Nous pourrions presque fermer les yeux et nous laisser bercer par cette douce musique. Nous ne sommes toutefois pas naïfs.
Nous mesurons, chaque jour, les effets pervers et dévastateurs de la financiarisation de notre économie. Au premier semestre, la France a battu un record en matière de fusions-acquisitions : leur montant s'est élevé à près de 111 milliards de dollars, contre 36 milliards de dollars au cours du premier semestre de 2005.
Le résultat de ces concentrations pour les salariés du câble, par exemple, c'est l'annonce par UPC-Noos d'un plan de licenciement touchant un millier de personnes.
Dans ce contexte de « capitalisme de casino », pour reprendre la formule du secrétaire confédéral de la Confédération européenne des syndicats, et alors même que ce gouvernement encourage les stratégies suicidaires de rentabilité absolue à deux chiffres - quels que soient les dégâts collatéraux sur l'emploi -, comment croire que vous ayez pour ambition de développer la participation et l'actionnariat salarié, afin de stabiliser le capital de nos entreprises et de peser sur les choix des investisseurs institutionnels et des actionnaires ?
Nous comprenons, en outre, que votre besoin soudain de « réconcilier le social et l'économique » sert en fait les intérêts du libéralisme. Les salariés ne percevant plus seulement leur salaire, mais disposant également de produits du capital, ils participeront pleinement au système capitaliste.
Vous maquillez le visage de l'exploitation de la force de travail de l'homme, mais elle n'en demeure pas moins sordide.
Quant à votre discours idéaliste sur l'entreprise, sur la place et la considération accordées aux salariés, il prêterait presque à sourire si la réalité du quotidien du salariat, cadres compris, n'était pas aussi dure. Poids du chômage et de la rentabilité, pratiques managériales déstructurantes, fiche de paie en ligne variant selon les résultats des commerciaux, perte de sens et stress au travail, discriminations en tout genre et notamment syndicale : les salariés sont toujours plus nombreux à perdre leur vie en tentant de la gagner.
Des sommets d'hypocrisie sont atteints. Ceux-là même qui, aujourd'hui, défendent ce texte et proposent, à l'instar du rapporteur de la commission des finances, que nous passions de la participation à la gestion participative en insistant sur les « quatre besoins essentiels de l'homme et du salarié » - « besoin d'être », « besoin de savoir », « besoin de pouvoir » et « besoin d'avoir » - et sur l'information régulière des salariés concernant les résultats de l'entreprise, bataillaient farouchement, hier, contre certaines dispositions de la loi de modernisation sociale consacrant des droits nouveaux pour les salariés.
Par exemple, les règles relatives à l'information du comité d'entreprise, préalablement à toute annonce portant sur la stratégie de l'entreprise et ayant des conséquences notamment en matière d'emploi, ont été supprimées, car elles portaient atteinte, selon ces mêmes personnes, au droit boursier.
Votre discours de responsabilisation sociale des entreprises est d'autant moins crédible qu'il est immédiatement contredit par d'autres dispositions contenues dans ce projet de loi ou par les déclarations des organisations patronales auditionnées.
Je citerai deux exemples afin d'illustrer mon propos.
L'article 14 quater permet l'adaptation - en fait, il faut comprendre « la restriction » -, par voie d'accord collectif, des modalités d'information du comité d'entreprise et des salariés.
Désormais, pour appréhender les enjeux économiques et sociaux déterminant la stratégie de l'entreprise, les membres du comité d'entreprise devront se contenter d'une réunion annuelle. Bel exemple de dialogue social, dont se félicitait pourtant tout à l'heure M. le rapporteur pour avis !