Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voilà face à un énième texte sur l’immigration. Quelle importance lui accorder ?
Notre premier texte en la matière, qui portait sur la nationalité, les étrangers et l’immigration, date de 1889. Depuis lors, tous les gouvernements, de gauche, de droite, du centre ou d’ailleurs, ont rédigé des textes – avant la guerre de 1914, pendant le Front populaire, dans les années 1950 puis encore aujourd’hui –, tous avec les mêmes fondements : l’immigration est une politique régalienne et elle doit être déterminée par le gouvernement et par l’État, en fonction de sa capacité à intégrer, à maintenir l’unité de la Nation, à laisser la société dans l’état dans lequel elle est.
Ainsi, c’est vrai, voici encore un nouveau texte après celui de 2018, mais la situation a bien changé au cours des quinze ou vingt dernières années !
J’ai la chance et l’honneur de représenter le Sénat au sein de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, et, à plusieurs reprises, je me suis exprimé, au sein tant de la commission des finances que de cet hémicycle, en faveur d’une intégration réussie. Je le dis de manière très calme, mais très sûre : nous n’y parvenons plus ! Un pays qui a plus de 3 000 milliards d’euros de dette, qui a les déficits budgétaires que nous connaissons, qui a les fractures sociales et sociétales qui sont les nôtres éprouve les plus grandes difficultés, matériellement, financièrement, mais également en matière de transmission, pour intégrer.
Les pays qui peuvent intégrer massivement – je pense par exemple à l’Allemagne, dont la chancelière Angela Merkel avait accepté un nombre important de migrants en une seule année – sont dans une situation forte financièrement, économiquement, humainement, ce qui était le cas de l’Allemagne à l’époque. Si Olaf Scholz change aujourd’hui de politique, c’est parce que ce pays n’est plus dans cette situation.
De même, si la France doit aujourd’hui remettre en cause ses mouvements migratoires, c’est parce que notre pays n’est plus dans la situation qui était la sienne voilà trente ou quarante ans.
Bien sûr, la France a très bien intégré, et c’est son honneur, les Italiens et les Polonais arrivés avant la guerre de 1914, les Italiens et les Espagnols venus pendant l’entre-deux-guerres et, après la Seconde Guerre mondiale, les Portugais et les Algériens. Et l’intégration s’est bien passée, il faut le dire très clairement : jusque dans les années 1960 et 1970, elle a été une force de la France.
Néanmoins, elle ne l’est plus aujourd’hui, parce que la société française a changé, parce que, malheureusement – c’est la vie –, l’économie française n’est plus ce qu’elle était, parce que nous n’avons plus la capacité d’intégrer de grands nombres. Je ne sais plus qui en a parlé, oui, l’intégration est facile quand on a un petit nombre, parce que les structures de l’État et des collectivités locales, ce que je reconnais, prennent les choses en main et réussissent cette intégration, mais, lorsque le nombre est trop important, cela ne fonctionne plus.
Je suis de ceux qui, ici, dans cet hémicycle, ont demandé que, à l’issue des cours de français, on fasse passer un examen. En tant que membre de l’Ofii, je suis allé régulièrement dans les salles de cours, j’ai constaté que beaucoup de personnes y venaient, mais que, malheureusement, les hommes imposaient parfois aux femmes de se voiler et leur interdisaient de prendre la parole ; puis, à la fin du cours, on attestait que tous avaient bien été présents quatre-vingts ou cent vingt heures, sans s’assurer qu’ils sachent le moindre mot de français. Ce n’est pas acceptable ! Nous sommes en République, nous défendons la République, la République est là pour tous ! Mais elle est là aussi pour que la société française ne soit pas plus fracturée, car elle l’est déjà suffisamment.
Nous avons tous ici une responsabilité première, en tant qu’élus : faire en sorte que la France reste la nation unique qu’elle a toujours été par rapport à ses opposants, par rapport à la compétition internationale. Si nous ne sommes pas capables d’assurer cela, comment voulez-vous que nous soyons capables d’en intégrer d’autres, de faire en sorte que leur soient transmises les valeurs françaises, républicaines et nationales ? Nous ne sommes même pas capables de faire en sorte qu’elles soient totalement assimilées par la société française…
Nous avons donc tous une introspection à faire, à gauche, à droite, au centre, car tout le monde est responsable de la situation actuelle. Nous n’avons pas vu la société française se fracturer de plus en plus, nous n’avons pas pris conscience de notre quasi-incapacité à intégrer. D’où les territoires perdus, les quartiers difficiles ; en réalité, l’inversion de nos politiques ne s’est pas faite lorsque c’était nécessaire et nous avons cru, peut-être – sûrement ! – avec trop d’angélisme, que nous y parviendrions, puisque nos ancêtres y étaient parvenus des années 1900 aux années 1950.
Or nous ne sommes plus ni dans la France, ni dans l’Europe, ni dans le monde des années 1950. Nous ne parvenons plus à intégrer et nous avons absolument besoin d’une immigration choisie, nous devons maîtriser les flux, faire en sorte qu’il y ait beaucoup moins d’entrées sur le territoire national, afin de pouvoir intégrer ceux qui veulent réellement devenir Français, participer à l’économie et à la société françaises, être fiers d’être français au terme de leur intégration. Nous ne pouvons plus assumer d’avoir des apports tellement massifs qu’ils ne sont pas intégrés, pas assimilés. Nous fabriquons nous-mêmes les anti-France de l’avenir…
La responsabilité de la France et des élus est de définir les moyens dont nous disposons, de déterminer ceux que nous pouvons et ceux que nous ne pouvons pas accepter, et de ne pas aller au-delà, sans quoi nous ne faisons pas de la bonne politique migratoire ni de la bonne politique d’asile.
En effet, cela a été dit, les 140 000 demandes d’asile constituent un détournement manifeste de la procédure. Voilà dix ou quinze ans, il y en avait 35 000 ! On détourne donc clairement l’asile pour faire de l’immigration économique. Nous devons reprendre en main nos structures, parce que, si nous voulons que les immigrés soient fiers d’être Français, il faut qu’ils soient parfaitement intégrés ; pour cela, ils doivent être moins nombreux. Ceux qui entrent sur le territoire de manière illégale doivent donc être reconduits à la frontière ; nous ne pouvons pas accepter que notre système explose en vol.