Madame la présidente, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, mieux associer les salariés aux résultats et à la gestion de leur entreprise est une idée ancienne dont le général de Gaulle a posé les premiers jalons, voilà près de quarante ans, avec les ordonnances de 1959 sur l'intéressement et de 1967 sur la participation.
Depuis, le cadre juridique en la matière s'est enrichi et amélioré, et si la France est en retard en ce domaine par rapport aux pays anglo-saxons, elle demeure en avance sur d'autres pays européens.
Pour autant, le bilan de cette politique est en demi-teinte, car, à l'heure actuelle, seul un actif sur trois a accès à l'épargne salariale dans notre pays.
En outre, les données statistiques fournies par le ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement font apparaître d'importantes inégalités entre les salariés selon la taille de leur entreprise. Ainsi, en 2004, 92 % des salariés ayant accès à un dispositif d'épargne salariale travaillaient dans des entreprises d'au moins cinquante salariés.
S'ajoute à ce constat l'étude de l'INSEE sur les salaires en France en 2006, étude dont les conclusions vont dans le même sens, à savoir l'inégalité entre les salariés du fait des dispositifs de participation et d'épargne salariale selon la taille de l'entreprise et le secteur d'activité, et l'inégalité de la répartition des sommes liées à l'épargne salariale.
Ce grand projet de mieux associer les salariés aux résultats et à la gestion de leur entreprise reste donc inachevé. C'est par conséquent à bien juste titre que les députés François Cornut-Gentille et Jacques Godfrain considèrent, dans leur rapport au Premier ministre consacré à la participation de septembre 2005, que la participation reste une idée neuve pour une économie moderne et réaffirment sa double dimension sociale et financière.
Nous savons tous que, plus la participation et l'actionnariat des salariés seront forts et bien organisés, plus les salariés soutiendront les intérêts de l'entreprise et formeront un contre-pouvoir face à des actionnaires étrangers.
Alors, monsieur le ministre, même si le projet de loi pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié que vous nous présentez est un peu un texte « fourre-tout » - que les députés ont d'ailleurs tenté de recentrer sur son objet initial -, qui comprend des mesures importantes dépassant de loin le seul cadre de l'épargne salariale et de la participation, je considère que c'est bien opportunément que le Parlement est saisi de ce sujet.
Je déplore en revanche qu'une fois encore le Parlement doive examiner un texte important selon la procédure d'urgence.
S'agissant du projet de loi en lui-même, le texte qui nous est soumis tente d'établir un équilibre, même si celui-ci n'est certainement pas abouti, entre le volet financier de la participation et de l'épargne salariale, d'une part, l'information et la formation des salariés ainsi que la sécurisation des dispositifs à leur égard tout en conservant une certaine souplesse et en restant incitatif pour les entreprises, d'autre part.
Dans cet ensemble, l'objectif est d'adapter notre modèle économique et social à la globalisation, de le rendre plus performant, plus compétitif tout en accompagnant les mutations et en cherchant à protéger les salariés.
Pour ce faire, il s'agit de décloisonner et de fluidifier : décloisonner et fluidifier les rapports entre travail et capital grâce à l'épargne salariale ; décloisonner et fluidifier le marché du travail en sécurisant les parcours professionnels.
C'est ainsi que nous pourrons gagner en flexibilité, en productivité, et combattre durablement le chômage par une plus grande adaptabilité des salariés.
Les raisons de développer l'épargne salariale en général et l'actionnariat salarié en particulier ne manquent pas.
Du point de vue du salarié, ces mécanismes permettent à celui-ci de se constituer une épargne à des conditions fiscales très privilégiées.
Du point de vue de l'entreprise, outre le vecteur de cohésion sociale qu'ils constituent, les dispositifs de participation, d'intéressement et les PEE motivent ses salariés en les associant à la richesse créée par l'entreprise, contribuent à la stabilité du capital dans un contexte de mondialisation, permettent de dégager des liquidités et de constituer des noyaux stables d'actionnaires. Sous cet angle, l'épargne salariale peut effectivement apparaître comme un moyen pour les entreprises cotées de se défendre contre des OPA hostiles.
Enfin, du point de vue de l'économie française dans sa globalité, l'épargne salariale approfondit et liquidifie nos marchés financiers. C'est un instrument de lutte contre la suprématie financière des fonds de pension, notamment américains.
Mais, d'un autre côté, le développement de la participation, de l'intéressement, des dons d'actions, des abondements de PEE ne doit pas se faire au détriment de la politique salariale ou du financement de la protection sociale.
Aussi, le développement de l'épargne salariale ne peut-il se faire que dans un cadre sécurisé. C'est ce que propose le projet de loi.
Pour ma part, je retiendrai que ce texte incite à étendre la participation à toutes les entreprises, et notamment les petites et moyennes entreprises, avec le double souci de ne pas entraver leur bon fonctionnement et de renforcer l'information des salariés. Il ouvre la possibilité de l'épargne salariale aux entreprises de moins de cinquante salariés, au conjoint collaborateur ou aux entreprises situées en zone franche urbaine.
Ainsi, le projet de loi devrait favoriser un développement horizontal, c'est-à-dire élargir le nombre de salariés couverts, et un développement vertical, c'est-à-dire accroître l'épargne des salariés déjà couverts.
Premièrement, inscrire à l'agenda des partenaires sociaux la négociation de régimes de participation au niveau de la branche dans un délai de trois ans devrait substantiellement améliorer la couverture des PME. Il en est de même de l'article élargissant la négociation aux groupements d'employeurs et aux GIE et de celui portant création de l'intéressement de projet.
Deuxièmement, permettre le versement d'un supplément de participation et d'intéressement développera l'épargne quantitativement là où elle existe déjà. Permettre le versement de sommes du compte épargne-temps vers le PEE ou le PERCO va dans le même sens.
La notion de participation englobe deux aspects distincts et complémentaires du fonctionnement de l'entreprise. Pour les salariés, participer c'est, d'une part, contribuer au financement de leur entreprise et de l'économie, et, d'autre part, agir sur la gestion même de l'entreprise.
Or, si le projet de loi qui nous est soumis traite bien l'aspect strictement financier de la participation, il n'aborde pas de façon assez approfondie les questions relatives à la gouvernance de l'entreprise, inévitablement posées par le concept même de participation.
Je dois toutefois saluer les articles facilitant la reprise de leur entreprise par les salariés et celui portant sur l'obligation de représentation des salariés actionnaires au conseil d'administration de leur société dès lors qu'ils détiennent plus de 3 % de son capital. Il paraît en effet fondamental que les salariés soient consultés sur les décisions qui concernent l'entreprise.
En outre, je pense que c'est à tort que certains chefs d'entreprise expriment des craintes quant aux conséquences de la participation d'un représentant des salariés actionnaires au sein du conseil d'administration de leur société.