Nous voici à nouveau en opposition avec notre rapporteur, qui propose d'aller au-delà des dispositions du texte qui nous est soumis, en autorisant le report des cinq déficits annuels antérieurs. Nous proposons, quant à nous, la suppression de cette possibilité comptable qui permet de priver les salariés de participation.
Sur ce sujet, la majorité est traversée de courants contraires. La participation compte d'ardents défenseurs en son sein, qui tiennent à ce que les salariés négocient la participation et qu'ils en perçoivent, aux deux sens du mot, les bénéfices. Cette conception de l'entreprise et des rapports sociaux est fort respectable et se situe dans la droite ligne des principes d'origine de la participation.
D'autres, que je me permettrai de qualifier de plus réservés, voient davantage dans la participation un moyen de compléter les exonérations fiscales et sociales dont ils bénéficient déjà et de faire passer une part de la rémunération des salariés en régime variable.
Cet article est une illustration parfaite de cette dernière conception. Il est en effet possible, grâce à ce système comptable, de faire passer à la trappe la participation sur laquelle comptent les salariés, alors même que l'entreprise a retrouvé une situation positive.
Comment les choses se passent-elles, concrètement ? Le scénario est malheureusement connu : on explique aux salariés que l'entreprise connaît des difficultés et que, s'ils ne veulent pas se retrouver au chômage, ils vont devoir renoncer à l'éventuelle réduction du temps de travail, à toute augmentation de salaire et, au contraire, faire des heures supplémentaires - qui, d'ailleurs, ne seront peut-être pas payées !
Au bout du tunnel, la situation sera redressée. Bien sûr, le salaire aura perdu en valeur absolue, mais la participation permettra de compenser cette baisse, sans charges fiscales ni sociales pour l'entreprise, tout en maintenant peut-être l'emploi.
Or, là est le noeud de l'affaire : il est souvent plus intéressant de reporter les déficits antérieurs dans les comptes, plutôt que de verser aux salariés une participation aux bénéfices. Tant que le seuil de 5 % n'est pas atteint, l'opération reste avantageuse. Et l'entreprise peut présenter des comptes qui restent déficitaires, alors qu'ils ne le sont plus en réalité depuis plusieurs années.
Notre rapporteur indique que la suppression de la faculté de report est préjudiciable à l'attractivité de notre territoire, puisque des pays étrangers autorisent le report illimité, ce qui m'amène à poser deux questions.
Ne serait-il pas préférable, alors que l'on constate les manipulations que permet ce système, de tout faire pour mettre un terme à cette forme de dumping social, plutôt que de s'y plier avec autant de docilité ? Quelle est la position du Gouvernement sur ce point ?
Dans quelle mesure la participation peut-elle rester attractive dans de telles conditions ? Si l'on raisonne plus globalement, comment les salariés, dont vous voulez qu'ils capitalisent pour leur retraite, vont-ils pouvoir le faire si tous les artifices comptables sont utilisés pour réduire l'épargne salariale ? J'espère une réponse du Gouvernement et je souhaite qu'il ne suive pas les propositions du rapporteur de la commission des affaires sociales.