Cette façon de procéder, d’ailleurs assez insidieuse, est à l’origine du malaise souterrain, profond et latent – faute de possibilité d’expression publique –, perceptible au sein même de l’institution.
Cette situation alimente toutes les craintes sur l’éventualité d’une fusion, à terme, de la police et de la gendarmerie. Et il ne s’agit pas d’une crainte infondée, ni d’un procès d’intention de notre part, monsieur le secrétaire d’État. Ces inquiétudes bien réelles ont été encore récemment exprimées lors du congrès de l’Union nationale du personnel en retraite de la gendarmerie et sa très influente revue, L’essor de la gendarmerie nationale, s’en est fait écho.
Le Président de la République a d’ailleurs une façon bien à lui de répondre au malaise des gendarmes et aux critiques sur les conséquences de la mise sous tutelle de la gendarmerie : l’autoritarisme et la reprise en main directe de la sécurité intérieure !
J’en veux pour preuve le limogeage du directeur général de la gendarmerie nationale : il a mis en œuvre la réforme, mais sans réussir à réduire la grogne de gendarmes, qui craignent d’être bientôt dissous dans la police.
Je vous rappellerai également le décret du Président de la République radiant des cadres pour motif disciplinaire un chef d’escadron, par ailleurs chercheur au CNRS, qui avait critiqué ès qualités, dans un article, le rattachement total de la gendarmerie au ministère de l’intérieur.
J’espère que vous avez conscience, monsieur le secrétaire d’État, de l’effet désastreux – je pèse mes mots – de cette lourde sanction sur les gendarmes, une sanction disproportionnée au regard du manquement à l’obligation de réserve qui aurait été commis.
Enfin, en la comparant à un autre décret du Président de la République nommant sous-préfet hors cadre un ancien syndicaliste policier élu conseiller régional UMP, cette décision inéquitable et maladroite a d’ailleurs renforcé de nombreux gendarmes dans leur conviction que le rattachement se ferait à leur détriment.
Tout cela est révélateur d’une volonté toujours plus affirmée de remise en ordre et de renforcement de la centralisation s’agissant des questions de sécurité.
La presse n’a-t-elle pas évoqué, il y a quelque temps, la création d’un secrétariat d’État chargé d’assister le ministre de l’intérieur pour veiller au rapprochement de la police avec la gendarmerie, mais aussi avec les polices municipales, les entreprises privées de sécurité et, sans doute, un jour, les Douanes ?
Non, décidément, notre évaluation de la loi, neuf mois après son adoption, ne peut que nous conforter dans l’idée que le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur comporte de réels dangers et qu’il soulèvera plus de problèmes qu’il n’en résoudra !