Intervention de Thomas Cazenave

Réunion du 13 novembre 2023 à 16h00
Financement de la sécurité sociale pour 2024 — Discussion d'un projet de loi

Thomas Cazenave :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux de vous présenter le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, aux côtés d’Aurélien Rousseau et d’Aurore Bergé.

Tout au long de l’élaboration du texte, jusqu’à son examen à l’Assemblée nationale et, aujourd’hui, au Sénat, nous avons eu comme seule boussole de prolonger et d’amplifier l’investissement dans notre système de protection sociale et de santé, tout en cherchant à maîtriser nos dépenses.

Vous le savez, la maîtrise des dépenses, notamment celles de santé, est une condition indispensable pour préserver notre système à court et moyen terme. Nous ne pouvons pas fermer les yeux sur la question financière, car nous risquerions d’hypothéquer notre capacité à faire face aux crises de demain.

Si nous avons réussi à mettre en œuvre le « quoi qu’il en coûte » et à protéger les Français face à la crise sanitaire, c’est parce que nous avions des marges de manœuvre suffisantes pour le faire. Il faut les retrouver.

Cette logique est valable pour la sécurité sociale comme pour les finances publiques dans leur ensemble. Nous avons pour objectif de ramener le déficit public sous la barre des 3 % à horizon de 2027. Nous pouvons revenir à ce niveau, que nous avions atteint avant les crises, puisque le déficit avait diminué à 2, 9 % du PIB en 2017 et à 2, 3 % du PIB en 2018, pour s’établir à 3 % du PIB en 2019. Il faut que l’effort soit partagé entre l’État, les collectivités territoriales et la sécurité sociale.

En parallèle, l’évolution de la démographie et le vieillissement de la population, ainsi que le renchérissement associé au progrès médical, rehaussent constamment et spontanément nos dépenses. Des mesures de maîtrise sont donc absolument nécessaires pour éviter que le système ne dérive.

Pour redresser nos comptes, ce PLFSS prévoit 3, 5 milliards d’euros d’économies dans le champ de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam). Ces économies résident dans un effort partagé, demandé à tous les acteurs.

En premier lieu, les dépenses de médicaments ont augmenté de 4 % par an, en moyenne, au cours des dernières années. Au total, elles ont atteint 35 milliards d’euros en 2022. Des marges d’amélioration sont possibles, notamment en ce qui concerne les antibiotiques, pour lesquels notre consommation est supérieure de 20 % à la moyenne européenne.

Aussi, en 2024, des économies d’un montant de 1, 3 milliard d’euros seront attendues spécifiquement sur les dépenses de médicaments et dispositifs médicaux. Afin d’y parvenir, nous nous assurerons de la baisse des prix de ces produits dans le cadre des négociations entre les industriels et le comité économique des produits de santé, pour une économie de 1 milliard d’euros.

Nous travaillerons également sur la maîtrise des quantités consommées, pour une économie de 300 millions d’euros.

Grâce à ce PLFSS, nous pourrons ainsi activer des mesures d’épargne, dont le conditionnement à l’unité, en cas de risque de pénurie sur les médicaments. Je souhaite que nous progressions encore à l’avenir, pour mettre en place ce conditionnement chaque fois que cela est possible, et pas seulement en période de pénurie.

Quant à l’effort et à la participation des complémentaires et des assurés, ils garantiront 1, 3 milliard d’euros d’économies.

Ces économies ne proviennent pas nécessairement de dispositions législatives. Nous souhaitons continuer de travailler avec tous les acteurs concernés, ainsi qu’avec les parlementaires qui souhaiteront nous aider.

Parmi les mesures déjà décidées figure le recours au transport sanitaire partagé, disposition qui relève du bon sens. Les patients qui n’ont aucune contre-indication médicale se verront proposer un transport collectif dans le cadre de leurs soins. Cela permettra de réduire les dépenses en matière de transport et de contribuer à nos objectifs dans le domaine de la transition écologique.

Nous favoriserons aussi le recours aux médicaments génériques ou biosimilaires chaque fois que cela est possible.

Enfin, concernant l’Ondam, la maîtrise des dépenses au travers de mesures portant sur les soins de ville et l’hôpital permettra une économie à hauteur de 900 millions d’euros. Nous continuerons notamment de diminuer les dépenses sur les tarifs des actes de biologie et d’imagerie médicale, grâce à la réforme de leur financement.

À moyen terme, les amendements adoptés à l’Assemblée nationale, qui ont pour objet la dialyse et la radiothérapie à l’hôpital, permettront de réajuster le financement de ces soins.

Ce travail, qui favorise les économies nécessaires à la soutenabilité de notre système, doit se poursuivre au-delà de ce PLFSS. Je rappelle que la loi de programmation des finances publiques prévoit à partir de 2025 un objectif de 12 milliards d’euros d’économies nouvelles, dont 6 milliards d’euros dans le champ des administrations de sécurité sociale.

Pour l’atteindre, nous nous appuierons sur un nouveau cycle de revues de dépenses, qui visera à évaluer la qualité de l’action publique et à en améliorer l’efficience.

Nous engagerons aussi des réformes structurelles sur certains postes de dépenses. Comme l’a annoncé la Première ministre à l’été dernier, nous lancerons par exemple une concertation sur les indemnités journalières. Je souhaite que ce chantier puisse aboutir en 2025.

Enfin, nous renforcerons nos outils de pilotage de la dépense. En particulier, nous engagerons un travail sur l’Ondam, pour que celui-ci permette de mieux réguler la dépense et de garantir le respect des objectifs fixés chaque année avec les parlementaires dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS).

Au-delà des mesures sur l’assurance maladie, nous favoriserons la maîtrise des dépenses sociales par la lutte contre le chômage et par nos actions en faveur du plein emploi.

Dans ce champ, nous bénéficions des réformes structurelles engagées par le Gouvernement et portées en particulier par Olivier Dussopt. La réforme de l’assurance chômage et celle des retraites permettent de limiter nos dépenses et d’augmenter les recettes des administrations de sécurité sociale.

Cette année, le niveau du taux de chômage est historiquement bas, à 7, 2 %. Depuis 2017, quelque 2 millions d’emplois ont été créés. Pour atteindre le plein emploi et l’objectif d’un taux de chômage à 5 %, nous devons poursuivre dans cette voie. Nous assurerons ainsi la pérennité de notre système.

Le bénéfice de ces réformes doit être préservé. Je sais que les derniers débats sur l’Agirc-Arrco ont beaucoup préoccupé le Sénat. Je me réjouis de le constater, les partenaires sociaux se sont accordés pour discuter du financement des dispositifs de solidarité. Je souhaite que ce dialogue aboutisse, et qu’ils puissent s’engager dans cette voie.

Deux mesures concernant ce régime de retraite complémentaire figurent néanmoins dans le texte, sur lesquelles je souhaite apporter des clarifications.

L’article 8 du PLFSS prévoit de revenir sur le transfert aux Urssaf du recouvrement des cotisations de retraite complémentaire, qui devait avoir lieu en 2024.

Dans un rapport de 2022, la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (Mecss) du Sénat avait souligné les risques liés à ce transfert et préconisé son report. Nous l’avons mis en œuvre en 2023 et nous faisons désormais le choix du maintien d’un circuit spécifique. Toutefois, je tiens à le dire, nous demeurons convaincus de la nécessité pour l’Agirc-Arrco et l’Urssaf de travailler ensemble pour faciliter la vie des entreprises.

S’agissant de l’article 9, il prévoit un transfert pour le financement des régimes spéciaux en extinction. En effet, le régime bénéficiera de nombreux nouveaux cotisants sans devoir effectuer de paiements de pensions avant de longues années.

Bien évidemment, la priorité reste donnée à la voie conventionnelle. Le Parlement a examiné des dispositions tout à fait similaires, par deux fois déjà, notamment pour la SNCF dans la LFSS pour 2020, sans les contester. Je comprends que le sujet soit sensible, mais j’espère que vous vous inscrirez dans ces précédents et que vous ne remettrez pas en cause le texte du Gouvernement.

En plus des économies que nous dégageons, nous augmentons aussi les recettes de la sécurité sociale.

L’Assemblée nationale a adopté un amendement visant à contenir l’augmentation des allègements de charges patronales. Nous avons acté la stabilisation des barèmes à leur niveau de 2023 s’agissant des bornes à 2, 5 Smic et 3, 5 Smic, ce qui évitera une perte de recettes de l’ordre de 600 millions d’euros. Cette mesure ne modifie pas les exonérations déjà perçues par les différents secteurs économiques, ce qui permet de les sécuriser.

Je tiens à saluer le travail de Mme la rapporteure générale, qui, en commission des affaires sociales, a introduit un plancher supplémentaire pour empêcher que plusieurs gels successifs n’aboutissent à des seuils inférieurs ou égaux à 2 Smic. Nous sommes favorables à cette mesure, qui apporte de la visibilité à tous les acteurs, ce qui correspond pleinement à nos objectifs en la matière.

Les économies que je vous présente renforcent donc la pérennité de notre système. Elles nous permettront de continuer d’investir dans ce qui constitue les priorités des Français.

L’Ondam 2023 intègre ainsi l’enveloppe de 100 millions d’euros que la Première ministre avait annoncée, l’été dernier, dans le cadre d’un nouveau fonds d’urgence pour accompagner les Ehpad et les services à domicile rencontrant des difficultés financières.

En 2024, l’Ondam franchira le seuil des 30 milliards d’euros, au bénéfice du grand âge et du handicap. En effet, nous poursuivrons l’évolution du financement des Ehpad dans les départements volontaires.

Nous poursuivrons également la revalorisation des rémunérations des professionnels déjà actée, à l’hôpital comme dans les établissements médico-sociaux. Par exemple, pour les professionnels soignants, nous augmenterons la rémunération du travail de nuit, de manière qu’elle soit supérieure de 25 % à celle du travail de jour. Concrètement, un infirmier en milieu de carrière qui aura travaillé de dix à douze nuits par mois verra sa rémunération mensuelle brute augmenter de 300 euros par rapport à 2022.

Ainsi, les dépenses en faveur de l’hôpital atteindront en 2024 un niveau inédit et dépasseront les 100 milliards d’euros pour la deuxième année consécutive.

Nous avons aussi amélioré le texte grâce aux propositions des députés. Nous étendrons le champ de la vaccination contre le papillomavirus aux jeunes accueillis dans des établissements médico-sociaux et nous généraliserons le dépistage du cytomégalovirus pendant la grossesse.

En outre, comme le rappelait Aurore Bergé, nous avons acté la prise en charge à 100 % des fauteuils roulants et la suppression du délai de carence pour les arrêts de travail qui font suite à une interruption médicale de grossesse. Enfin, nous expérimenterons un nouveau parcours de soins pour les dépressions post-partum.

Au total, l’Ondam 2024 progressera de 3, 2 %, soit un taux supérieur à celui de l’inflation, qui s’établira, quant à lui, à 2, 5 %. Ce sera le cas également dans les prochaines années.

Hors du champ de l’Ondam, je souhaite rappeler que le Gouvernement maintient un système protecteur d’indexation des prestations sur l’inflation, pour un montant supplémentaire de 14 milliards d’euros pour les retraites et de plus de 1 milliard d’euros pour les prestations familiales.

En matière de pensions, le texte adopté à l’Assemblée nationale comporte également une réforme de l’assiette du prélèvement pour les travailleurs indépendants.

Cette mesure aura vocation à leur ouvrir des droits nouveaux pour la retraite, notamment via les complémentaires, tout en étant neutre pour les finances publiques. Je suis heureux que la rédaction de ce dispositif, fruit d’une longue concertation, ait abouti à temps pour figurer dans le texte, de sorte que nous pourrons l’examiner ensemble.

Ce PLFSS acte donc une trajectoire ambitieuse pour notre système de santé et de solidarité. Il s’agit de maîtriser les dépenses tout en investissant. Telle est la position d’équilibre à laquelle nous avons abouti et que nous souhaitons conforter lors de nos travaux.

Toutefois, cet équilibre est menacé par un autre paramètre, à savoir la fraude.

À cet égard, notre objectif de tolérance zéro reste inchangé. Le Gouvernement est résolu à tout mettre en œuvre pour détecter, poursuivre et sanctionner chacune des fraudes.

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