Avec la disposition proposée, le Gouvernement et sa majorité poursuivent la dénaturation du compte épargne-temps. Ce dernier a été créé initialement pour accueillir les heures et les jours de repos que le salarié n'avait pu prendre, notamment les heures supplémentaires.
Dans le cadre de la réduction du temps de travail, il s'agissait donc d'une mesure visant à améliorer les conditions de travail, à faciliter la souplesse des horaires dans les entreprises quand la charge de travail y est irrégulière, et à inciter indirectement à la création d'emplois, par la limitation des heures supplémentaires.
Je rappelle aussi qu'initialement le salarié devait solder régulièrement son compte épargne-temps.
Grâce à M. Fillon, le compte épargne-temps a pu être pérennisé jusqu'au départ en retraite. Puis, les catégories d'heures et de jours pouvant être ainsi épargnés ont été multipliées, notamment pour les salariés au forfait.
Enfin, il est devenu possible de placer sur le CET les sommes non perçues immédiatement et de financiariser totalement ce compte.
Or les montants concernés proviennent non seulement de l'intéressement et de la participation à l'issue de la période d'indisponibilité, mais également des augmentations de salaire.
Ainsi, en peu d'années, vous avez radicalement changé la nature et la destination de ce dispositif.
Le compte épargne-temps est devenu pour l'employeur le moyen de faire réaliser des heures supplémentaires, éventuellement majorées seulement à 10 %, et de ne pas verser leur rémunération directement aux salariés, en les incitant à placer ces sommes sur un CET, géré par un organisme extérieur.
Faut-il rappeler, une nouvelle fois, que les heures supplémentaires, y compris les heures choisies hors quota inventées par M. Fillon, ne sont en réalité jamais décidées par le salarié, mais sont toujours ordonnées par l'employeur ?
La mécanique de l'intéressement est devenue la même et, aujourd'hui, avec ce texte, la boucle se ferme. D'ailleurs, pour s'assurer que le système fonctionne, le Gouvernement impose aux entreprises qui ont mis en place un PEE de négocier en vue de créer un PERCO.
Les sommes inscrites au compte épargne-temps pourront être versées sans limite sur un PERCO, c'est-à-dire se voir intégralement transformées en épargne retraite à risque.
Non seulement le temps que le salarié aura été contraint de placer sur le CET, mais aussi les augmentations de salaire, l'intéressement et la participation iront sur le PERCO !
Il existe donc une substitution directe entre, d'une part, les augmentations de salaire, les heures supplémentaires dont la rémunération n'aura pas été perçue et l'intéressement, d'autre part, l'épargne retraite.
L'employeur bénéficie d'exonérations sociales, non seulement sur les salaires inférieurs à 1, 6 SMIC, mais sur l'intéressement et la participation. Dans le même temps, le salarié ne perçoit pas les sommes qui lui sont dues et qu'il est fermement invité à placer, sans être aucunement assuré de pouvoir en disposer quelques décennies plus tard, quand il partira à la retraite.
Il s'agit d'une mutation majeure du financement de la protection sociale en matière de retraite !
Le système par répartition se trouve privé d'une partie de ses financements et les salariés sont aimablement contraints de verser une partie de leur rémunération sur un placement à risque.
Mes chers collègues, peut-on encore parler de sécurité sociale, telle que nous la connaissons aujourd'hui ?