Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux de vous présenter ce projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG) pour 2023.
Le projet de loi que je vous présente aujourd’hui est un texte financier particulier. Vous le savez, il se concentre sur la réaffectation des crédits fixés dans la loi de finances initiale. Ainsi, nous ne touchons pas aux grands équilibres de celle-ci, non plus qu’aux impôts, que ce soit pour les particuliers ou pour les entreprises.
Ce texte est donc plus circonscrit qu’un projet de loi de finances rectificative. Il permet seulement au Gouvernement de s’adapter aux événements intervenus pendant l’année et d’en tirer les conséquences budgétaires.
L’article liminaire de ce projet de loi de finances de fin de gestion confirme les prévisions de croissance de la loi de finances initiale. Ce taux de 1 %, beaucoup d’économistes et de prévisionnistes l’avaient jugé optimiste. Sa réalisation démontre que notre économie a tenu, que nos entreprises ont continué de produire et de se développer malgré les crises.
Notre stratégie de lutte contre l’inflation et de protection des entreprises et des ménages face à l’augmentation des coûts de l’énergie a fonctionné. L’inflation sera certes supérieure à nos prévisions initiales, mais baissera de 0, 3 point par rapport à 2022 pour s’établir à 4, 9 % en 2023. Les derniers chiffres du mois d’octobre font état d’une inflation retombée à 4 %. La baisse de l’inflation devrait se poursuivre de façon marquée en 2024.
Notre stratégie a également permis de contenir le déficit public. Avec 4, 9 % du PIB, nous sommes à un niveau inférieur à la prévision de la loi de finances initiale. C’est une bonne nouvelle pour nos finances publiques. Avec la hausse des taux d’intérêt, chaque euro de dette supplémentaire nous coûte plus cher. Cette augmentation des taux nous conduit d’ailleurs à ouvrir 3, 8 milliards d’euros de crédits supplémentaires pour faire face à la hausse de la charge de la dette.
Nous allons poursuivre dans cette voie de réduction progressive et déterminée du déficit public. La Première ministre a lancé la semaine dernière avec l’ensemble du Gouvernement une première vague de revues des dépenses pour 2024 et 2025. Le Sénat y sera associé, car c’est un travail collectif, pour l’intérêt général.
Je souhaite que cet exercice nous permette de respecter la trajectoire ambitieuse que nous nous sommes fixée dans le projet de loi de programmation des finances publiques.
Au-delà du contexte macroéconomique, des événements extérieurs ont affecté l’exécution de la loi de finances initiale. Notre pays a fait face à des crises nouvelles, certaines se sont aggravées.
Pour toutes ces raisons, il est de notre responsabilité d’adapter notre budget afin de permettre à la France de poursuivre son action et de respecter ses engagements.
Le premier de ces engagements est celui que nous avons vis-à-vis de l’Ukraine. La France doit continuer de jouer pleinement son rôle dans cette guerre aux portes de l’Union européenne. Notre soutien face à l’invasion russe reste indéfectible.
Pour remplir pleinement cette mission, nous avons besoin d’une armée forte, capable de faire face aux crises. Ce projet de loi permet l’augmentation de 2, 1 milliards d’euros du budget de nos armées. Plus de la moitié de ces crédits sont une anticipation de la loi du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense. Nous devons être dotés d’une armée de premier ordre, pilier de notre autonomie stratégique.
Nous augmenterons également de 300 millions d’euros le budget du ministère de l’intérieur afin de permettre notamment l’accueil des réfugiés ukrainiens. Cette politique est conforme à nos engagements vis-à-vis de l’Ukraine, de nos partenaires européens et du monde libre.
Le monde agricole a traversé de nombreuses crises au cours des dernières années. Le soutien à l’agriculture est un enjeu majeur pour les territoires ruraux. C’est également un enjeu central pour notre souveraineté et essentiel dans le contexte d’instabilité que nous connaissons. Nous devons préserver notre modèle et soutenir toujours et partout notre ruralité.
Vous le savez, au cours des deux dernières années, l’épidémie de grippe aviaire a touché de nombreuses exploitations. C’est pourquoi le projet de loi qui vous est présenté prévoit une augmentation des crédits du ministère de l’agriculture, à hauteur de 800 millions d’euros, destinée au dédommagement des exploitants touchés.
Les dispositifs de soutien du Gouvernement contenus dans ce PLFG touchent tous les territoires.
Ainsi, 400 millions d’euros supplémentaires seront consacrés aux exonérations de cotisations sociales patronales spécifiques aux territoires ultramarins. Le chômage a baissé plus vite dans ces territoires qu’en métropole depuis 2017 ; toutefois, son taux y reste plus important. Nous devons intensifier nos efforts pour le travail et pour le plein emploi partout sur le territoire.
Enfin, le Gouvernement continue de protéger et de soutenir les Français, en particulier ceux qui en ont le plus besoin. C’est cet objectif partagé qui vous a conduits à adopter, dans une version conforme à celle de l’Assemblée nationale, la déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés (AAH). Nous ouvrons près de 500 millions d’euros sur le budget du ministère des solidarités et des familles pour tenir compte de la hausse du nombre de personnes bénéficiant de la prime d’activité et de l’AAH.
Mais le sérieux budgétaire impose que toutes ces dépenses supplémentaires soient compensées par des annulations de crédits dans les budgets des ministères : 5, 2 milliards d’euros s’ajoutent ainsi aux 5 milliards déjà annulés par décret en septembre 2023.
Ces annulations ne doivent pas être lues comme des renoncements du Gouvernement par rapport à ses engagements initiaux. Notre économie a tenu bon, nous avons réussi à maîtriser la flambée des prix de l’énergie. Certains crédits adoptés n’ont donc pas été dépensés. C’est une bonne nouvelle.
Sur la sinistralité des prêts garantis par l’État (PGE) d’abord, 500 millions d’euros sont économisés. Je le disais, notre économie a tenu, nos entreprises ont continué de se développer. Elles ont été en mesure de rembourser ces prêts.
Le dynamisme de notre économie a également permis de limiter nos dépenses en matière de chômage.
Pour ce qui concerne enfin la masse salariale des ministères, c’est aussi le principe de la gestion prudente qui a prévalu, puisque nous avons pu mettre en œuvre les mesures de revalorisations salariales annoncées en juin 2023 sans ouvrir de nouveaux crédits pour les dépenses de personnel des ministères.
Le texte qui vous est présenté est également le fruit d’un travail dense avec l’Assemblée nationale. Les députés de la majorité et des oppositions l’ont enrichi. Plusieurs dispositifs ont été intégrés sans pour autant déséquilibrer le texte initial. Avec ces ajouts, nos prévisions concernant le déficit restent inchangées. C’est le même effort de maîtrise qui doit nous guider dans nos débats ici au Sénat.
Ainsi, nous renforcerons notre soutien à l’Ukraine par la prolongation du fonds spécial créé en fin d’année 2022, pour un montant de 200 millions d’euros. C’était une proposition transpartisane qui a largement rassemblé les députés. Nous l’avons soutenue.
La première lecture à l’Assemblée nationale nous a permis d’aller plus loin en matière de soutien à l’agriculture. Les députés ont notamment adopté un amendement pour soutenir la filière vitivinicole touchée par le mildiou.
Les députés ont aussi souhaité introduire des dispositifs spécifiques de soutien aux territoires. Ainsi, la dotation de solidarité territoriale a été reconduite pour la collectivité de Corse. Face aux difficultés que traversent la Martinique, la Guadeloupe et Saint-Marin, les fonds alloués au plan Sargasses II ont été renforcés.
Le texte a, en outre, été enrichi par de nombreux dispositifs de soutien à destination des personnes les plus fragiles. En particulier, les familles monoparentales les plus modestes bénéficieront d’une majoration exceptionnelle de la prime de Noël. Face aux difficultés récentes qu’elles ont traversées, 20 millions d’euros supplémentaires seront destinés aux associations d’aide alimentaire. Dans le domaine de la santé, 1 million d’euros seront consacrés à la prévention de l’endométriose.
Ainsi, mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi de finances de fin de gestion, tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale, permet d’ajuster les crédits par des ouvertures et des annulations, en tirant les conséquences des événements de l’année en cours.
Il permet à la France de respecter ses engagements vis-à-vis des Français et de ses partenaires. Il permet également de respecter notre objectif de sérieux en matière de dépense publique auquel, je le sais, vous êtes particulièrement sensible.
J’espère que l’équilibre trouvé dans le texte entre la maîtrise de nos finances publiques et le soutien à l’Ukraine, à l’agriculture et aux territoires et personnes qui connaissent des difficultés saura vous convaincre.