Intervention de Alain Milon

Réunion du 13 novembre 2023 à 16h00
Financement de la sécurité sociale pour 2024 — Discussion générale

Photo de Alain MilonAlain Milon :

Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, le PLFSS 20204 est, hélas ! dans la triste continuité de ses prédécesseurs.

Il ne contient aucune réforme majeure et continue de mélanger les genres, entre loi de financement et loi d’organisation de la santé. C’est évidemment la meilleure façon d’entretenir la confusion.

Or nous sommes parvenus à la croisée des chemins, ce moment précis où, en fonction des décisions prises, nous refonderons notre modèle, en l’adaptant, le modernisant, ou, au contraire, nous continuerons à le condamner et à le transformer en un système américanisé, via les assureurs privés, la financiarisation de certains secteurs et l’ubérisation de la santé.

Aujourd’hui, déjà, des sociétés étrangères achètent des cliniques, des centres de santé et se financent, ainsi, avec l’argent de l’assurance maladie. Quelles réponses apportons-nous ?

Depuis des années, nous dénonçons le manque d’ambition, de vision prospective et réformatrice des différents gouvernements, leur approche comptable, leur recours à tout un arsenal de stratagèmes qui relèvent davantage de la fuite en avant que de la prise en considération des enjeux des professionnels, des patients et de l’organisation du système de protection sociale, au travers notamment de son financement.

Je pourrais aujourd’hui, au mot près, à la virgule près, tenir les mêmes propos que l’an passé. Pourquoi ne pas avoir eu la volonté, dès ce PLFSS, de refonder la gouvernance de la santé, en proposant par exemple une loi de programmation sanitaire pour la durée du mandat présidentiel ?

Madame la ministre, messieurs les ministres, pourquoi ne pas donner ne serait-ce qu’un signe de votre volonté d’avoir une stratégie de santé fondée sur l’évaluation territoriale des besoins de santé et sur des objectifs territoriaux de santé ?

Pourquoi ne pas marquer votre volonté de mettre en place une vraie démocratie locale et sanitaire au centre du fonctionnement de l’hôpital, rééquilibrer le management entre la médecine et l’administration et développer une gouvernance autonome ?

Pourquoi ne pas permettre la mise en place des patients experts ?

Pourquoi ne pas assurer aux professionnels libéraux qu’ils soient garants des missions territoriales de santé ?

Pourquoi ne pas proposer une restructuration de la permanence des soins ambulatoires, afin de garantir la pertinence des urgences hospitalières ?

Pourquoi ne pas réviser les ordonnances Debré pour permettre un meilleur ancrage territorial des hôpitaux ?

Le fait de soulever les mêmes interrogations et de n’avoir pas davantage de réponses n’est pas de bon augure. Le temps nous est compté. Il y a urgence.

Vous me permettrez d’insister particulièrement sur le financement, qui est l’objet de ce texte. Sa réforme est la condition sine qua non pour dégager de réelles marges de manœuvre financières, tout en améliorant notablement la performance de notre système de santé.

Aujourd’hui, la multiplicité des intervenants entraîne une hausse des frais de gestion exponentielle, et cette évolution démontre l’ampleur des économies réalisables grâce à une réforme du financement.

Nous devons non seulement réfléchir sérieusement, mais aussi mettre en œuvre le plus rapidement possible un mode de financement par un assureur unique par prestation de santé.

Des économies substantielles seraient ainsi réalisées, qui pourraient être réinjectées au profit d’une optimisation de l’ensemble de notre système de santé, de ses bénéficiaires, de ses acteurs, de ses financeurs.

Cela permettrait de développer une vraie politique de prévention, tout en garantissant la pérennité de notre système, fondé sur la solidarité.

Vous conviendrez avec moi que ce principe est aujourd’hui battu en brèche. Les inégalités sont plus nombreuses et plus flagrantes.

La privatisation accrue de notre système et le développement des réseaux participent à une transformation insidieuse, voire pernicieuse, de l’accès aux soins. Un système à deux vitesses n’est plus un spectre. C’est une réalité, chaque jour plus marquée.

Enfin, comment ne pas évoquer la situation des hôpitaux ? Je veux aborder ici la question du financement, dont le volet lié à la tarification à l’activité – la fameuse T2A – est souvent stigmatisé.

Dans un récent rapport, la Cour des comptes a rappelé la volonté du Président de la République, puis du ministre chargé de la santé, en janvier 2023, de réformer le financement des établissements de santé. La tarification à l’activité a été présentée comme « condamnée », même s’il est envisagé d’en conserver une part.

Une fois ce rappel fait, la Cour analyse le rôle joué par la T2A dans la maîtrise des coûts, d’une part, et dans l’amélioration de l’organisation des soins et le pilotage des établissements de santé, d’autre part.

Force est de constater que les objectifs qui lui étaient assignés en termes d’équité et de transparence des financements ont été atteints et demeurent indispensables.

Bien sûr, le système est perfectible et doit être amélioré, notamment pour les soins non programmables et pour les soins critiques, mais gardons-nous de retomber dans les travers que provoque un système axé essentiellement sur des dotations.

Ce PLFSS, monsieur le ministre, propose peu de mesures de rénovation. Les déficits se creusent. Combien de temps encore allons-nous tout mettre en œuvre pour conduire notre système de santé dans le mur ?

Mes chers collègues, nous ne pouvons pas accepter plus longtemps d’être les fossoyeurs de notre pacte social.

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