La séance est ouverte à seize heures.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
Lors des scrutins n° 48, 49 et 50 du 16 novembre 2023 relatifs au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, M. Pierre-Jean Verzelen souhaitait voter pour.
Acte est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle figurera dans l'analyse politique des scrutins concernés.
J'informe le Sénat que les candidatures pour siéger au sein de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur ce projet de loi ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre règlement.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux de vous présenter ce projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG) pour 2023.
Le projet de loi que je vous présente aujourd'hui est un texte financier particulier. Vous le savez, il se concentre sur la réaffectation des crédits fixés dans la loi de finances initiale. Ainsi, nous ne touchons pas aux grands équilibres de celle-ci, non plus qu'aux impôts, que ce soit pour les particuliers ou pour les entreprises.
Ce texte est donc plus circonscrit qu'un projet de loi de finances rectificative. Il permet seulement au Gouvernement de s'adapter aux événements intervenus pendant l'année et d'en tirer les conséquences budgétaires.
L'article liminaire de ce projet de loi de finances de fin de gestion confirme les prévisions de croissance de la loi de finances initiale. Ce taux de 1 %, beaucoup d'économistes et de prévisionnistes l'avaient jugé optimiste. Sa réalisation démontre que notre économie a tenu, que nos entreprises ont continué de produire et de se développer malgré les crises.
Notre stratégie de lutte contre l'inflation et de protection des entreprises et des ménages face à l'augmentation des coûts de l'énergie a fonctionné. L'inflation sera certes supérieure à nos prévisions initiales, mais baissera de 0, 3 point par rapport à 2022 pour s'établir à 4, 9 % en 2023. Les derniers chiffres du mois d'octobre font état d'une inflation retombée à 4 %. La baisse de l'inflation devrait se poursuivre de façon marquée en 2024.
Notre stratégie a également permis de contenir le déficit public. Avec 4, 9 % du PIB, nous sommes à un niveau inférieur à la prévision de la loi de finances initiale. C'est une bonne nouvelle pour nos finances publiques. Avec la hausse des taux d'intérêt, chaque euro de dette supplémentaire nous coûte plus cher. Cette augmentation des taux nous conduit d'ailleurs à ouvrir 3, 8 milliards d'euros de crédits supplémentaires pour faire face à la hausse de la charge de la dette.
Nous allons poursuivre dans cette voie de réduction progressive et déterminée du déficit public. La Première ministre a lancé la semaine dernière avec l'ensemble du Gouvernement une première vague de revues des dépenses pour 2024 et 2025. Le Sénat y sera associé, car c'est un travail collectif, pour l'intérêt général.
Je souhaite que cet exercice nous permette de respecter la trajectoire ambitieuse que nous nous sommes fixée dans le projet de loi de programmation des finances publiques.
Au-delà du contexte macroéconomique, des événements extérieurs ont affecté l'exécution de la loi de finances initiale. Notre pays a fait face à des crises nouvelles, certaines se sont aggravées.
Pour toutes ces raisons, il est de notre responsabilité d'adapter notre budget afin de permettre à la France de poursuivre son action et de respecter ses engagements.
Le premier de ces engagements est celui que nous avons vis-à-vis de l'Ukraine. La France doit continuer de jouer pleinement son rôle dans cette guerre aux portes de l'Union européenne. Notre soutien face à l'invasion russe reste indéfectible.
Pour remplir pleinement cette mission, nous avons besoin d'une armée forte, capable de faire face aux crises. Ce projet de loi permet l'augmentation de 2, 1 milliards d'euros du budget de nos armées. Plus de la moitié de ces crédits sont une anticipation de la loi du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense. Nous devons être dotés d'une armée de premier ordre, pilier de notre autonomie stratégique.
Nous augmenterons également de 300 millions d'euros le budget du ministère de l'intérieur afin de permettre notamment l'accueil des réfugiés ukrainiens. Cette politique est conforme à nos engagements vis-à-vis de l'Ukraine, de nos partenaires européens et du monde libre.
Le monde agricole a traversé de nombreuses crises au cours des dernières années. Le soutien à l'agriculture est un enjeu majeur pour les territoires ruraux. C'est également un enjeu central pour notre souveraineté et essentiel dans le contexte d'instabilité que nous connaissons. Nous devons préserver notre modèle et soutenir toujours et partout notre ruralité.
Vous le savez, au cours des deux dernières années, l'épidémie de grippe aviaire a touché de nombreuses exploitations. C'est pourquoi le projet de loi qui vous est présenté prévoit une augmentation des crédits du ministère de l'agriculture, à hauteur de 800 millions d'euros, destinée au dédommagement des exploitants touchés.
Les dispositifs de soutien du Gouvernement contenus dans ce PLFG touchent tous les territoires.
Ainsi, 400 millions d'euros supplémentaires seront consacrés aux exonérations de cotisations sociales patronales spécifiques aux territoires ultramarins. Le chômage a baissé plus vite dans ces territoires qu'en métropole depuis 2017 ; toutefois, son taux y reste plus important. Nous devons intensifier nos efforts pour le travail et pour le plein emploi partout sur le territoire.
Enfin, le Gouvernement continue de protéger et de soutenir les Français, en particulier ceux qui en ont le plus besoin. C'est cet objectif partagé qui vous a conduits à adopter, dans une version conforme à celle de l'Assemblée nationale, la déconjugalisation de l'allocation aux adultes handicapés (AAH). Nous ouvrons près de 500 millions d'euros sur le budget du ministère des solidarités et des familles pour tenir compte de la hausse du nombre de personnes bénéficiant de la prime d'activité et de l'AAH.
Mais le sérieux budgétaire impose que toutes ces dépenses supplémentaires soient compensées par des annulations de crédits dans les budgets des ministères : 5, 2 milliards d'euros s'ajoutent ainsi aux 5 milliards déjà annulés par décret en septembre 2023.
Ces annulations ne doivent pas être lues comme des renoncements du Gouvernement par rapport à ses engagements initiaux. Notre économie a tenu bon, nous avons réussi à maîtriser la flambée des prix de l'énergie. Certains crédits adoptés n'ont donc pas été dépensés. C'est une bonne nouvelle.
Sur la sinistralité des prêts garantis par l'État (PGE) d'abord, 500 millions d'euros sont économisés. Je le disais, notre économie a tenu, nos entreprises ont continué de se développer. Elles ont été en mesure de rembourser ces prêts.
Le dynamisme de notre économie a également permis de limiter nos dépenses en matière de chômage.
Pour ce qui concerne enfin la masse salariale des ministères, c'est aussi le principe de la gestion prudente qui a prévalu, puisque nous avons pu mettre en œuvre les mesures de revalorisations salariales annoncées en juin 2023 sans ouvrir de nouveaux crédits pour les dépenses de personnel des ministères.
Le texte qui vous est présenté est également le fruit d'un travail dense avec l'Assemblée nationale. Les députés de la majorité et des oppositions l'ont enrichi. Plusieurs dispositifs ont été intégrés sans pour autant déséquilibrer le texte initial. Avec ces ajouts, nos prévisions concernant le déficit restent inchangées. C'est le même effort de maîtrise qui doit nous guider dans nos débats ici au Sénat.
Ainsi, nous renforcerons notre soutien à l'Ukraine par la prolongation du fonds spécial créé en fin d'année 2022, pour un montant de 200 millions d'euros. C'était une proposition transpartisane qui a largement rassemblé les députés. Nous l'avons soutenue.
La première lecture à l'Assemblée nationale nous a permis d'aller plus loin en matière de soutien à l'agriculture. Les députés ont notamment adopté un amendement pour soutenir la filière viti-vinicole touchée par le mildiou.
Les députés ont aussi souhaité introduire des dispositifs spécifiques de soutien aux territoires. Ainsi, la dotation de solidarité territoriale a été reconduite pour la collectivité de Corse. Face aux difficultés que traversent la Martinique, la Guadeloupe et Saint-Marin, les fonds alloués au plan Sargasses II ont été renforcés.
Le texte a, en outre, été enrichi par de nombreux dispositifs de soutien à destination des personnes les plus fragiles. En particulier, les familles monoparentales les plus modestes bénéficieront d'une majoration exceptionnelle de la prime de Noël. Face aux difficultés récentes qu'elles ont traversées, 20 millions d'euros supplémentaires seront destinés aux associations d'aide alimentaire. Dans le domaine de la santé, 1 million d'euros seront consacrés à la prévention de l'endométriose.
Ainsi, mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi de finances de fin de gestion, tel qu'il a été adopté par l'Assemblée nationale, permet d'ajuster les crédits par des ouvertures et des annulations, en tirant les conséquences des événements de l'année en cours.
Il permet à la France de respecter ses engagements vis-à-vis des Français et de ses partenaires. Il permet également de respecter notre objectif de sérieux en matière de dépense publique auquel, je le sais, vous êtes particulièrement sensible.
J'espère que l'équilibre trouvé dans le texte entre la maîtrise de nos finances publiques et le soutien à l'Ukraine, à l'agriculture et aux territoires et personnes qui connaissent des difficultés saura vous convaincre.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous inaugurons aujourd'hui le premier projet de loi de finances de fin de gestion, tel qu'il résulte de la loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques du 28 décembre 2021.
Ce texte consacre en droit la pratique des dernières années mais ne comporte aucune disposition d'ordre fiscal, ce dont je me félicite, parce que cela clarifie nettement le débat parlementaire, alors que nous commencerons à discuter au Sénat, cette semaine même, du projet de loi de finances pour 2024 qui comporte, pour sa part, cent cinquante articles de première partie…
Ainsi, l'objectif de ce PLF de fin de gestion pour 2023 consiste essentiellement à procéder à des ajustements, ouvertures et annulations de crédits, sur le budget de l'État.
Je souhaite tout d'abord dire quelques mots du scénario macroéconomique retenu par le Gouvernement. Monsieur le ministre, je le qualifie de crédible : vous le voyez, je ne suis pas partisan de la critique systématique du Gouvernement. Si votre hypothèse de 1 % de croissance pour 2023 est crédible, c'est parce qu'elle est conforme aux dernières données de l'Insee sur la croissance des premier et deuxième trimestres et en ligne avec les principales prévisions institutionnelles aussi bien qu'avec le consensus des économistes.
Toutefois, ne nous y trompons pas : ce n'est pas parce que votre prévision pour 2023 se réalise que celle qui porte sur 2024 – beaucoup plus optimiste ! – se réalisera.
Surtout, ce qui m'inquiète, monsieur le ministre, c'est que, malgré la réalisation de vos prévisions de croissance pour 2023, la situation générale des finances publiques est encore extrêmement grave. Le déficit attendu s'élève à 4, 9 % du PIB. Il serait donc plus élevé en 2023 qu'en 2022, alors même que nous sommes censés être en sortie de crise ! Quand les autres pays européens redressent leurs finances publiques, la France laisse dériver ses dépenses, ses déficits et sa dette. Nous sommes à contretemps ; le « en même temps » est manifestement dépassé…
La preuve : le déficit budgétaire revient en 2023 aux niveaux extrêmes atteints en 2020 et 2021 pendant la crise sanitaire. Il est supérieur à 170 milliards d'euros ; c'est presque deux fois plus que la moyenne des déficits d'avant la crise – environ 90 milliards d'euros par an –, que l'on jugeait déjà excessifs… Ce déficit budgétaire a en outre dérivé : il s'établira à près de 7 milliards d'euros de plus que les prévisions de la loi de finances initiale.
Votre principal problème, monsieur le ministre, c'est l'incapacité du Gouvernement à maîtriser les dépenses. Les ouvertures de crédits, dans ce projet de loi, sont très importantes, puisqu'elles sont de 9 milliards d'euros hors remboursements et dégrèvements. Si ces ouvertures massives pouvaient se comprendre en 2020 en raison de la crise sanitaire, on peut s'interroger sur la pertinence de leur persistance en cette fin d'année 2023.
En parallèle, vous n'annulez que 5, 2 milliards d'euros de crédits sur le budget général, soit des ouvertures nettes de 3, 8 milliards d'euros. N'y avait-il pas déjà suffisamment de milliards dans la loi de finances initiale, avec un déficit prévu de 165 milliards d'euros ?
En outre, monsieur le ministre, les moindres dépenses que vous proposez correspondent en réalité largement à des sous-consommations naturelles d'enveloppes de crise qui n'ont pas été dépensées. Il n'y a ici, encore une fois, aucune économie budgétaire. On constate plutôt la pratique, devenue habituelle, d'ouvrir des réserves de financement pour des montants astronomiques – plusieurs milliards d'euros ! – qui ne sont ensuite pas consommées, quitte à annuler ou à reporter à plus tard les crédits au détriment de la transparence et de l'information du Parlement. J'attends, monsieur le ministre, que vous me prouviez le contraire !
Le Gouvernement ne cesse de communiquer sur un budget construit et exécuté « à l'euro près », mais c'est tout l'inverse qui se passe : les gestionnaires publics sont déresponsabilisés par l'ouverture systématique d'enveloppes de crédits importantes, qui sont parfois consommées, mais qui, si elles ne le sont pas, font croire que l'argent coule à flots. C'est une espèce de puits sans fond !
En plus du niveau historique de déficit, je tiens à signaler, monsieur le ministre, qu'il reste, à un peu plus d'un mois de la fin de gestion, des facteurs très importants d'incertitudes : si le versement européen de 10, 9 milliards d'euros attendu au titre du plan de relance n'arrivait pas avant la fin de l'année, ce sont autant de recettes qui manqueraient sur cet exercice et un déficit qui serait aggravé d'autant. Peut-être pourrez-vous nous rassurer sur ce point ?
De manière générale, la commission des finances a relevé la détérioration de la qualité des prévisions budgétaires du Gouvernement.
Avant le covid-19, l'écart entre le déficit budgétaire prévu par la loi de finances rectificative de fin d'année et celui qui était réellement exécuté était d'environ 3 milliards d'euros. L'année du covid-19, en 2020, il a été de 45 milliards d'euros – cela pouvait se comprendre –, mais l'année dernière, il était de près de 20 milliards d'euros. Qu'en sera-t-il cette année ?
Notre commission a déjà souligné la difficulté grandissante à prévoir le niveau des recettes.
L'État a abandonné plus de la moitié du produit de la TVA, une ressource pourtant importante et stable. Il est aujourd'hui tributaire des recettes de l'impôt sur les sociétés (IS) qui sont extrêmement volatiles en fonction de la conjoncture et des pratiques de report des entreprises. En 2023, on compte 6 milliards d'euros de recettes d'IS de plus que prévu. Mais le retournement de la conjoncture économique aura sur ces recettes un impact probablement difficile à absorber pour le budget de l'État.
L'autre principale augmentation de recettes est celle du produit prévisionnel de TVA, qui résulte pour l'essentiel de votre décision, prise cet été, de ponctionner 2 milliards d'euros sur les ressources de l'Unédic. Acculés que nous sommes, en fin de gestion, à devoir limiter la dégradation du déficit budgétaire, nous n'avons pas souhaité y revenir, mais est-ce de bonne pratique, monsieur le ministre ?
Cette volatilité des recettes face à des dépenses qui ne cessent de progresser n'augure rien de bon pour les budgets à venir. Là encore, nous sommes à contretemps !
Quelques mots sur les ajustements de crédits.
Votre texte, monsieur le ministre est riche, voire opulent : cent trois programmes du budget général, soit les deux tiers d'entre eux, font l'objet d'ouvertures ou d'annulations de crédits.
La commission des finances ne peut que prendre acte des principales ouvertures que vous proposez : la charge de la dette, qui est réévaluée de 3, 8 milliards d'euros, et la mission « Défense », à hauteur de 2, 1 milliards d'euros ; la loi de programmation militaire 2024-2030 n'a pas encore commencé à être exécutée, mais on peut comprendre les effets qu'ont la guerre en Ukraine ou l'inflation. Je pourrais noter de nombreuses autres ouvertures de crédits, en particulier sur le budget de l'agriculture, secteur dans lequel les crises exceptionnelles se succèdent, ou sur celui de l'hébergement d'urgence, pour lequel le Gouvernement semble toujours courir après l'urgence…
En ce qui concerne les annulations de crédits, elles portent, je l'ai déjà dit, sur des sous-consommations de crédits d'urgence, comme les 400 millions d'euros annulés sur les guichets d'aides aux entreprises, qui s'ajoutent aux 4 milliards d'euros déjà annulés par décret le 18 septembre dernier.
Le dispositif MaPrimeRénov' fait également l'objet d'une annulation, à hauteur de 800 millions d'euros – excusez du peu ! –, car les résultats ne sont pas au rendez-vous : l'objectif de rénovations dans le parc de logements privés n'est pas atteint.
Enfin, ce texte nous donne raison également au sujet de la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles, que le Sénat avait tenté de réduire sur l'initiative de nos rapporteurs spéciaux Albéric de Montgolfier et Claude Nougein : elle n'a pas du tout été consommée et fait l'objet d'une annulation de 100 millions d'euros, après une première annulation de 700 millions d'euros par décret.
Vous l'aurez compris, si la commission des finances est très critique de la trajectoire budgétaire du pays, elle prend acte des dispositions prévues dans le présent projet de loi. Celui-ci consiste en réalité, pour l'essentiel, à ouvrir des crédits nécessaires et à tirer les conséquences de l'exécution budgétaire de l'année.
La commission a toutefois souhaité y ajouter une série d'amendements qui proposent des ouvertures de crédits sur des sujets qui nous semblent importants et urgents : la voirie et les ouvrages d'art des collectivités territoriales ; la réouverture d'une ligne ferroviaire d'équilibre du territoire ; la rénovation de nos réseaux d'eau potable ; le soutien à des populations particulières qui connaissent des situations difficiles, je pense aux réfugiés arméniens ou, plus près de nous, aux plus démunis de nos concitoyens, pour lesquels nous proposons un abondement supplémentaire des crédits de l'aide alimentaire.
Alors, bien sûr, vous me direz que ces amendements coûtent, mais il est bien difficile en fin de gestion de proposer des économies pour financer ces dépenses urgentes. Je vous propose d'ailleurs d'avoir cet échange à partir de jeudi, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2024, au cours duquel vous verrez que ce ne sont pas des millions, mais des milliards d'euros d'économies que la commission des finances vous proposera. Nous serons au rendez-vous de la responsabilité !
Pour conclure, mes chers collègues, je vous propose d'adopter ce projet de loi de finances de fin de gestion, sous réserve de l'adoption des amendements de la commission, qui ont été approuvés à une très large majorité, voire, pour beaucoup, à l'unanimité.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous inaugurons aujourd'hui un nouveau type de texte, le projet de loi de finances de fin de gestion, créé par la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques. Schématiquement, c'est une loi de finances rectificative, mais amputée de la partie sur les recettes et restreinte aux seuls mouvements de crédits et ajustements du solde budgétaire.
Le projet de loi de finances de fin de gestion n'est pas obligatoire, mais en choisissant celui-ci plutôt qu'un projet de loi de finances rectificative pour clore l'année 2023, le Gouvernement souhaite afficher le sérieux budgétaire dont il fait preuve, la sincérité des comptes et la rigueur des prévisions faites en début d'exercice.
En effet, celles-ci restent inchangées en ce qui concerne la croissance, à 1 %, et l'inflation, à 4, 9 %. C'est le signe que notre économie résiste mieux que celle de la plupart de nos voisins européens : la moyenne prévue par l'Union européenne est à 0, 6 % de croissance pour la zone euro comme pour l'ensemble des pays de l'Union. Il en va de même avec l'inflation, qui sera en moyenne de 6, 5 % à l'échelle européenne et de 5, 6 % au sein de la zone euro.
La sincérité budgétaire de la loi de finances initiale pour 2023 se traduit également par une prévision du solde public, qui s'améliore même légèrement, avec un déficit à 4, 9 % du PIB contre 5 % initialement prévu. Cela reste néanmoins un niveau élevé. Pour autant, cela procède d'un choix assumé et payant, celui de ne pas réduire la dépense publique de manière trop brutale, afin d'éviter un ralentissement de l'activité économique ; cela nous mènerait à coup sûr vers une récession comme en ce moment en Allemagne.
La prévision de dette publique reste quant à elle inchangée, à 109, 7 % du PIB.
Cette loi de finances de fin de gestion est-elle une loi pour rien, étant donné que les grands équilibres ne bougent pas et qu'elle exclut toute intervention sur la fiscalité, tout en limitant à l'année en cours toutes les nouvelles dépenses ? Évidemment non !
Nous devons adapter le budget aux aléas de l'année et ils sont nombreux : les crises internationales en Ukraine et au Proche-Orient ; les événements climatiques avec les tempêtes des dernières semaines sur l'ouest et le nord de la France ; la terrible sécheresse que subit Mayotte ; les calamités agricoles, avec l'épidémie de grippe aviaire ou l'épisode de mildiou dans certains vignobles ; les dégradations pendant les violences urbaines pour lesquelles l'État apporte un soutien financier aux communes touchées ; ou encore les conséquences de la forte inflation des derniers mois, qui a poussé de nombreuses familles vers l'aide alimentaire.
Nous devons également nous adapter aux réussites comme aux échecs de certaines politiques publiques.
Par exemple, la déconjugalisation de l'allocation aux adultes handicapés, une mesure de justice pour nos concitoyens en situation de handicap, provoque une augmentation, sous-estimée en loi de finances initiale, du nombre d'allocataires. Il faut ainsi ouvrir 500 millions d'euros sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » pour y faire face.
Autre exemple, le dynamisme des économies en outre-mer nécessite 400 millions d'euros de crédits supplémentaires pour compenser les exonérations de cotisations sociales patronales spécifiques.
À l'inverse, le dispositif MaPrimeRénov' fait l'objet d'une sous-consommation permettant d'annuler 300 millions d'euros sur les 2, 4 milliards d'euros, soit plus de 12 %. Cette sous-consommation suscite des questions sur le calibrage du dispositif quand on sait que, dans le PLF 2024, un budget de 4 milliards est prévu pour ce dispositif.
Le Gouvernement propose donc dans ce PLFG d'ouvrir pour plus de 5, 2 milliards d'euros de crédits nouveaux, compensés intégralement par des annulations équivalentes.
Nos collègues députés ont par ailleurs ajouté près de 400 millions d'euros de crédits supplémentaires, au travers d'amendements issus de tous les bancs. Du reste, il faut le noter, il s'agit d'un texte qui a été voté : les débats ont pu aller jusqu'au bout. Le format de ce nouveau type de loi de finances y est certainement pour quelque chose…
Pour sa part, le groupe RDPI a déposé plusieurs amendements visant à compléter les dispositions déjà prises. Il s'agit essentiellement de mesures de solidarité. Ainsi, nous proposons 30 millions d'euros de crédits supplémentaires au profit des associations habilitées pour l'aide alimentaire.
Il y a enfin, et surtout, des mesures en faveur de Mayotte, département qui connaît l'une des plus graves crises des dernières années. Pour aider les autorités locales à y faire face, nous proposons de voter une aide de 50 millions d'euros à destination du conseil départemental, afin de l'aider à assurer les politiques décentralisées : l'aide sociale à l'enfance, la protection maternelle et infantile, le transport scolaire. Un autre amendement tend à augmenter d'un peu plus de 63 millions d'euros les crédits du programme 123 « Conditions de vie outre-mer » de la mission « Outre-mer » afin de pouvoir financer jusqu'à la fin de l'année les opérations d'acheminement et de distribution d'eau.
Je n'égraine pas toutes les mesures contenues dans ce PLFG, il y en a bien d'autres, comme les 70 millions d'euros au titre d'une allocation exceptionnelle de fin d'année pour les parents isolés vivant sous le seuil de pauvreté ou les 2 millions d'euros pour le plan national de lutte contre les sargasses. Tout cela dessine un projet de loi qui, en plus de faire face aux différents imprévus, met l'accent sur la solidarité envers les plus fragiles, ceux qui souffrent le plus des conséquences de l'inflation.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons un projet de loi de finances relevant d'une nouvelle catégorie, distincte de celle des lois de finances rectificatives.
Contrairement à un projet de loi de finances rectificative, il ne peut contenir aucune disposition fiscale nouvelle, ce que nous regrettons, contrairement au rapporteur général, car cette interdiction corsète un peu plus les droits du Parlement.
D'emblée, il me paraît opportun de souligner que plusieurs dispositions semblent aller dans le bon sens. Les crises sont encore présentes et elles risquent de se multiplier à l'avenir, de sorte que des moyens supplémentaires sont nécessaires pour accueillir les réfugiés, soutenir nos agriculteurs ou encore maintenir notre soutien à l'Ukraine, mais également à nos concitoyens les plus précaires. Nous saluons de ce point de vue le travail de nos collègues socialistes de l'Assemblée nationale, qui ont proposé et obtenu une rallonge de la prime de Noël pour les familles monoparentales vivant sous le seuil de pauvreté : ce sont ainsi entre 115 et 200 euros supplémentaires par foyer pour environ 500 000 familles qui seront versés, soit 70 millions d'euros pour 2023.
Néanmoins, ce que l'on peut retenir de ce texte, c'est une charge de la dette bien plus élevée que ce qu'avait prédit le Gouvernement : le différentiel est important – 3, 8 milliards d'euros ! – en raison notamment des obligations assimilables du Trésor (OAT) indexées sur l'inflation.
En parallèle, nous constatons que, là encore, les recettes ne sont pas au rendez-vous. Les dividendes de l'État s'avéreront inférieurs de 2, 5 milliards d'euros aux prévisions et la contribution sur la rente inframarginale de la production d'électricité a été surévaluée de 9, 5 milliards d'euros dans la loi de finances initiale pour 2023. Quelle n'a pas été notre surprise à la découverte de ces chiffres, puisque n'aviez cessé de claironner dans tous les médias votre farouche volonté de faire contribuer les énergéticiens pour plus de 12 milliards d'euros ! Ceux-ci n'auront en définitive que bien peu participé…
Par ailleurs, alors que les ministres se flattent d'un financement historique de la transition écologique dans le budget pour 2024, plus de 1, 3 milliard d'euros de crédits de paiement sont annulés sur la mission « Écologie ». Sur cette somme, 1, 1 milliard d'euros étaient prévus pour le programme 174, qui finance notamment MaPrimeRénov', le chèque énergie et l'aide à l'acquisition de véhicules propres, et 105 millions d'euros devaient contribuer au financement des infrastructures de transport.
À ce sujet, le rapport Pisani-Ferry n'a pas été tendre avec le Gouvernement et, alors que des membres du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) prennent publiquement la parole, sortant de leur traditionnelle réserve, pour regretter l'absence de cap du Président de la République dans la politique écologique du pays, il semble difficile, au regard de la sous-exécution desdits crédits, de leur donner tort.
Toujours en matière de sous-exécution des budgets, il est à noter que, dans la mission « Économie », dont je suis corapporteur avec ma collègue Frédérique Espagnac, le guichet temporaire d'aide aux entreprises très consommatrices d'électricité ou de gaz, qui était doté en 2022 et 2023 de 7 milliards d'euros de crédits, n'a, à ce jour, traité et validé que 17 000 dossiers sur les 44 000 qui ont été déposés, pour un montant total d'aide de 832 millions d'euros, soit moins de 12 % des crédits ouverts. Prenant acte de cette très forte sous-exécution, vous avez d'ailleurs annulé 4 milliards d'euros en septembre dernier.
Dans un tout autre registre, nous déplorons que l'article 2 ne prévoie pas une compensation intégrale des exonérations de cotisations sociales, ce qui, mécaniquement, ponctionne de 2 milliards d'euros les réserves de l'Unédic. Cette ponction, annoncée cet été dans une lettre de cadrage transmise aux syndicats, n'est pas acceptable. Elle n'est pas surprenante non plus, car en la matière, vous n'en êtes pas à votre coup d'essai. En effet, vous aviez déjà un temps envisagé de piocher dans les réserves de l'Agirc-Arrco. Avec ce mode de fonctionnement, vous passez par-dessus les organisations syndicales, mais surtout, et c'est le plus grave, vous attaquez frontalement le paritarisme, qui est, je le rappelle, le fondement de la sécurité sociale.
Enfin, pour les collectivités locales, le compte n'y est toujours pas et les courriers de la direction générale des finances publiques (DGFiP) aux 3 425 collectivités qui devront rembourser tout ou partie de l'acompte qu'elles avaient reçu dans le cadre du filet de sécurité, pour un montant total de 70 millions d'euros, ne sont pas de nature à les rassurer, alors que leurs budgets sont déjà durement touchés par l'inflation. Sans entrer dans les détails, que ma collègue Isabelle Briquet exposera, nous espérons que l'amendement que nous proposons, visant à annuler la demande de remboursement des acomptes perçus par ces communes, trouvera grâce à vos yeux.
Vous l'aurez compris, en l'état, ce premier PLFG ne convainc pas les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. Nous serons donc attentifs aux débats en séance publique, car, si nous parvenions à améliorer le projet de loi, notamment au bénéfice des collectivités territoriales, nous pourrions consentir à ne pas nous y opposer.
Applaudissements sur d es travées du groupe SER.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains . – M. le rapporteur général applaudit également .
Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, en application de la loi organique du 28 décembre 2021 réformant la loi organique relative aux lois de finances (Lolf), nous avons à nous prononcer sur le premier projet de loi de finances de fin de gestion. Ce nouveau type de texte permet de recentrer la dernière loi de finances rectificative de l'année sur la régulation des crédits budgétaires. Ainsi, ce projet de loi présente les ajustements de crédits indispensables à la gestion de la fin de l'année et écarte toute disposition fiscale nouvelle, dont la création est réservée au PLF. On ne peut que s'en réjouir.
C'est historique, ou presque : le texte a été adopté par l'Assemblée nationale, qui a dégradé, au passage, de 300 millions d'euros le déficit budgétaire, lequel passe ainsi à 171, 7 millions d'euros.
C'est également historique, mais c'est surtout grave et inquiétant, cet exercice budgétaire marque le passage de la France du vingt-troisième au vingt-cinquième rang sur vingt-sept pays européens en matière d'endettement en 2023. Notre taux d'endettement est en effet désormais le troisième le plus élevé, derrière ceux de la Grèce et de l'Italie.
Vous proposez d'ailleurs, monsieur le ministre, d'augmenter dans ce PLFG les crédits de 3, 8 milliards d'euros pour financer la charge de la dette. C'est le plus important ajustement à la hausse des ouvertures de crédits. J'y reviendrai.
Tout d'abord, comme l'a signalé le rapporteur général, je souhaite donner quitus au Gouvernement pour avoir présenté le premier PLF dont le scénario macroéconomique semble crédible, même si, bien sûr, il n'est pas pleinement satisfaisant pour notre pays : croissance de l'ordre de 1 %, inflation à 4, 9 %, déficit public à 4, 9 % du PIB, dette publique à 109, 7 % du PIB.
Le déficit public, comme la dette publique, incombe très largement, pour ne pas dire quasi exclusivement, aux administrations centrales, c'est-à-dire à l'État. Le déficit budgétaire de celui-ci est en effet supérieur de près de 7 milliards d'euros au montant prévu dans la loi de finances initiale. Nous retrouvons ainsi des niveaux de déficit proches de ceux que l'on a enregistrés lors de la crise sanitaire, confirmant que nous ne sommes toujours pas sortis du « quoi qu'il en coûte » et que nous ne sommes surtout pas entrés dans une gestion « à l'euro près ».
Nos recettes commencent à se tasser, notamment la contribution sur la rente inframarginale de la production d'électricité, tandis que l'IS, encore dynamique, connaît sans doute sa dernière année d'embellie.
Le plus inquiétant, c'est votre gestion erratique. Les ouvertures de crédits de ce PLFG sont révélatrices du défaut de maîtrise de nos dépenses, conséquence de l'absence de réelle réforme structurelle visant à diminuer la dépense publique, laquelle n'est, par-dessus le marché, pas efficace, nos concitoyens nous le disent chaque jour.
Le constat le plus cruel concerne notre dette. Nous y reviendrons sans doute plus en détail dans le cadre de l'examen du PLF 2024, mais nous constatons déjà la nécessité d'ouvrir dès ce PLFG 3, 8 milliards d'euros de crédits nouveaux pour faire face à la charge de la dette, amplifiée par la hausse des taux d'intérêt liée à l'inflation, avant que nous ne connaissions en 2024 l'effet de taux lui-même.
Dans le projet de loi de programmation des finances publiques (LPFP), la charge d'intérêts de la sphère publique est pourtant fixée à 47 milliards d'euros en 2023 et à 84 milliards d'euros en 2027. Cette envolée est très inquiétante. La charge de la dette française pourrait devenir, dès 2025, le premier budget de l'État, devant celui de l'enseignement scolaire. Nous devons, vous devez informer les Français de cette situation, des efforts nécessaires à conduire, des risques que nous encourons, du resserrement brutal de l'intervention publique que cela va nécessiter demain si nous ne commençons pas à faire des efforts.
Hélas, nous en sommes loin, malgré les déclarations de Bruno Le Maire sur les 12 milliards d'euros de réduction de dépenses en 2025…
Comment le croire, quand ce PLFG et surtout le PLF 2024 ne prévoient ni réduction de la dépense ni réelle réforme de structure ? Nous ne réduisons que la dépense exceptionnelle que nous avons connue à l'occasion des crises.
Je termine en abordant le sujet des collectivités territoriales. Nous nous félicitons du fait que l'article 10 du texte augmente les crédits de la dotation pour les titres sécurisés et nous saluons, à l'article 5, les amendements du rapporteur général tendant à rétablir des crédits en faveur des ponts, de l'entretien des réseaux routiers et de la rénovation du réseau d'eau. Ces crédits sont particulièrement bienvenus.
Monsieur le ministre délégué, faites enfin confiance aux collectivités locales ! Elles seules ont à la fois une gestion vertueuse et un service public efficace. Ce sont elles qui garantissent encore l'investissement public dans notre pays, dont notre économie et nos territoires ont tant besoin.
Leur faire confiance, c'est bien sûr leur accorder des moyens nécessaires à l'action, mais c'est surtout leur donner une réelle liberté dans un cadre lisible.
Nous reparlerons, monsieur le ministre délégué, des besoins du bloc communal, de la situation inquiétante des départements, de la limite des capacités des régions, au regard de leur rôle croissant dans l'accompagnement de toutes les transitions auxquelles notre pays doit faire face, mais, cet après-midi, je veux conclure sur une note qui n'est pas budgétaire. Laissez la liberté aux communes de gérer l'eau et l'urbanisme comme elles l'entendent ; laissez la liberté aux départements de leur politique sociale et médico-sociale ; laissez la liberté aux régions d'agir dans les domaines essentiels pour l'avenir de nos territoires sur le plan des mobilités, de l'économie ou de l'environnement. Et retrouvez enfin de l'efficacité dans les domaines régaliens, plutôt que de vouloir tout contrôler, tout normer. Notre pays et nos comptes publics ne s'en porteront que mieux.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur général applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, l'attaque terroriste commise par le Hamas, le 7 octobre dernier, a atteint des sommets d'horreur. La pire des barbaries, dont on voudrait toujours croire qu'elle appartient au passé, a été diffusée à grande échelle sur les réseaux sociaux. La cruauté archaïque et les nouvelles technologies ont scellé un pacte diabolique. L'information est devenue une composante essentielle de la guerre. C'est une nouvelle donne à intégrer. Elle implique de se doter de nouveaux moyens, de nouvelles ressources, de nouveaux talents.
La volatilité des opinions publiques est l'un des facteurs importants de cette nouvelle donne. On s'indigne, puis on zappe aussitôt. Un conflit en chasse un autre, et un massacre peut rapidement faire oublier le précédent. C'est l'un des risques liés à la situation en Israël : nous faire oublier l'Arménie, comme l'Arménie risquait déjà de nous faire oublier l'Ukraine. Les Occidentaux doivent se mobiliser aux côtés d'Israël, mais ils ne doivent se démobiliser ni en Arménie ni en Ukraine.
C'est d'autant plus nécessaire qu'il ne s'agit pas de trois situations que tout oppose, bien au contraire. Elles partagent au moins un point commun : dans chacun de ces cas, c'est la démocratie qui est attaquée par des forces hostiles. Elles révèlent une convergence, tacite ou non, des dictatures contre nos démocraties.
Il y a quelques semaines, face à ces menaces, notre président de groupe, Claude Malhuret, nous invitait à nous réarmer militairement, industriellement et surtout moralement. J'y insiste, cela passe d'abord par notre soutien à l'Ukraine et à l'Arménie, que nous ne devons pas oublier, malgré les événements en Israël et à Gaza. À cet égard, je veux saluer l'ouverture de nouveaux crédits, qui concrétisent nos engagements internationaux. Le Gouvernement a décidé d'ouvrir 2, 1 milliards de crédits supplémentaires pour la mission « Défense », et ce dès 2023. Ces moyens permettront de répondre à des surcoûts opérationnels, d'anticiper certaines commandes de la loi de programmation militaire et de prolonger notre soutien à l'Ukraine. Je salue cette initiative au profit de nos forces armées.
Notre rapporteur général propose quant à lui de mobiliser une enveloppe de 20 millions d'euros, au titre de la mission « Aide publique au développement », pour soutenir les ONG qui œuvrent à la prise en charge des réfugiés du Haut-Karabagh. Je salue également cette initiative et notre groupe votera bien évidemment en faveur de cet amendement.
Évidemment, ces ouvertures de crédits dégradent un peu plus nos comptes publics, qui se trouvaient déjà dans une situation très préoccupante, mais je crois important que nous prenions de tels engagements en faveur de l'Ukraine et de l'Arménie : à quelques jours de l'examen du budget, nous nous rappelons ainsi qu'il y a des dépenses plus stratégiques que d'autres.
Cependant, nos démocraties ne pourront pas se réarmer moralement si elles continuent de laisser filer les déficits.
Pierre Mendès France avait raison : « Les comptes en désordre sont la marque des nations qui s'abandonnent ». Nous ne pourrons pas reprendre le contrôle de notre destin si nous ne remettons pas de l'ordre dans nos comptes. Le groupe Les Indépendants – République et Territoires proposera donc des mesures d'économie dans le PLF pour 2024, dont l'examen débute jeudi prochain.
Nous proposerons également des mesures structurantes pour favoriser l'innovation, soutenir la réindustrialisation du pays et accélérer la transition écologique. Pour remettre de l'ordre dans les comptes, l'essentiel est non seulement de revenir à la vigilance, mais aussi de préparer activement le futur de notre pays dans une approche exploratoire, notamment en nous appuyant sur les collectivités territoriales.
Vous l'aurez compris, le groupe des indépendants soutient ce texte ainsi que les amendements proposés par le rapporteur général. Bien sûr, il ne s'agit pas de se réjouir de la situation de nos finances, mais ce projet de loi de fin de gestion, le premier du genre, n'est pas le bon véhicule législatif pour fixer nos grandes orientations budgétaires. Son objet est de clore les comptes de l'année n, avant que nous débattions du budget de l'année n +1. C'est l'exercice qui attend le Gouvernement. J'en profite pour saluer l'action de M. le ministre délégué, qui a réussi à faire adopter ce texte à l'Assemblée nationale, dans un contexte extrêmement difficile. Je ne doute pas que la Haute Assemblée l'adoptera également.
Applaudissements sur les travées du groupe UC.
Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, je commencerai par un mot de méthode. La portée de ce projet de loi de finances de fin de gestion est moindre que celle des projets de loi de finances rectificative dont nous discutions habituellement à cette période de l'année. C'est nous qui avons souhaité ce nouveau type de texte, en votant pour une révision de la Lolf. Nos débats seront donc moins cruciaux, mais il n'empêche qu'il y a dans ce projet de loi des éléments non négligeables qui méritent d'être soulignés.
D'abord, la prévision de croissance, art difficile s'il en est et objet de contestations régulières, a été tenue à 1 %. C'est faible, mais cela reste de la croissance et peut-être regarderons-nous demain ce chiffre avec envie.
Ensuite, il convient de se féliciter de cette légère baisse du déficit public en pourcentage du PIB, à 4, 9 % quand même, même si, en valeur absolue, ce déficit s'est au contraire accru. Regardons le bon côté de la statistique…
Le groupe Union Centriste salue l'effort fait par le Gouvernement pour compenser ces dépenses par des annulations équivalentes de crédits. Cela doit être une source d'inspiration pour l'avenir.
Je note que 5, 2 milliards d'euros de crédits sont ouverts au titre de ce budget de fin de gestion dans le périmètre des dépenses de l'État, afin de tenir compte de la montée en puissance de la loi de programmation militaire, du conflit en Ukraine, de l'accueil des réfugiés, à hauteur de 2, 2 milliards d'euros, des crises agricoles, pour plus de 800 millions d'euros, et de la dynamique des dépenses de prestations sociales, avec notamment la déconjugalisation de l'AAH pour 461 millions d'euros. Ces dépenses sont intégralement compensées, et c'est vertueux, par l'annulation de 5, 2 milliards d'euros de crédits de paiement.
Au total, les dépenses du périmètre de l'État diminuent même de 0, 9 milliard d'euros. C'est un bon début. Je crois d'ailleurs que le Gouvernement a déposé un amendement à 800 millions d'euros visant à améliorer ce résultat.
Dans l'immédiat, ce PLFG comporte des mesures d'ajustement utiles à nos concitoyens. Il correspond pour l'essentiel à des constats de fin de gestion. Aussi, le groupe UC, à une exception notable qui s'exprimera tout à l'heure brillamment, je n'en doute pas, votera pour ce texte tel que nous l'aurons modifié. Nous le ferons d'autant plus volontiers que le Gouvernement s'est engagé à aider les collectivités territoriales à faire face à l'afflux de demandes de titres sécurisés constaté depuis trois ans, avec une dotation portée à 100 millions d'euros en 2023. C'est pour nous très positif, même s'il y a d'autres sujets sur la table concernant nos collectivités. La question des assurances reste notamment pour nous une source d'inquiétudes particulières.
Ce PLFG acte également des ouvertures de crédits de 3, 8 milliards d'euros au titre de la charge de la dette, ce qui ne laisse pas de nous inquiéter. Ces mesures sont rendues indispensables par la hausse des taux d'intérêt de court terme. Notre groupe a souvent alerté le Gouvernement sur les menaces que faisait peser cette dette et sur le risque de remontée des taux. Nous sommes dans cette situation depuis un an et nous en voyons déjà les effets. L'endettement public a un coût que nous avons eu trop tendance à oublier au cours des dernières années. Il est donc impératif de réduire notre dette.
L'équation est difficile à résoudre. Le combat contre la vie chère est confronté à la réalité de nos finances, et réciproquement. Nous devons resserrer notre politique budgétaire et faire face aux difficultés de nos compatriotes, le tout sans casser la croissance. J'imagine que nous aurons ce débat essentiel lors de la discussion du PLF en fin de semaine.
Applaudissements sur les travées du groupe UC.
Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, c'est à un exercice original que nous nous consacrons aujourd'hui, puisque le présent texte est le premier de son genre. Il s'agit d'une nouvelle catégorie de loi de finances. Pas de nouvelle impulsion économique ou fiscale, pas d'infléchissement de la politique du Gouvernement, seulement un bilan comptable de la loi de finances initiale de 2023, auquel s'ajoutent quelques mesures d'urgence pour la fin de l'année.
Pour rappel, la loi de finances pour 2023 s'est caractérisée par le maintien de la politique fiscale impulsée depuis 2017 : moins d'impôt et plus d'aides pour les entreprises. Ce PLFG 2023 raconte la même politique, très favorable aux grandes entreprises et aux plus hauts patrimoines, alors que l'année qui s'achève a été marquée, notamment, par une inflation plus forte que prévu, entraînant avec elle une hausse corollaire de la précarité et de la pauvreté pour les classes les plus fragiles.
Que contient réellement ce texte ?
Tout d'abord, il dresse un panorama des hypothèses macroéconomiques, lesquelles restent inchangées : croissance de l'activité de 1 % en volume et solde public de –4, 9 % du PIB ; rien de nouveau sous le soleil ! Ensuite, il acte, pour le budget de l'État, quelques modifications, notamment un solde budgétaire fixé à –171, 7 milliards d'euros en 2023, en diminution de 6, 4 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale, ce qui s'explique principalement par la hausse de la charge de la dette et par la baisse des recettes non fiscales. Enfin, il est prévu une augmentation des recettes fiscales de 2, 4 milliards d'euros, notamment grâce à une hausse des recettes de la TVA – inflation oblige –, de l'impôt sur le revenu et de l'IS.
C'était à peu près tout dans la version initiale du texte. Heureusement, le parcours parlementaire de ce projet de loi n'a pas été inutile, puisque plusieurs amendements de nos collègues députés ont apporté des réponses à des problèmes urgents. Citons ainsi un abondement de 200 millions d'euros du fonds de soutien à l'Ukraine, ainsi qu'une enveloppe de 6, 7 millions d'euros supplémentaires pour l'hébergement d'urgence afin de répondre à la crise sociale d'ampleur qui frappe notre pays. Sur ce point tous les signaux sont au rouge, et, malheureusement, c'était déjà prévisible voilà un an.
Au Sénat, notons également les amendements de notre rapporteur général visant à mieux financer l'entretien des ouvrages d'art du réseau national non concédé, à rénover les infrastructures du réseau d'eau, afin de lutter contre les fuites, ou encore à apporter un soutien important aux banques alimentaires, véritables amortisseurs sociaux et acteurs essentiels de la lutte contre la pauvreté qui s'installe dans notre pays. Nous voyons tout cela d'un bon œil.
Ces constats ne changent toutefois pas grand-chose à notre analyse première de ce texte. Ce projet de loi aurait pu être l'occasion pour le Gouvernement de prendre en considération le besoin d'un certain nombre d'amortisseurs sociaux et d'une meilleure répartition de l'effort. Notre pays en a besoin dès aujourd'hui, en 2023.
Nous sommes face à une urgence sociale causée par l'inflation. Oui, l'inflation, surtout alimentaire, a frappé durement nos concitoyens, notamment les classes moyennes et populaires. Or, face à ce choc, la politique gouvernementale a participé de la non-assistance à personne en danger, alors que tous les signaux d'alerte étaient au rouge.
Le ministre de l'économie s'est surtout fait remarquer par le verbe et l'agitation stérile. En avril, l'inflation alimentaire atteignait 17 % sur un an ; il a pris sa plume pour adresser un courrier à l'agro-industrie et aux grandes surfaces, sans effet ! En juin, alors que l'Insee démontrait que l'inflation servait principalement les marges de l'agro-industrie, il menaçait de publier les noms des plus gros profiteurs ; sans suite, donc sans effet ! En août, devant le Medef, il a annoncé la poursuite des baisses d'impôts pour les entreprises et leur a demandé d'augmenter les salaires… si elles le pouvaient. Passons ensuite poliment sur son idée consistant à autoriser la vente à perte mais refusée par l'agro-industrie en septembre dernier. Enfin, il y a un mois, Bruno Le Maire redemandait aux industriels, tout aussi gentiment, de faire un effort…
Nous pourrions plaisanter sur l'agitation en pure perte de notre ministre de l'économie, mais tout cela a des conséquences bien concrètes sur la vie de nos concitoyens.
Ce projet de loi de fin de gestion est, en creux, la réponse aux questions qui nous préoccupent tous : pour qui nous endettons-nous ? Pour quel avenir et quel présent ?
Pour le présent, nous pouvons faire le constat : 9 millions de personnes en situation de privation matérielle et sociale, avec une précarité alimentaire qui s'installe ; l'urgence sociale qui explose jusqu'à des niveaux jamais atteints, avec des alertes rouges relayées par tous les acteurs de la solidarité.
Pour l'avenir, c'est l'urgence écologique qui devrait être notre boussole. Notre pays doit faire face à un rythme de catastrophes qui ne cesse de s'accélérer : tempêtes Ciaran, Domingos, Frederico, canicules de plus en plus intenses et de plus en plus tardives, feux de forêt ravageurs… Le chaos climatique s'installe, déjà destructeur, déjà meurtrier. Sommes-nous armés pour y faire face ? Quand le ministre de l'écologie parle d'adapter la France à une hausse de quatre degrés Celsius, le Gouvernement devrait être mobilisé pour faire face à la multiplication des catastrophes, mais où sont les budgets d'urgence pour nos pompiers, pour la sécurité civile, pour l'adaptation des infrastructures et des réseaux ?
Ce projet de loi de finances de fin de gestion devrait nous permettre d'apporter l'aide d'urgence dont nos territoires sinistrés ont besoin. Il est temps de le réaliser : plus nous attendons pour nous préparer, plus les coûts exploseront. La situation actuelle n'est qu'un avant-goût de qui nous attend.
Les sénatrices et sénateurs écologistes proposeront une série d'amendements indispensables pour sortir de notre inaction collective, soutenir les acteurs qui en subissent de plein fouet les conséquences et amorcer une réelle transition dans les comportements, les modes de production et l'action publique.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous débattons aujourd'hui d'une loi de finances d'un genre nouveau. Celle-ci découle de la modification de la Lolf décidée en 2021, à laquelle nous étions opposés.
Nous considérions en effet que ce nouveau type de texte créait de la confusion, et ce à deux titres.
Tout d'abord dans l'objet : ce PLFG s'apparente à une décision modificative, à un budget supplémentaire pour passer les deux mois à venir. Cependant, en prétendant informer le Parlement, vous le mêlez à vos choix budgétaires, en revenant sur ceux qu'il a faits dans le PLF. C'est là qu'il y a un problème. Et encore, je parle d'une procédure sans recours au 49.3, mais, avec le 49.3, vous faites le budget tout seul. Autrement dit, vous considérez que vous êtes ici, monsieur le ministre, non pas pour engager votre responsabilité – la Constitution ne le prévoit pas, de toute façon –, mais pour nous tenir comptables de vos décisions budgétaires.
Il y a une seconde confusion, au regard de l'autorisation parlementaire qui intervient lors du vote du budget. Le Parlement autorise le Gouvernement à dépenser, mais celui-ci décide d'engager autrement la modeste somme de 21, 9 milliards d'euros et d'annuler d'un trait de plume 5, 2 milliards d'euros.
M. le ministre délégué proteste.
C'est pour cette raison que nous défendons l'impérieuse nécessité d'être sincèrement et humainement solidaire du département du Pas-de-Calais. Tel est le sens de l'amendement que défendra Cathy Apourceau-Poly, sénatrice de ce département. Nous souhaitons allouer 200 millions d'euros à un fonds d'urgence sur la base de la solidarité nationale pour permettre la reconstruction du territoire après l'épisode d'inondations sans précédent qu'il a connu. Et s'il faut plus, ce qui est fort probable, le groupe CRCE-K votera pour de nouvelles dépenses de solidarité nationale en faveur de ce département, comme nous le ferions pour tout autre territoire.
Nous défendrons ensuite un amendement pour soutenir financièrement les associations d'aide alimentaire, en première ligne face à la recrudescence de la pauvreté, qui touche même les salariés ! L'ouverture des négociations alimentaires entre les industriels de l'agroalimentaire et les distributeurs un mois avant la date prévue, est, je le pense, une mesure dérisoire face à l'inflation record de 21, 8 % entre août 2021 et août 2023. Les prix ne baissent pas, ils augmentent moins vite. Le ministre Le Maire, tout en flegme, préfère affirmer, véritable affront pour nos compatriotes : « L'inflation est derrière nous ». Franchement… Nous aurons ces débats dès jeudi prochain dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2024, mais ces propos sont inacceptables, tant ils paraissent en totale déconnexion avec la réalité sociale.
Je souhaite maintenant revenir sur un amendement qui tend tout simplement à empêcher ce que j'appelle un hold-up financier sur les finances des communes, que le Gouvernement a prétendu défendre ici, au Sénat, avec un filet de sécurité qui n'était finalement pas à la hauteur. Le retour de bâton est terrible : ce sont 3 425 collectivités et groupements qui devront rendre leur acompte versé à l'automne 2022, pour un montant de 69, 8 millions d'euros. Comme si elles allaient trop bien pour être soutenues ! Cette reprise financière a des relents de contrats de Cahors, que vous voulez pourtant faire oublier…
Monsieur le ministre, vous devez le reconnaître, ce ne sont pas les collectivités qui se sont trompées sur leur situation financière, c'est le Gouvernement. Votre dispositif est inintelligible, mal conçu, et cela relève de votre responsabilité !
Le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky n'ayant voté ni pour la Lolf ni pour le PLF 2023, il est logique qu'il ne vote pas pour ce texte. En effet, les mesures modificatives que vous nous avez présentées n'infirment pas les grandes lignes de conduite du budget. C'est d'ailleurs logique politiquement, c'est en conformité avec le budget.
Les élus locaux le savent, rectifier un budget est constitutif d'un exercice budgétaire, quel qu'il soit, au-delà des confusions inhérentes à ce nouvel objet budgétaire, sorte d'Ovni, dont j'ai parlé au début de mon propos. Aussi, le désaccord ne porte pas sur la forme – tous les élus locaux savent ce qu'est une décision modificative ou un budget supplémentaire –, il porte bien sur le fond. Le libéralisme et le laisser-faire se confrontent au principe de réalité et aux besoins sociaux et environnementaux immenses, auxquels la politique du Gouvernement, à nos yeux, ne répond pas. D'où notre vote négatif.
Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.