Intervention de Jean-Louis Carrère

Réunion du 19 mai 2010 à 14h30
Situation de la gendarmerie nationale — Discussion de la question

Photo de Jean-Louis CarrèreJean-Louis Carrère :

Le moral n’est pas au beau fixe dans une institution dont bien des membres renâclent, face au processus d’intégration au sein du ministère de l’intérieur décidé par la loi d’août 2009.

En tout état de cause, la situation qui prévaut dans les forces de sécurité n’est pas satisfaisante. Et si je concentre aujourd'hui mon intervention sur la gendarmerie, il faudra revenir très rapidement – vous le savez bien, monsieur le secrétaire d’État – sur la situation de la police.

Monsieur le secrétaire d’État, j’entends des mots durs qui montent du pays profond. La gendarmerie souffre ; les gendarmes vivent mal une situation qui les dépasse et, quand ils s’expriment, avec modération, les sanctions tombent !

D’ailleurs, le 29 mars dernier, avec mes collègues du groupe socialiste – je parle sous votre contrôle, cher Didier Boulaud –, nous avions demandé à vous entendre, vous et le ministre de la défense, qui se défile, telle une anguille, sur le sujet, pour connaître les motivations et le sens des sanctions prises à l’encontre du gendarme Matelly. Vous avez aujourd’hui l’occasion de vous expliquer et de nous dire ce qu’il en est.

Toutefois, j’entends aussi les élus, qui nous interpellent. Ils s’inquiètent de certaines décisions. Ils ne comprennent pas pourquoi vous abandonnez actuellement des territoires qui ont besoin, eux aussi, d’une sécurité assurée, voire confortée.

Selon le discours officiel, le rattachement, une sorte de fusion progressive qui ne dit pas son nom, se justifierait par des raisons budgétaires : il faut mutualiser pour faire des économies.

Si, pour les questions de sécurité, comme dans les domaines de l’école ou de la santé, la recherche exacerbée d’une prétendue rationalité économique doit être l’alpha et l’oméga de l’action publique, alors, je vous le dis, monsieur le secrétaire d’État, je ne me reconnais plus dans cette République qui tourne le dos à ses valeurs fondatrices !

Peu de jours avant sa soudaine éjection, le général Roland Gilles, auditionné par notre commission, avait insisté sur l’absence de plan global de suppression des brigades territoriales. Qu’en est-il ? Ou alors, s’il ne s’agit pas d’un plan global, peut-être s’agit-il d’un plan local ?

Quels sont les projets d’ajustements ponctuels des zones de compétence en préparation ? En passant, notons comment le langage technocratique tente de cacher la férocité des conséquences de ce type de décisions.

Quelle relation y a-t-il entre ces ajustements ponctuels et la création de communautés d’agglomération confiées à la police nationale ? Est-ce que cela implique une éviction de la gendarmerie des zones périurbaines ?

Je profite de l’occasion pour vous dire qu’il y a un vrai défaut dans la méthode utilisée en cette matière par le Gouvernement. Sans donner de leçons, ce défaut, c’est le manque de concertation ! Les « ajustements », comme on les appelle, qui sont souvent lourds de conséquences pour l’économie et la vie sociale locales, ne sont ni préparés ni menés dans la concertation avec les élus locaux. Ceux-ci en souffrent ; ils nous le disent et vous le disent !

Manque de concertation aussi avec les gendarmes : ils expriment leur malaise, sans syndicats, avec des moyens bricolés : des associations, des forums sur Internet ou dans une publication connue par sa modération, L’Essor de la gendarmerie nationale, qui est l’organe des retraités de cette arme et qui devient, par la force des choses, le thermomètre de ce corps militaire enfiévré.

Monsieur le secrétaire d’État, dans un souci d’efficacité, et dans le cadre de la modernisation de l’action de sécurité, vous auriez dû vous appliquer à réduire, à calmer, la vieille et inutile rivalité entre police et gendarmerie. Au lieu de cela, le Gouvernement, qui préconisait justement de gommer ces aspérités, semble, par la politique qu’il mène, jeter de l’huile sur le feu et attiser les comparaisons nuisibles entre les deux forces.

Une sorte de jeu pervers et corporatiste s’installe sous le toit même du ministère de l’intérieur. Il consiste à comparer et à mesurer en permanence les avantages, les acquis, d’une force par rapport à l’autre, en considérant les indices, le déroulement de carrière, le logement...

Une telle évolution désorganise le système de sécurité intérieur de notre pays.

Mais que devient donc la gendarmerie ? Elle ne joue plus son rôle de proximité. Elle n’assure plus, par une présence visible, proche et durable, son rôle dissuasif et sécurisant.

Pourtant, la situation sur le terrain devient extrêmement préoccupante, notamment en milieu rural et dans les zones périurbaines. Et je sais que vous connaissez ces zones, monsieur le secrétaire d’État.

D’ailleurs, à ce qu’il semble, une nouvelle réorganisation géographique pourrait cantonner la gendarmerie aux zones rurales et aux voies de circulation, en la sortant complètement des zones périurbaines. Quels sont vos projets en matière de création de communautés d’agglomération ?

Le rattachement de la gendarmerie à la police nationale et les conséquences budgétaires qui l’accompagnent posent aujourd’hui clairement la question de l’avenir même du service public de la sécurité : personnels, statut, formation et matériels de gendarmerie sont aujourd’hui mis à mal par votre politique. Et ce n’est pas le projet de « LOPPSI 2 », avec ses financements - demain, on rase gratis ! -, qui nous permettra de reprendre confiance !

Comment pourra-t-on garantir demain la capacité opérationnelle de la gendarmerie et préserver sa présence sur le terrain ? Vous le voyez, je suis encore plus préoccupé par l’avenir de l’arme que par la préservation de son statut militaire.

Comment ne pas s’interroger ? Soyez-en juges, mes chers collègues.

On prévoit la suppression de 1 300 emplois en 2010 et la fermeture de 175 brigades territoriales d’ici à 2012 !

Les effectifs de la gendarmerie doivent baisser de 3 509 équivalents temps plein travaillé, dans le cadre triennal 2009-2011, ce qui mettra en danger le maillage territorial de la gendarmerie, notamment en milieu rural.

Quatre écoles de gendarmerie sur huit seront fermées.

Au détour d’une loi de finances rectificative, 23, 5 millions d’euros de crédits affectés au budget de la gendarmerie seront transférés vers celui de la police. C’est une grande première…

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion