Intervention de Robert Hue

Réunion du 19 mai 2010 à 14h30
Situation de la gendarmerie nationale — Discussion de la question

Photo de Robert HueRobert Hue :

Alors que la population s’accroît dans les zones de compétence de la gendarmerie et que la délinquance augmente dans les zones rurales et périurbaines, cette logique purement comptable n’est pas cohérente avec les déclarations présidentielles et gouvernementales sur le renforcement de la lutte contre l’insécurité.

Au-delà de ses effets sur les populations et les territoires, votre réforme, monsieur le secrétaire d’État, produit des conséquences négatives au sein même de l’institution. Telle qu’elle a été adoptée, cette réforme n’était voulue ni par les gendarmes, ni par les policiers. Bien que comprenant la nécessité de synergies et de coopérations entre les deux forces, chacun souhaitait conserver son budget, ses effectifs, son périmètre de missions, toutes choses qui, avec la culture propre à chaque service, sont constitutives de leur identité.

Or la réforme a été effectuée assez brutalement, sans analyse préalable des spécificités et des complémentarités des deux forces, ni véritable concertation avec les élus locaux. Cette méthode prouve combien l’objectif premier était non la modernisation et la mutualisation des moyens, non plus que l’amélioration des conditions d’emploi et de coopération des deux forces, mais bien la volonté de constituer rapidement une seule force de sécurité sous la seule autorité civile de l’exécutif.

Certaines conséquences concrètes de la loi, comme la mutualisation des moyens entre la gendarmerie et la police, la formation au maintien de l’ordre, désormais commune – quand, dans le même temps, vous fermez quatre écoles sur huit ! – apparaissent plus clairement maintenant. Elles sont révélatrices de cette volonté de faire disparaître la spécificité de chacune des deux forces. En effet, la rationalisation et la mutualisation ne sont pas en elles-mêmes négatives, mais elles créeront à la longue des habitudes et une uniformisation qui contribueront à diluer les identités respectives.

La diminution des effectifs, la suppression d’unités, la répartition inéquitable des missions de renseignement, de police judiciaire et de circulation routière entre les deux forces, voire également la pression des syndicats de police, sont aussi des conséquences concrètes du rattachement qui vont nourrir des conflits.

La tendance à uniformiser les deux forces ne peut qu’inciter les gendarmes à comparer leur statut avec celui des policiers, en particulier sur l’un des principes fondamentaux du statut militaire, la disponibilité. En outre, la coexistence, au sein d’un même ministère, de deux systèmes, la représentation syndicale, pour les policiers, et la concertation propre aux militaires, pour les gendarmes, incitera tôt ou tard de facto les uns et les autres à vouloir aligner leurs statuts. Sans doute l’objectif visé est-il de faire en sorte que les gendarmes en viennent eux-mêmes à revendiquer une harmonisation statutaire !

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