Intervention de Daniel Raoul

Réunion du 19 mai 2010 à 14h30
Sociétés publiques locales — Adoption définitive d'une proposition de loi en deuxième lecture

Photo de Daniel RaoulDaniel Raoul :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, voilà plus d’un an, je déposais, avec plusieurs de mes collègues, une proposition de loi relative au développement des sociétés publiques locales. Je me réjouis que ce texte revienne aujourd’hui devant nous en deuxième lecture pour, je l’espère, une adoption définitive.

Je tiens néanmoins à rappeler qu’il aura fallu attendre plus de neuf mois – délai de gestation assez long – entre l’adoption du texte ici même et son examen en première lecture par l’Assemblée nationale. À ce stade, je voudrais remercier tous ceux – ils se reconnaîtront ! – qui ont agi pour que ce texte sorte du « tunnel » entre nos deux assemblées, alors que d’autres y restent en déshérence.

Je ne reviendrai pas sur le rapport, très exhaustif, de M. Jacques Mézard. Je me limiterai à rappeler que cette proposition de loi comporte deux volets.

Le premier est consacré à la création de sociétés publiques locales. L’idée principale était de compléter l’arsenal dont disposent les collectivités territoriales et leurs groupements pour agir de façon rapide, moins coûteuse et sûre juridiquement dans leurs champs d’intervention. Je tiens de ce point de vue à saluer le travail qui a été fait par nos collègues députés qui ont sécurisé et borné cette proposition de loi sur le plan juridique. Je les remercie d’avoir enrichi le texte qui résultait du travail que nous avions fait en commun, monsieur le rapporteur, ici même en première lecture.

La jurisprudence communautaire des « prestations intégrées » – pour ne pas parler anglais – permet par exemple à une collectivité locale de confier à un tiers la réalisation d’opérations non soumises aux procédures de passation des marchés publics. Cette jurisprudence va encore plus loin depuis l’arrêt Teckal du 18 novembre 1999, qui pose deux conditions.

Première condition : l’autorité publique doit exercer sur la personne en cause un contrôle « analogue » – vous l’avez souligné, monsieur le secrétaire d’État – à celui qu’elle exerce sur ses propres services. C’est un point important qu’il conviendra de bien définir dans la gouvernance des sociétés publiques locales.

Seconde condition : la société publique locale doit réaliser l’essentiel de son activité avec les collectivités qui la détiennent.

Si les sociétés intégralement publiques sont une pratique courante dans la plupart des États de l’Union européenne, ce n’est pas le cas en France. Le texte qui nous est soumis aujourd’hui vise donc à autoriser la création d’un tel outil. Les SPL seraient instaurées afin de réaliser, outre les activités prévues dans le cadre des SPLA – qui existent à titre expérimental depuis 2006 – et sur lesquelles je reviendrai dans un instant, des opérations de construction, des exploitations de service public à caractère commercial ou industriel ou toutes autres activités d’intérêt général.

Concernant le statut juridique, il s’agira de SA régies par le code de commerce, sous réserve des dispositions spécifiques aux sociétés d’économie mixte prévues dans le code général des collectivités territoriales.

Enfin, l’actionnariat sera assuré en totalité par des personnes publiques, éventuellement associées à des établissements publics. Le nombre minimum d’actionnaires sera fixé à deux – précision apportée ici même en première lecture –, contre un seul dans le texte initial. C’est aussi le nombre qui sera désormais applicable aux SPLA, l’expérience ayant démontré que le nombre de sept, qui était jusqu’à présent exigé, pouvait freiner la création de telles sociétés. Bien entendu, l’activité de la SPL devra se réaliser sur le territoire des collectivités actionnaires.

Le second volet de la proposition de loi porte sur les modifications apportées aux SPLA. Il s’agit simplement d’élargir le champ d’activité de ces sociétés, créées en 2006, en permettant notamment la réalisation d’études préalables, l’acquisition foncière ou immobilière en vue d’effectuer des actions ou opérations d’aménagement destinées à mettre en œuvre un projet urbain.

En outre, pour la réalisation de leurs activités, les SPLA devront pouvoir exercer, par délégation de leurs titulaires – cela devra faire l’objet d’une délibération dans chaque collectivité, comme il a été rappelé tout à l’heure –, les droits de préemption et de priorité, et obtenir la possibilité de recourir à la procédure d’expropriation.

J’évoquerai maintenant les intérêts et objectifs : ces deux outils doivent permettre aux collectivités locales, qui, je le rappelle, réalisent plus de 70 % des investissements publics, d’élargir leurs possibilités, de gagner en « efficience » – pour reprendre un mot « tendance » –, de permettre la mutualisation et de compléter leurs moyens d’action sur leur territoire à côté des sociétés d’économie mixte.

Le large consensus qui s’est fait autour de ce texte, dont l’ampleur s’est encore accrue grâce aux améliorations apportées par les deux chambres en matière de sécurisation juridique, est à la hauteur de l’enjeu territorial. Les SPL font l’unanimité, dans tous les partis politiques. J’ai pu le constater de nouveau en écoutant les intervenants qui se sont d’ores et déjà exprimés. Les élus locaux attendent depuis des années la mise en place d’un tel dispositif, que certains d’entre eux ont déjà eu l’occasion d’expérimenter avec les SPLA.

Les entreprises publiques locales, notamment leur fédération, approuvent ce texte. Seuls les opérateurs privés semblent craindre pour l’équité dans le domaine concurrentiel. Je tiens à préciser que de nombreux garde-fous – M. le rapporteur les a évoqués – entourent la création des SPL. Il s’agit non pas de mettre à mal la concurrence, si chère à certains grands groupes, mais bien de renforcer l’autonomie des collectivités locales, leur réactivité et leur efficacité afin de rendre un service public de qualité, qui soit en adéquation avec les politiques publiques menées par ailleurs. Il y va de la reconnaissance des collectivités locales en tant que plus gros investisseur public de France et de la cohérence des politiques qui sont menées sur les territoires.

Lors de la rédaction de cette proposition de loi, ma volonté était simple : proposer à nos collectivités locales un outil efficace, tant dans sa mise en œuvre que dans sa gestion, permettant d’améliorer la qualité du service public. Je remercie les orateurs qui m’ont précédé à cette tribune des intentions de vote qu’ils ont manifestées.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion