Intervention de Olivier Henno

Réunion du 13 novembre 2023 à 16h00
Financement de la sécurité sociale pour 2024 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Olivier HennoOlivier Henno :

Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, d’une certaine façon, l’avis de la commission est partagé au sujet de la branche famille.

Comme je l’ai dit en commission, nous entendons bien votre allant, votre désir d’agir, madame la ministre. Votre discours sur la natalité et la démographie est doux à nos oreilles, d’autant que notre pays ne comptabilise plus que 700 000 naissances par an contre 850 000 naissances auparavant.

Il est donc nécessaire d’attribuer une forme de priorité à notre politique familiale, a fortiori parce que le groupe UC et la majorité sénatoriale estiment que cette politique a un rôle majeur à jouer pour que la démographie se redresse dans notre pays.

Or, si nous regardons de manière factuelle la politique familiale telle qu’elle est retranscrite dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous sommes tentés de conclure que c’est la grande oubliée.

Dressons un rapide état des lieux : les allocations familiales ne sont toujours pas universelles – elles ne le sont malheureusement plus depuis 2015 – ; la réforme du tiers payant du complément de libre choix du mode de garde (CMG) dit « structure » est encore repoussée ; il n’y a nulle trace dans le texte de la réforme du congé parental, que vous avez pourtant annoncée, madame la ministre – un sujet que nous suivrons avec attention.

Se pose aussi la question de l’attractivité des métiers. J’ajoute – j’ouvre ainsi une parenthèse – que la médecine scolaire, la médecine de protection maternelle et infantile (PMI) comme la médecine du travail sont en crise. Enfin, nous sommes confrontés à une certaine nébuleuse quant à la mise en place annoncée d’un service public de la petite enfance – un objectif que nous partageons –, ainsi qu’à la création de places en crèche et de nouvelles solutions de garde.

En somme, vous nous avez mis en appétit, mais nous n’avons pas grand-chose à nous mettre sous la dent dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Selon les prévisions du Gouvernement, les dépenses de la branche famille devraient s’élever à 58 milliards d’euros, en hausse par rapport à 2022. Cette dynamique est d’abord le résultat de l’indexation des prestations légales et des quelques mesures votées les années précédentes.

Elle intègre également les efforts financiers de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) relatifs aux prestations extralégales en faveur des accueils collectifs. Les dépenses du Fonds national d’action sociale de la branche augmenteraient ainsi de 6, 4 % en 2023.

Enfin, et surtout, la hausse des dépenses traduit le transfert, décidé dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, de 60 % des charges de congé maternité à la Cnaf depuis la branche maladie, ce qui correspond à une amputation de 2 milliards d’euros.

La sécurité sociale parvient de moins en moins à soutenir l’ensemble des ménages au moment de la naissance d’un enfant. Je pense notamment aux familles de la classe moyenne, exclues par les barèmes de prestations, sans pour autant disposer des revenus nécessaires pour réaliser leur désir d’enfant.

Pire, le solde de la branche ne permet pas de dégager les marges de manœuvre suffisantes pour financer les réformes annoncées par le Gouvernement et encore moins les autres réformes nécessaires – c’est l’une de nos préoccupations.

C’est pourquoi un amendement de Mme la rapporteure générale vise à abonder les recettes de la branche famille de 2 milliards d’euros, transférés des comptes de l’assurance maladie. Ainsi, on ne pourra pas nous faire le coup de l’ambition qui ne peut pas se concrétiser faute de moyens.

En ce qui concerne la politique familiale, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale constitue une sorte d’année blanche.

La commission est favorable à l’adoption de l’article 46 bis qui prévoit un assouplissement de la prise du congé de paternité et d’accueil de l’enfant pour les non-salariés agricoles.

L’article 46 ter, quant à lui, prévoit plusieurs ajustements marginaux à la réforme du complément de libre choix du mode de garde. Si la commission est favorable à la plupart d’entre eux, elle souhaite toutefois conserver le dispositif qui permet de tenir compte des horaires atypiques de garde pour des parents travaillant la nuit ou le week-end. Elle a déposé un amendement en ce sens, car elle a jugé que la réforme à venir du CMG devait répondre à l’ensemble des situations familiales.

L’article 46 ter prévoit également de reporter à 2026 l’entrée en vigueur de la réforme du tiers payant du CMG. Or nous souhaitons que cette réforme soit applicable le plus rapidement possible. Il ne s’agirait pas qu’elle soit de nouveau reportée.

L’universalité de la politique familiale ne se décrète pas. C’est comme en amour : seules comptent les preuves ! §Aussi doit-elle s’incarner sous la forme de mesures concrètes. Tant que les allocations familiales ne profiteront pas à toutes les familles de la même manière, et ce pour des raisons budgétaires, il n’y aura pas de politique universelle.

Sachons répondre aux angoisses des familles, pas seulement par des mots, mais aussi par des réformes courageuses et ambitieuses !

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