Intervention de Émilienne Poumirol

Réunion du 9 novembre 2023 à 11h00
Plein emploi — Vote sur l'ensemble

Photo de Émilienne PoumirolÉmilienne Poumirol :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi dit « pour le plein emploi » se situe dans la droite ligne de l’idéologie néolibérale qui a déjà présidé à la réforme régressive de l’assurance chômage et à la réforme injuste des retraites. Loin de traiter des sujets d’insertion par l’emploi ou de qualité du travail, il ne fait que mettre à mal une nouvelle fois les droits sociaux en France.

Dans cet exercice, le Gouvernement s’est trouvé un allié toujours fidèle quand il s’agit de stigmatiser les bénéficiaires du RSA. La droite du Sénat et celle de l’Assemblée nationale ont en effet répondu présent quand il s’est agi de renforcer le conditionnement et les sanctions pour les bénéficiaires du RSA.

Ainsi, la commission mixte paritaire a retenu la mesure visant à conditionner le RSA à une durée hebdomadaire d’activité d’au moins - au moins ! - quinze heures.

Néanmoins, un flou entoure le contenu concret de ces activités, de la formation aux mises en situation en passant par les remobilisations individuelles ou collectives ; et les moyens accordés à l’accompagnement individualisé des bénéficiaires du RSA et des personnes en recherche d’emploi restent tout aussi flous.

Serait-ce du travail forcé et à bas coût ? Il y a de quoi s’interroger…

Finalement, le Gouvernement a fait sienne la logique de la députée Les Républicains Valérie Bazin-Malgras, qui avait déposé une proposition de loi visant à conditionner le versement du revenu de solidarité active à l’aide active aux vendanges et récoltes agricoles saisonnières.

Ce projet de loi est la traduction d’une pensée simpliste, qui fait des pauvres des assistés ou des paresseux qui ne peuvent avancer qu’à coups de bâton.

Pourtant, cette philosophie ne mène qu’à une précarisation et à une paupérisation de notre société. Toute la recherche en sciences sociales et en économie démontre que la sanction ne produit que du non-recours et de l’exclusion. Ces mesures de suspension-remobilisation ne seront donc pas efficaces.

Le corollaire de ces sanctions serait l’accompagnement renforcé ; mais rien n’est précisé dans le texte. Pas un mot sur les effectifs ou les moyens nécessaires. Les personnes privées durablement d’emploi ont besoin d’un accompagnement de qualité, soutenu et adapté à chacun.

Passer de 40 % des allocataires du RSA inscrits à Pôle emploi à 100 % exigera des moyens considérables qui ne sont pas définis dans ce texte.

Pour mémoire, il y a vingt ans, 20 % environ des dépenses du revenu minimum d’insertion (RMI) étaient consacrées à l’accompagnement des bénéficiaires de cette aide ; aujourd’hui, seules 10 % des dépenses du RSA sont liées à cet accompagnement.

Sans moyens et sans ambition, cet accompagnement renforcé – que nous appelons pourtant de nos vœux – n’est qu’une illusion.

Nous déplorons également que ce texte consacré au plein emploi ne donne lieu à aucune considération par le Gouvernement des raisons qui empêchent de retrouver un emploi. Parmi ces freins périphériques, je pense notamment aux problèmes de mobilité, de niveau de rémunération, de qualité ou de pénibilité de l’emploi, ou d’attractivité même du métier. Ces dimensions sont pourtant essentielles dans la recherche du plein emploi. De la même manière, la lutte contre la pauvreté, la question du non-recours – qui sera aggravé par ce texte – ou celle du reste à vivre ne sont pas traitées.

Ce texte développe une vision purement « adéquationniste » de l’emploi, avec, d’un côté, des gens qui ne travaillent pas, inscrits obligatoirement sur la liste des demandeurs d’emploi, et de l’autre, des entreprises qui peinent à recruter. Il suffirait de les mettre en relation et de sanctionner les personnes qui ne peuvent obéir à cette logique pour arriver au plein emploi !

Ce texte vise également à recentraliser la gestion des demandeurs d’emploi. Il prive de leurs compétences exclusives les régions et les départements ou encore les missions locales pour les jeunes, qui bénéficient pourtant d’une expérience et d’une qualification dans la gestion de ces sujets.

Enfin, si nous ne pouvons qu’être favorables à la création d’un service public de la petite enfance, nous regrettons que le texte reste muet quant aux moyens accordés aux collectivités pour l’assurer efficacement. Nous déplorons d’ailleurs qu’un sujet si important pour nos concitoyens ne fasse pas l’objet d’un texte plus complet et ne soit évoqué qu’au détour d’un texte sur l’emploi.

On ne saurait voir le service public de la petite enfance comme un simple service aux parents pour leur permettre de travailler : il doit assurer un service éducatif aux jeunes enfants.

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain a proposé une vision alternative à ce projet de loi : celui d’un droit opposable à l’accompagnement du bénéficiaire et un minimum social inconditionnel bénéficiant également aux jeunes. Ce texte fait peser l’entière responsabilité de leur situation sur les bénéficiaires du RSA, tandis qu’il signe également l’échec de Pôle emploi, qui les a accompagnés dans leur recherche d’emploi sans succès.

Nous souhaitons la création d’un véritable service public de l’emploi qui garantisse un accompagnement adapté pour faciliter la réinsertion sociale et professionnelle de chacun.

Ce texte est aussi inefficace que brutal : le groupe SER ne le votera pas.

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