Les dépenses incompressibles des ménages n'ont cessé d'augmenter : hausse des loyers de 28 % en quatre ans, flambée du prix du gaz de 23, 5 % en une seule année, hausse de l'essence de 15 % et du fioul de 10 %.
Dans ces conditions, porter le SMIC à 1 500 euros, comme nous le réclamons, est possible et nécessaire. Mais cela n'est pas suffisant, car nombre de salariés sont rémunérés à un taux horaire inférieur au SMIC.
Les réponses passent par des grilles de rémunération qui respectent a minima le niveau du SMIC. C'est malheureusement loin d'être le cas, monsieur Larcher ! Vous aviez pourtant pris l'engagement, ici même, d'entamer des négociations collectives avec les partenaires sociaux et de ramener les seuils des grilles de salaire dans les diverses branches d'industrie au niveau du SMIC.
Or, aujourd'hui, 50 % de ces grilles - y compris dans des branches comme la chimie, dont la grille comprend six échelons inférieurs au SMIC - se situent sous le niveau du SMIC.
Selon nous, cette question des bas salaires appelle aussi des réponses en termes de stabilisation des emplois et de limitation du recours aux emplois précaires, aux stages et aux contrats à durée déterminée. Nous proposerons une série d'amendements allant dans ce sens.
J'espère, sans toutefois me faire d'illusions, que nous serons entendus sur ces différents points car, sur le marché de l'emploi, les conditions ne sont guère favorables. En effet, 15 % de la population active est actuellement sous-employée et presque un emploi sur cinq est un emploi sous contrat à durée déterminée, à temps partiel, ou en intérim.
C'est d'ailleurs l'intérim qui vient soutenir l'emploi en France, car les embauches à temps plein et en contrat à durée indéterminée, qui étaient encore la règle il y a quelques années, disparaissent peu à peu.
Quant aux chiffres du chômage, il est impossible aujourd'hui d'en avoir une estimation crédible. En effet, de l'avis général, le pourcentage annoncé de 8, 8 % est bien éloigné de la réalité, malgré les protestations de M. Larcher.
On peut évaluer à 1 million le nombre de demandeurs d'emploi qui échappent aux statistiques officielles du fait des radiations massives ou des déclassements d'une catégorie de demandeurs d'emploi à une autre. Le nombre réel des demandeurs d'emplois est donc largement supérieur à 3 millions.
Travailler ne permet plus de subvenir à ses besoins : 1, 3 million de travailleurs, soit 5 % de la population active, sont aujourd'hui considérés comme pauvres, car leur revenu mensuel est inférieur à 650 euros ; plus du quart des sans-abri ont un travail. Enfin, à la fin de 2005, plus de 6 millions de personnes dépendaient directement ou indirectement des minima sociaux.
Non seulement la pauvreté ne régresse plus dans notre pays, mais certains indicateurs témoignent plutôt de son augmentation : le surendettement des ménages a augmenté de 9, 8 % en un an et les expulsions locatives pour cause de loyer impayé ont fait un bond de 40 % en six ans.
Tel est, madame, messieurs les ministres, le contexte dans lequel nous examinons ce projet de loi. Cet éclairage renforce le décalage entre votre diagnostic, le discours politique, les solutions proposées et la réalité que vivent nos concitoyens. Il nous permet d'affirmer que ce projet de loi sur la participation sera bien loin de répondre aux attentes des Français.
Ce texte ne règle ni le débat sur le partage des fruits de la croissance ni les questions touchant au niveau et au mode de rémunération des dirigeants d'entreprises. Ce n'est pas la réponse adaptée à l'exigence de gains immédiats en termes de pouvoir d'achat, et ce pour l'ensemble des salariés.
Pis encore, ce texte risque d'accroître davantage les écarts de rémunération entre les salariés.
La récente étude de l'INSEE en date de septembre 2006, intitulée « Épargne salariale, des pratiques différenciées selon les entreprises et les salariés », ne vous fait pas bonne presse. On y lit notamment que « 10 % des salariés les mieux lotis en matière d'épargne salariale ont perçu 40 % des sommes versées à ce titre ».
Les conclusions de cette enquête sont claires : partout où il existe des inégalités de salaires, l'épargne salariale, loin de les corriger, les amplifie.
Il faut ajouter qu'entre 2000 et 2004 l'épargne salariale a fait un bond de 6, 7 % par an alors que, sur la même période, les salaires n'ont pas progressé. Nous pouvons en conclure qu'il existe un réel danger de substitution de cette solution à une vraie politique salariale. Mais n'est-ce pas là l'un de vos objectifs ?
Ce texte participe de votre volonté de faire progressivement adhérer l'ensemble de la société, et les travailleurs en particulier, au modèle capitaliste et libéral.
Pour vous et le MEDEF, l'idéal serait que les salariés non seulement concourent à leur propre exploitation, mais la cautionnent. C'est votre rêve ! Pour qu'il se réalise, vous les bercez de l'illusion qu'ils recevront quelques miettes.
En réalité, la participation financière, comme l'actionnariat salarié, est une arme redoutable permettant de flexibiliser les salaires et d'individualiser les rapports sociaux. Avec ce dispositif, la rémunération des travailleurs vient après les profits et devient quasiment subsidiaire, soumise aux aléas des marchés boursiers et des investissements financiers.
Les conséquences sur l'organisation du travail sont lourdes.
De façon insidieuse, ces formes de rémunérations contournent les structures collectives existantes, qui protègent le salarié dans la relation inégalitaire qui le lie à son employeur. Le salarié se retrouve seul face à son patron qui lui, en revanche, dispose de moyens de pression bien plus importants que lorsque la rémunération dépend uniquement des négociations collectives ou des accords de branches.
Tel est le monde du travail dont rêve le MEDEF : une structure sociale organisée autour de l'entreprise, qui aurait assimilé ses salariés à un point tel que toute revendication aurait disparu et où la dégradation des conditions d'emploi et de salaire serait admise au nom de l'impératif de profit. Il suffit pour s'en convaincre de lire les brochures de Mme Parisot !
La lecture de vos intentions est plus évidente encore dans le titre III du projet de loi intitulé « Dispositions relatives au droit du travail ». On y retrouve la même volonté de flexibiliser plus encore la main-d'oeuvre. La mise à disposition de travailleurs équivaut tout simplement à un prêt de salariés, ce qui était jusqu'à présent illégal, selon une jurisprudence constante.
La même volonté d'éclatement du monde salarial s'exprime à travers le congé de mobilité, qui prive le travailleur de la protection de son contrat de travail, sans qu'il dispose pour autant des garanties offertes par le système des ASSEDIC. C'est déjà le cas avec le contrat de transition professionnelle, dont on nous demande de ratifier l'ordonnance.
Le même objectif est enfin présent dans la suppression de la contribution Delalande, qui permettra aux entreprises de licencier plus facilement leurs salariés âgés.
S'agissant enfin de la lettre rectificative venue compléter le projet de loi à la rentrée parlementaire, je ne m'attarderai pas sur la méthode, dorénavant courante pour ce Gouvernement, qui consiste à glisser dans les textes législatifs des dispositions dépourvues de tout lien avec eux, mais qui procèdent, au gré des déclarations ministérielles, de l'opportunisme politique. À cet égard, nous sommes sacrément gâtés !