Dans votre rapport, vous avez parfaitement rappelé les critères de cette jurisprudence et leurs conséquences juridiques sur les statuts des futures sociétés publiques locales, ou SPL.
Deux conditions cumulatives doivent en effet être réunies : d’une part, l’autorité publique doit exercer sur la personne en cause un contrôle analogue à celui qu’elle exerce sur ses propres services ; d’autre part, la société publique locale doit réaliser l’essentiel de son activité avec la ou les collectivités qui la détiennent.
Les conséquences juridiques sur le régime des sociétés publiques locales sont donc les suivantes.
Premièrement, celles-ci devront prendre la forme de sociétés anonymes régies par le code de commerce, sous réserve des dispositions spécifiques prévues pour les sociétés d’économie mixte locales.
Deuxièmement, leur capital sera composé d’au moins deux actionnaires et il sera entièrement détenu par des collectivités territoriales et leurs groupements.
Troisièmement, leur objet social sera déterminé par référence aux compétences attribuées par la loi aux collectivités : opérations d’aménagement ou de construction, exploitation de services publics industriels et commerciaux ou toutes autres activités d’intérêt général.
Quatrièmement, leur activité s’exercera pour le compte exclusif de leurs actionnaires et sera limitée au territoire des collectivités territoriales ou groupements actionnaires.
Il me paraissait nécessaire de rappeler ces règles, qui ont d’ailleurs été renforcées en première lecture, même si toutes les inquiétudes n’ont pas disparu, y compris dans des secteurs qui, me semble-t-il, n’entrent pas spontanément dans le champ d’activité des sociétés publiques locales envisagées par les auteurs de la proposition de loi. Je pense par exemple au secteur funéraire.
Nous devons collectivement veiller à la fiabilité de ce nouveau cadre juridique et répondre aux inquiétudes qui subsisteraient encore sur les contours et l’activité des futures sociétés publiques locales. Certains acteurs économiques ont pu, en effet, exprimer la crainte de voir les missions et les prestations de service public échapper aux règles de mise en concurrence prévues par le droit communautaire. Une saisine ultérieure de la Cour de justice de l’Union européenne n’est d’ailleurs pas totalement à exclure et, vous en conviendrez, rien ne serait plus désastreux pour les collectivités territoriales elles-mêmes qu’un outil juridiquement peu fiable.
C’est pourquoi le Gouvernement, en première lecture, a déposé ou soutenu des amendements visant à sécuriser le dispositif, et il se réjouit que ceux-ci aient été adoptés.
Nous allons examiner dans quelques instants sept amendements parlementaires qui visent soit à renforcer le contrôle des sociétés publiques locales, soit à en réduire le champ d’activité.
À ce stade du débat, je voudrais formuler brièvement trois séries de remarques.
Permettez-moi, tout d’abord, de rappeler quelques principes sur le cadre juridique.
Premier principe : à l’instar des sociétés publiques locales d’aménagement, les futures sociétés publiques locales ne pourront exercer leurs activités que pour leurs seuls actionnaires. Cette précision est importante.
Deuxième principe : le champ d’activité des sociétés publiques locales devra correspondre strictement aux compétences des collectivités territoriales actionnaires et s’exercer uniquement sur leur territoire.
Troisième principe : en dehors des groupements de collectivités territoriales, les établissements publics ne pourront figurer parmi les actionnaires de la société.
Quatrième principe : la jurisprudence communautaire exige que le contrôle exercé par l’autorité publique soit analogue – j’insiste sur ce mot – à celui qu’elle exerce sur ses propres services. À défaut, le juge communautaire estimerait que le lien de type « in house » entre la personne publique et la société est rompu.
Cinquième principe, enfin : ce lien, qui doit être examiné au cas par cas, est une dérogation aux règles de mise en concurrence définies par le droit communautaire.
J’en viens maintenant à une deuxième série de remarques : les SPL vont s’insérer dans un dispositif de contrôle existant, que je voudrais rappeler.
Premièrement, les dispositions du code de commerce qui s’appliquent en la matière vont introduire le contrôle d’un commissaire aux comptes et la nécessité de certifier les comptes.
Deuxièmement, différents outils de contrôle seront à la disposition des collectivités territoriales et de leurs groupements en leur qualité d’actionnaires : l’examen des rapports annuels réalisés par leurs mandataires, l’analyse des comptes rendus d’exécution des missions confiées aux sociétés publiques locales et, plus généralement, l’organisation par les statuts d’un mode de gouvernance spécifique garantissant effectivement le contrôle analogue – j’insiste de nouveau sur ce mot – nécessaire à la situation de quasi-régie.
Troisièmement, le contrôle de légalité du préfet s’appliquera de plein droit ; il sera même renforcé, car l’article L. 1524–1 du code général des collectivités territoriales introduit un contrôle spécifique en la matière.
Ce contrôle donne au préfet un droit d’information en organisant une procédure de transmission obligatoire de certains actes des sociétés d’économie mixte. Ce dispositif sera applicable aux sociétés publiques locales. Ainsi, les délibérations du conseil d’administration ou de surveillance, les rapports annexés, le budget, le compte de résultat, et leurs annexes, devront être transmis au préfet.
Quatrièmement, enfin, le préfet peut toujours saisir la chambre régionale des comptes lorsqu’il estime qu’une délibération est de nature à augmenter gravement la charge financière d’une ou de plusieurs collectivités ou groupements actionnaires.
Troisième série de remarques : si le droit applicable aux sociétés publiques locales devait soulever, à l’usage, des difficultés d’application, il conviendrait de réfléchir, tous ensemble, à une adaptation ultérieure des textes.
La proposition de loi ne prévoyant pas de décret d’application, la future loi sera donc d’application immédiate, dès sa publication. Il me semble toutefois de bonne gestion d’envisager une circulaire d’application destinée à rappeler le cadre juridique des sociétés publiques locales, notamment les précautions que devront prendre les collectivités territoriales.
De même, dans la mesure où nous n’avons que peu de recul par rapport à l’expérimentation relative aux sociétés publiques locales d’aménagement, je ne m’interdis pas de penser que des ajustements seront peut-être nécessaires à l’issue des premiers retours d’expérience.
Nous créons en effet aujourd’hui un instrument juridique nouveau en faveur des collectivités locales, nous appuyant en cela sur les dernières évolutions de la jurisprudence européenne.
Il importera donc d’être attentif à sa mise en œuvre, pour l’avenir, afin de bien sécuriser juridiquement nos collectivités locales.