Intervention de Philippe Douste-Blazy

Réunion du 14 décembre 2005 à 15h00
Préalable au conseil européen des 15 et 16 décembre 2005 — Débat sur une déclaration du gouvernement

Philippe Douste-Blazy, ministre :

Sur ce sujet, le Gouvernement compte donc sur le soutien du Parlement.

Vous êtes appelés, mesdames, messieurs les sénateurs, à voter chaque année, dans le cadre du projet de loi de finances, le montant de notre contribution au budget de l'Union européenne. Toute modification des modalités de financement de l'Union européenne nécessitera votre accord. Plus nous serons unis pour défendre nos positions, mieux nous pourrons convaincre nos partenaires.

Le principe de fidélité à la parole donnée concerne plus particulièrement la politique agricole commune, la PAC, à laquelle nous sommes tous attachés.

Aujourd'hui, nos partenaires britanniques mettent en question l'avenir de la PAC, alors que son financement a fait l'objet d'un accord qui vaut jusqu'en 2013.

L'accord conclu - à l'unanimité, je le rappelle - en 2002 est donc doublement menacé.

D'une part, cet accord est menacé par les propositions britanniques, qui prévoient une nouvelle baisse pour les dépenses de marché de la PAC - de l'ordre de 2 milliards d'euros dans les propositions datant de la semaine dernière - par rapport à la proposition luxembourgeois du mois de juin dernier. Cette baisse est maintenue dans les dernières propositions dont nous avons eu connaissance voilà une heure.

D'autre part, cet accord est menacé parce que certains, nous le voyons bien, sont tentés de faire de l'agriculture la variable d'ajustement des négociations à l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC.

La France a clairement dit au commissaire au commerce extérieur, M. Peter Mandelson, et au président de la Commission, M. José Manuel Barroso, qu'elle s'opposerait à tout accord partiel sur l'agriculture. Nous voulons un accord global et équilibré, qui prenne en compte les intérêts de l'Europe dans l'industrie et les services et qui soit également bénéfique aux pays en voie de développement, notamment aux plus pauvres. N'oublions que le cycle de Doha est avant tout le cycle du développement !

S'agissant du budget européen, le Gouvernement est disposé à discuter dès avant 2013 d'une large réforme du budget, qui devra porter sur toutes les dépenses et sur toutes les ressources. Il s'agit d'amplifier, pour l'après-2013, la modernisation du budget de l'Union, notamment pour les politiques de recherche, qui, je le rappelle, augmenteront de près de 30 % dès 2007 si l'on s'en tient aux propositions luxembourgeoises du mois de juin dernier.

La réforme du budget de 2014 devra être préparée avec minutie. Elle ne saurait remettre en cause la stabilité dont ont besoin les régions, les ménages, les entreprises, les chercheurs, les agriculteurs européens. Elle ne devra donc produire ses effets qu'après 2013.

Le Gouvernement n'acceptera aucune remise en cause de la PAC avant cette échéance. La PAC connaît d'ores et déjà une profonde réforme, dont la dernière en date, celle de 2003, ne produira totalement ses effets qu'en 2008.

Par conséquent, mesdames, messieurs les sénateurs, le budget de l'Union pour la période 2007-2013 devra préserver la PAC en garantissant le maintien du montant des aides directes versées à nos agriculteurs jusqu'en 2013.

Même si la question du budget doit occuper l'essentiel du Conseil européen, les chefs d'État et de gouvernement doivent aussi prendre des décisions sur trois autres sujets importants.

D'abord, le statut de l'ancienne République yougoslave de Macédoine : la Commission européenne a recommandé le 9 novembre dernier que ce pays reçoive le statut de candidat à l'Union.

La France abordera cette question avec une double exigence.

La première, c'est la stabilité des Balkans, qui repose aujourd'hui en grande partie sur la perspective européenne, avec trois étapes distinctes : d'abord, la signature d'accords de stabilisation et d'association - tous les pays de la région en ont signé ou ont entamé les négociations pour y parvenir - ; ensuite, l'octroi du statut de candidat que demande aujourd'hui l'ancienne République yougoslave de Macédoine ; enfin, l'ouverture de négociations d'adhésion, comme cela a été décidé le 3 octobre dernier pour la Croatie.

Tout cela devrait nous permettre d'ancrer la paix dans cette région de l'Europe trop souvent instable et d'y garantir, dans le même temps, le respect des droits de l'homme et des minorités.

La seconde exigence, c'est de préserver l'adhésion des citoyens européens à l'Union. Or, nous le savons, les derniers élargissements n'ont pas toujours été compris : les Français ont le sentiment d'être entraînés dans une fuite en avant, un processus irréversible où l'élargissement n'aurait pas de fin, et ce alors même que l'approfondissement politique de l'Europe marque le pas.

Pour la Macédoine, comme pour l'ensemble des pays candidats à l'entrée dans l'Union, nous disposons d'un certain nombre de garanties.

La Commission l'a rappelé : l'octroi du statut de candidat à la Macédoine ne signifie en aucune manière l'ouverture des négociations.

Par ailleurs, les critères d'adhésion ont été complétés : la capacité d'absorption par l'Union sera désormais un critère essentiel pour l'ouverture et la conduite des négociations d'adhésion.

Enfin, en tout état de cause, vous le savez, nos concitoyens auront le dernier mot : cette exigence est désormais inscrite dans la Constitution.

Le Conseil européen devra aussi se prononcer sur la question de la TVA à taux réduit. La France est déterminée à obtenir, dans ce domaine, un résultat concret.

Nous voulons pérenniser la TVA à taux réduit qui s'applique aujourd'hui aux services d'aide à la personne et aux travaux à domicile dans le secteur du bâtiment. Dans ces secteurs, la TVA à 5, 5 % a créé plus de 40 000 emplois et a fait reculer le travail illégal. Il est important d'assurer aux professionnels de ces secteurs la visibilité dont ils auront besoin au-delà du 1er janvier 2006, pour établir leurs devis et assurer leurs commandes.

Par ailleurs, nous allons tout faire pour étendre la TVA à taux réduit à la restauration, le Premier ministre l'a redit hier : c'est une mesure nécessaire si nous voulons créer des emplois dans ce secteur important pour notre économie.

Enfin, le Conseil européen devrait évoquer également - c'est le dernier sujet important - la révision de la directive « Temps de travail ».

Le Conseil des ministres de l'Union européenne en charge de l'emploi du 8 décembre dernier n'est pas parvenu à trouver un accord sur la révision de cette directive de 1993.

La France souhaite la disparition progressive de la clause d'exemption de cette directive, parce qu'elle permet trop souvent aux États membres de s'exonérer de la durée du travail hebdomadaire maximale autorisée dans l'Union.

Bien entendu, cette norme européenne ne pourra pas être appliquée uniformément dans tous les secteurs ou dans tous les États : nous avons besoin, avant tout, d'une approche flexible et progressive.

Je rappelle que la directive n'empêche pas, bien sûr, les États qui le souhaitent d'appliquer une législation plus protectrice pour les salariés : la législation française n'est donc ni menacée ni modifiée par le contenu de la directive.

Enfin, nous souhaitons sécuriser notre système de décompte forfaitaire du temps de garde, notamment dans les hôpitaux et le secteur médico-social. Sur une question qui préoccupe tant nos compatriotes, il est essentiel que nous puissions parvenir à un accord.

Pour terminer, je veux évoquer plus brièvement deux autres sujets inscrits à l'ordre du jour de ce Conseil européen.

Il s'agit en premier lieu de la lutte contre l'immigration clandestine, qui concerne l'ensemble des pays membres de l'Union. Chacun a en mémoire les événements dramatiques survenus à Ceuta, il y a quelques mois.

Sur l'initiative de la France et de l'Espagne, l'Union européenne se mobilise, et la Commission proposera bientôt les premières lignes d'un partenariat européen en trois volets.

Premier volet, un meilleur contrôle des frontières de l'Europe : c'est la vocation de l'Agence européenne qui se met en place à Varsovie, avec pour objectif de parvenir à une police européenne des frontières.

Deuxième volet, l'amélioration de la mise en oeuvre des accords de réadmission avec les pays tiers.

Troisième volet, la mise en oeuvre d'une politique de co-développement plus ambitieuse, indispensable si nous voulons répondre aux raisons de fond qui sont à l'origine de l'immigration. On ne traitera pas le problème de l'immigration clandestine uniquement en plaçant des policiers aux frontières, on le règlera par le développement et le co-développement, d'où l'idée d'un outil financier bancaire euro-méditerranéen.

La France rappellera demain l'importance d'une relance du processus euro-méditerranéen pour répondre notamment à ces défis.

Enfin, le Conseil européen doit adopter une « Stratégie de l'Union européenne à l'égard de l'Afrique ».

Cette stratégie préfigure le sommet Europe-Afrique qui devrait avoir lieu en 2006. C'est une nouvelle étape dans les relations avec l'Afrique, après les engagements pris par le Conseil européen de juin dernier.

L'aide publique au développement devrait être augmentée collectivement à hauteur de 0, 7 % du revenu national brut d'ici à 2015. La moitié de cette augmentation sera réservée à l'Afrique, soit l'équivalent de 23 milliards d'euros supplémentaires par an d'ici à 2015.

Mesdames, messieurs les sénateurs, tous les enjeux que je viens de rappeler exigent une Europe forte, ambitieuse et solidaire.

Avec le Premier ministre, je formule le voeu que le Conseil européen des 15 et 16 décembre nous donne les moyens de cette ambition.

Les négociations risquent d'être extraordinairement difficiles au regard des dernières propositions britanniques et du refus persistant de Londres d'accepter de payer sa simple part du financement de l'élargissement.

Le Président de la République, qui conduira les négociations pour la France, est néanmoins déterminé à tout faire pour que ce Conseil européen soit un succès.

Au-delà du Conseil européen de demain, un travail de longue haleine sera indispensable pour restaurer la confiance. La France prendra toute sa part dans cet effort. Nous le ferons, Catherine Colonna et moi-même, en proposant des avancées concrètes, des projets pragmatiques et réalistes, qui répondent aux aspirations des citoyens de l'Union.

C'est indispensable : l'Europe doit à nouveau démontrer aujourd'hui qu'elle est efficace, qu'elle agit au quotidien et que le projet européen est plus que jamais une grande ambition pour le XXIe siècle.

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