Intervention de Yves Détraigne

Réunion du 5 juin 2008 à 9h30
Cour des comptes et chambres régionales des comptes — Article additionnel après l'article 29 bis, amendement 20

Photo de Yves DétraigneYves Détraigne :

C’est donc à cette occasion qu’il s’aperçoit que les fonds versés à cette structure satellite ont financé des actions publiques qui n’auraient pas dû échapper à la comptabilité publique.

Je comprends qu’une assemblée comme le Sénat, qui est composée essentiellement d’élus locaux ordonnateurs – je le suis moi-même à trois reprises, en tant que maire, président d’une communauté de communes et président d’un syndicat départemental dans la Marne –, soit tentée de limiter la possibilité pour le juge des comptes de tomber sur une gestion de fait.

Toutefois, il faut comprendre que la gestion de fait n’a pas pour objet de couvrir d’infamie un ordonnateur ou de le traîner devant la juridiction pénale, même si – il faut le reconnaître – cela arrive parfois. Cette procédure sert à réintégrer dans la comptabilité publique des écritures comptables qui n’auraient pas dû en sortir, et c’est tout.

Or, à l'occasion de l’examen de ce projet de loi, nous allons modifier substantiellement les procédures suivies devant le juge des comptes, qu’il s’agisse de la Cour des comptes ou des chambres régionales ou territoriales des comptes. Nous allons passer de la règle dite « du double arrêt » ou « du double jugement » à celle dite « du simple arrêt » ou « du simple jugement ».

En outre, nous allons offrir au ministère public la faculté de soulever, ou non, l’existence ou le soupçon d’une gestion de fait. Cette procédure réduira naturellement le risque de déclarations abusives de gestion de fait, comme il y en a eu – je ne le conteste pas –, notamment durant les premières années de fonctionnement des chambres régionales des comptes.

En effet, le ministère public sera juge de l’opportunité de soulever l’existence, ou le soupçon, d’une gestion de fait devant les chambres des comptes comme devant les juridictions judiciaires, et nous pouvons lui faire confiance pour ne pas lancer abusivement cette procédure.

Or, si nous réduisons la durée de la prescription à cinq ans, nous risquons de voir le ministère public soulever à titre conservatoire certaines gestions de fait parce que le rapporteur de la chambre régionale des comptes n’aura pas eu le temps d’examiner complètement l’opération. Ainsi, le remède serait pire que le mal et les gestions de fait plus nombreuses qu’auparavant !

Il me paraîtrait donc sage de laisser un délai raisonnable au rapporteur des chambres régionales des comptes pour que celui-ci puisse examiner non seulement la comptabilité publique, mais aussi les comptabilités annexes, qui pourraient faire naître des éventuels soupçons de gestion de fait.

Certes, je me doute que la mesure présentée dans le sous-amendement n° 20 rectifié n’est pas très populaire, car elle accorde aux rapporteurs une année supplémentaire pour soulever éventuellement une gestion de fait.

Toutefois, je le répète, nous allons instituer une procédure dans laquelle, désormais, il appartiendra au ministère public de conclure, ou non, à l’existence d’une telle situation. Dès lors, il y a moins de risques à laisser au rapporteur de la chambre régionale des comptes un délai raisonnable pour accomplir son travail qu’à inciter le ministère public, parce que le temps a manqué pour examiner correctement l’affaire, à soulever à titre conservatoire une gestion de fait qui n’en est peut-être pas une ! §

Mes chers collègues, je constate que mes propos suscitent certaines réactions, ce qui était déjà le cas hier lors de la réunion de la commission des lois, mais je crois que l’intérêt de l’ordonnateur, sur lequel pourrait peser la menace d’une gestion de fait, est bien de laisser le juge des comptes faire complètement son travail, surtout dans le cadre de la nouvelle procédure que nous allons instituer, plutôt que de le pousser à boucler au plus vite l’opération.

Puisque l’on veut harmoniser les prescriptions, il me paraît donc sage d’aligner la gestion de fait sur la prescription de six ans qui s’applique aujourd'hui au comptable public, au lieu d’en rester au délai actuel de dix ans ou de fixer une durée de cinq ans pour tout le monde.

D'ailleurs, la prescription court non pas à compter de l’ouverture des comptes, mais de la réalisation de la gestion de fait. Et, comme je l’indiquais au début de mon intervention, même si l’on nous affirme que le contrôle est « triennal, voire quadriennal », telle n’est pas la réalité, l’ouverture des comptes ayant lieu plutôt quatre ans que trois ans après leur clôture.

Je pense donc que, pour la régularité des comptabilités publiques, et dans l’intérêt des ordonnateurs, le délai de cette prescription devrait être fixé à six ans. Tel est l’objet de ce sous-amendement.

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