Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, loi du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale, dont j’ai eu l’honneur d’être le rapporteur pour le Sénat, présente un caractère historique.
En effet, depuis la loi du 28 germinal an VI, donc depuis 1798, aucune loi n’avait été adoptée sur l’organisation de la gendarmerie.
Les règles régissant le statut et les missions de la gendarmerie nationale reposaient sur un simple décret datant de 1903.
Cette loi constitue également une réforme profonde puisqu’elle organise le rattachement de la gendarmerie nationale au ministre de l’intérieur, conformément à la volonté exprimée par le Président de la République, dans son discours du 29 novembre 2007. Ce n’est d’ailleurs pas nouveau, puisque, du fait d’un certain nombre de dispositions prises dès 2002, le ministère de l’intérieur avait déjà dans 90 % des cas la gouvernance de la gendarmerie.
Avant même le dépôt du projet de loi, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat avait constitué en son sein, sur l’initiative de son président, un groupe de travail chargé de réfléchir à l’avenir de l’organisation et des missions de la gendarmerie.
Ce groupe de travail, que je présidais, respectait la diversité politique de notre assemblée, puisqu’il était composé de Michèle Demessine, Hubert Haenel, Philippe Madrelle, Charles Pasqua, Yves Pozzo di Borgo et André Rouvière.
À l’issue de nos travaux, nous avons présenté dix-sept recommandations, qui ont été adoptées à l’unanimité par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, et reprises dans un rapport d’information publié en avril 2008, soit en amont de la loi du 3 août 2009.
Lors de l’examen du projet de loi, je me suis largement fondé sur ces recommandations.
M’inspirant d’une phrase figurant dans le décret du 20 mai 1903, j’ai également « cherché à bien définir la part d’action que chaque département ministériel peut exercer sur la gendarmerie, afin de sauvegarder cette arme contre les exigences qui ne pouvaient trouver leur prétexte que dans l’élasticité ou l’obscurité de quelques articles ».
Je voudrais également souligner la très bonne collaboration que nous avons eue avec le rapporteur pour avis de la commission des lois, notre collègue Jean-Patrick Courtois.
Le texte initial du projet de loi présenté par le Gouvernement et déposé en premier lieu au Sénat ne comportait que dix articles.
Lors de l’examen du projet de loi, j’ai présenté une vingtaine d’amendements, qui ont tous été adoptés par la commission.
Tel que voté par le Sénat, en décembre 2008, le projet de loi comportait vingt-deux articles, soit plus du double que le texte initial.
Après son adoption par l’Assemblée nationale, en juillet dernier, le texte du projet de loi comportait vingt-six articles. Au final, le texte issu de la commission mixte paritaire en comprenait vingt-sept. Cela signifie qu’un certain nombre d’amendements ont été retenus.
Quelles ont été les principales modifications introduites par le Sénat ?
Tout d’abord, nous avons entièrement réécrit l’article définissant les missions de la gendarmerie nationale afin, ce qui n’était pas le cas auparavant, de consacrer son caractère de « force armée » et de mentionner expressément son rôle en matière de police judiciaire. En inscrivant dans le texte de loi que la mission de police judiciaire constitue l’une des « missions essentielles » de la gendarmerie, nous avons éteint certaines craintes. Si on veut ôter à la gendarmerie ses missions de police judiciaire, il faudra une autre loi !
Nous avons également affirmé l’ancrage territorial de la gendarmerie et rappelé ses missions militaires, notamment sa participation aux opérations extérieures.
Nous avons, par ailleurs, introduit un nouvel article afin de consacrer dans la loi le principe du libre choix du service enquêteur par l’autorité judiciaire.
Ces deux verrous – l’inscription dans la loi de cette mission essentielle et la consécration du principe du libre choix – permettent de bien affirmer le rôle de la gendarmerie en matière de police judiciaire.
Comme vous le savez, la question des relations avec les préfets avait pu susciter des interrogations, notamment auprès des élus.
Entendons-nous bien, il ne s’agissait pas pour nous de remettre en cause le rôle du préfet, qui occupe une place essentielle en matière de coordination des forces de sécurité publique ; mais il nous semblait nécessaire de concilier le rôle central du préfet avec le respect de la chaîne hiérarchique, consubstantielle au statut militaire de la gendarmerie. En aucun cas nous ne souhaitions que les services préfectoraux interviennent dans la chaîne de commandement.
En définitive, il me semble que nous sommes parvenus à un bon équilibre sur ce point. Je constate d’ailleurs que, quelques mois après l’adoption de la loi, cet équilibre a été traduit au niveau réglementaire.
Un autre sujet délicat a concerné la suppression de la procédure de réquisition. Là encore, il y a eu des résistances.
Estimant que cette procédure n’était pas compatible avec le rattachement au ministère de l’intérieur, nous avons accepté de supprimer la réquisition, en prévoyant toutefois deux tempéraments.
D’une part, nous avons souhaité maintenir une procédure d’autorisation pour le recours aux moyens militaires spécifiques, comme les véhicules blindés ou les hélicoptères.
D’autre part, nous avons souhaité, sur une suggestion de Mme Demessine, encadrer l’usage des armes à feu pour le maintien de l’ordre, tant par les gendarmes que par les policiers, en particulier afin de garantir la traçabilité des ordres.
Enfin, je rappelle que, grâce à ce projet de loi, les militaires de la gendarmerie bénéficieront d’une grille indiciaire spécifique, ce qui permettra d’aller vers une parité globale de traitement et de carrière entre les gendarmes et les policiers, conformément à l’engagement pris par le Président de la République.
En fin de compte, je crois pouvoir affirmer que, au-delà des clivages politiques, les travaux du Sénat ont été marqués par le souci d’apporter toutes les garanties pour le maintien du « dualisme » des forces de sécurité publique et du caractère militaire de la gendarmerie, auxquels nous sommes tous ici très attachés.
Le Gouvernement a, le 26 janvier dernier, remis au Parlement un rapport sur l’application de la loi relative à la gendarmerie.
À cette date, sur la quarantaine de décrets nécessaires à la mise en œuvre de cette loi, dix-sept décrets avaient été publiés et vingt-six textes réglementaires sont prévus à la fin du premier trimestre de 2010.
Les documents du ministère de l’intérieur relatifs aux coopérations opérationnelles entre la police et la gendarmerie, en matière de renseignement, de sécurité routière ou de coopération internationale respectent également l’équilibre entre les deux forces.
Je pense, en particulier, à la police judiciaire, domaine dans lequel la gendarmerie conservera la totalité de ses attributions.
Tout à l’heure, Jean-Louis Carrère a repris dans son exposé un certain nombre de déclarations faites à l’Assemblée nationale par nos collègues députés. Je ferai à mon tour quelques citations.
« Au final, ni la police ni la gendarmerie n’ont pour l’heure à pâtir des rapprochements et mutualisations opérées » : ces propos ne sont pas de moi ; je cite ici notre collègue député Jean-Jacques Urvoas, secrétaire national du Parti socialiste à la sécurité, et auteur d’une étude sur le rapprochement entre la police et la gendarmerie pour la Fondation Jean-Jaurès !
Par ailleurs, je voudrais rappeler que, sur l’initiative du Sénat, une disposition a été introduite dans la loi, qui prévoit que « Le Gouvernement remet au Parlement, tous les deux ans à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi, un rapport évaluant, d’une part, les modalités concrètes du rattachement organique et budgétaire de la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur et notamment son impact sur son organisation interne, ses effectifs, l’exercice de ses missions et sa présence sur le territoire, et, d’autre part, les effets de ce rattachement concernant l’efficacité de l’action de l’État en matière de sécurité et d’ordre publics et la mutualisation des moyens entre la police et la gendarmerie. »