Intervention de Khalifé KHALIFÉ

Réunion du 13 novembre 2023 à 16h00
Financement de la sécurité sociale pour 2024 — Discussion générale

Photo de Khalifé KHALIFÉKhalifé KHALIFÉ :

Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, quand on est empreint d’optimisme, il est particulièrement décevant de commencer un mandat de sénateur en examinant, après la chétive proposition de loi Valletoux visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels, un PLFSS qui a depuis longtemps renoncé à sa vocation de 1996.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 est le premier texte budgétaire qu’il m’est donné d’examiner. Le professionnel de santé que je suis ne peut cacher son insatisfaction face à un texte qui ne provoque pas le déclic qui permettrait à nos professionnels de sortir du doute et à nos concitoyens du désarroi. L’exercice n’est pas facile, monsieur le ministre, je vous le concède d’emblée.

Sur l’aspect financier, comment considérer ce PLFSS comme un texte budgétaire, alors qu’il est marqué par l’absence d’une trajectoire claire et – plus inquiétant encore – par un certain flou dans sa construction, ainsi que par des incertitudes sur les prévisions pour 2027 ?

Alors que l’inflation reste forte et que son impact n’avait pas suffisamment été pris en compte l’année dernière, le projet 2024 ne couvre pas non plus l’ensemble des coûts.

Certes, la progression de l’Ondam de 3, 2 % est apparemment une bonne chose. Mais l’annonce de 3, 7 milliards d’euros d’économies, malgré les mesures prévues, laisse planer un doute sur la sincérité des comptes – j’espère me tromper, monsieur le ministre.

Malgré un énorme budget de 250 milliards d’euros consacré à la santé, pourquoi ce texte n’apporte-t-il pas de réponse aux interrogations des usagers et aux craintes des professionnels ?

Quels sont les objectifs de ce projet ? À l’image de la proposition de loi Valletoux, ce texte souffre d’un manque cruel d’ambitions structurelles et certaines des dispositions proposées manquent de pertinence. Je prendrai pour exemple l’article 24 : quel est l’intérêt de mobiliser les chirurgiens-dentistes pour assurer la régulation au centre 15 des soins dentaires, alors qu’une expertise en psychiatrie, voire en pédiatrie, serait bien plus nécessaire ?

Au-delà de l’aspect purement financier, ce texte doit tirer les leçons des constats d’hier et des vécus d’aujourd’hui, en évitant d’ajouter des couches à un millefeuille déjà bien épais.

L’absence chronique de mesures concrètes contribue largement au déficit et favorise aujourd’hui la financiarisation de la médecine, mouvement que nous déplorons tous.

Madame la ministre, messieurs les ministres, je caresse l’espoir que des amendements proposés par le Sénat puissent être adoptés, comme cela fut le cas lors de l’examen de la proposition de loi Valletoux.

En ce qui concerne l’innovation et la prospective, ce PLFSS, comme l’exige tout projet dit futuriste, consacre quelques mesures utiles, tel le recours aux expérimentations de l’article 51. Mais ces dispositions sont insuffisantes.

La prévention, malgré des propositions que nous saluons, reste le parent pauvre de la politique de santé.

Par ailleurs, quelle est la place de l’innovation dans ce texte ? Alors que le rapport commandé par Mme la Première ministre est paru au mois d’août, ce PLFSS ne semble pas en tenir clairement compte, en particulier concernant les produits innovants. Enfin, qu’en est-il de la réinternalisation de la production des produits pharmaceutiques ?

Pour conclure, il est de notre responsabilité collective – nous en prendrons notre part, monsieur le ministre – de mettre fin à cette fuite en avant. Plus que jamais, une réforme structurelle pour une maîtrise médicalisée, et non pas seulement comptable, de nos dépenses de soins est nécessaire pour redonner confiance aux usagers et aux professionnels.

Cette réforme passera par trois points : optimiser et sécuriser le parcours des patients ; évaluer les pratiques professionnelles et la pertinence des soins ; et surtout, tout faire pour assurer une diminution des surcoûts liés à la non-qualité.

Madame la ministre, messieurs les ministres, comme tout professionnel de santé en responsabilité, j’ai longtemps observé avec beaucoup d’admiration la construction des PLFSS. Je l’imaginais, malgré sa complexité, les interventions et les lobbys, comme un document rigoureux, un pilote traçant la trajectoire de notre système de santé. Force est de constater que nous sommes malheureusement loin d’une telle réalité, et ma déception est à la hauteur de mes attentes.

Permettez-moi de terminer par une note d’espoir, à la suite de vos déclarations respectives de cet après-midi. Si je suis tenté d’y croire, la réalisation de ces mesures nécessitera une volonté sans faille.

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