Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous inaugurons aujourd’hui un nouveau type de texte, le projet de loi de finances de fin de gestion, créé par la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques. Schématiquement, c’est une loi de finances rectificative, mais amputée de la partie sur les recettes et restreinte aux seuls mouvements de crédits et ajustements du solde budgétaire.
Le projet de loi de finances de fin de gestion n’est pas obligatoire, mais en choisissant celui-ci plutôt qu’un projet de loi de finances rectificative pour clore l’année 2023, le Gouvernement souhaite afficher le sérieux budgétaire dont il fait preuve, la sincérité des comptes et la rigueur des prévisions faites en début d’exercice.
En effet, celles-ci restent inchangées en ce qui concerne la croissance, à 1 %, et l’inflation, à 4, 9 %. C’est le signe que notre économie résiste mieux que celle de la plupart de nos voisins européens : la moyenne prévue par l’Union européenne est à 0, 6 % de croissance pour la zone euro comme pour l’ensemble des pays de l’Union. Il en va de même avec l’inflation, qui sera en moyenne de 6, 5 % à l’échelle européenne et de 5, 6 % au sein de la zone euro.
La sincérité budgétaire de la loi de finances initiale pour 2023 se traduit également par une prévision du solde public, qui s’améliore même légèrement, avec un déficit à 4, 9 % du PIB contre 5 % initialement prévu. Cela reste néanmoins un niveau élevé. Pour autant, cela procède d’un choix assumé et payant, celui de ne pas réduire la dépense publique de manière trop brutale, afin d’éviter un ralentissement de l’activité économique ; cela nous mènerait à coup sûr vers une récession comme en ce moment en Allemagne.
La prévision de dette publique reste quant à elle inchangée, à 109, 7 % du PIB.
Cette loi de finances de fin de gestion est-elle une loi pour rien, étant donné que les grands équilibres ne bougent pas et qu’elle exclut toute intervention sur la fiscalité, tout en limitant à l’année en cours toutes les nouvelles dépenses ? Évidemment non !
Nous devons adapter le budget aux aléas de l’année et ils sont nombreux : les crises internationales en Ukraine et au Proche-Orient ; les événements climatiques avec les tempêtes des dernières semaines sur l’ouest et le nord de la France ; la terrible sécheresse que subit Mayotte ; les calamités agricoles, avec l’épidémie de grippe aviaire ou l’épisode de mildiou dans certains vignobles ; les dégradations pendant les violences urbaines pour lesquelles l’État apporte un soutien financier aux communes touchées ; ou encore les conséquences de la forte inflation des derniers mois, qui a poussé de nombreuses familles vers l’aide alimentaire.
Nous devons également nous adapter aux réussites comme aux échecs de certaines politiques publiques.
Par exemple, la déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés, une mesure de justice pour nos concitoyens en situation de handicap, provoque une augmentation, sous-estimée en loi de finances initiale, du nombre d’allocataires. Il faut ainsi ouvrir 500 millions d’euros sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » pour y faire face.
Autre exemple, le dynamisme des économies en outre-mer nécessite 400 millions d’euros de crédits supplémentaires pour compenser les exonérations de cotisations sociales patronales spécifiques.
À l’inverse, le dispositif MaPrimeRénov’ fait l’objet d’une sous-consommation permettant d’annuler 300 millions d’euros sur les 2, 4 milliards d’euros, soit plus de 12 %. Cette sous-consommation suscite des questions sur le calibrage du dispositif quand on sait que, dans le PLF 2024, un budget de 4 milliards est prévu pour ce dispositif.
Le Gouvernement propose donc dans ce PLFG d’ouvrir pour plus de 5, 2 milliards d’euros de crédits nouveaux, compensés intégralement par des annulations équivalentes.
Nos collègues députés ont par ailleurs ajouté près de 400 millions d’euros de crédits supplémentaires, au travers d’amendements issus de tous les bancs. Du reste, il faut le noter, il s’agit d’un texte qui a été voté : les débats ont pu aller jusqu’au bout. Le format de ce nouveau type de loi de finances y est certainement pour quelque chose…
Pour sa part, le groupe RDPI a déposé plusieurs amendements visant à compléter les dispositions déjà prises. Il s’agit essentiellement de mesures de solidarité. Ainsi, nous proposons 30 millions d’euros de crédits supplémentaires au profit des associations habilitées pour l’aide alimentaire.
Il y a enfin, et surtout, des mesures en faveur de Mayotte, département qui connaît l’une des plus graves crises des dernières années. Pour aider les autorités locales à y faire face, nous proposons de voter une aide de 50 millions d’euros à destination du conseil départemental, afin de l’aider à assurer les politiques décentralisées : l’aide sociale à l’enfance, la protection maternelle et infantile, le transport scolaire. Un autre amendement tend à augmenter d’un peu plus de 63 millions d’euros les crédits du programme 123 « Conditions de vie outre-mer » de la mission « Outre-mer » afin de pouvoir financer jusqu’à la fin de l’année les opérations d’acheminement et de distribution d’eau.
Je n’égraine pas toutes les mesures contenues dans ce PLFG, il y en a bien d’autres, comme les 70 millions d’euros au titre d’une allocation exceptionnelle de fin d’année pour les parents isolés vivant sous le seuil de pauvreté ou les 2 millions d’euros pour le plan national de lutte contre les sargasses. Tout cela dessine un projet de loi qui, en plus de faire face aux différents imprévus, met l’accent sur la solidarité envers les plus fragiles, ceux qui souffrent le plus des conséquences de l’inflation.