Intervention de Olivier Dussopt

Réunion du 16 novembre 2023 à 10h30
Partage de la valeur au sein de l'entreprise — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire sur un projet de loi

Olivier Dussopt :

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement accueille avec une grande satisfaction l’accord trouvé en commission mixte paritaire sur la transposition de l’accord national interprofessionnel du 10 février 2023 relatif au partage de la valeur. Cet accord est deux fois bienvenu, d’abord pour le dialogue social, ensuite pour la démocratie parlementaire.

Transposer intégralement et fidèlement un ANI au Parlement, comme le prévoit l’article L. 1 du code du travail issu de la loi défendue en 2007 par le président Gérard Larcher, pouvait s’avérer périlleux pour des parlementaires qui, par définition, sont attachés – autant que je le suis – au droit d’amendement.

Force est de constater que vous avez démontré une fois de plus, par l’exemple, votre capacité à concilier démocratie sociale et démocratie parlementaire.

Le sens du dialogue et des responsabilités des deux assemblées aura permis de réussir sans faux pas cette transposition, dans un équilibre subtil entre l’écoute du dialogue social et le respect de la compétence du législateur.

Cela tient d’abord et avant tout, mesdames, messieurs les sénateurs, à la qualité des discussions parlementaires qui ont eu lieu, grâce notamment au travail de Mme la rapporteure et de son homologue à l’Assemblée nationale, le député Margueritte. Tous deux ont su ouvrir la discussion et faire les concessions nécessaires à l’aboutissement de cette commission mixte paritaire.

Ce projet de loi répond à deux demandes majeures des Français : une action pour le pouvoir d’achat et une plus grande participation des salariés à la vie de leur entreprise.

L’action du Gouvernement en matière de pouvoir d’achat s’inscrit dans une continuité entre la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte, les mesures d’urgence de la crise sanitaire, les réponses apportées pour lutter contre l’inflation et la volonté de toujours développer les outils de partage de la valeur.

Ce texte, sans jamais substituer les dispositifs de partage de la valeur aux salaires, vient compléter cet arsenal au service du pouvoir d’achat des Français.

Le gain de pouvoir d’achat par le partage de la valeur créée dans l’entreprise renvoie aussi à une certaine conception du travail, selon laquelle partager la valeur, c’est d’abord et avant tout revaloriser le travail en renforçant la solidarité de destin entre l’entreprise et le salarié.

L’entreprise sait ce qu’elle doit à ses salariés comme le salarié sait ce qu’il doit à l’entreprise. L’expression de cette solidarité de destin dans la participation correspond à la mise en action concrète de la démocratie au travail, grâce à la place renforcée donnée au salarié au cœur de la vie et du développement de l’entreprise.

Vous le savez, je suis convaincu par cette double vertu du partage de la valeur. C’est pourquoi j’avais invité, le 16 septembre 2022, les partenaires sociaux à ouvrir une négociation sur ce sujet. Peu d’observateurs, à l’époque, pensaient cet accord possible.

Pourtant, malgré les débats agités du printemps, les partenaires sociaux sont parvenus à un accord le 10 février 2023, signé par sept des organisations syndicales et patronales représentatives aux niveaux national et interprofessionnel.

Fort de cet esprit de consensus entre les partenaires sociaux, que je tiens de nouveau à saluer, je m’étais engagé à une transposition intégrale et fidèle de l’accord selon le principe « tout l’accord et rien que l’accord ».

Sans rien trahir de son esprit, le Parlement s’est penché sur le texte et sur des améliorations possibles. Les débats, de qualité, ont fait converger la conception des partenaires sociaux et les vues des parlementaires vers des avancées substantielles pour le partage de la valeur dans notre pays.

En premier lieu, outre une série de simplifications et d’assouplissements, je pense à l’obligation d’engager une négociation d’ici au 31 décembre pour examiner la nécessité de réviser les classifications des branches qui n’ont pas procédé à cet examen depuis plus de cinq ans. Cela permettra d’améliorer les rémunérations ainsi que l’éventail des salaires, tout en faisant écho aux chantiers que nous avons lancés avec les partenaires sociaux, dans le cadre de la conférence sociale voulue par la Première ministre.

Le partage de la valeur doit également se diffuser dans toutes les entreprises. Aujourd’hui, malheureusement, rares sont les très petites entreprises (TPE) et les PME qui bénéficient de dispositifs de participation, à la fois parce qu’elles n’en ont pas l’obligation et parce que ces dispositifs sont parfois complexes à mettre en place. C’est la raison pour laquelle moins de 10 % des salariés des entreprises de 11 à 49 salariés sont concernés par un dispositif d’intéressement ou de participation.

Dans l’objectif de mettre fin à cette inégalité de fait entre les salariés des petites et des grandes entreprises, le texte de loi transposant l’ANI renvoie au dialogue social pour organiser des négociations par accord de branche ou d’entreprise afin de trouver des formules dérogatoires plus adaptées.

De même, les entreprises de 11 à 50 salariés auront jusqu’au 31 décembre 2023 pour mettre en place un dispositif de partage de la valeur dès lors qu’elles enregistrent un bénéfice net fiscal positif supérieur à 1 % de leur chiffre d’affaires pendant trois années consécutives.

Grâce à ces dispositions au caractère très technique, près de 1, 5 million de salariés pourront avoir accès plus facilement à des dispositifs de partage de la valeur, d’intéressement ou de participation.

Ce texte crée aussi un plan de partage de la valorisation de l’entreprise. Ce plan d’une durée de trois ans, mis en place par accord pour l’ensemble des salariés ayant au moins un an d’ancienneté, permet aux salariés de bénéficier d’une prime lorsque la valeur de l’entreprise a augmenté au cours des trois années de durée du plan. Cet outil innovant contribuera à fidéliser les salariés et à les intéresser à la croissance ainsi qu’à l’augmentation de la valeur de leur entreprise.

Pour soutenir le pouvoir d’achat des salariés, la prime de partage de la valeur continuera d’être fiscalement exonérée jusqu’au 31 décembre 2026 pour les salariés dont la rémunération est inférieure à trois Smic, dans les entreprises de moins de 50 salariés.

À cette étape de mon propos, je tiens à souligner que le Parlement a en même temps tenu à affirmer le principe de non-substitution au salaire, tel que les partenaires sociaux l’ont inscrit dans l’accord. Consacré à l’article 2A, il concerne tous les dispositifs de partage de la valeur.

Enfin, le texte engage le développement de l’actionnariat salarié. Dans l’accord interprofessionnel, les partenaires sociaux ont tenu à trouver des leviers pour y parvenir, comme l’extension de la portion du capital ouverte aux salariés actionnaires, par l’augmentation des plafonds de versement d’actions gratuites aux salariés ; l’amélioration de la gouvernance des fonds d’actionnariat salarié par la recherche d’une plus grande transparence sur la politique d’engagement actionnarial ; la promotion d’une épargne verte, solidaire et responsable, à travers l’obligation de proposer au moins un fonds responsable parmi les plans d’épargne entreprise et retraite d’entreprise.

Telle est donc, mesdames, messieurs les sénateurs, la nature de ce texte d’accord entre les deux chambres du Parlement. C’est un texte dont je crois qu’il répond aux attentes des Français en matière de pouvoir d’achat et de participation à la vie des entreprises.

Encore une fois, je tiens à souligner son parcours exemplaire, depuis l’accord interprofessionnel jusqu’à la transposition fidèle, mais enrichie, qu’il en propose. C’est là le signe d’une bonne santé démocratique, dont l’expression se traduit par la confiance des acteurs dans le dialogue social et dans le travail parlementaire. Ils ont pu ainsi avancer dans la même direction, celle d’un meilleur partage de la valeur dans notre pays.

Vous l’aurez compris, le Gouvernement est reconnaissant au Parlement pour ce travail et remercie particulièrement les rapporteurs des deux chambres. Je vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs, à adopter les conclusions de la commission mixte paritaire.

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