Intervention de Corinne Imbert

Réunion du 13 novembre 2023 à 16h00
Financement de la sécurité sociale pour 2024 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Corinne ImbertCorinne Imbert :

Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, les projets de loi de financement de la sécurité sociale se suivent et, malheureusement, se ressemblent.

En 2024, l’assurance maladie suivra une trajectoire de dépenses particulièrement dynamique. À la crise sanitaire et aux dépenses exceptionnelles qu’elle a provoquées a succédé, depuis 2023, un contexte inflationniste favorisant la hausse rapide de l’Ondam.

L’objectif national de dépenses d’assurance maladie a ainsi augmenté de 27 % en cinq ans, passant de 200 milliards d’euros en 2019 à près de 255 milliards d’euros en 2024, un montant vertigineux dont peu de personnes osent prétendre qu’il contribue à répondre aujourd’hui aux besoins du système de santé et à financer justement l’accès aux soins dans les territoires.

Il s’agit d’une enveloppe considérable qu’à nouveau le Gouvernement ne prend la peine ni de justifier ni d’affiner pour la soumettre de manière lisible à la représentation nationale. De ce point de vue, le sujet des franchises et des participations forfaitaires est devenu tristement caricatural.

Sans enthousiasme, devant un manque de transparence qui n’est pas admissible, la commission n’a d’autre choix que de proposer le rejet de l’Ondam pour 2024.

Il est question de dépenses substantielles que, je le disais, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale ne permet pourtant pas de couvrir, laissant cette année encore l’assurance maladie en déficit.

Le Gouvernement nous annonçait l’an passé un spectaculaire redressement des comptes de l’assurance maladie, sans raison aucune. Nous avions jugé cette annonce peu crédible : il a fallu moins de douze mois pour nous donner raison et l’annexe A ne tente désormais même plus de fournir des explications.

Croyez-le, monsieur le ministre, nous ne demandions qu’à avoir tort : qui peut se réjouir de faire face à un horizon de déficits durables à plus de 9, 5 milliards d’euros par an ? Surtout, que finance-t-on aujourd’hui par la dette de nos enfants ? Le Gouvernement se refuse à assumer des choix difficiles, pourtant devenus incontournables, au risque d’hypothéquer définitivement notre offre de soins.

Près d’une quarantaine d’articles sont rattachés à la branche maladie. Je retiendrai plusieurs dispositions emblématiques.

Le soutien à la vaccination contre les papillomavirus humains, par exemple, face au retard préjudiciable qu’accuse notre pays, est bienvenu, mais il constitue un volet de prévention réduit à la portion congrue, quand la prescription des antibiotiques pour angine et cystite par les pharmaciens incarne la principale mesure d’accès aux soins face à la pénurie de soignants.

Le Gouvernement s’attaque cette année encore aux arrêts de travail injustifiés par un renforcement des contrôles et un strict encadrement des prescriptions en téléconsultation. Nous avons souscrit à cette mesure.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit la généralisation d’expérimentations dites de l’article 51 avec, à la clé, des modes de financement nouveaux pour favoriser l’organisation de parcours coordonnés, en ville particulièrement.

Hélas, le Gouvernement n’a pas retenu la méthode prudente des expérimentations pour un sujet bien plus ambitieux, celui de la réforme du financement de l’hôpital, notamment pour ce qui est au cœur de son activité, les soins de médecine, chirurgie, obstétrique, qui représentent pas moins de 75 milliards d’euros.

La commission ne s’oppose pas au principe d’un modèle établi sur trois piliers – nous l’avons soutenu l’an passé –, mais nous ne pouvons pas approuver la méthode gouvernementale qui consiste à proposer une réforme sans champ réellement défini, sans étude d’impact et sans financement complémentaire.

On aurait pourtant pu croire que le Gouvernement était vacciné §depuis la mise en œuvre erratique des réformes de la psychiatrie et des soins médicaux de suite et de réadaptation.

Nous refusons de jouer avec l’hôpital pour répondre à un effet d’annonce : saisissez la main tendue par la commission, monsieur le ministre !

Enfin, concernant les produits de santé, la commission a veillé à soutenir l’innovation dans le cadre de l’accès précoce et a garanti une construction cohérente et utile de la clause de sauvegarde. Elle a également travaillé à consolider les dispositions visant à prévenir les ruptures d’approvisionnement en médicaments.

Pourtant, malgré ces quelques mesures intéressantes que la commission a souhaité accompagner, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale nous laisse un goût amer. Quant au texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité, on peine à voir des changements majeurs, quand seuls des dispositifs cosmétiques ou des dispositions fondées sur de bons sentiments ont été retenus.

Monsieur le ministre, vous nous disiez il y a quelques semaines que nous pouvions nous passer d’un projet de loi relatif à la santé, dans la mesure où le Parlement était saisi chaque année du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale ne revêt pourtant ni la forme ni l’apparence d’un projet de loi santé et, cela va sans dire, il n’a pas davantage la cohérence d’un tel texte.

Cela devrait, d’une certaine manière, nous réjouir : le plan Juppé de 1996 n’avait pas pour vocation de faire du PLFSS un projet de loi portant diverses mesures d’ordre social. À trop confondre le projet de loi de financement de la sécurité sociale avec un grand fourre-tout annuel et à s’en satisfaire, le Gouvernement prive « en même temps » le Parlement d’un débat financier et d’un débat sur la politique de santé.

J’espère que l’examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale apportera des réponses claires quant aux solutions que le Gouvernement entend défendre, afin que l’assurance maladie retrouve une trajectoire de financement saine, lui donnant la capacité d’affronter les défis de santé actuels. Nous sommes prêts à en débattre.

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