Intervention de Jean François-Poncet

Réunion du 14 décembre 2005 à 15h00
Préalable au conseil européen des 15 et 16 décembre 2005 — Débat sur une déclaration du gouvernement

Photo de Jean François-PoncetJean François-Poncet :

La majorité des Européens souhaitent, désormais, que l'Union soit bordée de frontières clairement établies, n'incluant que des pays unis par la géographie, l'histoire et la culture. Il est possible que cette aspiration contredise les intérêts stratégiques de l'Europe dans le Caucase et au Moyen-Orient. Mais le plus convaincant des plaidoyers géopolitiques n'y changera rien, tant cette aspiration à l'identité est profondément ancrée.

En l'ignorant, nous mettrions en danger non seulement l'adhésion de la Turquie - que, personnellement, je ne souhaite pas -, mais aussi les candidatures à l'entrée dans l'Union des pays héritiers de l'ex-Yougoslavie : la Croatie, la Macédoine et, plus tard, la Bosnie, le Kosovo, l'Albanie et la Serbie. Vous venez de souligner, et d'autres après vous, à quel point ces candidatures étaient essentielles à la stabilisation et à la démocratisation des Balkans.

Or chacune de ces éventuelles adhésions devra, après celles de la Roumanie et de la Bulgarie, et du fait de la réforme constitutionnelle du 28 février 2005, faire l'objet d'un référendum.

Voici ce que je redoute. Si les frontières de l'Union ne sont pas clairement fixées avant tout nouveau référendum, l'opinion, en France, aura le sentiment que la fuite en avant vers toujours plus d'élargissements a repris. Les adversaires auront beau jeu de dénoncer toute nouvelle adhésion comme étant un précédent à l'adhésion de la Turquie. Nous aurons beau, mes chers collègues, clamer le contraire, nous ne serons pas mieux entendus que nous ne l'avons été pendant la campagne référendaire.

Le fait est que l'élargissement de l'Union, après les adhésions de la Roumanie et la Bulgarie, ne dépendra plus, désormais, ni du Président de la République, ni du Gouvernement, ni du Parlement ; il relèvera du suffrage universel. Il est temps d'en mesurer les conséquences.

Sur ces trois points, institutions, mondialisation, frontières, les positions de la France et du nouveau gouvernement allemand sont heureusement très proches. La fracture que l'on pouvait redouter, au lendemain du référendum, ne s'est pas produite.

Quant au Royaume-Uni, il n'a pas saisi l'occasion unique que lui offrait le non de la France. Il a, me semble-t-il, laissé passer sa chance. J'ajoute que son attitude dans le débat budgétaire a pris à contre-pied ses meilleurs alliés d'Europe centrale et orientale. C'est donc à la France et à l'Allemagne qu'il appartiendra, une nouvelle fois, quand le moment sera venu, de reprendre le flambeau et de montrer à l'Europe le chemin à suivre, avec toute la modestie désormais requise.

La seule chose que ni l'Europe ni la France ne peuvent se permettre, c'est un nouveau référendum raté.

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