Nous n’avons pas, pour notre part, le sentiment du travail bien fait en l’espèce, loin s’en faut.
Si, habituellement, en matière d’immigration, notre assemblée joue un tant soit peu le rôle de « modérateur » face aux excès des députés UMP, tel n’a pas été le cas en l’occurrence.
J’en veux pour preuve – pour ne citer que lui, mais il est assez emblématique – l’article 17 ter sur le droit au séjour des étrangers malades, tel que rétabli sur l’initiative de notre rapporteur en deuxième lecture.
Le contenu de cet article comme la méthode employée pour l’intégrer au texte sont inacceptables. Ajoutée par l’Assemblée nationale en première et deuxième lectures, la disposition concernée avait pourtant été supprimée par deux fois, ici, en commission, avant d’être réintroduite par le rapporteur en personne.
On est en droit de se poser la question : d’où vient cette commande ? Loin de constituer une sorte de compromis entre les deux chambres, comme j’avais eu la naïveté de le dire, elle est en vérité la pire version qu’on pouvait craindre en la matière.
Sur le reste du texte, la majorité sénatoriale a été très timorée quant aux modifications apportées. Au lieu de supprimer les reculs les plus manifestes du projet de loi, elle s’est contentée de petits aménagements : entre autres choses, elle a prévu l’intervention du juge des libertés et de la détention au bout de quatre jours quand l’Assemblée nationale proposait cinq jours au lieu des quarante-huit heures fixées dans le droit en vigueur ; ou encore a-t-elle aménagé le dispositif des zones d’attente « sac à dos » alors qu’elles remettent en cause les droits des réfugiés.
Nous craignons que le pire n’arrive en commission mixte paritaire et que, in fine, ne soit retenue que la version de l’Assemblée nationale. D’autant que le Gouvernement est sur la même longueur d’onde que les députés UMP, comme il nous l’a montré avec ses différents amendements ; je pense notamment à celui qui visait à la remise en cause du droit du sol pour les jeunes majeurs.
Il est pourtant urgent et indispensable de cesser de mettre de l’huile sur le feu, d’attiser les haines, de dresser les hommes et les femmes les uns contre les autres.
Il faut cesser cette course folle dans laquelle s’est engagé le Gouvernement pour des raisons, je l’ai rappelé, électoralistes, et qui aboutit à la distillation dans notre société de la haine, du rejet de l’autre et du racisme.
Comment peut-on vivre ensemble avec des lois, des débats, des déclarations aussi stigmatisants ?
Il faut cesser de faire croire que la France est « trop » généreuse, que les immigrés lui coûtent très cher.
Nous l’avons dit et le répétons : non, la France n’est pas trop généreuse ; pour s’en convaincre, il n’y a qu’à regarder les statistiques et autres rapports, notamment en matière d’asile et de regroupement familial.
Non, la France – comme l’Europe, d’ailleurs – n’est pas si accueillante que cela ! Vous le savez pertinemment : il y a davantage de migrations Sud-Sud que Sud-Nord.
Non, les immigrés ne coûtent pas d’argent à la France. Le solde de l’immigration est même excédentaire de 12 milliards d’euros. Et il ne faut pas oublier ce que l’immigration rapporte à la France, même si, en l’occurrence, on ne dispose pas de chiffrage en euros.
Ce qui coûte cher à la France, ce sont vos politiques libérales, la révision générale des politiques publiques, ou RGPP, les cadeaux fiscaux faits aux nantis, etc.
Oui, demain, les pays de l’Union européenne seront confrontés à une baisse importante de leur démographie qui, conjuguée à l’allongement de la durée de la vie, va bouleverser le rapport entre actifs et inactifs.
Vous le savez, la solution envisagée pour maintenir les grands équilibres socio-économiques consiste en l’apport d’une main-d’œuvre immigrée. Ce qu’il faut, c’est éviter de reproduire, comme dans les années soixante, les mécanismes de la domination, de l’exploitation et de la mise en concurrence des travailleurs nationaux et immigrés, au profit exclusif du capitalisme.
Préparons dès maintenant notre avenir commun ! Le monde change, s’ouvre, mais pas seulement pour les marchandises et les capitaux. Les hommes et les femmes, eux aussi, se déplacent !
Nous ne pouvons pas rester enfermés dans notre « citadelle européenne ». Oui, la France est un pays ouvert sur le monde. Oui, la France est un pays d’accueil, et doit le rester. Oui, la France est métissée !
Dans ces conditions, nous rejetons avec force votre texte, qui n’honore ni notre pays ni les hommes et les femmes que nous sommes.