Ce projet de loi, comme j’ai eu l’occasion de la dire, a déjà effectué un long parcours. Il a été soutenu, en effet, par trois ministres : M. Besson, l’ancien ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale, M. Hortefeux et, désormais, M. Guéant.
On ne répétera jamais assez que ce texte, au-delà de la nécessaire transposition dans notre droit d’une directive européenne, est motivé par une volonté d’affichage. Les débats relatifs à ce type de lois donnent l’occasion aux représentants du Gouvernement et de la majorité de distiller des poisons.
Ainsi, la France serait trop généreuse en matière de droit d’asile ; or cette information mensongère est contredite par les chiffres. Notre pays serait envahi par les étrangers, nous indique-t-on, alors même que le nombre d’étrangers en situation irrégulière est sensiblement le même depuis des années et que la plupart des migrations sont en fait intra-régionales, pour la simple raison qu’il n’est pas aussi facile que vous semblez le croire de franchir les mers et de multiples frontières. Par ailleurs, au regard de l’ensemble des pays européens, on ne peut pas dire que la France, qui avait auparavant la réputation d’offrir asile et travail, réponde encore à cette définition. Aucune de ces informations ne résiste donc à la réalité des chiffres.
Les résultats que vous escomptiez en menant cette politique d’affichage ne semblent pas probants, si l’on croit les derniers résultats électoraux et les opinions exprimées par les Français. À moins que vous ne pratiquiez la politique du pire, ce qui n’est pas impossible… Vous nous permettrez toutefois de vous mettre en garde contre ce choix.
Vous auriez pu abandonner ce texte, compte tenu des réactions qu’il provoque. Non seulement vous ne l’avez pas fait, mais vous persistez. Ce faisant, vous rendez toujours plus difficile la situation des personnes étrangères. En outre, vous introduisez des concepts que nous pensions à jamais proscrits : « bannissement », « Français d’origine étrangère », « mariages gris », etc. De ce point de vue, vous faites œuvre néfaste tout à la fois dans le pays, dans l’opinion, et auprès de l’ensemble des personnes qui résident sur le territoire national.
Toujours plus de suspicions de fraude, de menaces à l’encontre des étrangers, de différenciations, et ce qui en découle, à savoir le racisme, la haine, la peur des autres : ce type de politique ne peut avoir que des effets très négatifs.
Je regrette, à l’instar de mes collègues, que la majorité sénatoriale n’ait pas tenu bon sur ses positions plus mesurées de première lecture et se soit empressée, avant même d’y être contrainte par le fait majoritaire, de baisser les bras devant les gesticulations de l’Assemblée nationale.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce texte.