Intervention de Bruno Retailleau

Réunion du 14 décembre 2005 à 15h00
Préalable au conseil européen des 15 et 16 décembre 2005 — Débat sur une déclaration du gouvernement

Photo de Bruno RetailleauBruno Retailleau :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, qu'est-ce qui a changé depuis le non au référendum du 29 mai dernier ? À vrai dire, peu de choses ! La France n'a pas retiré sa signature du projet du traité. Elle aurait pu, mais elle ne l'a pas fait. Elle n'a pas non plus proposé de grands projets alternatifs. Tout juste a-t-on entendu parler d'« Europe de projets », d'« Europe avec préférence européenne », mais ces termes, qui sont restés extrêmement vagues, reflètent plus une habileté sémantique qu'un contenu véritable, c'est-à-dire des mesures précises. On a vraiment le sentiment, aujourd'hui, que la machine continue à fonctionner sur sa lancée, par sa propre inertie.

Je citerai trois exemples.

Le premier est l'ouverture de la négociation avec la Turquie, qui refuse toujours obstinément de reconnaître l'un des États membres. On poursuit avec la Macédoine.

Le deuxième exemple est le service diplomatique européen que l'on est en train de créer, qui sera composé, à terme, de plusieurs milliers de fonctionnaires et qui était visé dans la troisième partie du Traité établissant une Constitution pour l'Europe, exactement à l'article III-296, alinéa 3.

Enfin, le troisième exemple porte sur la Banque centrale européenne : tout le monde s'accorde à déplorer son attitude compte tenu de son obsession monomaniaque à lutter contre une inflation virtuelle, de sa conception purement monétariste de la réalité économique, mais aucun gouvernement n'est porteur d'un véritable projet de réforme de ses statuts !

Pourtant, une chose a changé : les Français considèrent désormais que l'échelon européen ne va pas de soi, qu'il ne s'agit pas d'une vérité d'évidence et que son utilité devra être prouvée tant pour le présent que pour l'avenir. Pour ce faire, deux occasions vont se présenter.

En effet, lors du prochain sommet, deux questions importantes, emblématiques, vont être étudiées. La première touche à l'emploi, avec la TVA ; la seconde concerne la mondialisation, avec la PAC.

S'agissant de l'emploi, tout d'abord, je suis parfaitement d'accord avec Hubert Haenel : le taux réduit de TVA est une question subsidiaire. La réduction de ce taux est une mesure positive qui a créé des milliers d'emplois, pratiquement 50 000, et apporté des recettes fiscales supplémentaires. On pourrait encore gagner des emplois non seulement dans le bâtiment, mais aussi dans la restauration, secteurs qui sont tous deux protégés de la concurrence internationale et donc de la mondialisation. L'enjeu économique est donc important.

Alors que cette mesure a été proposée comme un engagement pris par le Président de la République, la France en est réduite à quémander la permission d'abaisser le taux réduit de TVA ! C'est d'autant plus incompréhensible que certains partenaires européens font du dumpingfiscal. Mais, nous, nous n'aurions pas le droit de maintenir une taxe à taux réduit. Il s'agit pourtant d'un impôt à la consommation. Jean Arthuis le disait ici même, samedi dernier : il n'y a plus de différence entre les impôts sur la production et les impôts sur la consommation. Je ne connais pas une charge, un impôt sur la production, qui ne soit pas payé au final par le consommateur !

La seconde question, relative à la mondialisation, est importante. Quel rôle pour l'Europe face à la mondialisation ? Va-t-on laisser M. Mendelson, qui a une conception toute personnelle du périmètre de son mandat, démembrer, dépecer, pièce après pièce, la préférence européenne ? Aujourd'hui, avant de parler de préférence européenne, protégeons la véritable préférence européenne, celle qui existe et qui est dans la PAC. Sommes-nous capables de faire prévaloir ce que j'appellerai une exception « agriculturelle » ? Sommes-nous capables de le faire au nom, non pas d'un principe capricieux, mais de la sécurité alimentaire, quantitative, qualitative, au nom des pays les plus pauvres aussi, car les pays qui nous disent que nous nous protégeons trop sont les grands pays agro-exportateurs et non les pays les plus démunis !

J'ai le sentiment, à entendre Philippe Douste-Blazy, que nous avons finalement de la chance d'avoir les Britanniques. Ils ont bon dos ! La perfide Albionest un prétexte pour ne pas définir notre propre projet européen. Madame la ministre, il reste à la France à dire à ses partenaires quelle Europe elle souhaite. Les Français veulent désormais, effectivement, du concret et des résultats. Ils ne veulent plus qu'on leur impose des décisions qui ne seraient pas les leurs et qui ne seraient pas conformes à l'intérêt national.

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