Intervention de Philippe Douste-Blazy

Réunion du 14 décembre 2005 à 15h00
Préalable au conseil européen des 15 et 16 décembre 2005 — Débat sur une déclaration du gouvernement

Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, monsieur le président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, mesdames, messieurs les sénateurs, le Premier ministre m'a demandé d'ouvrir ce débat aujourd'hui, à la veille du Conseil européen qui marquera la fin de la présidence britannique et qui constitue, vous le savez, un rendez-vous décisif pour l'avenir immédiat de l'Union européenne.

Dès le lendemain du vote du 29 mai dernier, le Premier ministre avait tenu à ce qu'un débat soit organisé avant chaque Conseil européen. Ce rendez-vous est devenu l'un des moments forts des relations entre le Gouvernement et le Parlement, ce dont je me réjouis. En effet, la représentation nationale - j'en ai la conviction profonde - doit être mieux associée au processus de décision européen.

Le Premier ministre a pris un certain nombre de décisions qui vont dans ce sens. Il a demandé aux ministres de rendre compte, devant les commissions parlementaires compétentes, des enjeux et des résultats des conseils des ministres de l'Union européenne. Catherine Colonna et moi-même veillons à nous exprimer aussi régulièrement que possible devant les commissions parlementaires et à y préciser le contenu des négociations communautaires qui ont lieu à Bruxelles.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, il y a à peine six mois, une majorité de Français a rejeté le projet de Constitution. Ma conviction est qu'ils n'ont pas dit non à l'idée européenne, mais qu'ils ont refusé l'absence de visibilité sur l'évolution du projet européen. Les Français veulent savoir où va l'Europe, et ce que nous voulons pour elle.

Certes, l'Europe continue à fonctionner, mais nos concitoyens ne voient souvent plus quel est notre horizon collectif. Malgré des réussites indéniables, telles Galileo, les Européens, les jeunes notamment, ne se reconnaissent pas dans une ambition commune pour l'Europe.

Il faut donc redoubler d'efforts et travailler avec nos partenaires, d'abord pour une Europe dynamique qui renoue avec la croissance et l'emploi, ensuite pour une Europe capable de défendre son modèle social fondé sur la solidarité - c'est l'esprit même du projet européen -, enfin pour une Europe à la pointe de l'innovation, de la recherche et des nouvelles technologies.

Nous relèverons tous ces défis tout en défendant une Europe des projets, qui avance sur la base de décisions et de résultats réalistes et concrets. C'est un impératif si nous voulons montrer aux Français que l'Europe les protège et qu'elle garantit leur avenir.

Rien de tout cela ne sera possible si nous ne parvenons pas, dans l'immédiat, à régler la question du financement de l'Union après 2006. C'est l'enjeu central du Conseil européen qui s'ouvre demain à Bruxelles.

Autant le dire, la négociation sera difficile. Nous avons pris connaissance voilà une heure des dernières propositions britanniques et, malheureusement, elles ne fournissent pas une base pour un accord acceptable par tous.

Nous sommes déterminés à parvenir vendredi soir à un accord entre les vingt-cinq États membres sur ce qui constitue le premier budget pluriannuel de l'Union depuis le dernier élargissement. Un accord est, en effet, indispensable pour permettre la mise en oeuvre des politiques communes pour la période 2007-2013.

C'est important pour la France, pour nos régions, pour nos centres de recherche, pour nos agriculteurs, pour toutes celles et tous ceux qui bénéficient d'un appui financier de l'Union.

C'est important pour les nouveaux États membres de l'Union, dont la priorité est le rattrapage économique et social grâce au soutien de la politique régionale. Ce rattrapage, je le rappelle, aura de nombreux effets positifs sur l'économie française : il réduira notamment au sein de l'Union les possibilités de dumping social, qui inquiètent nos concitoyens.

Les pays de l'Union, en particulier les nouveaux États membres, ont besoin de connaître au plus vite le montant des fonds structurels qui leur seront alloués, afin de programmer les projets qui devront être mis en oeuvre dès 2007.

C'est donc dans un esprit de responsabilité que la France abordera demain le Conseil européen.

Après l'échec du Conseil européen du mois de juin dernier, il est d'autant plus important que nous trouvions un accord dès cette semaine. La France est prête, naturellement, à négocier, comme elle l'avait fait lors du dernier Conseil européen. Pour autant, elle n'acceptera pas un accord à n'importe quel prix.

Chaque pays doit faire face à ses responsabilités pour parvenir à un partage à la fois juste et équitable du financement de l'élargissement. La présidence britannique a, cela va sans dire, une responsabilité toute particulière. Nous attendons donc du Royaume-Uni qu'il accomplisse sa part du chemin, ce qu'il refuse toujours de faire.

Comme Catherine Colonna et moi-même l'avons rappelé à chaque Conseil Affaires Générales et comme le Président de la République le redira avec force cette semaine à Bruxelles, le budget de l'Union doit impérativement respecter trois principes : solidarité, équité, fidélité à la parole donnée.

Le principe de solidarité est au coeur de l'idée européenne et, plus que jamais, au coeur du budget, puisque c'est l'intégration économique et sociale des nouveaux États membres qui est en jeu.

La présidence britannique a proposé la semaine dernière une réduction de 8 % des fonds structurels à destination de ces pays : nous ne l'avons pas accepté. Elle suggère aujourd'hui une augmentation légère de ces crédits : ceux-ci ne sont toujours pas à la hauteur de l'enjeu.

S'agissant du principe d'équité, vous savez que la France a accepté, au mois de juin dernier, d'augmenter de 11 milliards d'euros sa contribution au budget européen pour la période 2007-2013. Elle a également accepté une réduction substantielle de ses retours sur les fonds européens.

Il s'agit d'un effort important, c'est un geste fort, mais l'effort doit être partagé par l'ensemble des pays riches de l'Union. Chacun doit prendre sa part du fardeau.

Or, jusqu'à présent, qu'a proposé la présidence britannique ?

Le Royaume-Uni a refusé obstinément de réviser le montant et le système du chèque britannique, alors même qu'il n'est plus dans la situation économique et sociale d'il y a vingt ans et que son chèque est devenu, de fait, une anomalie historique.

La question du rabais britannique est bien au coeur de la discussion. Elle l'est pour tous les États membres, pas seulement pour la France, même si notre pays, ne l'oublions pas, paie près de 30 % de ce rabais. Le maintien en l'état du rabais britannique signifierait, ni plus ni moins, une exemption du Royaume-Uni de sa contribution financière à l'élargissement, avec un transfert de charges principalement vers trois pays : la France, l'Italie et l'Espagne. C'est évidemment inacceptable, et la France ne l'acceptera pas.

Ce message, nous l'avons fait passer clairement aux autorités britanniques en espérant qu'elles en tiendraient compte. Or nous venons de prendre connaissance de la nouvelle proposition de la présidence britannique : cette nouvelle boîte de négociation démontre malheureusement que le Royaume-Uni n'est toujours pas prêt à assumer sa juste part du fardeau financier. Les nouvelles propositions sur le rabais britannique sont en effet identiques aux propositions précédentes, alors même que nous avions souligné que celles-ci ne pouvaient constituer une base de négociation.

La nouvelle boîte de négociation est donc inacceptable pour la France dès lors qu'elle refuse de réviser de manière durable et pérenne le mode de calcul du rabais britannique.

Nous voulons espérer que les autorités britanniques n'ont pas dit leur dernier mot à ce sujet et qu'elles comprendront la nécessité de s'engager enfin dans la voie d'un réexamen en profondeur du mécanisme du chèque britannique. En l'absence d'un tel changement de la part de Londres, il ne faut pas attendre de la France qu'elle adopte une autre position.

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