Au demeurant, je pourrais aussi vous donner l'exemple du secteur pétrolier. Ainsi, chez Total, la politique salariale n'a rien à voir avec celle qui est conduite dans d'autres secteurs.
Il y a tout de même là une question essentielle, sur laquelle vous ne pouvez vous en sortir simplement par la plaisanterie - je sais que vous cherchez à me taquiner ! - en faisant croire qu'il y aurait, en haut du panier, ceux qui comprennent et, en bas, une belle bande d'abrutis qui n'ont qu'à écouter.
J'ai lu avec attention dans la presse un entretien avec un économiste, M. Jean-Marie Harribey, qui enseigne à Bordeaux IV : ce ne doit donc pas être un abruti ; je suppose qu'il connaît un peu son métier !
Je ne vous infligerai pas toute sa démonstration, encore qu'elle soit fort intéressante, et je suis sûr que vous le penserez aussi si vous en prenez connaissance. J'en citerai simplement les prémisses.
La question qui lui était posée était la suivante : « À la lumière des résultats publiés par les groupes du CAC 40, peut-on faire un lien direct entre la hausse de la rentabilité des fonds propres - la rentabilité financière - des actionnaires et la hausse de la productivité du travail ? ».
Vous le voyez, il s'agit précisément du point sur lequel vous avez articulé votre démonstration.
Voici ce que répond ce professeur : « Les évolutions de la rentabilité financière et de la productivité du travail sont sans commune mesure. La première évolue à un rythme bien plus élevé que la seconde. La comparaison est donc éloquente : puisque les revenus financiers augmentent plus vite que la richesse produite, la part salariale ne peut que décroître. »
Vous vous satisfaites de cette situation, mais ce n'est pas notre cas !
Il poursuit ainsi son raisonnement : « C'est le mouvement de fond qui caractérise les vingt-cinq dernières années. L'absence de volonté de lutter véritablement contre le chômage et l'organisation de la précarité sont les deux leviers par lesquels le capital réussit à s'approprier une part accrue de la richesse. Quand la productivité progresse de 2 % par an et que, dans le même temps, les dividendes augmentent de 30 %, 40 %, 50 % ou plus, fatalement, la répartition de la richesse s'en trouve déformée. »
Nous pourrons continuer à débattre de tout cela dans la suite de la discussion. J'ai à ma disposition des piles de documents qui vont dans ce sens. En tout cas, il n'y a pas qu'une seule vision de l'économie, celle que vous défendez, assez bien, d'ailleurs, en fin de compte. Acceptez qu'il y ait aussi des positions différentes, que d'autres, dont je fais partie, défendent.