abord mentionner les mesures qui étaient inscrites dans l’ANI mais que vous n’aviez pas jugé utiles de transcrire dans le projet de loi que vous aviez initialement présenté au Parlement. Doit-on vraiment s’étonner que ces mesures « oubliées » soient toutes celles qui allaient dans le sens des salariés ? Je n’en citerai que deux : l’accès aux allocations chômage pour les salariés en cas de rupture conventionnelle et le « bonus » d’indemnités de licenciement de deux quinzièmes de mois de salaire par année d’ancienneté à partir de dix ans d’ancienneté.
L’accès aux allocations chômage a été rétabli dans le texte grâce à un amendement des membres du groupe socialiste de l’Assemblée nationale qui ont pris le Gouvernement au mot et ont simplement demandé que l’ANI soit respecté.
Pour ce qui est du bonus d’ancienneté, alors que vous aviez rejeté nos amendements visant à le réinstituer, vous avez finalement été obligés de le réintégrer par la petite porte du décret.
Autre flagrant délit de double discours de votre part, le non-respect de la disposition de l’accord national interprofessionnel aux termes de laquelle le nouveau CDD de mission ne peut pas être utilisé pour faire face « à un accroissement temporaire d’activité ». C’est écrit noir sur blanc. Or cette modalité encadrant l’utilisation de ce contrat précaire n’est pas reprise dans le projet de loi. Nous vous avons proposé un amendement pour y remédier, respectant ainsi parfaitement l’ANI. Mais non ! Vous avez tout simplement écarté cette précision négociée et obtenue par les syndicats.
On le voit bien, le respect de l’accord signé entre les partenaires sociaux, c’est quand cela vous arrange et quand cela convient aux employeurs !
M. Xavier Bertrand n’a cessé de nous dire que le dialogue social était cher à son cœur, qu’il y croyait sincèrement, que ce projet de loi portant modernisation du marché du travail en serait la première incarnation et que nous entrions véritablement dans une ère nouvelle. Pour notre part, nous n’avons jamais été dupes de ce discours, qui visait surtout à nous tenir en laisse au nom du respect de la démocratie sociale.
Malheureusement, en écoutant les dernières déclarations du Gouvernement et les réactions qu’elles ont provoquées, il semble que nos craintes n’étaient pas infondées. Qui peut encore croire en l’avenir du dialogue social tel que vous entendez le pratiquer ?
Vos annonces sur les 35 heures, votre volonté de passer en force en organisant la négociation et la concertation uniquement lorsque cela sert vos projets risquent de signer l’acte de décès du dialogue social version UMP, un dialogue qui intime puis ordonne.
Lorsque vous savez pouvoir imposer vos vues au travers d’une négociation, vous jouez le jeu, du moins en apparence. En revanche, quand vous savez que vos projets sont si critiquables qu’ils n’ont aucune chance de créer un consensus, ni même un accord, vous écartez d’un revers de la main ce fameux dialogue social... Il n’aura pas fallu longtemps pour que les masques tombent.
Mais revenons à la commission mixte paritaire. Tout au long des échanges que nous avons eus dans ce cadre, comme lors des débats dans les assemblées, il est apparu de façon de plus en plus patente que l’ambition réelle de ce texte était notamment d’éloigner le juge, de faciliter les licenciements en évitant la judiciarisation du droit du travail et d’organiser son basculement dans le giron du droit civil.
J’en veux pour preuve les difficultés que nous avons eues à faire adopter en CMP le fameux amendement tendant à rétablir la possibilité d’appel dans le cas où le juge des prud’hommes serait amené à statuer sur une rupture conventionnelle. Insensibles aux principes généraux du droit qui instaurent la possibilité d’un appel, quelle que soit la juridiction, nos collègues sénateurs de la majorité se sont dans un premier temps opposés à cet amendement en mettant en avant les délais d’appel trop longs, donc générateurs d’insécurité tant pour l’employeur que pour le salarié.
Avec une mauvaise fois évidente, ils suggéraient d’aller directement, si besoin, devant la Cour cassation, dont chacun ici connaît les délais et les coûts.
In fine, nous nous réjouissons de l’adoption de cet amendement qui rétablit le droit élémentaire pour tout citoyen d’accéder librement à tous les degrés de juridiction.
Il n’en reste pas moins que ce texte, qualifié de « modernisation », est à bien des égards une marche arrière.
Madame la secrétaire d'État, justement parce qu’il s’agit de la première concrétisation du dialogue social, notre vigilance de parlementaires se devait d’être exemplaire, parce que tous les sénateurs et les députés devraient être les garants de l’intérêt du plus grand nombre. Telle sera notre attitude, notamment au regard des négociations à venir, qui conditionneront l’équilibre de l’application de cet accord national.
Nous dénonçons ce texte qui ajoute de la sécurité pour les entreprises mais qui garantit de la précarité pour les salariés. Nous dénonçons votre conception de la flexisécurité « à la française », qui fait fi de l’indispensable sécurisation des personnels.
Soumis aux pressions de votre idéologie, les partenaires sociaux sont allés aussi loin qu’ils le pouvaient lors de la négociation. Parce qu’il est respectueux de leur travail, le groupe socialiste s’abstiendra donc sur ce texte. Mais, tant à la vue du triste sort que vous réservez au dialogue social qu’en raison des dérives dangereuses que cette loi met en place, comme dans le poème de Prévert, nous nous abstiendrons avec la tête et nous voterons non avec le cœur.
Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, nous voici arrivés au terme du débat sur ce projet de loi portant modernisation du marché du travail. Vous nous avez répété à l’envi que votre volonté était de respecter le dialogue social et l’accord national interprofessionnel signé le 11 janvier dernier et présenté comme historique.
Cette volonté n’aura duré qu’un temps : la négociation sur les 35 heures s’engage dans un mépris total de la position commune qui s’était dégagée entre la CGT, la CFDT, le MEDEF et la CGPME sur le projet de loi relatif à la représentativité syndicale.
M. le président de la commission des affaires sociales s’exclame.
Vous avez décidé de bafouer délibérément un accord pourtant conclu, comme si le dialogue social, la recherche de consensus et les engagements gouvernementaux n’avaient plus de sens. Et c’en est au point que même Mme Parisot, présidente du MEDEF, consciente des conséquences que cela aura demain, vous invite à faire marche arrière et à respecter la position commune. Cela ne manque pas de sel !
Ma conviction, comme celle du groupe communiste républicain et citoyen, est que l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008 n’est pas, contrairement à vos déclarations, le résultat d’un réel dialogue social. Vos tentatives pour opposer les sénatrices et sénateurs hostiles à ce projet de loi aux syndicats ayant approuvé l’ANI sont restées vaines.
Je tiens à le redire ici : si je regrette la signature des organisations syndicales, je la comprends. Il faut nous resituer dans le contexte.
Quelles solutions leur proposiez-vous ? Pouvaient-elles, sur le fond, remettre en cause l’économie générale de ce projet de loi ? Pouvaient-elles débattre et faire émerger des propositions alternatives en matière de sécurisation des parcours professionnels ou des politiques en matière d’emploi ? Elles ne le pouvaient pas.
Quelle alternative s’offrait alors aux syndicats ? Une seule : votre intervention législative sur une base connue, celle du MEDEF.
Ce ne sont pas les syndicats qui sont à blâmer ; c’est votre conception du dialogue social qui est à dénoncer !
Je ne regrette d’ailleurs rien de la position de mon groupe lors de l’examen de ce projet de loi. Je me souviens d’avoir déploré, avec ma collègue Annie David, que les dispositions les plus favorables aux salariés, très minoritaires dans ce texte, soient renvoyées à plus tard, à des décrets, ou encore à la conclusion d’autres accords. Permettez-moi de vous le dire, le mauvais coup que vous venez de réaliser sur les 35 heures ne fait qu’accroître et conforter nos doutes quant à l’avenir. Nous serons vigilants à l’égard des décrets que vous prendrez, notamment celui qui concernera les indemnités de licenciement pour les salariés ayant plus de dix ans d’ancienneté.
Dans cet hémicycle même, vous nous demandiez, madame la secrétaire d’État, de vous faire confiance. Au vu de ce qui vient de se passer, vous comprendrez que votre capital confiance soit très largement entamé. C’est la raison pour laquelle mes collègues et moi-même resterons mobilisés et attentifs. Nous aurons l’occasion de vous faire part de notre point de vue, tant ce mois-ci, lors de l’examen du projet de loi relatif aux droits et devoirs des demandeurs d’emploi, qu’au mois de juillet, lorsque nous sera soumis le projet de loi relatif aux 35 heures.
Mais si la forme est condamnable, le fond l’est tout autant. Je voudrais commencer, pour ne pas trop vous accabler, par la seule mesure positive de ce projet de loi, à savoir la transformation des CNE en CDI, disposition très attendue par les milliers de nos concitoyens qui avaient dénoncé la création de ce contrat précaire. Et pourtant, lors de nos débats, qu’avons-nous entendu ? À vous croire, cette transformation ne serait que le simple fait de votre bonne volonté. Bel exercice de réécriture de l’histoire, madame la secrétaire d’État !
Permettez-moi de vous rappeler la chronologie des faits. Au mois de juin 2005, le Gouvernement est habilité par le Parlement à prendre des mesures d’urgence, prétendument censées favoriser l’emploi, dont la création du CNE. La CGT, la CFDT, la CFTC, la CFE-CGC et FO demandent au Conseil d’État l’annulation de ces ordonnances, estimant, notamment, que la période d’essai de deux ans et la possibilité de licencier le salarié sans motif sont contraires à la loi.
Au mois de juillet 2007, les cours d’appel de Bordeaux et Paris contredisent le Conseil d’État et considèrent que les ordonnances contreviennent aux engagements internationaux de la France, en particulier à la convention 158 de l’OIT, l’Organisation internationale du travail.
Le 14 novembre 2007, après que le Premier ministre de l’époque, M. de Villepin, eut réussi à repousser à deux reprises l’examen du CNE par l’OIT, cette institution déclare ce dispositif contraire aux engagements internationaux de la France en matière de protection des droits des travailleurs.
Et pourtant, madame la secrétaire d’État, bien décidé à ne pas revenir sur ce projet de loi, M. Xavier Bertrand déclarait le 18 novembre 2007, lors de l’émission « Le Grand Rendez-vous » sur Europe1 : « Dès que j’aurai notification officielle de l’OIT, je vais écrire à l’ensemble des organisations professionnelles pour leur indiquer qu’on ne pourra pas licencier un salarié sans motiver la décision ».
Il aurait été pourtant plus juste, madame la secrétaire d’État, de déposer rapidement, avec l’urgence que vous savez manier, un projet de loi visant à transformer les CNE en CDI.
Au lieu de cela, le 14 janvier 2008, sur France 2, M. Xavier Bertrand conditionnait la fin des CNE à la conclusion de l’ANI en ces termes : « Si l’accord est ratifié par les syndicats et retranscrit dans la loi, cela voudra dire que le CNE est totalement derrière nous ». Curieuse conception que celle qui consiste à conditionner le respect des engagements internationaux de la France à l’adoption par les partenaires sociaux d’un accord propre à notre pays !
Si l’ANI n’avait pas été ratifié, vous auriez donc continué à défendre le CNE, …
…quitte à mépriser plus longtemps encore la convention 158 de l’OIT !
Il aura donc fallu pléthore de décisions de justice, une condamnation par l’OIT et cet accord des partenaires sociaux pour que, enfin, la représentation nationale puisse, au grand dam de la CGPME et de M. Dassault, mettre un point final à ce type de contrat précaire !
Aussi, vous comprendrez, mes chers collègues, que ma satisfaction en la matière reste mitigée, d’autant plus que, avec les articles 4 et 5, vous répondez finalement à l’exigence du MEDEF, qui avait conduit à l’adoption du CNE, à savoir la non motivation du licenciement.
En effet, aux termes de l’article 4, il suffira dorénavant à l’employeur de justifier un licenciement, et non plus de le motiver. La nuance n’est pas anodine : l’employeur qui licenciera un salarié n’aura plus à prouver que le licenciement est fondé ; il lui suffira d’en énoncer les motifs.
Quant à l’article 5, il réaffirme sournoisement, par le biais de la rupture conventionnelle, cette non motivation du licenciement, mais il est vrai que vous appelez cette rupture de contrat non pas un licenciement, mais un « licenciement à l’amiable »...
Pourtant, la rupture conventionnelle contrevient à l’article 7 de la convention 158 de l’OIT, qui prévoit qu’une phase préalable à la séparation doit permettre au salarié et à l’employeur de confronter leurs analyses. Or cela est impossible si, entre l’entretien préalable et le recours contentieux, l’employeur peut modifier à loisir ses griefs, ainsi que vous l’y autorisez avec cette rupture conventionnelle.
Dans cette même logique, vous aviez voulu instaurer une limitation supplémentaire aux droits des salariés, en privant les salariés ayant opté pour la rupture conventionnelle de la possibilité de faire appel d’une décision qu’il leur est défavorable. Cette mesure aurait eu pour conséquence de créer une nouvelle catégorie de salariés. Aux salariés ne disposant déjà plus que de peu de droits, venaient s’ajouter ceux qui en ont « moins que peu ». Vous comprendrez donc que je me réjouisse de l’adoption, par la commission mixte paritaire, de l’amendement de mon groupe, défendu par Annie David, visant à supprimer cette disposition…
…aux termes de laquelle sur tout litige concernant cette rupture conventionnelle « le conseil des prud’hommes […] statue en premier et dernier ressort ».
Mais ce qui vous importe – nous l’avons constaté une nouvelle fois durant ce débat –, c’est de donner au MEDEF, et au patronat dans son ensemble, des gages de bonne conduite. Autant dire que les modifications apportées au droit de licencier apparaissent alors comme une simple contrepartie au « regretté » CNE et à son corollaire, le droit de licencier sans motif.
Ainsi, vous mettez fin aujourd’hui, sous la pression internationale, à une forme de contrat précaire, mais vous en créez deux nouvelles. Le contrat à durée déterminée à objet défini est, comme nous avons pu l’observer au cours des débats, l’une des pierres angulaires de ce projet de loi. Chacun se souviendra de vos interventions, madame la secrétaire d’État, et de celles des sénateurs de votre majorité pour défendre une disposition qui a pour seul objet de précariser plus encore le monde du travail.
Je me souviens, par exemple, d’avoir entendu dire, ici même, dans les rangs de l’UMP, que le modèle social français et le code du travail étaient des freins à la création d’entreprises et à l’emploi. C’est faire peu de considération des statistiques économiques, qui prouvent que le savoir-faire de nos salariés et leur grande productivité font de la France le second pays en termes d’installation d’entreprises, juste après l’Irlande.
Ainsi, un employeur pourra demain embaucher un salarié pour une période déterminée entre dix-huit et trente-six mois, tout en disposant de la possibilité de le licencier au bout de dix-huit, vingt-quatre et, naturellement, trente-six mois.
Par ailleurs, qu’adviendra-t-il du salarié compétent et efficace qui réalise l’objet de son contrat avant son terme ? Son contrat de travail reposant sur l’exécution d’une mission préalablement définie, nul doute que les juridictions analyseront la situation comme étant similaire à l’extinction ou à l’absence d’objet du contrat de travail. Cela aura pour conséquence de conduire à la fin anticipée dudit contrat.
Il y a donc fort à craindre pour la sécurité des parcours professionnels des salariés de notre pays, d’autant plus que, de l’avis de M. le rapporteur, ces contrats de mission et les contrats de portage n’en sont aujourd’hui qu’à un stade expérimental. L’objectif est, demain, de les généraliser à l’ensemble des salariés.
On notera, tout de même, l’évidente contradiction entre cette mesure et les propos du Président de la République, qui déclare chaque jour vouloir augmenter le pouvoir d’achat des Français et ne cesse d’annoncer, avec de faux accents gaulliens, la généralisation du droit à l’intéressement. Car demain, les salariés embauchés sous contrat de mission n’auront comme seul remerciement de leur parfaite mobilisation que le droit d’aller grossir la file des demandeurs d’emploi. Et ne doutez pas qu’entre une prime d’intéressement et le maintien de leur emploi, le choix sera simple. La prime annoncée ne saura jamais compenser la perte de l’emploi.
De surcroît, les débats relatifs à l’offre valable d’emploi, qui se dérouleront ce mois-ci, ne sont pas pour nous rassurer. On voit bien comment, progressivement, vous transformez notre droit, passant du droit au maintien de l’emploi et à la protection du droit à travailler à celui d’employabilité et de flexibilité, qui se limite à replacer le demandeur d’emploi dans un parcours professionnel, quitte à méconnaître ses légitimes attentes, notamment en termes d’adéquation entre le travail proposé et les diplômes obtenus ou les expériences passées.
La qualité de ce qui reste du service public de l’emploi, après la fusion des ASSEDIC et de l’ANPE, s’analysera demain seulement sous l’angle du chiffre, et non plus sous celui de la qualité du reclassement proposé. Ce reclassement sera d’ailleurs de plus en plus le fait de sociétés privées, comme Ingeus.
Que dire du contrat de portage, qui conduit votre gouvernement à l’apothéose de l’individualisation des droits et du libéralisme économique ? Demain, ni l’État ni l’employeur n’auront de responsabilité sociale à l’égard des salariés ainsi recrutés. Il leur appartiendra de rechercher une clientèle, de leur proposer une offre de service, une contrepartie financière, qui intégrera la rémunération de la société de portage, dont le rôle est, dans cette relation triangulaire, pourtant bien limité.
Mais vous poussez très loin la responsabilité du salarié sur son avenir social, puisque vous faites peser sur lui seul l’organisation de son travail et le montant de sa rémunération.
Autant dire que le MEDEF, qui rêve d’une France débarrassée du code du travail et d’une relation entre l’employeur et l’employé régie par la seule relation contractuelle, doit applaudir des deux mains.
Je regrette, par ailleurs, que votre majorité, qui se prononce chaque jour pour le droit à travailler plus, ait refusé d’adopter nos amendements visant à préciser que la forme normale du contrat de travail est le CDI à temps plein. Nous offrions ainsi à votre gouvernement la possibilité de mettre en œuvre la fameuse reconnaissance du travail des salariés. Et pourtant, vous vous y êtes opposés.
On comprend, dès lors, que le fameux droit à travailler plus pour gagner plus n’est, en fait, qu’une obligation de travailler plus, si l’employeur l’exige. Il y a entre vos propos et vos agissements des écarts considérables.
Madame la secrétaire d’État, les sénatrices et sénateurs communistes voteront contre ce projet de loi, ce qui ne vous surprendra pas.
Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, comme nous l’indiquions déjà au commencement de l’examen de ce texte, le projet de loi portant modernisation du marché du travail nous semble aller dans le bon sens.
Certes, idéalement, nous aurions pu attendre d’un texte à l’intitulé si prometteur qu’il soit plus ambitieux, qu’il embrasse la question de la modernisation du marché du travail dans sa globalité.
Nous aurions pu imaginer qu’un projet comme celui-ci prenne la forme d’une loi de programmation globale posant l’architecture d’une véritable flexsécurité à la française en créant un accompagnement substantiel des parcours professionnels.
Dans un tel texte, auraient pu être abordées les questions cruciales que sont l’augmentation de l’indemnisation chômage pour les jeunes, la création d’un bilan d’étape professionnel, le travail précaire, c’est-à-dire le travail temporaire ou le temps partiel subi. Ce texte idéal aurait pu également traiter de l’amélioration de l’orientation des droits et de leur transférabilité, notamment du droit individuel à la formation.
La question du transfert des droits des salariés nous semble en effet centrale. Rattacher les droits des salariés à leur personne plutôt qu’à leur statut permettrait de sécuriser les parcours professionnels. La transférabilité des droits, c’est à notre avis le cœur de la sécurisation de l’emploi, vers laquelle nous devons tendre.
Toutefois, dans le même temps, nous comprenons très bien les raisons concrètes qui ont conduit le Gouvernement à opter pour un morcellement du dossier de la modernisation du marché du travail.
Les partenaires sociaux doivent être à l’origine et au centre d’une telle réforme et le temps de la négociation est par nature plus morcelé que ne l’est celui de la législation.
Le présent texte est cependant porteur d’une bonne nouvelle : le dialogue social, sans lequel rien n’est possible, semble relancé.
L’ANI, l’accord national interprofessionnel, première concrétisation de la loi du 31 janvier 2007 sur la négociation préalable à toute réforme dans le domaine du travail, est peut-être encore lacunaire, mais il a tout de même fait l’objet d’un large consensus et permettra des avancées notables dans le sens d’une flexibilisation du droit du travail et d’une sécurisation des parcours professionnels.
Nous considérons que cet accord interprofessionnel pose les premiers jalons de la flexsécurité à la française que nous appelons de nos vœux depuis plusieurs années.
Le projet de loi qui en légalise les principales dispositions respecte cet équilibre.
Côté sécurité, il vise à abroger le CNE, ainsi que nous le souhaitions dès le début. Il tend, de plus, à entériner plusieurs mesures : affirmation du CDI comme forme normale de la relation de travail, passage de trois ans à deux ans d’ancienneté requise pour bénéficier des indemnités d’assurance maladie complémentaire, obligation de motiver tous les licenciements, amélioration des indemnités légales de licenciement, rétablissement du caractère libératoire du reçu pour solde de tout compte, mutualisation de l’indemnisation des salariés licenciés pour inaptitude et établissement d’un cadre général de la période d’essai.
Côté flexibilité, je relève l’instauration de la procédure de rupture conventionnelle du contrat de travail et la création circonscrite du CDD, dont le terme sera déterminé par la réalisation d’un objet défini.
Pour compléter l’ANI, le projet de loi sur la représentativité syndicale, dont nous débattrons en juillet, ainsi que les négociations sur l’assurance chômage et la formation professionnelle seront déterminants.
Pour l’heure, je ne peux que saluer l’esprit et les apports du débat parlementaire.
L’examen de ce type de textes est toujours délicat pour la représentation nationale : il s’agit de les améliorer sans les dénaturer.
En l’occurrence, je crois que nous y sommes plutôt pas mal parvenus, et ce d’un bout à l’autre de la procédure. Comme l’a rappelé le rapporteur de l’Assemblée nationale, les députés ont veillé à respecter scrupuleusement la lettre et l’esprit de l’accord. Le Sénat a fait de même, sans pour autant s’interdire d’apporter au texte des modifications très positives…
…en ce qui concerne la période d’essai et la rupture conventionnelle du contrat de travail.
S’agissant de la période d’essai, il nous semblait important que la possibilité de renouveler cette période soit mentionnée dans le contrat de travail ou la lettre d’engagement du salarié et que les salariés bénéficient d’un délai de prévenance lorsque leur contrat est rompu en cours de période d’essai.
Au sujet de la rupture conventionnelle du contrat de travail, nous nous réjouissons que le Sénat ait adopté notre amendement tendant à écarter la compétence du conseil des prud’hommes lorsque c’est un avocat salarié qui a rompu son contrat de travail, ces salariés particuliers bénéficiant pour le reste de leur contentieux du travail d’un régime spécifique.
Dans ces conditions, je ne peux que me réjouir que la commission mixte paritaire ait adopté le texte résultant des travaux sénatoriaux presque dans son intégralité.
Mieux encore : tout en conservant les acquis du Sénat, elle a, à nos yeux, beaucoup amélioré le texte en matière de portage salarial.
En effet, les entreprises de portage redoutent aujourd’hui, à bon droit, la puissance des entreprises d’intérim qui vont s’engouffrer dans cette pratique.
C’est pourquoi nous avions déposé un amendement visant à faire en sorte que la convention qu’elles ont conclue constitue le cadre de droit commun du portage. Malheureusement, il n’a pas été adopté.
Plus grave, le Sénat avait autorisé les entreprises de travail temporaire à exercer l’activité de portage salarial alors que dans l’ANI une telle disposition n’était pas prévue : cela pouvait être interprété comme l’octroi d’un monopole à l’intérim et, en tout état de cause, anticipait vraiment le résultat de la négociation qui doit s’ouvrir pour organiser cette activité. Il s’agissait là d’une anticipation plus qu’ambiguë puisque, dans le même temps, le Sénat prévoyait une consultation des entreprises de portage avant la conclusion de l’accord négocié par le secteur de l’intérim.
Cette consultation est un vrai apport du Sénat.
En supprimant l’autorisation des entreprises de travail temporaire d’exercer le portage, la commission mixte paritaire délivre un texte beaucoup plus sage et cohérent dans ce domaine.
Pour toutes ces raisons, le groupe Union centriste-UDF votera en faveur de ce texte.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et au banc des commissions.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, étant appelé à se prononcer avant l’Assemblée nationale, le Sénat se prononce par un seul vote sur l’ensemble du texte.
Je donne lecture du texte de la commission mixte paritaire :
Texte élaboré par la commission mixte paritaire
I. - L'article L. 1221-2 du code du travail est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Le contrat de travail à durée indéterminée est la forme normale et générale de la relation de travail. » ;
2° Dans le dernier alinéa, les mots : « il peut » sont remplacés par les mots : « le contrat de travail peut ».
II. - Le livre III de la deuxième partie du code du travail est ainsi modifié :
1° L'article L. 2313-5 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En l'absence de comité d'entreprise, l'employeur informe les délégués du personnel, une fois par an, des éléments qui l'ont conduit à faire appel, au titre de l'année écoulée, et qui pourraient le conduire à faire appel pour l'année à venir, à des contrats de travail à durée déterminée, à des contrats de mission conclus avec une entreprise de travail temporaire ou à des contrats conclus avec une entreprise de portage salarial. » ;
2° Après le premier alinéa de l'article L. 2323-47, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« À cette occasion, l'employeur informe le comité d'entreprise des éléments qui l'ont conduit à faire appel, au titre de l'année écoulée, et qui pourraient le conduire à faire appel pour l'année à venir, à des contrats de travail à durée déterminée, à des contrats de mission conclus avec une entreprise de travail temporaire ou à des contrats conclus avec une entreprise de portage salarial. » ;
3° L'article L. 2323-51 est complété par un 3° ainsi rédigé :
« 3° Des éléments qui l'ont conduit à faire appel, au titre de la période écoulée, et qui pourraient le conduire à faire appel pour la période à venir, à des contrats de travail à durée déterminée, à des contrats de mission conclus avec une entreprise de travail temporaire ou à des contrats conclus avec une entreprise de portage salarial. »
Texte du Sénat
I. - Le chapitre Ier du titre II du livre II de la première partie du code du travail est complété par une section 4 ainsi rédigée :
« Section 4
« Période d'essai
« Art. L. 1221-19. - Le contrat de travail à durée indéterminée peut comporter une période d'essai dont la durée maximale est :
« 1° Pour les ouvriers et les employés, de deux mois ;
« 2° Pour les agents de maîtrise et les techniciens, de trois mois ;
« 3° Pour les cadres, de quatre mois.
« Art. L. 1221-19-1. - La période d'essai permet à l'employeur d'évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent.
« Art. L. 1221-20. - La période d'essai peut être renouvelée une fois si un accord de branche étendu le prévoit. Cet accord fixe les conditions et les durées de renouvellement.
« La durée de la période d'essai, renouvellement compris, ne peut pas dépasser :
« 1° Quatre mois pour les ouvriers et employés ;
« 2° Six mois pour les agents de maîtrise et techniciens ;
« 3° Huit mois pour les cadres.
« Art. L. 1221-21. - Les durées des périodes d'essai fixées par les articles L. 1221-19 et L. 1221-20 ont un caractère impératif, à l'exception :
« - de durées plus longues fixées par les accords de branche conclus avant la date de publication de la loi n°…. du …. portant modernisation du marché du travail ;
« - de durées plus courtes fixées par des accords collectifs conclus après la date de publication de la loi n° du précitée ;
« - de durées plus courtes fixées dans la lettre d'engagement ou le contrat de travail.
« Art. L. 1221-22. - La période d'essai et la possibilité de la renouveler ne se présument pas. Elles sont expressément stipulées dans la lettre d'engagement ou le contrat de travail.
« Art. L. 1221-23. - En cas d'embauche dans l'entreprise à l'issue du stage intégré à un cursus pédagogique réalisé lors de la dernière année d'études, la durée de ce stage est déduite de la période d'essai, sans que cela ait pour effet de réduire cette dernière de plus de la moitié, sauf accord collectif prévoyant des stipulations plus favorables.
« Art. L. 1221-24. - Lorsqu'il est mis fin, par l'employeur, au contrat en cours ou au terme de la période d'essai définie aux articles L. 1221-19 à L. 1221-23 ou à l'article L. 1242-10 pour les contrats stipulant une période d'essai d'au moins une semaine, le salarié est prévenu dans un délai qui ne peut être inférieur à :
« 1° Vingt-quatre heures en deçà de huit jours de présence ;
« 2° Quarante-huit heures entre huit jours et un mois de présence ;
« 3° Deux semaines après un mois de présence ;
« 4° Un mois après trois mois de présence.
« La période d'essai, renouvellement inclus, ne peut être prolongée du fait de la durée du délai de prévenance.
« Art. L. 1221-25. - Lorsqu'il est mis fin à la période d'essai par le salarié, celui-ci respecte un délai de prévenance de quarante-huit heures. Ce délai est ramené à vingt-quatre heures si la durée de présence du salarié dans l'entreprise est inférieure à huit jours. »
II. - Les stipulations des accords de branche conclus avant la publication de la présente loi et fixant des durées d'essai plus courtes que celles fixées par l'article L. 1221-19 restent en vigueur jusqu'au 30 juin 2009.
Texte du Sénat
Le titre III du livre II de la première partie du code du travail est ainsi modifié :
1° L'article L. 1232-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1232-1. - Tout licenciement pour motif personnel est motivé dans les conditions définies par les dispositions du présent chapitre.
« Il est justifié par une cause réelle et sérieuse. » ;
2° L'article L. 1233-2 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1233-2. - Tout licenciement pour motif économique est motivé dans les conditions définies par les dispositions du présent chapitre.
« Il est justifié par une cause réelle et sérieuse. » ;
3° L'article L. 1234-9 est ainsi modifié :
a) Dans le premier alinéa, les mots : « deux ans » sont remplacés par les mots : « une année » ;
b) Le deuxième alinéa est supprimé ;
c) Dans la première phrase du dernier alinéa, après le mot : « calcul », sont insérés les mots : « de cette indemnité » ;
4° L'article L. 1234-20 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1234-20. - Le solde de tout compte, établi par l'employeur et dont le salarié lui donne reçu, fait l'inventaire des sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail.
« Le reçu pour solde de tout compte peut être dénoncé dans les six mois qui suivent sa signature, délai au-delà duquel il devient libératoire pour l'employeur pour les sommes qui y sont mentionnées. »
Texte élaboré par la commission mixte paritaire
I. - Dans l'article L. 1231-1 du code du travail, après les mots : « ou du salarié », sont insérés les mots : « ou d'un commun accord ».
I bis. - Dans le second alinéa de l'article L. 1233-3 du même code, après les mots : « du contrat de travail », sont insérés les mots : «, à l'exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants, ».
II. - Après la section 2 du chapitre VII du titre III du livre II de la première partie du même code, il est inséré une section 3 ainsi rédigée :
« Section 3
« Rupture conventionnelle
« Art. L. 1237-11. - L'employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie.
« La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties.
« Elle résulte d'une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux dispositions de la présente section destinées à garantir la liberté du consentement des parties.
« Art. L. 1237-12. - Les parties au contrat conviennent du principe d'une rupture conventionnelle lors d'un ou plusieurs entretiens au cours desquels le salarié peut se faire assister :
« 1° Soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise, qu'il s'agisse d'un salarié titulaire d'un mandat syndical ou d'un salarié membre d'une institution représentative du personnel ou tout autre salarié ;
« 2° Soit, en l'absence d'institution représentative du personnel dans l'entreprise, par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l'autorité administrative.
« Lors du ou des entretiens, l'employeur a la faculté de se faire assister quand le salarié en fait lui-même usage. Le salarié en informe l'employeur auparavant ; si l'employeur souhaite également se faire assister, il en informe à son tour le salarié.
« L'employeur peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise ou, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, par une personne appartenant à son organisation syndicale d'employeurs ou par un autre employeur relevant de la même branche.
« Art. L. 1237-13. - La convention de rupture définit les conditions de celle-ci, notamment le montant de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle qui ne peut pas être inférieur à celui de l'indemnité prévue à l'article L. 1234-9.
« Elle fixe la date de rupture du contrat de travail, qui ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l'homologation.
« À compter de la date de sa signature par les deux parties, chacune d'entre elles dispose d'un délai de quinze jours calendaires pour exercer son droit de rétractation. Ce droit est exercé sous la forme d'une lettre adressée par tout moyen attestant de sa date de réception par l'autre partie.
« Art. L. 1237-14. - À l'issue du délai de rétractation, la partie la plus diligente adresse une demande d'homologation à l'autorité administrative, avec un exemplaire de la convention de rupture. Un arrêté du ministre chargé du travail fixe le modèle de cette demande.
« L'autorité administrative dispose d'un délai d'instruction de quinze jours ouvrables, à compter de la réception de la demande, pour s'assurer du respect des conditions prévues à la présente section et de la liberté de consentement des parties. À défaut de notification dans ce délai, l'homologation est réputée acquise et l'autorité administrative est dessaisie.
« La validité de la convention est subordonnée à son homologation.
« L'homologation ne peut faire l'objet d'un litige distinct de celui relatif à la convention. Tout litige concernant la convention, l'homologation ou le refus d'homologation relève de la compétence du conseil des prud'hommes, à l'exclusion de tout autre recours contentieux ou administratif. Le recours juridictionnel doit être formé, à peine d'irrecevabilité, avant l'expiration d'un délai de douze mois à compter de la date d'homologation de la convention.
« Art. L. 1237-15. - Les salariés bénéficiant d'une protection mentionnés aux articles L. 2411-1 et L. 2411-2 peuvent bénéficier des dispositions de la présente section. Par dérogation aux dispositions de l'article L. 1237-14, la rupture conventionnelle est soumise à l'autorisation de l'inspecteur du travail dans les conditions prévues au chapitre Ier du titre Ier du livre IV, à la section 1 du chapitre Ier et au chapitre II du titre II du livre IV de la deuxième partie. Dans ce cas, et par dérogation aux dispositions de l'article L. 1237-13, la rupture du contrat de travail ne peut intervenir que le lendemain du jour de l'autorisation.
« Art. L. 1237-16. - Les dispositions de la présente section ne sont pas applicables aux ruptures de contrats de travail résultant :
« 1° Des accords collectifs de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences dans les conditions définies par l'article L. 2242-15 ;
« 2° Des plans de sauvegarde de l'emploi dans les conditions définies par l'article L. 1233-61. »
II bis. - Dans les articles L. 5421-1 et L. 5422-1 du même code, après les mots : « d'emploi », sont insérés les mots : « ou dont le contrat de travail a été rompu conventionnellement selon les modalités prévues aux articles L. 1237-11 et suivants ».
III. - Le 1 de l'article 80 duodecies du code général des impôts est complété par un 6° ainsi rédigé :
« 6° La fraction des indemnités prévues à l'article L. 1237-13 du code du travail versées à l'occasion de la rupture conventionnelle du contrat de travail d'un salarié lorsqu'il n'est pas en droit de bénéficier d'une pension de retraite d'un régime légalement obligatoire, qui n'excède pas :
« a) Soit deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l'année civile précédant la rupture de son contrat de travail, ou 50 % du montant de l'indemnité si ce seuil est supérieur, dans la limite de six fois le plafond mentionné à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale en vigueur à la date de versement des indemnités ;
« b) Soit le montant de l'indemnité de licenciement prévue par la convention collective de branche, par l'accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi ; ».
IV. - Dans le douzième alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et dans le troisième alinéa de l'article L. 741-10 du code rural, les mots : « de départ volontaire » sont remplacés par les mots : « versées à l'occasion de la rupture conventionnelle du contrat de travail, au sens de l'article L. 1237-13 du code du travail, et les indemnités de départ volontaire ».
V. - Dans le dernier alinéa de l'article 7 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, après le mot : « travail », sont insérés les mots : « ou de la convention de rupture, de l'homologation ou du refus d'homologation de cette convention ».
Texte élaboré par la commission mixte paritaire
Un contrat de travail à durée déterminée dont l'échéance est la réalisation d'un objet défini, d'une durée minimale de dix-huit mois et maximale de trente-six mois, peut être conclu pour le recrutement d'ingénieurs et de cadres, au sens des conventions collectives. Le recours à ce contrat est subordonné à la conclusion d'un accord de branche étendu ou, à défaut, d'un accord d'entreprise.
L'accord de branche étendu ou l'accord d'entreprise définit :
1° Les nécessités économiques auxquelles ces contrats sont susceptibles d'apporter une réponse adaptée ;
2° Les conditions dans lesquelles les salariés sous contrat à durée déterminée à objet défini bénéficient de garanties relatives à l'aide au reclassement, à la validation des acquis de l'expérience, à la priorité de réembauchage et à l'accès à la formation professionnelle continue et peuvent, au cours du délai de prévenance, mobiliser les moyens disponibles pour organiser la suite de leur parcours professionnel ;
3° Les conditions dans lesquelles les salariés sous contrat à durée déterminée à objet défini ont priorité d'accès aux emplois en contrat à durée indéterminée dans l'entreprise.
Ce contrat est régi par le titre IV du livre II de la première partie du code du travail, à l'exception des dispositions spécifiques fixées par le présent article.
Ce contrat prend fin avec la réalisation de l'objet pour lequel il a été conclu, après un délai de prévenance au moins égal à deux mois. Il peut être rompu par l'une ou l'autre partie, pour un motif réel et sérieux, au bout de dix-huit mois puis à la date anniversaire de sa conclusion. Il ne peut pas être renouvelé. Lorsque, à l'issue du contrat, les relations contractuelles du travail ne se poursuivent pas par un contrat de travail à durée indéterminée, le salarié a droit à une indemnité d'un montant égal à 10 % de sa rémunération totale brute.
Le contrat à durée déterminée à objet défini est établi par écrit et comporte les clauses obligatoires pour les contrats à durée déterminée, sous réserve d'adaptations à ses spécificités, notamment :
1° La mention « contrat à durée déterminée à objet défini » ;
2° L'intitulé et les références de l'accord collectif qui institue ce contrat ;
3° Une clause descriptive du projet et mentionnant sa durée prévisible ;
4° La définition des tâches pour lesquelles le contrat est conclu ;
5° L'événement ou le résultat objectif déterminant la fin de la relation contractuelle ;
6° Le délai de prévenance de l'arrivée au terme du contrat et, le cas échéant, de la proposition de poursuite de la relation de travail en contrat à durée indéterminée ;
7° Une clause mentionnant la possibilité de rupture à la date anniversaire de la conclusion du contrat par l'une ou l'autre partie pour un motif réel et sérieux et le droit pour le salarié, lorsque cette rupture est à l'initiative de l'employeur, à une indemnité égale à 10 % de la rémunération totale brute du salarié.
Ce contrat est institué à titre expérimental pendant une période de cinq ans à compter de la publication de la présente loi.
À l'issue de cette période, le Gouvernement présentera au Parlement un rapport, établi après concertation avec les partenaires sociaux et avis de la Commission nationale de la négociation collective, sur les conditions d'application de ce contrat et sur son éventuelle pérennisation.
Texte élaboré par la commission mixte paritaire
I. - Le chapitre Ier du titre V du livre II de la première partie du code du travail est complété par une section 7 ainsi rédigée :
« Section 7
« Portage salarial
« Art. L. 1251-64. - Le portage salarial est un ensemble de relations contractuelles organisées entre une entreprise de portage, une personne portée et des entreprises clientes comportant pour la personne portée le régime du salariat et la rémunération de sa prestation chez le client par l'entreprise de portage. Il garantit les droits de la personne portée sur son apport de clientèle. »
II. - Dans le 1° de l'article L. 8241-1 du code du travail, après les mots : « au travail temporaire, », sont insérés les mots : « au portage salarial, ».
II bis. - Supprimé par la commission mixte paritaire
III. - Par exception aux dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 2261-19 du code du travail et pour une durée limitée à deux ans à compter de la publication de la présente loi, un accord national interprofessionnel étendu peut confier à une branche dont l'activité est considérée comme la plus proche du portage salarial la mission d'organiser, après consultation des organisations représentant des entreprises de portage salarial et par accord de branche étendu, le portage salarial.
Texte du Sénat
Dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé, au plus tard le dernier jour du douzième mois suivant la publication de la présente loi, à prévoir par ordonnance, dans le code du travail maritime, les mesures d'adaptation et les dispositions de cohérence nécessaires à l'application de la présente loi aux personnes exerçant la profession de marin.
Le projet de loi de ratification de cette ordonnance est déposé devant le Parlement, au plus tard, le dernier jour du deuxième mois suivant sa publication.
Sur les articles du texte de la commission mixte paritaire, je ne suis saisie d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?...
Le vote est réservé.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je donne la parole à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe UMP se réjouit de l’adoption de ce texte, qui, comme l’a dit Mme Payet, va permettre d’introduire plus de flexibilité dans les relations de travail, tout en apportant – j’insiste sur ce point – de véritables garanties aux salariés.
Il s’agit d’une étape importante. Dans un contexte concurrentiel, nous devons en effet améliorer nos capacités d’adaptation, et en particulier celles de nos entreprises.
De plus, pour moi qui fus rapporteur du projet de loi de modernisation du dialogue social, le présent projet de loi est remarquable sur le plan du dialogue social : il reprend les dispositions de l’accord interprofessionnel du 11 janvier dernier, par lequel les partenaires sociaux ont su trouver des points d’entente pour rendre notre droit plus souple. Je tiens à féliciter le Gouvernement, qui a joué un rôle très actif dans l’ensemble du processus et a respecté, comme il se l’était imposé, les termes de l’accord.
C’est un succès du dialogue social, qui donne une légitimité supplémentaire à la loi de modernisation du dialogue social votée voilà quelque quinze mois.
Je veux une nouvelle fois – nous l’avons fait en commission et en séance publique – remercier M. le rapporteur pour la qualité de son travail. Ses propositions ont permis d’améliorer très sensiblement le projet de loi, tout en respectant l’équilibre de l’accord initial : les partenaires sociaux, qui ne souhaitaient pas que l’on y touche vraiment, nous avaient fortement incités à agir ainsi.
Parmi les enrichissements notables apportés par le Sénat figurent des dispositions concernant la période d’essai. Nos travaux ont également permis d’améliorer la procédure suivie en matière de rupture conventionnelle. Par ailleurs, a été introduite une disposition importante pour les sociétés de portage. Mais je ne reprendrai pas les propos tenus sur ce point par Mme Payet.
Le projet de loi constitue une première application positive – j’espère que d’autres suivront – de la loi de modernisation du dialogue social du 31 janvier 2007. Notre groupe le votera avec grand plaisir.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Mme Anne-Marie Payet applaudit également.
Personne ne demande plus la parole ?...
Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil modifiant la décision 97/126/CE concernant la conclusion de l’accord entre la Communauté européenne, d’une part, et le gouvernement du Danemark et le gouvernement local des îles Féroé, d’autre part.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3880 et distribué.
J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
- Projet d’action commune du Conseil modifiant et prorogeant l’action commune 2005/190/PESC relative à la mission intégrée « État de droit » de l’Union européenne pour l’Iraq, EUJUST LEX.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3881 et distribué.
J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
- Projet d’action commune du Conseil modifiant et reconduisant l’action commune 2007/405/PESC relative à la mission de police de l’Union européenne menée dans le cadre de la réforme du secteur de la sécurité (RSS) et à son interaction avec la justice en République démocratique du Congo (EUPOL RD Congo).
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3882 et distribué.
J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
- Projet d’action commune du Conseil modifiant et prorogeant l’action commune 2007/406/PESC relative à la mission de conseil et d’assistance de l’Union Européenne en matière de réforme du secteur de la sécurité en République démocratique du Congo (RDC).
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3883 et distribué.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 10 juin 2008, à seize heures quinze et le soir :
1. Discussion de la proposition de loi (n° 260, 2007-2008), adoptée par l’Assemblée nationale, complétant l’article 6 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.
Rapport (n° 371, 2007-2008) de M. René Garrec, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale.
2. Discussion du projet de loi (n° 308, 2006-2007) portant adaptation du droit pénal à l’institution de la Cour pénale internationale.
Rapport (n° 326, 2007-2008) de M. Patrice Gélard, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée à dix-sept heures vingt-cinq.