Intervention de Rachida Dati

Réunion du 5 juin 2008 à 9h30
Réforme de la prescription en matière civile — Article 8, amendement 2

Rachida Dati, garde des sceaux :

Madame Mathon-Poinat, vous redoutez que le préjudice, en cas de discrimination, ne soit pas intégralement réparé ou indemnisé dans la mesure où un délai de cinq ans paraît restreindre le champ de la réparation.

Votre crainte n’est pas fondée. Une personne victime de discrimination aura cinq ans pour agir. Si elle a été discriminée pendant vingt ans, toutes les années durant lesquelles elle a subi un préjudice seront indemnisées. Ce point est d’ailleurs confirmé par la jurisprudence. Je l’ai d’ailleurs expressément précisé à toutes les associations et collectifs qui m’ont saisie sur cette question.

Le délai de prescription de cinq ans ne fait pas obstacle au reclassement, comme en témoigne la jurisprudence de la Cour de cassation, dont la chambre sociale a rendu, en 2005, un arrêt en ce sens.

Par ailleurs, vous souhaitez que la durée du délai de prescription soit fixée à dix ans. Un délai de cinq ans est considéré comme raisonnable puisqu’il ne fait pas obstacle, je l’ai dit, à la réparation de la totalité du préjudice. En outre, il ne serait pas opportun de fixer un délai dérogatoire pour une matière de droit commun, même si les faits sont graves.

Je vous rappelle également que la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations précise que la charge de la preuve n’incombe pas à l’employé. En effet, c’est à l’employeur de prouver que l’employé n’a pas été discriminé et que les éléments fournis par ce dernier ne constituent pas les preuves d’une discrimination.

Ce dispositif est protecteur de la personne qui se dit discriminée : les garanties qui lui sont apportées sont totales, qu’il s’agisse de la réparation, du délai de prescription ou de la procédure.

Je vous demande donc, madame Mathon-Poinat, de bien vouloir retirer l’amendement n° 2. À défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.

Monsieur Yung, vous avez raison de dire que le délai de prescription doit courir à compter de la révélation, non de la connaissance de la discrimination.

Si la personne discriminée ne dispose pas de la totalité des éléments qui lui permettraient d’agir, elle ne perd pas pour autant une partie du délai dont elle dispose pour entreprendre une action en réparation. En effet, le point de départ du délai de prescription, c’est la révélation, au sens large, de la discrimination, ce qui signifie que la personne discriminée dispose d’un certain nombre d’éléments nécessaires pour entreprendre une action en réparation.

La seule connaissance de la discrimination n’est donc pas le point de départ du délai de prescription. Tant que la personne qui se considère comme ayant été discriminée n’est pas en possession de la totalité des éléments lui permettant d’entreprendre une action en réparation, le délai de prescription ne court pas. Le texte est extrêmement clair sur ce point.

Nous avons en effet voulu que les personnes victimes de discriminations puissent faire valoir leurs droits. La révélation de la discrimination, c’est le moment où la personne dispose de la totalité des éléments lui montrant qu’elle a un intérêt à agir.

Par conséquent, monsieur Yung, je vous demande de bien vouloir retirer l’amendement n° 4, faute de quoi le Gouvernement y sera défavorable.

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