Intervention de Florence Lassarade

Réunion du 13 novembre 2023 à 16h00
Financement de la sécurité sociale pour 2024 — Discussion générale

Photo de Florence LassaradeFlorence Lassarade :

Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, adopté grâce à l'article 49.3 à l'Assemblée nationale, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 prévoit plus de 640 milliards d'euros de dépenses, soit une hausse de 30 milliards d'euros par rapport à 2023. Cela donne le vertige !

Il fixe un Ondam à 254, 9 milliards d'euros, soit une hausse de 3, 2 % par rapport à 2023, alors que l'inflation sera à près de 5 %. Cette trajectoire peu crédible ainsi qu'une couverture lacunaire du contexte inflationniste ont conduit la commission des affaires sociales à rejeter l'Ondam pour 2024.

Il est regrettable de constater que ce texte abandonne tout objectif de retour à l'équilibre des régimes obligatoires de base.

Avec un Ondam à plus de 250 milliards d'euros, les Français sont en droit d'attendre un système de santé plus performant. La hausse des dépenses en 2024 concernera essentiellement le secteur hospitalier. Pourtant, l'Ondam ne permettra pas de répondre à la crise de l'hôpital public ni à celle des Ehpad.

Autre constat : un Ondam de plus de 250 milliards d'euros ne suffit pas à enrayer la dégradation de certains indicateurs de santé.

Ainsi, la mortalité infantile progresse en France depuis une dizaine d'années, alors qu'elle continue de diminuer en Europe. Ce taux devrait être une priorité du Gouvernement. Un certain nombre de solutions ont été mises en place dans les pays d'Europe du Nord, notamment une augmentation des effectifs dans les maternités.

Lors de votre audition par la commission des affaires sociales, vous avez parlé, monsieur le ministre, d'un « virage structurel de la prévention ». Pour autant on ne distingue pas un tel mouvement dans ce texte. Je salue néanmoins quelques mesures : lancement d'une campagne de vaccination contre le papillomavirus ou gratuité des préservatifs pour les assurés de moins de 26 ans. Cependant, rien de tout cela n'est « structurel », pour reprendre votre terme.

Monsieur le ministre, le compte n'y est pas ; ce PLFSS est très insuffisant, il manque d'une véritable ambition.

Ensuite, je suis réservée quant à l'intégration de certains dispositifs de contrôle, qui pourraient s'avérer pénalisants pour les malades du cancer. Pour lutter contre la fraude, par exemple, l'article 27 entend réguler les dépenses en matière d'indemnités journalières pour maladie. Je souhaite attirer votre attention sur deux difficultés quant à l'application de cette mesure.

Tout d'abord, les médecins libéraux considèrent que la suspension automatique des indemnités journalières après contre-visite médicale des médecins contrôleurs est une remise en cause de leur compétence de prescription ; ensuite, avec le dispositif que vous proposez, comment pourra-t-on préserver les personnes atteintes de cancer d'une potentielle instrumentalisation de cette procédure par leur employeur ?

De même, l'article 28 vise à limiter à trois jours la durée des arrêts de travail prescrits en téléconsultation. C'est une mesure bienvenue, compte tenu des abus avérés. Toutefois, cela risque de creuser les inégalités pour les personnes atteintes de cancer dans les zones sous-dotées en médecins généralistes. Comment imposer un déplacement à une personne en plein traitement dont les effets secondaires peuvent être sévères ? Nous proposerons des amendements pour corriger ces injustices.

Enfin, les médecins libéraux ne se retrouvent pas dans ce PLFSS. Sans eux, pourtant, comment envisager le virage ambulatoire et le virage domiciliaire ?

Last but not least, les économies prévues permettront-elles enfin d'envisager une hausse du prix de la consultation ?

Le vieillissement de la population, la prise en charge des maladies chroniques, les progrès de la médecine et la mise en place du « virage structurel de la prévention », que vous appelez de vos vœux, nécessitent des réformes ambitieuses et une plus grande rigueur.

Ce PLFSS se fonde sur des prévisions économiques particulièrement optimistes et la commission des affaires sociales du Sénat propose de le revoir largement. Nous allons en débattre et l'améliorer, mais dans le cadre de nos prérogatives, qui restent limitées.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion