Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le ministère des solidarités et des familles est au cœur des besoins essentiels de nos concitoyens.
Il les accompagne dans leur désir le plus intime qui soit, celui de fonder une famille, comme dans leurs peurs les plus grandes, s’agissant par exemple du soutien à leurs parents et leurs grands-parents. Il prend en charge le regard que nous posons sur la vulnérabilité dans notre société.
À nos enfants, nous devons permettre l’épanouissement et le développement. Il est de notre responsabilité de renforcer l’accompagnement de toutes les familles, en cohérence avec une conception universelle de la politique familiale que nous partageons, je le sais. Celle-ci ne saurait se limiter à une politique de redistribution ou de correction des inégalités. Elle vise d’abord à appuyer et à soutenir toutes les familles, dans le respect de leurs choix.
À nos parents et grands-parents, nous devons garantir l’autonomie, ce qui pose la question du regard que nous portons sur la vieillesse et de la préparation et de l’adaptation de notre société au vieillissement. Par ce texte, nous faisons grandir la branche autonomie, afin de relever le défi que constitue ce vieillissement.
Aux personnes en situation de handicap – un sujet auquel je vous sais attentif, cher Philippe Mouiller –, nous devons enfin une vie comme les autres, parmi les autres, pour que le droit commun s’applique à eux et à leur famille.
Le retour des familles dans la dénomination même du ministère marque notre détermination à réaffirmer cette priorité politique : aider toutes les familles et nous en donner les moyens.
Cette ambition est d’autant plus essentielle dans le contexte de baisse continue de la natalité que nous connaissons depuis dix ans et qui s’est accru ces deux dernières années. Il nous faut inverser cette tendance en renouant progressivement avec une politique familiale universelle, qui réponde aux besoins de toutes les familles. Je sais que nous partageons cet attachement, chère Élisabeth Doineau.
La branche famille consacre déjà plus de 50 milliards d’euros chaque année à cet objectif. Ces moyens augmenteront de 2 milliards d’euros supplémentaires en 2024, notamment pour mettre en œuvre le chantier du service public de la petite enfance.
Nous le savons, la question du mode de garde est aujourd’hui le premier frein à la réalisation du désir d’enfant au sein des familles. Quelque 6 milliards d’euros seront consacrés à ce service public jusqu’en 2027, pour revaloriser et accompagner nos professionnels de la petite enfance.
À ce titre, je remercie le Sénat, en particulier Mme le rapporteur Pascale Gruny, d’avoir permis que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour le plein emploi ait été conclusive. Il s’agit d’un investissement indispensable si nous voulons créer les 200 000 solutions de garde qui manquent aujourd’hui.
Soutenir toutes les familles, c’est aussi soutenir les mères seules. Le PLFSS intègre des aides monétaires, qui seront revalorisées à hauteur de 4, 6 % en avril prochain, comme l’allocation de soutien familial, c’est-à-dire la pension alimentaire minimale, donc nous avons augmenté de 50 % le montant l’année dernière.
Au total, le budget de la branche famille s’élèvera à 63 milliards d’euros en 2027, soit une augmentation de 20 % par rapport à 2022.
Vous le savez, le complément de libre choix du mode de garde et l’aide à la garde d’enfants feront l’objet d’une double réforme, puisque ces aides seront étendues à toutes les familles monoparentales et qu’elles s’appliqueront jusqu’aux 11 ans révolus de l’enfant. Dès 2025, le reste à charge sera enfin le même pour toutes les familles, qu’elles choisissent de faire garder leur enfant en crèche ou de les confier à une assistante maternelle.
Je m’assurerai que ces moyens soient dépensés effectivement et efficacement, pour garantir la qualité de la prise en charge et la sécurité de nos enfants. Pas un seul des 200 millions d’euros dédiés chaque année à la revalorisation des professionnels de la petite enfance n’ira à des structures qui n’amélioreraient pas les conditions de travail de ces derniers.
Enfin, nous ne pouvons pas nous résigner devant l’écart grandissant entre le désir d’enfant des Français et le nombre d’enfants mis au monde. Le service public de la petite enfance constitue un premier élément de réponse, mais nous devons aller au-delà, en levant les tabous tels que celui de l’infertilité. Aujourd’hui, un couple sur quatre est en effet confronté à la difficulté d’avoir un enfant. Avec le ministre de la santé, je travaille sur cette question.
J’ai par ailleurs annoncé que, dès 2025, nous mettrons en place, en sus des congés maternité et paternité, un nouveau droit à un congé familial mieux rémunéré, afin de garantir à tous les parents qui le souhaitent la possibilité de s’arrêter de travailler, à temps complet ou partiel, pour s’occuper de leur nouveau-né durant les premiers mois de ce dernier.
La question du maintien du congé parental en parallèle de ce nouveau droit se pose. Elle sera tranchée dans le cadre de la concertation avec les organisations syndicales et patronales.
Le ministère des solidarités et des familles prend également en charge les besoins tout au long de la vie. À ce titre, la question de l’autonomie doit plus que jamais être au cœur de nos engagements.
Nous le savons, nous allons faire face à un choc démographique. En 2030, un Français sur trois aura plus de 60 ans, et, pour la première fois dans l’histoire de notre pays, les plus de 65 ans seront plus nombreux que les moins de 15 ans.
C’est une chance pour notre pays, pour nos familles et pour nos solidarités. C’est une chance pour la participation de tous à la vie citoyenne et collective, mais cela suppose de nous y préparer, et ce dès aujourd’hui.
L’objectif global de dépense qui finance nos établissements pour personnes âgées aussi bien que pour personnes en situation de handicap augmentera de 4 % en 2024, soit davantage que l’inflation anticipée. Cette hausse des moyens traduit nos engagements envers les familles et les professionnels du secteur. Permettez-moi de les rappeler.
Le premier est de répondre aux demandes des personnes directement concernées. Or, nous le savons, la première volonté des personnes âgées est de vieillir chez elles, à leur domicile. C’est la raison pour laquelle nous avons entrepris le virage domiciliaire et que nous déploierons dès janvier 2024 MaPrimeAdapt’, une nouvelle aide financière pour prévenir la perte d’autonomie.
Des moyens sont ensuite consacrés à la poursuite du développement de nouveaux centres de ressources territoriaux, afin de décloisonner les interventions auprès des personnes âgées à domicile et de simplifier leurs démarches.
Ces centres s’inscrivent dans la dynamique du service public départemental de l’autonomie qui doit mettre fin à une forme d’errance, voire de parcours du combattant de nos aînés, des personnes en situation de handicap et de leurs familles.
Il s’agit d’un projet d’humanisation et de simplification de nos services publics. L’appel à manifestation d’intérêt a été publié, en septembre dernier, auprès de l’ensemble des conseils départementaux.
Parmi les réformes structurelles figure celle de l’aide à domicile. Le tarif plancher, fixé à 22 euros en 2022, est passé à 23 euros en 2023 et sera indirectement indexé sur l’inflation en 2024.
La dotation complémentaire, autrement appelée dotation qualité, a été portée à 3 euros.
Nous prévoyons également d’ici à 2030 la création de 25 000 nouvelles places dans les services de soins infirmiers à domicile (Ssiad).
Enfin, les deux heures supplémentaires dédiées à l’accompagnement et à la lutte contre l’isolement social s’appliqueront à partir de janvier 2024.
Nous irons plus loin, puisque, dès la semaine prochaine, à l’Assemblée nationale, nous reprendrons l’examen de la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir en France, qui parviendra, je l’espère, dans les meilleurs délais au Sénat. Le texte contient des éléments de réponse concrets, comme la carte professionnelle pour les aides à domicile, le fonds de soutien à la mobilité, les mesures de lutte contre les maltraitances, ainsi que celles qui portent sur le droit de visite des familles en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).
Je souhaite que nous puissions enfin proposer un parcours résidentiel adapté aux besoins de nos concitoyens et, surtout, respectueux de leurs envies et de leurs volontés.
Pour consolider l’offre d’accompagnement des personnes âgées en établissement, des recrutements doivent pallier la pénurie de professionnels. Il faut 50 000 postes supplémentaires en Ehpad et, fidèles à la trajectoire fixée, après avoir ouvert 3 000 postes en 2023, nous doublerons ce nombre à 6 000 postes en 2024.
Bien évidemment, l’enjeu est d’abord de rendre ces postes attractifs. C’est pourquoi j’ai obtenu que les infirmiers et les aides-soignants qui exercent dans les Ehpad publics bénéficient de la même mesure de revalorisation des rémunérations pour le travail de nuit que leurs collègues en établissements publics sanitaires.
Cette revalorisation, qui concerne également le secteur privé non lucratif, est tout simplement une mesure d’égalité et de justice. En effet, il n’y a pas d’un côté le secteur sanitaire, de l’autre le secteur médico-social. Les deux font face aux mêmes difficultés et doivent par conséquent travailler dans les mêmes conditions, sans hiérarchie.
Enfin, je n’ignore rien des difficultés financières que traversent de nombreux Ehpad – pour ne pas dire la quasi-totalité d’entre eux – et de services d’aide à domicile.
Avec l’accord de la Première ministre, nous avons débloqué un premier fonds d’urgence de 100 millions d’euros dès l’été dernier. Surtout, nous avons créé et installé des commissions départementales qui réunissent les créanciers et les financeurs pour établir une cartographie précise de la situation des 7 500 Ehpad de notre pays, en distinguant ce qui relève des difficultés conjoncturelles comme l’inflation, l’augmentation du prix de l’énergie ou la revalorisation des rémunérations, et ce qui s’explique par des difficultés structurelles.
Le PLFSS apporte justement une première réponse structurelle en offrant aux départements qui le souhaitent la possibilité de fusionner les sections soins et dépendance des Ehpad. Si le texte est adopté, cette mesure aux conséquences financières importantes pourra être testée dans les départements pilotes qui auront manifesté leur intérêt.
En effet, j’ai souhaité dès le début de l’élaboration du texte que nous respections le libre choix des départements pour la mise en place des politiques publiques qu’ils mèneront en faveur de l’autonomie.
Je compte également sur la réforme des concours versés par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) aux départements, pour mieux soutenir ces derniers dans leurs efforts et pour rendre plus lisible la politique publique que nous menons en matière d’autonomie.
Comme j’ai eu l’occasion de le souligner la semaine dernière lors des Assises des départements de France, rien ne se décidera sans ou contre les départements. Je crois à l’échelon départemental et à la nécessité de mener des politiques décentralisées, au plus près de nos concitoyens, tout comme je crois à la nécessité de l’équité territoriale.
La réforme des concours que nous souhaitons mener en 2025 avec les départements vise à mettre en place une compensation forte, lisible et attendue, me semble-t-il, à savoir la prise en charge à 50 % de toutes les dépenses nouvelles réalisées par les départements dans le champ de l’autonomie.
Cette ambition que la Première ministre et moi-même avons souhaité défendre se concrétisera dès 2024. C’est du moins l’objet d’un amendement au PLFSS visant à prévoir une enveloppe supplémentaire de 150 millions d’euros, qui s’ajoutera à celle qui est prévue pour la progression des concours historiques.
Nous ciblerons ainsi volontairement l’effort, pour atteindre un taux de compensation de 40 % par département, ce qui permettra de mettre fin à l’iniquité de la situation présente, certains départements bénéficiant d’un taux de compensation de 22 %, alors que, pour d’autres, ce taux dépasse les 40 %. La justice et l’équité territoriale passent aussi par ce type de mesures.
Comme je l’ai indiqué devant votre commission, je souhaite que les moyens nouveaux bénéficient aussi, en priorité, aux départements qui agissent le plus en faveur du bien vieillir.
Les départements ruraux, notamment, sont particulièrement engagés sur la question de l’aide à domicile. L’enveloppe sera donc utilisée également en contrepartie de l’effort déployé pour mettre en œuvre concrètement la dotation qualité dans les services d’accompagnement et d’aide à domicile.
Enfin, ce PLFSS vise à mettre en œuvre les engagements que nous avons pris en ce qui concerne le handicap, notamment lors de la Conférence nationale du handicap (CNH).
Dans ce cadre, le Président de la République a annoncé le déploiement de 50 000 solutions nouvelles pour les personnes en situation de handicap, insistant ainsi volontairement sur la nécessité de mettre en œuvre une multiplicité de solutions.
Il s’agit, en effet, de garantir le droit à la scolarité, y compris en institut médico-éducatif, où il faut faire cesser la pratique des demi-matinées de cours, qui continue parfois d’exister ; il s’agit aussi de garantir le droit à une prise en charge adaptée, notamment dans le cadre de l’aide sociale à l’enfance (ASE), où 20 % des enfants sont en situation de handicap.
Ces 50 000 solutions favoriseront en priorité – c’est en tout cas ce que j’ai voulu – la sortie des 10 000 adultes maintenus dans les établissements pour enfants handicapés au titre de l’amendement dit Creton. Ces adultes ont eux aussi droit à une prise en charge correspondant à leurs besoins et respectant leur dignité. Cela permettra de libérer des places qui devraient être dévolues depuis longtemps à des enfants.
En accord avec les annonces de la CNH, ces solutions supplémentaires seront complétées par le déploiement de facilitateurs, pour encourager l’orientation, donc la sortie, des jeunes entre 15 ans et 20 ans qui se trouvent placés en structure pour enfants.
Une autre mesure clé pour 2025 vise la création d’un service efficace de repérage et d’orientation des situations de handicap chez les tout jeunes enfants, jusqu’à l’âge de 6 ans.
Enfin, nous faciliterons également la vie des personnes en situation de handicap en agissant sur leur pouvoir d’achat. En effet, 60 000 familles déboursent en moyenne plus de 5 000 euros pour acheter un fauteuil adapté à leurs besoins. Le prix de certains modèles spécifiques s’élève bien au-delà de cette somme et peut atteindre plusieurs dizaines de milliers d’euros, de sorte que certains de nos concitoyens en sont réduits à organiser des cagnottes sur internet pour pouvoir les acheter.
Nous supprimerons donc à 100 % le reste à charge lors de l’achat d’un fauteuil. Cette petite révolution contribuera concrètement à changer la vie des familles et permettra à chacun d’accéder au modèle dont il a besoin, quel que soit son niveau de revenu.
Vous le savez, les mesures de progrès que je viens d’évoquer pour accompagner les personnes âgées et les personnes en situation de handicap ne seront possibles que grâce à la création de la cinquième branche relative à l’autonomie et à la part supplémentaire de 0, 15 point, soit un montant de 2, 6 milliards d’euros qui lui sera dévolu à partir de 2024.
Du fait de nos dépenses actuelles, nous consommerons plus de la moitié de ce surplus en 2024. Quant à la trajectoire des dépenses prévues, en augmentation de près de 30 % sur le quinquennat, l’intégralité des crédits restants servira à la couvrir.
La réforme à venir des concours versés par la CNSA et celle de la stratégie d’adaptation de notre société au vieillissement pourront produire des évolutions sur lesquelles nous devrons travailler ensemble.
Le texte que nous vous présentons reprend plusieurs amendements auxquels le Gouvernement a d’ores et déjà donné un avis favorable à l’Assemblée nationale.
Il s’agit notamment de ceux qui tendent à s’inscrire dans le prolongement de la stratégie nationale pour les aidants, afin de mieux accompagner et de mieux soutenir ces derniers. Ils visent par exemple le renouvellement des droits à l’allocation journalière du proche aidant pour chaque personne aidée, parce que chacun peut être amené dans sa vie à aider plusieurs personnes, comme un enfant en situation de handicap et un parent en perte d’autonomie.
Nous prolongerons également en 2024 l’expérimentation du dispositif de relayage au domicile des personnes, en attendant une généralisation dont je sais que vous souhaitez qu’elle arrive rapidement – je le souhaite aussi.
L’examen du PLFSS au Sénat fera naturellement encore évoluer le texte. Vous êtes nombreux à proposer de décaler de quelques mois la date limite de candidature à la fusion des sections, prévue l’année prochaine pour les Ehpad. Je pense que ce délai nous permettra de mieux travailler avec chacun des établissements les modalités précises de cette fusion, afin de leur assurer un choix éclairé. Je serai donc favorable à un amendement en ce sens.
Chère Annick Petrus, je me montrerai également favorable à votre amendement visant à créer une maison territoriale pour les personnes handicapées à Saint-Martin. Votre territoire bénéficiera à travers elle du plein soutien, y compris financier, de l’État et de la CNSA.
Enfin, chère Chantal Deseyne, comme je l’ai annoncé en commission, je suis favorable à la transformation de la fusion des sections en une expérimentation, afin de nous assurer que cette nouvelle modalité fonctionne de manière efficace avant toute mise en place définitive. Tel était, je crois, le sens des échanges que nous avons eus lors de mon audition par la commission des affaires sociales.
Étant donné les enjeux, il est normal de fournir aux départements un rapport d’évaluation précis du dispositif au bout d’un certain nombre d’années et de permettre, si besoin est, un retour en arrière. J’espère que nous n’aurons pas à le faire et je ne crois pas que ce sera le cas, mais tel est le bon esprit dans lequel nous devons travailler, non seulement avec le Sénat, mais aussi avec les départements.
Je serai également attentive à la proposition d’une expérimentation de la fusion des sections dites miroirs, permettant de transférer la responsabilité de la nouvelle section intégralement au département. Je n’ai aucun tabou sur le sujet, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, et nous pourrons en discuter, puisque vous avez déposé des amendements en ce sens.
Je ne doute pas que d’autres sujets de discussion se présenteront, cette semaine, dans le cadre de nos débats, et vous pourrez compter sur moi pour porter une pleine attention à vos propositions.