Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, la commission des finances, saisie pour avis, a émis un avis favorable sur ce texte, non parce qu'elle a considéré que la politique menée est la bonne ni parce qu'elle a jugé la trajectoire financière suivie convaincante, mais pour que le Sénat discute de ce texte et l'améliore.
Depuis la crise sanitaire, la situation des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) s'est redressée : un déficit de – seulement… – 8, 8 milliards d'euros est ainsi attendu en 2023. Si l'on peut se réjouir que le déficit se réduise, il est toutefois inquiétant qu'il diminue moins qu'attendu.
La résorption du déficit résulte principalement du dynamisme des recettes, qui est lié à la progression de l'emploi et de la masse salariale.
Cependant, en dépenses, le fameux Ondam connaîtrait un dépassement de 2, 8 milliards d'euros en 2023, qui s'explique notamment par l'évolution des soins de ville.
Ce dépassement intervient alors que les surcoûts imputables à la crise sanitaire se sont considérablement et logiquement réduits : ils ne représentent plus que 900 millions d'euros en 2023. Toutefois, la crise a durablement affecté la trajectoire de l'Ondam, qui s'établit en 2023 à un niveau supérieur de 14, 2 milliards d'euros à celui d'un scénario sans crise et, surtout, sans Ségur de la santé.
En ce qui concerne 2024, la dynamique des recettes ralentirait, contrairement à celle des dépenses, qui s'accroîtrait. En clair, tout ce qu'il ne faut pas faire !
En ce qui concerne les recettes, la moindre progression de la masse salariale du secteur privé ne serait que partiellement compensée par le transfert à la branche autonomie de 0, 15 point de CSG, auparavant affecté à la Cades.
L'objectif de dépenses pour 2024, quant à lui, connaîtrait un véritable rebond.
La hausse des dépenses de la branche maladie devrait en principe être modérée – l'Ondam n'augmenterait que de 2, 95 % par rapport à 2023 –, mais les dépenses de la branche vieillesse devraient être soigneusement surveillées. À ce propos, madame, messieurs les ministres, le sujet des retraites a été quasiment absent de vos interventions – M. Cazenave l'a certes un peu abordé –, ce qui m'a surpris.
Le report de l'âge d'ouverture des droits ne produira que progressivement des effets, alors que les mesures d'accompagnement ont un résultat immédiat. Le solde de la branche se dégraderait ainsi de 4 milliards d'euros en 2024. Le déficit global repartirait à la hausse en 2024 pour s'établir à 11, 1 milliards d'euros.
Il s'agit d'une situation inquiétante dans la mesure où le déficit, c'est de la dette – chacun le sait – et où les conditions de remboursement de la dette sociale se sont sérieusement dégradées ces dernières années. En effet, le taux moyen de refinancement de la Cades a connu une hausse inquiétante, en passant de 0, 62 % au début de l'année 2022 à 1, 93 % aujourd'hui, certains taux approchant même les 3 %.
Dans le même temps, les ressources dont dispose la Cades pour amortir la dette sociale ont diminué : 0, 15 point de CSG lui est retiré en 2024 et le versement du Fonds de réserve pour les retraites passera, à partir de 2025, de 2, 1 milliards à 1, 45 milliard d'euros.
J'en viens aux prévisions pluriannuelles. Le déficit de la sécurité sociale continuerait à se dégrader pour s'établir à 17, 5 milliards d'euros en 2027. Pire, ce scénario défavorable repose sur des hypothèses macroéconomiques de croissance qui ont été jugées « optimistes » par le Haut Conseil des finances publiques. Nous pouvons donc nous attendre à une dégradation encore plus importante.
Concernant la branche maladie, la progression continue des dépenses et les dépassements réguliers de l'Ondam de ville devraient faire l'objet d'une réflexion approfondie. En effet, le Gouvernement se refuse – cela a été patent lors de l'examen du projet de loi de programmation des finances publiques – à envisager sérieusement une régulation des soins de ville. L'avenir de la maîtrise des dépenses d'assurance maladie est donc un impensé de la part du Gouvernement.
Au sujet de la branche vieillesse, il est inquiétant de constater que la réforme des retraites produira vraisemblablement des effets moindres que ce qui était escompté. En particulier – et cela n'a pas été abordé –, la situation de la CNRACL est de plus en plus préoccupante : son déficit ne cesse de s'aggraver, il atteindrait près de 6, 5 milliards d'euros en 2030.
Plus globalement, les déficits cumulés du budget de la sécurité sociale de 2024 à 2027 représenteraient quelque 60 milliards d'euros. Ils pourraient conduire à une nouvelle reprise de dette par la Cades, ce qui repousserait la perspective de son extinction au-delà de 2033.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, vous aurez compris que ma position personnelle sur l'équilibre général du texte est réservée.